Chronique du Body combat 19
Botanique
Dans tous groupes
d’amis, il y a des soirées de franches rigolades
et, parfois, il a certains moments qui suscitent une intense
émotion.
Ce fut le cas lors de cette fameuse soirée où
deux, presque trois moments d’exaltations
pincèrent notre émoi et envahir nos
âmes…
Ce mardi soir, après
avoir sué notre stress et atteint un véritable
Nirvana sous la guidance bienveillante de notre
Coach et maître Fanny, nous nous sommes réunis
autour d’une table à la Gioconda. On
était peu après Noël et la
gaité se lisait sur nos
visages, tout le monde y allait de son commentaire sur le cours.
Manu nous égayait de certains de ses excellents jeux de mots
que lui seul, appréciait.
Et puis il y eut ces moments magiques qui firent chavirer nos
cœurs.
Le tout premier se déroula lorsque Manu offrit un cadeau
à Barham.
Il est gentil Manu, il a le cœur sur la main et ne peut pas
s’empêcher ses petits présents pour
prouver sa sympathie.
-Tiens, dit-il, Barham, je sais que tu aimes les batteries, alors en
voici une, pour ton téléphone portable !
Barham regarda l’objet avec émoi :
-Merci, c’est super gentil, j’en avais justement
besoin.
Puis, ses yeux se chargèrent
d’émotions. Il sortit de dessous son pullover sa
grosse batterie de vélo électrique, celle
qu’il aimait plus que tout au monde. Celle qu’il
tenait lovée, jours et nuits, contre son poitrail et il la
présenta devant sa petite comparse :
-Regardes, lui dit-il d’une voix bredouillante,
elle est de ta famille, et, tu as vu comme elle est petite, trop
trognon ! Elle restera avec toi blottit sous mon chandail,
j’espère que tu n’es pas jalouse.
Le silence se fit dans notre groupe. Ya Ko Line versa une petite larme
et j’eus quelques sanglots.
Alors je me dis que s’était à mon tour
de prodiguer du bonheur. C’est alors que je sortis de ma
poche une enveloppe que je destinais à Anne. Elle contenait
l’un des plus beaux cadeaux qu’elle
rêvait de recevoir. Six cheveux de Jean-Baptiste, que
j’avais récupéré sur un
peigne qu’il avait oublié dans les vestiaires.
Mais c’est en croisant les yeux de Stan que ce
deuxième instant affectif avorta.
Je me souvins de ce qu’elle m’avait dit une heure
plus tôt :
-Pierre, tu n’as pas de cœur !
J’avais d’abord été surpris
par sa remarque, je m’étais pincé le
coin gauche de mes lèvres, marquant ainsi ma tristesse.
Puis.
J’avais pensé.
« Elle n’a pas vraiment tort. Mon esprit caustique
n’a rien de sympathique et ce présent
que j’allais offrir, n’a qu’un seul but.
Voir Anne éclater en sanglot et bredouiller des mamours
insipides aux six poils. Souvenir béni de son adonis.
».
Alors, je changeai d’avis et remis le la missive
délictueuse dans sa cachette.
Ya Ko Line m’interpella :
-Pierre qu’as-tu fais pour Noël, quel bon
repas as-tu mangé ?
-On a préparé un bon gigot d’agneau
avec des cardons !
-C’est quoi des cardons ?
-Et bien ce sont des légumes de saison, qu’on
mange en général pour les fêtes.
C’est alors que Fanny se leva brusquement et se mit
à gesticuler au beau milieu du restaurant. Notre groupe ne
s’étonna pas de ce comportement, mais les autres
convives ne purent s’empêchés des
questions sur cette soudaine agitation :
-Mais que fait-elle ?
-Ne vous inquiétez pas, rétorquais-je, elle aime
montrer la façon de ramasser les
végétaux !
Laissant Fanny à ses élucubrations, la
conversation continua sur ces légumes, de quoi ont-ils
l’air, quel goût ont-ils, où les
trouve-t-on ?
C’est alors que Mousse nous étonna par son savoir.
-C’est des tiges d’artichauts !
Nous ignorions tous ce détail d’importance.
La surprise se lut sur nos visages et nos regards furent empreints
d’admirations.
-Mousse, nous ne savions pas que tu étais un expert en
botanique !
Il sourit, et, tout heureux, nous répondit par
l’affirmative en hochant de la tête.
Puis.
Il plongea sa grosse main dans la poche de son veston, qui se
déforma à la limite de la rupture, et, en
ressortit une petite fleur, une petite pâquerette.
Elle était minuscule.
Il lui manquait quelques pétales et son pistil
éructait sous la pression exagérée des
deux doigts qui la tenait.
Il se tourna vers Stan et enchaina :
-Tiens, ma douce aimée, prunelle de mes yeux, perle de mon
cœur. J’ai trouvé cette charmante petite
efflorescence perdue dans mon jardin. Elle luttait contre le froid
hivernal. Alors je l’ai ramassée pour toi !
Dans un coin de la salle Fanny s’était mise
à s’agiter de plus belle. Mais, cette fois si
personne ne s’interrogea sur son comportement
bizarre…
Il tendit la petite fleur à sa belle et tendre.
Elle regarda l’objet avec une certaine surprise. Je dirai
même qu’une grimace de dégout habilement
dissimulé agita ses narines. Elle ouvrit sa main droite pour
recevoir son cadeau et de sa main gauche elle fouilla habillement dans
son sac pour en ressortir un sachet en plastique de couleur noir, celui
du type que l’on peut récupérer dans
les parcs pour ramasser des crottes de chiens.
L’ouvrant tant bien que mal, elle inclina sa paluche et la
pâquerette roula dans sa future demeure.
-Merci, mon p’tit loup, dit-elle, tu es vraiment trop gentil
d’avoir ainsi pensé à moi.
Cet intense moment de romantisme bouleversa notre petit groupe.
J’entendis Anne chuchoter :
-Si mon jean-Baptiste pouvait-être aussi romantique.
Barham enroula ses bras autour de son torse, serrant encore un peu plus
fort ces deux batteries.
Meskerem qui jusque-là était restée
silencieuse, occupée, qu’elle était,
à ronger un énorme os de tibia
d’origine incertaine. Nous lança un bref coup
d’œil.
Ya Ko Line osa un précepte de Confucius :
-L’homme aux abeilles sait donner de la douceur !
Manu s’arrêta de compter au chiffre huit :
-Merde, j’y étais presque !
Et Fanny stoppa ses gesticulations, puis, la larme à
l’œil, nous inonda de sa sagesse :
-Le zèbre n’a pas deux cornes !
Stan a totalement raison sur mon sujet, car, à cet
instant, je ne pus m’empêcher une perfidie, en
regardant Fanny trop tranquille à mon gout et je
me mis à crier :
-Champignon !
Et sa cavalcade explicative reprit de plus belle.
Cinq jours plus tard, c’était la soirée
de réveillon. J’avais invité de
nombreux amis, d’âges et de provenances diverses.
Je n’étais pas vraiment en forme et je restais
silencieux me bornant à écouter les convives qui
babillaient leurs bonheur d’être ensemble.
Un copain d’enfance qui se tenait à table,
à mes côtés.
S’apercevant de mon silence.
Me taquina de l’une de ses plaisanteries :
-Alors Pierre, tu es bien silencieux, c’est vrai
qu’il se fait tard pour toi, t’es vieux,
T’as déjà passé
l’heure de ton dodo.
Un peu vexé, j’agitai mes neurones. Il fallait que
je fasse bonne figure.
Alors certain de l’étonnement
général et de l’admiration que ma
question allait susciter je lançai :
-Devinez de quelle plante provient les cardons ?
Je me mis à me délecter par avance de la
réaction de surprise et d’étonnement
que mon savoir allait engendrer.
Quand tout à coup d’une même voix, tous,
me répondirent :
-Des artichauts, évidemment !
Vive le body combat
|