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Chronique du body combat 4

Hurlements

Ce mardi, j’aperçu Meskerem devant la porte de notre salle de body combat. Vous vous souvenez de Meskerem, la seule avec moi-même, rescapée de notre ancien groupe. L’Ethiopienne issue d’une tribu cannibale du nord de son pays et qui travaille dans une entreprise Internationale de Genève
. Elle semblait triste, le visage penché en direction du sol. Je m’approchai d’elle perplexe, pour m’inquiéter de sa posture.
-Tout va bien ? Lui demandais-je avec une pointe d’inquiétude amicale.
Elle me jeta un bref coup d’œil, et, peut-être par orgueil, elle acquiesça ma question d’un simple mouvement de tête.
-Tu sais ! Continuais-je. Si quelque chose ne va pas tu peux me le dire….
Alors, elle leva la tête, les yeux rougis de tristesse et, une larme perla sur sa joue, goutte de chagrin ultime,  hurlement de la profonde souffrance qui certainement la submergeait.
Je regardais en silence son doux visage transcendé par sa douleur, illuminé par une aura que seules, des circonstances terribles peuvent dévoiler.  Immanquablement, une profonde compassion s’empara de l’ensemble de mon être, toucha pendant un instant les tréfonds de mon âme dans la dissolution divergente de la communion de son angoisse.
Soudain, sans un seul mot, elle renifla fortement, effort ultime qui réussit ainsi, avec brio, à absorber un large filet de morve jaunâtre qui s’écoulait de son nez aquilin et qui était prêt à poisser, sans son intervention, la pointe de mes baskets.
-Non, ça ne va pas ! M’avoua t’elle tristement.
Puis elle enchaina sur son problème :
-Tu sais Manu. Le grand sifflet, celui qui porte une combinaison noire et qui, pendant les cours,  hurle 1,2,3,4,5,6,7,8 pour syncoper nos routine.
-Il t’a fait quelque chose ?
Elle continua :
-Avant ! Elle marqua une pause de nostalgie. J’étais la seule à pousser des petits cris qui enchantaient tout le groupe. Eh bien, maintenant, à cause de lui plus personne me remarque !
Elle avait raison ! C’était l’entière vérité, Manu l’avait définitivement supplantée en tant que vociférateur unique, reléguant ses petites onomatopées, dans le passé si entrainantes, à des sonorités de petits Mickey…
Alors.
Je me mis à la réconforter comme je le pus.
-Ce soir, il m’a dit qu’il ne pourrait pas venir.
Un petit sourire rayonna sur sa tristesse et un semblant de bonheur sembla enfin l’animer.
Le cours allait commencer quand Manu, qui ne devait pas être là, apparut.
-Pierre, en fin de compte j’ai pu venir !
Il avait troqué sa combinaison noire de skieur de fond par une beaucoup plus sympathique, de couleur rose bonbon.
Inquiet et affolé, Je jetai un regard rapide vers Meskerem, dont le visage s’était soudainement décomposé.
Oh, horreur ! Je pus constater que ses yeux s’étaient révulsés et que sa bouche semblait s’être raidie.
J’eus peur d’une réaction violente de sa part et que son gout pour la viande humaine reprenne le dessus.
Il n’en fut rien, à ma grande surprise le cours se déroula parfaitement bien et les routines se déroulèrent sans la moindre anicroche.
Manu hurla sa motivation sans le  moindre souci.
Tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes.
C’est à la fin du cours que les problèmes commencèrent.
Les instincts primitifs de Meskerem, trop longtemps contenus, refirent surface.
Je la vis soudainement, la bouche ouverte, les dents en avant se jeter sur Manu pour le mordre.
J’eus, à cet instant, une rapidité d’esprit et un réflexe dont je ne me croyais pas capable.
Je m’élançais, me laissant glisser sur le sol  mouillé de sueur, les bras en avant et, j’eu juste le temps d’attraper la jambe de Manu qui s’affala à côté de moi Tandis que Meskerem planait au-dessus de nous pour s’écraser sur une colonne en acier.
Un silence total venait de remplacer, par sa froideur, l’élan de notre salle. Tout le monde nous regardait maintenant, sidéré par l’action qui venait de se dérouler.
Je me levai lentement, aidant Manu d’une ferme poignée et, voyant Meskerem à demie-inconsciente je me précipitai vers elle accompagné d’une idée de génie, d’une de ces idées qui m’anime de temps en temps.
« J’avais décidé de profiter de sa semi-inconscience pour utiliser mon pouvoir hypnotique. ».
Agenouillé à côté d’elle, je l’entendis murmurer.
-Que m’est-il arrivé…
Alors, sur un ton habile, je lui suggérai :
-Rien de grave, tu t’es endormie bercée par la belle voix de Manu !
Elle me regarda de ses yeux hagards, ouvrant avec lenteur, en mouvements répétés, sa grande bouche ou j’aperçu avec frayeur une succession de dents acérées.
Puis, elle sourit, tourna lentement la tête en direction de Manu pour lui jeter un regard d’admiration et de tendresse.
Elle lui susurra son bonheur :
-Merci pour la joie et la tendresse que m’apporte ta voix mélodieuse et si douce…
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Je crois, qu’à présent, le problème entre ces deux-là est définitivement réglé !
Vive le body combat !

 


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