Chronique du Body combat 20
La Coquette
Vous vous souvenez de Stan, oui, la coquette, qui s’habille
immanquablement sans la moindre faute de goût. Même
sa tenue de body combat est au top de la mode. Eh bien, cette charmante
jeune femme a également une qualité qui
l’honore, elle est généreuse.
J’arrivais ce mardi soir un peu en retard au cours de body
combat, j’entrais dans la salle où tous les
habitués se déchainaient, suivant à
l’unisson, les arabesques de Fanny. Je passai près
de Manu, pour le moment silencieux, et, lui lançai un petit
coucou de la main. Sa mine sérieuse et crispée me
fit comprendre que ce n’était pas son jour et
qu’il n’était pas dans son
état jovial. Ensuite, regardant Stan, je lui fis un petit
sourire amical, sa mine renfrognée me fit comprendre
qu’elle aussi n’était pas de
très bonne humeur.
Le cours se passa agréablement et, bizarrement, à
la fin de cette leçon, Stan et Manu disparurent
immédiatement, sans le moindre mot.
Plus tard dans les vestiaires, je retrouvai Manu qui semblait toujours
aussi contrarié. Il me regarda d’un air sombre,
bougonna quelque chose que je ne compris pas.
Un peu inquiet, je me demandai s’il avait quelque chose
contre moi ou peut-être, qu’un mal à la
gorge, chose particulièrement embêtante pour ses
vocalises, le faisait souffrir ?
Pour me soustraire à toutes ces sortes de doutes je
m’inquiétai :
-Tu vas bien Manu ?
La mine triste, Il se retourna vers moi et sans mot dire, plongea sa
main dans son sac pour me tendre, quelques instants plus tard, deux
bouts de tissu aux contours inconnus. Je les pris entre deux de mes
doigts, les fis se balancer devant mon minois interrogatif tout en me
demandant ce que cela pouvait bien être ?
-C’est quoi ça Manu ?
- C’est Stan qui me les a offertes pour mon anniversaire,
paraît que c’est des chaussettes !
Je les regardais de plus près et effectivement je reconnu la
forme du pied, mais la taille était vraiment microscopique.
Il est vrai que moi-même, comme Manu, nous aimons les grandes
chaussettes, celles de tennis qui remontent haut sur les mollets.
Celles qui me vont si bien et je les porte en
générale dépariées, avec
des bandes de couleurs différentes et qui
s’accommodent parfaitement avec mon T-shirt de vacances et
mon bandeau Nike au logo inversé.
-Bein dit donc, elles sont vraiment petites !
-Oui, j’n’ai pas voulu les mettre, alors Stan
s’est fâchée, m’a dit que je
n’avais aucun savoir vivre, et que c’est la moindre
des politesses de porter les vêtements qu’on vous
offre.
Elle n’avait pas vraiment tort, mais sans vouloir lui donner
raison, étant donné
l’énervement de Manu, je décidai
d’inventer une excuse qui le calmerait.
- Tu sais Manu, j’ai entendu que Stan avait des
problèmes financiers, alors elle t’a offert des
petites chaussettes car elle n’a pas les moyens de
t’en offrir des grandes !
Manu me regarda, la bouche grande ouverte et ses yeux
m’infligèrent leurs soudaines tristesses infinies.
Puis, il s’assit sur un banc, posa sa tête entre
ses mains et se mit à pleurer.
-Que se passet-il Manu ?
-Tu te rends compte, dit-il entre deux sanglots, elle s’est
saigné à blanc pour m’offrir un cadeau
et moi, comme un gougeât, je n’ai même
pas su apprécier son geste. BOUhhhhhhh !
Mince pourquoi avais-je inventé cette histoire de manque
d’argent. Maintenant, par ma faute, mon ami se retrouvait
dans la plus grande adversité.
Il fallait que je rattrape le coup.
C’est alors qu’une idée
machiavélique vint à mon esprit
dérangé…
Le lendemain je passais un mail collectif, en édulcorant
bien entendu, le nom de Stan, expliquant que la pauvre avait des
problèmes pécuniaires et que ce serait bien si,
par sympathie, chacun lui amène un petit cadeau. Une petite
chose, pas luxueuse, pas onéreuse, pour surtout ne pas la
blesser dans son orgueil.
Mais, plutôt, un présent qui pourrait lui
démontrer notre amitié.
On était mardi soir, j’avais demandé
à Pascal, le manager de la salle de retenir un peu Stan,
pour nous laisser le temps d’arriver et de lui faire la
surprise dans le hall d’entrée.
Et, nous étions tous là, un petit cadeau
soigneusement tenu dans nos mains, empaqueté de la plus
jolie façon.
-Mais, ce n’est pas mon anniversaire ! S’exclama
Stan heureuse et surprise.
-Oui, dit Manu, mais nous tous aimerions par un petit
présent te prouver notre amitié !
D’une main heureuse il lui tendit son cadeau,
qu’elle ouvrit avec fébrilité. Il
s’agissait d’un Marcel, extra large, de couleur
jaune vif.
-Il ne plaisait pas à cousine Cunégonde, tu sais,
la catcheuse ! Dit Manu. Alors j’ai pensé
qu’il serait bien sur toi, elle ne l’a
porté qu’une fois !
Mousse lui offrit une paire de boucles d’oreilles en
plastique du type de celles que l’on gagne dans les machines
de foire.
Ya Ko Line une casquette rouge. « Elle a participé
à la grande marche ! ». Précisa-t-elle.
Bahram lui donna une petite fiole d’essence
acétique qu’il utilisait pour booster sa batterie.
Ça peut te servir comme parfum ! ».
Jeanne lui tendit un mouchoir jaune délavé.
« C’est un bien précieux, il a servi
à mon Jean-Baptiste, je l’ai
récupéré dans une poubelle, je ne
l’ai jamais lavé, précisa-t-elle la
larme à l’œil. ».
Fanny lui donna un bandana confectionné dans une serviette
ICC. « C’est aussi bien qu’un poisson
Irlandais ! ». Affirma-t-elle.
Puis, finalement ce fut mon cadeau. De magnifiques gants venant de mon
atelier de mécanique et dont j’avais
découpé les doigts.
D’une même voix nous lui fîmes tous,
cette demande.
-Ce serait trop bien que tu portes nos cadeaux ce soir !
Prête à refuser, elle se souvint subitement avoir
la semaine précédente disputé Manu
qui, par ailleurs, enfonça le clou en relevant le bas de ses
pantalons pour lui montrer ses deux petites chaussettes.
-Tu vois Stan je les adore ! Précise-t-il.
Je sens que ce soir, je vais
bien m’amuser !
Vive le body combat.
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