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Chroniques du body combat 28

Cartes de visite

Belle !
Divine déesse !
Beauté sublime !

 
On était mardi soir et notre groupe de sportifs était au complet.
Prêt à une soirée festive à la Gioconda.
On était dans l’endroit.
Les filles devant et les hommes derrières.
Elles nous devancèrent rapidement en direction de notre table favorite car nous étions restés scotchés sur le devant de la porte. Tétanisés par la superbe créature  qui évoluait dans la salle, versant un verre, présentant un menu. Son corps de rêve était moulé dans une petite robe noire qui activait pleinement l’exégèse de nos imaginations.
Son regard de braise, ses cheveux blonds ondulaient derrière elle, tel un voile de soie diffusant une frivolité magique, envoutante, ensorcelante.
Un corps de rêve.
Certainement le dernier digne exemplaire, cause du péché originel.

Les filles allaient s’asseoir, quand nous hurlèrent:
« Non pas ici ! »
Il nous fallait la table haute, celle à laquelle des chaises de bars sont accolées et qui nous permettent de dominer d’un bon mètre la totalité des convives.
La raison en était simple, certainement très masculine. Cette position nous permettrait avec certitude, une vue plongeante sur le décolleté affriolant de la jolie serveuse.

Et elle arriva.
Je fus le premier auquel elle s’adressa :
-Que désirez-vous boire ?

Cette voix de miel, ces yeux limpides qui plongèrent dans les miens. Il me fallut une volonté farouche pour soutenir son regard et désobéir à mon cerveau qui m’invectivait de regarder plus bas, au-dessous de son menton où son intérêt particulier présentait une intéressante perspective.

Quand ce fut le tour de Manu, je crus que notre pauvre ami allait s’effondrer dans une crise délirante. Sa tête se mit à osciller de droite à gauche et son murmure commença à compter « Un, deux, un, deux… ».

Bahram, peut-être, le plus pervers d’entre nous, rougit, laissa tomber sa batterie pour que la belle puisse la ramasser et suivit son mouvement d’un œil lubrique et explorateur.

Pour Mousse s’était un peu différent, Stan se trouvant à ses côtés, il ne pouvait qu’ignorer les formes avantageuses. Alors il feint d’être bourru, grogna sa colère ce qui provoqua un mouvement de panique parmi le groupe de hockeyeurs qui se trouvait derrière nous et qui avait eu, dans le passé, une mauvaise expérience avec ces accès de fureur.
Il gronda sur la belle :
-Mon set de table est à l’envers. La fourchette et le couteau mal centré, le service est trop lent !

Quand elle fut partie, nous…
Par nous je veux bien entendu dire les mâles. Nous avions le souffle court, le front humide d’une moiteur concupiscente et nos voix étaient devenues plus rauques.

Bahram ne put alors s’empêcher de se gloser d’une vantardise :
-Dans ma petite résidence de Marbela, je suis voisin de Paméla Anderson, souvent je suis invité à des petites journées piscine et je peux vous assurer qu’elle aussi a des arguments particulièrement plantureux !

Alors Manu, Mousse et moi-même nous lui fîmes discrètement le signe de se taire. Il ne fallait pas qu’il attire l’attention des femmes sur l’émoi que cette jolie demoiselle, en nous, avait provoqué. Ceci pour éviter tout effet de jalousie et épargner leurs egos.

Heureusement elles n’avaient rien remarqué.

Stan ne disait rien, vernissant ses ongles.

Anne soupirait en pensant à sa perfection, celui qui était gravé dans son cœur, dans ses entrailles, imprimé sur ce tatouage qu’elle arborait sur son bras droit et qui était surmonté par ces deux initiales « J.B. »

Ya Ko Line compulsait dans son petit livre rouge, le menu qu’elle pouvait avaler. Aujourd’hui c’était essentiellement un bol de riz avec un crouton de pain.

Mademoiselle Linette, passait langoureusement sa langue sur ses lèvres en pensant à sa dernière nuit sulfureuse.

Meskerem, la bouche auréolée du sang, mâchait un steak saignant qu’elle avait sorti de son sac.

Ouf, la paix resterait seule maitresse de la soirée avec ses conversations diverses et intéressantes.

Il y avait pourtant une certaine angoisse qui m’étreignait encore. C’était l’attente du service de nos commandes. Elle allait se retrouver à côté de nous, nous ensorceler de son charme, de son odeur, de cet aura absolu et tétanisant. Cette pensée semblait commune  à nous les hommes, nous étions étourdis, faisant répéter plusieurs fois Stan qui nous entretenait du dernier défilé Channel et de cette jolie petite robe à moins de deux mille Euros qu’elle s’était dégotée. Une superbe affaire nous disait-elle.
Ceci n’entraina qu’un « OH ! » d’admiration de nos bobines perdues dans notre chimère charnelle.

Puis elle arriva.
Respiration courte.
Sang qui embrase nos tempes
Réaction de tension dans nos bats ventres.
Poils hérissés de nos bras.
Apoplexie de nos visages.

Elle me sourit et je crus défaillir.
« La salade est bien pour vous ? »
Rien, rien ne sortait de ma bouche, même pas un entrefilet de voix.
Je lui répondis d’un hochement de tête affirmatif accompagné de mon plus beau sourire béat, certainement un peu bête, dévoilant mon admiration, avec mes yeux qui divaguaient en tournoyant, dévorant ainsi l’ensemble de ses formes.

Manu pour calmer son envi frappa plusieurs fois son front sur la table. « Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept huit ! »

Bahram resta le dos droit rigide, ses deux mains appuyées bien à plat sur la table, ses yeux globuleux restèrent fixes et ses lèvres distendues sur les côtés laissaient dépassée une petite pointe de sa langue.

Mousse, arracha le coin de table qu’il avait subitement empoigné.

Et pourtant, à mon grand étonnement.
Les filles semblèrent ne rien avoir remarqué à nos attitudes suspectes.

Meskerem se lança alors dans une longue description de son pays l’Ethiopie. Nous informant sur ses paysages uniques, ses populations éclectiques, sur la pratique de l’Orthodoxie. Puis elle termina sur un :
-Je suis contente que vous vous intéressiez à ma lointaine contrée !

 Nous n’avions rien écouté bien entendu et nous répondîmes par un « oui, oui ! » sans consistance. Ma pensée profonde forçait mon imagination a trouvé un moyen discret d’obtenir un rencart avec la jolie tourterelle.
Comment faire ?
M’éloigner un instant ?
Lui donner discrètement mon numéro de téléphone ?
A mon grand étonnement ce fut Manu qui eut la solution ultime :
-Eh les gars, j’y pense, nous ne nous sommes jamais échangés nos cartes de visites.
Quatre clignements de l’œil montrèrent notre compréhension mutuelle.
Nos coordonnées furent sorties de nos portefeuilles et posées discrètement sur la table puis recouvertes de nos paluches, tandis que Ya Ko Line nous parlait de son sac Vuitton récemment fabriqué par son cousin Chinchong de Hongkong.

Puis il fut temps pour nous de retourner à nos pénates.
Nous laissèrent bien entendu nos cartes de visite sur la table, nous demandant, qui d’entre nous allait être l’heureux élu.

Au moment d’ouvrir la porte de sortie. Stan fit rebrousse chemin en nous disant qu’elle avait oublié son tube de rouge à lèvre sur la table. Qu’elle nous rejoindrait dans une minute.

Dehors, nous attendions son retour.

J’entendis les chuchotements des filles qui s’étaient mises à l’écart.
-Des mamelles comme ça, c’est réservées aux vaches !
-Vulgarité totale ! Trop de silicone et cette robe moulante, quelle horreur !
-Oncle Mao l’aurait vite envoyée en camp de rééducation !
-La véritable beauté moi je sais ce que c’est vraiment, J.B. où es-tu ?

A travers la devanture, j’aperçu Stan qui revenait. Elle tenait son tube de rouge à lèvre dans sa main droite et dans sa main gauche, orientée vers le sol,  j’aperçu quatre petits feuillets qu’elle laissa discrètement tombé dans une poubelle.

Eh oui ! Malheureusement pour nous les hommes, la perfidie féminine arrive  habillement à déjouer nos plus vils instincts !

 ….

Hier soir nous étions, Manu et moi-même les seuls du groupe présent au cours de body combat.

A la fin du cours Manu me dit :
-Pierre je t’offre un verre !
-Non Manu, j’ai eu une journée difficile et je suis particulièrement fatigué !
-Dommage, j’aime bien aller à la Gioconda, j’y suis allé vingt fois depuis la semaine dernière.

Dans la voiture, pendant le retour vers Gex, Manu était silencieux, peut-être même un peu triste. Il lançait de temps en temps le vague de son regard sur les champs de colza qui éclairaient la pénombre. Soudain, d’une main déterminée il empoigna son téléphone :
-Allo, c’est Manu, j’aimerai vous commander une boite de cinq cents cartes de visite !
J’entendis le murmure de la réponse.
-Mais Monsieur je vous en ai déjà livré cinq cents la semaine dernière !
-Oui, je sais mais elles sont déjà toutes parties, alors cette fois je les veux quatre fois plus grandes !

Je souris à cette allégation, car, pendant le trajet, mon téléphone avait vibré plus de dix fois dans ma poche.

Après avoir laissé Manu sur le pas de sa porte, je jetai un bref coup d’œil à mes messages, ils étaient tous signés de la même personne et succédaient à une bonne centaine de la même provenance.
Alors je me suis dit, en fait je ne suis pas si fatigué que ça et, je suis redescendu à Genève pour boire un coup à la Gioconda.
Ah oui, je ne vous l’avais pas dit, la semaine dernière par mesure de prudence j’avais également laissé une carte de visite supplémentaire posée sur ma chaise J

 

Vive le body combat.





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