Chronique du Body combat 23
Le départ de Fanny
Elle était assise la
tête baissée. Son regard triste mirait ses deux
mains nerveusement entrelacées qu’elle avait
posées sur ses genoux. Comment avait-elle pu en arriver
là. Pourtant Pierre l’avait averti, à
plusieurs reprises, mais elle ne l’avait pas
écouté, croyant qu’elle
était jeune, que rien ne pouvait la toucher, et,
certainement pas ce genre d’ennui.
Son médecin, un grand Monsieur à l’air
sévère, que je pourrai qualifier ironiquement de
Doctoral, se tenait devant elle, derrière un grand bureau
aux moulures anciennes. Il la regardait fixement, se demandant quel
conseil il pourrait bien lui donner.
Il ouvrit la bouche pour l’informer de son avis, puis, la
referma, ne sachant nullement si la portée de son ordre
pourrait être supporté par cette jolie enfant.
Puis, se ravisant, pensant que sans cette ultime solution, sa vie
serait certainement détruite.
Il lui affirma :
-Mademoiselle Fanny, vous n’avez pas le choix, il faut que
vous arrêtiez de donner ce cours de Body combat à
l’ICC, il en va de votre santé. Si vous continuez
le problème risque de se dégrader rapidement et
définitivement.
-Pardon, répondit-elle.
Le docteur, d’une voix plus soutenu,
répéta son affirmation.
Une larme coula sur la joue de la belle. Elle l’essuya du
revers de la main en reniflant sa peine.
-Mais, dit-elle, si je me protège ?
Peut-être…
-Non c’est trop tard, et puis croyez mon
expérience, ce genre de chose…
-Vous dites ?
-Je dis que vous n’avez pas le choix ! Enchaina-t-il
d’un ton haut et sévère.
Alors elle pleura son angoisse, le cœur brisé,
submergée par un chagrin qu’il lui serait
terriblement difficile de surmonter.
On était mardi soir, ce soir de la transcendance,
où la félicité de nos corps rejoint
l’extase physique. Vous l’avez tous compris,
c’est le soir du cours de Body combat.
Manu semblait particulièrement en forme ce
soir-là. Il gesticulait dans tous les sens et enchainait son
échauffement, particulièrement motivé.
-Pierre, j’ai une de ces pêches ce soir, pas
croyable !
Je lui souris de mon entrain fatigué et rejoins le groupe.
Tous. Nous étions tous heureux.
Heureux de nous retrouver afin de pouvoir mélanger
l’odeur de nos transpirations dans cette salle qui serait
bientôt surchauffée par nos élans
sportifs.
Chacun se tenait à sa place devant l’estrade
où trônait de la plus impériale
façon notre bien aimée coach Fanny. Contrairement
à son habitude, elle semblait tristeet son visage restait
livide.
Elle se présenta devant nous et nous expliqua sa tristesse.
Pour comprendre et entendre son speech, j’eus le
réflexe immédiat d’enlever mes bouchons
d’oreilles.
-Je dois vous annoncer une mauvaise nouvelle, dit-elle, pour des
raisons de santé je dois arrêter ce cours !
Je ressentis un profond chagrin, mais oh surprise, l’ensemble
des personnes présentent n’eurent aucune
réaction.
Il y avait ces deux nouvelles, des non-initiés, qui
n’avaient participé qu’au seul cours du
mardi précédent, qui restaient là,
hébétées, la bouche ouverte, les
poings serrés semblant ne rien comprendre.
Ya Ko Line, Stan, Barahm, Meskerem, Mousse, Anne semblaient impassibles
et puis Manu qui déjà tout excité ne
prêtait aucune attention à ce qui se passait et
s’agitait dans des mouvements
désordonnés.
Puis je compris la raison de leurs flegmatismes et leur fit signe, par
mes deux doigts pointés sur mes oreilles,
d’enlever leurs obstructions. Avec un sourire de
compréhension ils l’enlevèrent et
demandèrent à Fanny de recommencer son
explication.
-Quoi répondit-elle ?
-Tu peux répéter ! Dit Mousse de sa grosse voix.
Les deux nouvelles à la lèvre pendante restaient
là, toujours impassibles attendant le début du
programme.
Alors, Fanny nous expliqua, la voix imprégnée
d’une vive émotion, la décision
irrémédiable de son départ
à cause…
D’une question de santé !
-Mais qu’est-ce que tu as ? demanda Stan terriblement
inquiète.
Au beau milieu de la salle, Manu plus excité que jamais,
plongé dans son propre monde, pris dans sa routine immuable,
se mit soudain à hurler sa cadence :
-UN, DEUX, TROIS…
Tout le monde abomina une grimace plantant subitement leurs doigts,
profondément dans leurs oreilles.
Les deux nouvelles commencèrent leurs exercices croyant au
début du cours et Fanny me donna l’impression de
pouvoir supporter cette infamie sans le moindre problème.
C’est alors que comprenant son problème de
santé, je me souvins du conseil que je lui avais
mainte fois prodigué.
Alors, pour couvrir l’abomination, je me mis
également à beugler :
- Fanny je te l’avais mille fois conseillé, si tu
ne mets pas comme nous tous des boules Quies, tu deviendras
irrémédiablement sourde !
Vive le body combat
|