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Chronique du body combat 46

Le but de notre vie.

On était l’un de ces mardi soir, soir de Body combat, où ma pensée était à la divague.
Mes mouvements avaient leurs précisions habituelles, bien sûre, mon corps s’épanouissait comme toujours dans une élégance absolue, bien entendu, mais…
Mais mon esprit n’était pas là, mes yeux folâtraient sur chacun de mes amis body combattant et je me demandais.
Je me demandais s’ils étaient heureux.
S’ils avaient accompli leurs desseins, atteint le but de leurs destinés.


Il y a longtemps, très longtemps de cela.
Quatre adolescents boutonneux sont assis sur un grand banc dans une cour de récréation.


Il y a d’abord le petit Mousse, un garçon chétif, à la petite voix qui n’a pas encore muée, aux dents mal cadrées, aux cheveux longs et bouclés, qui mâchouille une feuille d’artichaut.
A ses côtés se trouve Manu, un grand sifflet à la grosse voix, qui semble, à parole feutré, compter avec difficulté sur ses doigts noueux aux ongles sales.
Et puis, le petit Bahram, avec un grand sourire qui laisse admirer sa splendide dentition qui brille à la lumière d’un soleil couchant. Il tient dans sa main gauche un petit livre beige et dans sa main droite une lampe de poche, qu’il regarde avec amour.
Enfin Anne une jeune fille au regard triste, elle est habillée d’une jupe courte, d’un chemisier bleu Andalou, porte de grandes chaussettes à la couleur verte et des petites chaussures marron. Ses cheveux d’un blond délavé sont étirés derrière son crâne par un nœud coulissant.
Au loin, au beau milieu de la cour, on peut apercevoir la petite Stan de l’école enfantine qui sautille telle une antilope effrayée, virevolte sur elle-même, et dépense son trop plein d’énergie dans une succession de mouvements saccadés.
Dans le petit groupe une voix se fait soudain entendre :
-Un, deux, trois… Heu ?
-Manu ce que t’ai nul en calcul ! S’exclame Mousse amusé par les hésitations primaires de son copain.
-Un jour je saurai compter jusqu’à vingt, jusqu’à Quarante millions ! Répond Manu un peu vexé.
-And me I will travailler for the queen de Angleterre ! Compléta Bahram qui potassait son livre d’Anglais!
Soudain, la petite Stan arrive près d’eux en gambadant sur la pointe des pieds. Elle est habillée d’une jupette bleu-claire parsemée de points rouges. Sa chevelure blonde est séparée en deux couettes qui partent sur les côtés et qui sont attachés pas des Kikis vert olive. Avec deux de ses doigts elle fait bouger ses lèvres dans une expression bruyante et amusante accompagnée d’un nuage de postillons. Elle se met à parler avec sa petite voix aiguë et zozotante (Oui ! Stan zozotait quand elle était enfant) :
-Moi, quand ze serait grande, ze serait la plus belle !
Puis sortant de sa poche un tube de rouge à lèvres qu’elle avait volé à sa mère, elle se barbouille le visage et s’enfuit à la manière d’un kangourou en disant :
-Z’est moi la plus belle, z’est moi la plus belle !
Les quatre acolytes se regardent avec une mimique interrogative, quand, un gros costaud passe devant eux sans même les regarder.
Mousse furieux jette sa feuille d’artichaut sur le sol et s’exclame de sa voix fluette :
-Moi ! Quand je serai grand. Je casserais la cheutron aux bouffons qui me manqueront de respect !
La gentille Anne aux regard triste, pose ses mains sur ses genoux refermés et soupire :
-Moi j’aurai un amoureux, sportif, beau comme un Dieu que je ne partagerai avec personne !
Bahram dévisse le culot de sa torche en extrait la pile, la pose sur ses lèvres, pour ressentir ce picotement adoré et se met à rêver d’en posséder, un jour peut-être, une beaucoup plus volumineuse et puissante.
La petite Stan revient à la charge en courant. Elle sort une boite de fond de teint de sa poche se la verse sur la tête puis s’enfuit en criant :
-Ze suis la plus belle, ze suis la plus belle…
Manu la regarde partir :
-Un, deux, trois, quatre… Elle est parfaite cette fille, dommage qu’elle soit si jeune !

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Au même moment dans un Pays Africain perché sur les hauts plateaux.
Une fillette au nom de Meskerem écoute avec attention sa maitresse d’école. Elle est entourée de ses trente frères et sœurs et grignote avec délice un gros doigt de pied de Congolais. Friandise que lui a donné sa maman car elle avait été très sage.
-Les enfants ! Commença Madame Moungdoula. Aujourd’hui nous allons apprendre comment capturer avec facilité un Congolais bien dodu. La préparation du piège est essentielle. D’abord, vous creusez un grand trou dans le sable. Vous vous cachez derrière un rocher et vous vous mettez à imiter le cri de l’autruche. Qui sait imiter le cri de l’autruche ?
Meskerem lève le doigt :
-Moimdamejecrilotruche ! S’exclame-t-elle en Idiome Gouloum gouloum, seule langue qu’elle maitrise parfaitement. Puis elle commence sont imitation « Grrrrpouettepouetteglouglouglouclacclacclac ! ». Le tout accompagné par des claquements de dents qui sont l’exacte représentation de la perfection.
-Excellent Meskerem, tu es vraiment douée !
Tous les enfants applaudissent et se mettent à parler l’autruche dans un vacarme infernal.
Meskerem se rassoit tranquillement, lève les yeux vers le ciel et avec un petit sourire aux lèvres pense que, plus tard, elle deviendra la meilleure chasseuse de Congolais au monde !

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Aïda est un bébé terrible, ses parents ont dû l’enlever de la crèche où elle était gardée car elle se bagarrait avec tous les enfants.
Cette nuit, il y avait une petite fête chez eux, la soirée avait été bien arrosée et quand elle fut terminée, ils allèrent se coucher, fourbus, en laissant sur la table du salon les bouteilles de vin et d’apéritifs déjà bien entamés.
Il jetèrent un dernier coup d’œil dans la chambre de leur fille qui dormait à poings fermés.
-Quel ange cette petite, regarde comme elle est belle avec sa tétine dans sa bouche, un véritable bonheur !
Ils referment la porte et retrouvent leur lit douillet.

Après quelques minutes de silence, Aïda ouvre les yeux, lance sa tétine loin d’elle, enjambe la barrière de son berceau et à quatre pattes, se glisse dans l’entrebâillement de la porte mal fermée.
Elle se retrouve maintenant devant cette table basse où reposent le délice de ses nectars favoris.
Elle agrippe le plus grand contenant avec ses deux menottes et porte le goulot à sa bouche.
Dans son langage bébé, parlant à la bouteille, elle gazouille :
-Nou deu on se kitera jamè !

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-  Jolie petite fleur des champs perdue dans un bois, entourée de mousses et de champignons !
Un vieil homme au regard tendre, à la mine burinée par une succession de crevasses de sagesse, à la tête recouverte d’un immense chapeau en forme d’abat-jour tient sur ses genoux la petite Ya Ko Line qui frétille de bonheur.
Ils sont assis sur une marche de la cité interdite.
Le vieil homme continue ses explications :
-Ya Ko Line, tu vois ici se sont succédés de nombreux empereurs, suppôt d’une dictature monarchique, qui ont asservi le peuple. Maintenant, tu as de la chance nous sommes libres dans un Pays magnifique grâce à notre grand Thimonnier qui a su nous apporter le total bonheur d’une doctrine communiste !
Puis il continue sur la description de la longue marche qui lui a permis de côtoyer Mao, de s’imprégner de sa grande sagesse, de chasser les étrangers pourvoyeurs de douleurs et de servitudes et d’imposer la joie d’un travail collectif où tout le monde est devenu pauvre et crotté.
La petite l’écoute avec attention. Elle respire ce bonheur d’une vie protégé. Puis elle aperçoit la montre de son grand père.
-Papi Chong, elle est belle !
-Oui mon enfant, c’est une Rolex de l’oncle Ping, il l’a fabriqué dans son petit atelier la semaine dernière. Puis il continue sur cet adage Suisse ; « Si l’on n’a pas une Rolex à cinquante ans c’est qu’on a raté sa vie. ».
Ya ko line ressent alors une profonde admiration pour cet homme qui, maintenant elle le sait a atteint le Graal de la réussite.
-Papi Chong, quand je serai grande, moi aussi j’aurai une fabrique de Rolex et de plein d’autres choses et je les vendrai en Suisse !

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Quinze ans déjà
Dans la campagne Genevoise.
Trois jeunes filles se promènent.

La plus petite, Pamela, jolie comme un cœur dans sa tenue rouge vif, porte une bouée autour de la taille. Elle avance en imitant un mouvement de brasse avec les bras :
-Moi dit-elle, plus tard je veux aller voir Malibu !
La deuxième, sa sœur, une belle fille élancée, la petite Marina, laisse divaguer son regard sur le troupeau de bovin qui s’ébat dans un immense pré à l’herbe grasse. Soudain son regard se porte sur un énorme taureau avec son imposant anneau nasal.
Alors elle réagit :
-Moi, quand je serai grande, j’aurai un piercing avec une grande boucle sous le nez !
La troisième, une grande brune, aux jambes de sauterelles, porte trois combinés téléphoniques très encombrants. Ils sont raccordés par un long fil à leurs boitiers à cadran qui trainent derrière elle.
Le bruit de leur raclement sur le sol dérange la quiétude du silence de la nature.
-Ils sont bruyant tes téléphones ! Affirme soudainement Paméla gênée dans sa concentration de nageuse à l’air libre.
-Je me demande bien à quoi ils servent continue sa sœur.
-Et bien moi j’aime bien les téléphones, Nah ! Et puis, et puis, on n’sait jamais, quelqu’un pourra un jour m’appeler. Puis elle continue dans une ritournelle déjà bien connue « un amoureux, sportif, beau comme un Dieu que je ne partagerai avec personne. ».

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Aïda hurla son mécontentement :
-Mais vous êtes tous des lavasses à petites jambes, je vous ai dit de crier « KIA ».
Je sors alors précipitamment de ma rêverie et par peur de me ramasser une branlée j’invective mes troisièmes mouvements par une vocifération sonore.
Et je me sens heureux !
Je viens de réaliser que chacun d’entre nous a touché son objectif.
Que chacun d’entre nous vit ce plaisir immense d’avoir réussi le but principal de sa vie.
Et qu’un ultime point convergent nous unira pour toujours dans une symbiose d’enchantement.

Le body combat !
 


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