Chroniques du body combat 24
Déprime
Le mardi soir, le mardi de
fête !
Mais ! Ce soir j’eus une petite
contrariété. Une fille avait pris ma place
habituelle. Celle qui se trouve entre le mur droit et la musculature
imposante de Mousse. Je lui aurai bien fait une remarque pour
qu’elle me laisse la place, mais étant
donné son mètre quatre-vingt-dix et ses
épaules de catcheurs je préférai me
contenter de ma galanterie habituel et intégrai avec
déplaisir, le fond de la salle, non loin de Meskerem.
Le cours se passa relativement bien, mais mon endroit inhabituel
déstabilisa mon synchronisme.
La donzelle qui avait pris mon spot gesticulait certainement un peu
trop et, à plusieurs reprises bouscula Mousse, qui patient
les premières fois, commença à
s’énerver au moment où le cours
touchait à sa fin.
Il entreprit d’invectiver la nouvelle recrue de propos peu
flatteurs.
A notre grande surprise, la réaction de
l’insultée fut magistrale, elle envoya sans
ménagement notre pauvre ami à terre et le laissa
inconscient avant de sortir en levant son majeur haut dans le ciel et
furieuse, ajouta qu’elle n’était pas
prête de revenir à ce cours…
On était mardi, une semaine était
passée sur cette terrible incartade.
J’arrivais dans les vestiaires accompagné de Manu.
Mousse y était déjà, assis sur un
banc, la tête basse, la mine renfrognée.
Deux musclors passèrent à
côté de lui et après lui avoir
donné une petite claque derrière la nuque lui
envoyèrent un :
-Alors p’tite fiotte, on se repose !
Nous nous attendions à une réplique cinglante et
saignante, mais, à notre grande surprise, Mousse resta
immobile, la tête basse.
-Que se passe-t-il mon ami ?
Nous nous étions tous deux assis à
côté de lui, et, après nous avoir
regardés avec des yeux de cocker battu, il renifla fortement
et se mit à pleurer.
-Je ne sais pas ce qui se passe, hoqueta-t-il, j’ai
totalement perdu confiance en moi.
-Tant fait pas ! Répondit Manu, un cours de body combat et
tout ira bien de nouveau.
-Je vous attends les amis, je n’ose pas me rendre
à la salle tout seul.
C’est donc tous les trois, que nous arrivâmes
devant le lieu de notre entrainement
préféré.
En nous voyant arriver Stan, une main en avant, se précipita
vers Mousse. Le pauvre homme eut un sursaut en arrière en
manquant de peu de m’écraser de toute sa masse.
-Tiens Mousse, tu as oublié ton écharpe chez moi
la semaine dernière.
D’une main tremblante, le cœur battant la chamade
il prit du bout des doigts sa possession.
Meskerem qui venait de terminer son morceau de barbaque, fit claquer
ses dents et notre ami eut de nouveau un sursaut d’angoisse.
Puis son regard croisa celui d’Anne, alors tous deux se
mirent à pleurer, pas vraiment pour la même raison
bien entendu, mais leurs peines communicatives avaient
fusionnées leur tristesse infinie…
Plus tard, en rentrant à mon domicile, j’eus une
conversation sur ce sujet délicat avec Manu qui
m’accompagnait.
-Ce qu’il est triste Mousse, il me fait de la peine.
-A moi aussi, tu as vu, il a fait ses pompes sur les genoux et chaque
fois que je comptais, il se cachait derrière une colonne.
-C’est vrai, il faut que l’on fasse quelque chose
pour lui redonner confiance.
-Oui, c’est juste mais quoi !
C’est alors que j’eus l’une de ces
idées malsaines qui m’enchante au plus haut point.
-Et bien Manu, tu n’as qu’à
l’énerver très sérieusement
et lui laisser te mettre une bonne raclée. Je pense que
ça devrait remettre les choses en ordre.
Manu hocha de la tête.
Je souris.
Manu ! Vous le savez déjà, il a le cœur
sur la main, et, dès qu’il peut rendre service, il
le fait avec plaisir.
-Mais, je dois faire quoi, compter jusqu’à huit
dans son oreille.
J’eus une petite grimace en imaginant cette scène
barbare.
-Non, fais des avances à Stan en face de lui, comme il est
terriblement jaloux si tu insistes un peu trop, je pense
qu’il ne pourra pas s’empêcher de
réagir.
-Ah oui, j’l’lui dit quoi à Stan.
T’es une belle gonzesse, pas si bête que
ça pour une blonde.
-Mais non Manu, attends, je t’écrirai un petit
poème qui devrait faire son effet…
Deux jours après, le pamphlet d’amour
était prêt et d’un doigt vigoureux
j’appuyais sur la touche envoyer le message ;
« Manu, voici le texte que tu devras déclamer
à Stan en la présence de Mousse.
Ma belle, tes yeux de braise me font chavirer de bonheur.
Embrasant ce flamboiement que je porte en mon cœur.
L’archange suave de l’amour nous transperce de sa
flèche.
Voulant allumer la passion éternelle de nos deux
mèches.
Tu dois comprendre que l’homme aux muscles imposants.
Est triste Banalité, comparé à celui
d’un grand sifflet épatant.
Cette suave goutte d’un bonheur qui ne veut que sa chance.
Semblera bientôt pour nous deux d’une effective
évidence.
Abandonne à jamais ce robuste et ignominieux gros larron
Et soyons heureux, de vivre ensemble une véritable passion.
Voilà Manu, après ces vers, elle ne pourra que
craquer, tu feras mine de l’embrasser et les
conséquences sauveront notre bon Mousse de la
déprime ! »…
On était mardi soir.
Bien sûre.
J’étais arrivé au club, bien en avance,
pour être certain de ne pas manquer une goutte de mon
infâme galéjade.
Et, Manu arriva!
Ce cher ami n’a pas la mémoire
des chiffres, mais les textes, il peut les retenir sans la moindre
peine.
Stan discutait avec Mousse, qui se tenait
légèrement accroupi devant sa belle, les mains
croisées, un peu tremblant. Elle lui expliquait que la
batterie de Barham n’était pas là pour
le frapper, que Ya Ko Line était une gentille fille, pas
violente pur un sou et que Fanny ramassait des cerises en sautant,
voilà tout.
Manu s’imposa dans leur discussion, se positionnant entre les
deux tourtereaux et y alla de sa verve parfaitement apprise. Stan
surprise se mit à rougir sous ses mots doucereux et eut un
hoquet de peur et de dégout quand Manu entreprit de vouloir
l’embrasser.
Alors là, pour Mousse, s’était la
goutte en trop.
Sa virilité et sa conscience de mâle dominant
reprirent enfin le dessus, sans le moindre avertissement il se jeta sur
le pauvre Manu qui encaissa des coups à une cadence
infernale. Seule l’intervention d’une dizaine de
culturistes réussie à immobiliser le
gaillard…
On était mardi soir. Une semaine exactement après
l’incartade. Manu toujours hospitalisé
m’avait envoyé un Sms en me disant que, pour une
raison évidente, il passerait sur le cours de ce soir.
J’entrai dans les vestiaires pour apercevoir Mousse assis sur
un banc.
Avait-il fait une rechute ?
L’esprit a des méandres difficiles à
guérir.
Alors je me mis à imaginer en tremblant ce que le pauvre
Manu aurait encore une fois à refaire, quand tout
à coup, les deux acolytes qui s’étaient
moqués de notre pauvre Mousse la dernière fois,
revinrent à la charge avec une petite claque
derrière la tête et une remarque insultante.
Mais, cette fois ci, j’entendis Mousse grogner sa fureur, ce
grondement qui précède son abominable
énervement.
Il serra les poings et se leva brusquement…
Ah, merci à toi Manu !
Notre bon Mousse que l’on aime tant et enfin de retour parmi
nous !
Vive le body combat.
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