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Chroniques du body combat 32

Bahram

Un mardi.
Un soir de pleine lune.
Une magnifique villa en bord de Rhône à la périphérie de Genève.
Dans l’immense esplanade qui entoure la demeure, une multitude de voitures de luxe attendent sagement le départ de leurs propriétaires.
Près de la fontaine où gazouillent cinq filets d’eau fraîche qui sortent de déversoirs finement ciselés, quatre chauffeurs, la casquette rivée sur leurs têtes, discutent à voix basses en tirant par alternance sur un joint à l’odeur âcre.

Glissant d’une des fenêtres légèrement ouverte, on peut entendre un air de musique classique aux sonorités enchanteresses.
Mais à qui est cette magnifique maison ?
Et bien c’est celle de Bahram qui organise chaque année une soirée mondaine très prisée.
Il est là au milieu des convives, tiré à quatre épingles, dans un costume parfaitement taillé et arborant un nœud papillon tourné d’une façon légère et élégante, qui rehausse glorieusement son sourire.
Il est à son aise parmi la haute société de Genève qu’il connait parfaitement bien.
Un mot sympathique à un grand capitaine d’industrie.
Une petite plaisanterie à un ami banquier.
Un baisemain à une comtesse de haut rang.
Une caresse sur la main d’une starlette à la poitrine volumineuse.
Ce qu’il se sent bien avec ce gotha, qui admire son travail d’architecte et qui lui on permit d’amasser une fortune confortable.
Tout devrait être parfait.
Pourtant, une lueur d’anxiété glisse soudain dans la majesté de ses yeux, un malaise, une préoccupation angoissante, un véritable tourment.
Sa magnifique idée va-t-elle fonctionner et lui permettre de continuer une vie agréable et épanouie ?
Enfin, la soirée se termine par les derniers adieux, la dernière automobile qui passe le seuil de son portail

Sans même prendre le temps de se débarrasser de ses atours, il court vers cette petite maisonnette qu’il a fait construire pour ses expériences, et, cette fois ci il ne s’agit pas d’un travail sur une batterie mais de bien autre chose.
Il s’assoit devant un immense écran d’ordinateur, tapote sur quelques touches, enclenche le « replay » et sept écrans vidéos apparaissent dans leurs endroits respectifs, pour enfin lui confirmer la parfaite réussite de son projet.
Il sourit, il jubile et éclate d’un rire retentissant qui résonne joyeusement sur le flot calme du fleuve majestueux.

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Il y a un mois de ça, j’avais par hasard rencontré Bahram dans le jardin Anglais de Genève, non loin du kiosque à musique. J’étais particulièrement heureux de le voir, car sa présence aux cours de body combat, depuis longtemps, faisait défaut.
N’étant pas particulièrement pressés ce jour-là, nous avons pris le temps d’aller nous asseoir à la terrasse d’un café. Après les civilités obligées concernant notre santé, j’engageai rapidement la conversation sur ce point qui me chagrinait particulièrement.
-Bahram, pourquoi ne viens-tu plus au cours de body combat le mardi soir ?
Il resta silencieux, sont regard fuyant dans le vague de ses pensées, son joli sourire se transforma en un léger rictus de peine avec les dents légèrement serrées.
Puis il me dévoila sa sensibilité !
Moi qui croyais que seul Manu pouvait verser des larmes aussi facilement, je fus surpris.
Essuyant son abondance du revers de sa manche, les yeux rougis d’une certaine affliction, la voix tremblotante il m’avisa sur les raisons de son absence :
-Pierre, je dois te le dire, dans ce groupe personne m’aime !
Puis il croisa ses deux bras sur la table et y enfouit sa tête pour m’afficher son dos secoué de soubresauts pleurnichards.
Mon étonnement, à son comble, j’essayai de le consoler :
-Mais je t’aime, moi, Barham !
Il releva la tête et m’octroya un maigre sourire. Puis, il me tendit la main.
Je reculai la mienne immédiatement, ayant eu peur l’espace d’un instant, qu’il y ait eu méprise sur mon affirmation.
Trois jolies filles passèrent près de nous, et son regard concupiscent qui les suivit, me soulagea immédiatement.
Je continuai :
-Mais Bahram ce n’est pas vrai, tu te fais des idées, tu déprimes, tu devrais recharger tes batteries et tout ira mieux.
Le mouvement de sa tête me répondit par la négative.
Puis il m’envoya une phrase étrange, accompagnée d’un sourire mystérieux :
-Ne t’en fais pas, malgré mon absence je serai de toutes façons beaucoup plus près de vous que tu le penses !
La sirène d’un bateau à aubes résonna son départ, nous désengageant soudain de notre conversation.
Il était temps de nous quitter.
-A bientôt !
-t’en fais pas Pierre, je suis là…

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Tout mon petit groupe de sportifs venait de recevoir un petit cadeau dans sa boite aux lettres.
Rien de bien extraordinaire.
Il s’agissait d’un serre tête de couleur bleu foncé, orné à l’avant d’un logo sportif très connu.
Il était accompagné d’une courte missive.
« Mes amis, vous me manquez tous, s’il vous plaît, en souvenir de moi, portez ceci pendant le cours de body combat, toutes mes amitiés. Signé Bahram »

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On était ce mardi soir de félicité, bonheur et d’exultations.
Ce fameux soir du body combat.
Et devinez quoi, nous avions tous placé autour de nos têtes ce fameux bandeau du souvenir.
Dans l’attente de notre cours, chacun y allait d’une petite remarque, triste et interrogative, sur la morose carence de notre ami.
Puis Manu soudain commença à échauffer sa voix, déclarant ainsi que notre entrainement allait bientôt commencer.
Et il fut merveilleux, une véritable communion corporel qui pour nous, ce soir-là, était un peu destiné à notre cher absent…

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Pendant ce temps-là, dans ce petit atelier des bords de Rhône, Bahram jubilait devant son ordinateur.
Les petites caméras qu’il avait placées sous le logo de nos serres têtes fonctionnaient à merveille. Elles diffusaient avec clarté le spectacle qui se trouvait devant chacun d’entre nous.
Chaque petit encart de son écran correspondait à l’une de nos identités et nos personnages étaient vraiment très faciles à déceler.
-Sur celui de Stan c’était son image qu’elle regardait constamment sur l’immense miroir qui se trouvait devant nous.
-Pour Manu, bien entendu, c’était les jambes de Stan qui dansaient sur l’image.
-Mousse s’assurait constamment du volume de ses énormes biceps qu’il s’amusait à gonfler à loisir.
-Anne n’avait de regards que pour son nouveau tatouage  qu’elle avait sur son poignet, un cœur, une flèche et les initiales J.B.
-Meskerem plantait ses crocs dans le gigot qu’elle tenait à la main.
- Ya Ko Line consultait de temps en temps, les préceptes sportifs de son fameux manuel rouge, s’assurant ainsi de la juste mesure de chacun de ses mouvements.
-Mademoiselle Lapinou lorgnait sur les parties intimes de sa prochaine cible, un joli garçon au short trop serré.
-Et pour moi-même, mon bandeau mal ajusté montrait le fond de la salle.
Bahram riait de bon cœur. Se régalant de nos habitudes.
-Quel bonheur mes amis, même physiquement absent, je reste parmi vous !

Il resta ainsi planté sur son fauteuil à observer l’image de nos regards pendant la totalité de notre entrainement.
Heureux de son idée qui effaçait ainsi la tristesse de son absence.
Puis...
Ce coquin…
Prit un malin plaisir à agrandir les images provenant des filles quand le moment du retour au vestiaire arriva !

Vive le body combat.




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