Conversation avec

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J’étais assis en face d’elle
Elle me semblait plus belle, plus reposée.
Elle me donnait l’impression de jouir d’un repos bien mérité.
J’observais son teint qui me sembla moins opaque.
Une certaine candeur qui se dessinait sur son visage.
Un souffle nouveau, différent.
-Alors, tu vas bien ?
-Oui ! Me répondit-elle dans un souffle, dans une brise de bonheur.
Elle me semblait enfin heureuse.
Je m’en étais douté, depuis…
Depuis cette crise virale qui avait envahi nos vies, nous montrant notre faiblesse,
nos faiblesses d’humains à l’importance égale, mais à la vie inéquitable.
Il y avait plus de bleu en elle.
Plus de brises nouvelles.
Plus de chants d’oiseaux.
Ritournelle, romance de nos âmes.

Cette interrogation je l’avais depuis très longtemps supputée.
Je savais qu’elle était malheureuse.
Que sa vie ne correspondait aucunement à celle qu’elle aurait voulue avoir.

-Et, tu as décidé de te venger ?

Elle hocha positivement de la tête.

-Et nous, et moi, tu y as pensé ?

Un sourire narquois allongea ses lèvres. Son visage devint dur, dur comme de la pierre, comme
un rocher qu’elle voulait qu’en un instant, il nous écrase.
Son haleine se fit chaude, ses entrailles nous maudirent.

Elle hurla !
-Pauvres humains qui m’avez violée depuis plus d’un siècle, croyez-vous que je vais continuer à me laisser faire ! Jamais, jamais, vous entendez ! Comprenez que le temps est venu de votre déchéance, que votre civilisation abjecte de fourmis malodorantes me fatigue, m’exaspère. Je vais brûler vos forêts, assécher vos rivières, vous anéantir !

Son regard était devenu terrible, difficile à soutenir. Alors j’implorai sa pitié :
-S’il te plait calme ton courroux, nous allons faire des progrès, calmer nos ardeurs, comprendre qu’il est temps de ralentir, de ne plus souiller ton air, de jeter nos avions, détruire nos voitures, arrêter de nous reproduire. Vivre dans un monde de calme où l’homme ne se prend plus pour un être issu du divin, unique, absolu, grandiose, mais qu’il est simplement l’élément d’un tout qui se doit d’être humble.
S’il te plait, écoute-moi, nous allons vraiment faire l’effort !

Elle eut un haussement d’épaule :
-Tes affirmations sont ridicules, peu sincères. Tout ce que tu viens de me promettre je t’obligerai à le tenir, car tu n’as plus le choix ! J’ai décidé !

Elle.
La Terre.
Notre Terre se mit à tourner devant moi de plus en plus vite.
Elle éclata de rire, de ce rire de vengeance intransigeante qu’elle se devait d’avoir.

Alors, j’ai fermé les yeux.
Moi, qui jamais, au grand jamais m’étais fourvoyé dans la moindre culpabilité, je venais de comprendre, de ressentir ce mal que j’avais engendré, par ma bêtise, pour ce sens erroné de la direction que j’avais décidé de prendre.
Il ne me restait plus qu’à attendre le cataclysme imminent, attendre le renouveau qui lui succéderait, attendre le mieux.
Pas pour moi, bien entendu, mais pour ma descendance.
Ne vous en faites pas, la Terre guérira très facilement de ses blessures.
Mais l’être humain sera-t-il capable de se souvenir de ses erreurs ?
Perpétuel recommencement.
Je ne le crois pas…



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