Body combat 17
Le moine Shaolin
Quelque part aux confins de la
province du Sinkiang.
Un temple Shaolin trône haut perché,
accroché à une paroi rocheuse de
l’Himalaya.
Ses murs ocre s’épanouissent sous les
clartés de la tombée du jour.
Deux vautours planent dans un ciel dénué de tout
nuage.
A l’intérieur de l’édifice,
dans la grande salle attenante au lieu de prière, un vieil
homme est assis en tailleur. Ses yeux sont fermés, ses deux
mains sont posées à plats sur ses genoux, sa
posture impeccable. Tout, en lui, évoque la plus grande
sérénité, la sagesse d’un
homme qui a tout compris de la vie, de la mort, de sa
destinée.
Devant lui, un jeune homme reste immobile, le dos
légèrement courbé, en signe de
déférence devant son maître.
Une brise de fraîcheur d’altitude, transporte une
plume légère qui en planant vient effleurer
l’une des mains du grand sage.
C’est alors qu’il active son regard, le fixe sur ce
personnage campé devant lui.
-Joli nénuphar à la couleur de sagesse qui flotte
sur un lac à l’onde bleue d’un matin de
bonheur…
Humm, j’arrête ici la traduction
littérale de son nom, et j’utiliserai donc, pour
la suite de l’histoire, son nom Chinois : Chong !
Je reprends.
-Chong, mon meilleur élève, toi qui, par ta
volonté et ton courage a réussi chaque examen
qui-t-on conduit vers la véritable connaissance des choses.
Toi qui sait ressentir l’univers et ses habitants par leurs
senteurs, leurs éclats, leurs bruits. Tu es maintenant
près à parcourir le monde! J’ai entendu
qu’en occident, dans ce lointain pays où
l’on fabrique du chocolat, un groupe de sportif maitrise une
technique d’arts martiaux que nous ne connaissons pas. Le
Body Combat !
Un frisson de plaisir parcourt son échine, le faisant
vaciller imperceptiblement, puis, il enchaine.
J’aimerai que tu t’y rendes et que tu nous
ramènes cette science que nous ne maîtrisons pas.
-Oui maître, De quelle contrée lointaine
parlez-vous ?
-Genève ! Répond le maître.
-Oh ! Grand et honorable sage, cette contrée lointaine et le
berceau où vit ma bien aimée cousine Ya Ko Line,
elle pourra certainement me guider dans ma quête.
Le vieillard se lève lentement, s’approche de
Chong et, d’une main protectrice, le bénit en vue
de la complétion de son long et enrichissant
voyage…
Monsieur, monsieur l’avion arrive à
Genève, veuillez remonter votre siège.
Chong sourit, jette un regard à travers le hublot et regarde
avec intensité la chaine des Alpes qui déroule
lentement ses pentes enneigées. Il est heureux et sourit car
il va revoir sa cousine adorée.
Une multitude de souvenirs se mettent à défiler
dans son esprit, brouillant son regard d’images de bonheur,
d’un bonheur passé qui allait bientôt
resurgir avec cette rencontre.
Il la revoit assise à ses côtés sur les
genoux de son grand père, écoutant les
péripéties de la grande marche.
Puis, il y a ces parties de pêche au Cormoran sur le fleuve
jaune, ses rigolades à gambader sur la place Tien An
Men sous la bienveillante protection du portrait tant
aimé.
Une larme jaillit soudain de l’un de ses yeux couleur
de lagune.
Il se souvient de ses nems gluants qu’ils avalaient ensemble,
les joues gonflées de ces délices qui
auréolaient leurs bouches d’un halo de gras
brillant.
Et, ses bagarres qu’ils provoquaient à la sortie
de l’école Européenne de
Changaï où leurs corps virevoltaient dans les airs
et où leurs pieds faisaient mouche sur le visage de tous les
mécréants, ses blancs qui se ressemblent
tous et ne comprennent rien à leur culture.
Oh, « Jolie petite fleur des champs perdue dans un bois,
entourée de mousses et de champignons. » que de
beaux souvenir !
Ya Ko Line regarde le tableau des arrivées, son
cœur se met à battre à cent
à l’heure, l’avion de son cousin vient
d’atterrir. Dans sa main elle porte deux parts de canard
laqué à la sauce aigre douce qu’elle a
préparé en vue de la venue de son cher visiteur.
C’est son plat favori, se dit-elle, je suis certaine que ce
petit présent ravivera tous ces souvenirs enfouis par le
temps qui passe.
Chez elle, tout est prêt pour le recevoir.
Elle a acheté un sac de cinquante kilos de riz, a
placardé sur chacun de ses murs les préceptes de
Mao et des sagesses du grand Confucius.
Une odeur de thé au jasmin a imprégné
ses murs et elle a acheté l’ensemble des DVD de
Kung FU Panda.
Il ne se sentira ainsi, pas dépaysé.
Soudain, à travers le battant des portes glissantes qui
laissent passer les passagers de provenances diverses, elle
aperçoit son cousin habillé d’un
costume droit et large avec ce petit col en toile de couleur bleue. Sur
sa tête la jolie casquette que prodiguait le Grand Timonier.
Quelle bonheur de le revoir.
Après avoir passé les contrôles, il se
retrouve en face de sa cousine.
-Jolie petite fleur… Humm… Ya
Ko Line s’exclame t’il !
Puis il reste figé un instant, et tous deux en proie
à une intense émotion, pose sur le sol leurs
encombrants, se mettent dans une position de Kung Fu
appelé Pa Ma BU poussent un petit cri à la Bruce
Lee et se mettent à enchainer des Katas devant la foule
surprise qui leur laisse le champ libre.
Puis c’est un enchainement de kick, de coups de
karaté qu’ils évitent avec
grâce en virevoltant dans des arabesques
d’acrobaties.
Ils tombent ensuite dans les bras l’un de l’autre.
-Ma chère cousine, tu m’as tant manqué !
-Oui cher cousin, quelle allégresse !
Elle lui tend le petit livre, celui-là même qui
avait bercé leur enfance de sa sagesse et qu’elle
avait fait fraichement recouvrir d’une couverture de cuire
rouge.
-Tiens ! Dit-elle, voici tout notre bonheur de jeunesse.
A cet ultime instant de béatitude totale, ils ne peuvent
s’empêcher de fondre en sanglots.
Puis, sur le chemin de son appartement, Chong lui
énumère des nouvelles de chacun des membres de
leur famille.
-Petite abeille aux ailes agiles qui parcourent la campagne, Gros
cailloux qui roule dans un chemin boueux de la province Kung Chu, herbe
violette que les pandas foulent de leurs pattes habiles, nuage clair
d’un horizon orageux d’où souffle un
vent chaud…
Trois heures plus tard son énumération
se termine par un :
-J’espère que je n’ai oublié
personne !
C’est alors que Ya Ko Line enchaine :
-Si, tu ne m’as pas parlé de, petit lapin bruyant
qui saute dans la campagne fleuri et eau vive d’une mer
bleutée qui s’agite par un jour de
tempête et…
Quelques jours plus tard.
Ya Ko Line et Chong se promènent dans les rues de
Genève.
-Ils se ressemblent tous, les gens ici ! Est-ce qu’ils sont
tous de la même famille ?
-Je ne crois pas répond Ya Ko Line, mais je n’en
suis pas certaine. Pour voir la différence je prends des
photos et je les agrandies fortement pour étudier leurs
petites différences.
C’est alors qu’elle sort une photo de son groupe de
body Combat.
-Tiens regarde cousin, se sont ces gens exceptionnels dont je te
parlais.
Ceux qui vont tout t’enseigner sur ta quête.
Regardes celui-là, « Grand sifflet à la
voix tonitruante et qui a du mal avec les chiffres » il a de
gros sourcils. Et celui-ci « homme au grand sourire qui adore
les batteries au lithium », il lui manque une dent. Et
« Gros bras à la castagne facile qui aime les
artichauts » il a le pouce gauche plus gros que son droit. Et
« Petit gaillard à la prose virulente qui porte
une tenue ridicule » il a une fossette plus
prononcée que l’autre. Pour les femmes tu arrives
à les reconnaitre par leurs différences de
maquillage. Puis en les pointant du doigt elle les
énumère l’une après
l’autre. « Petite coquette au nom d’homme
qui change souvent de rouge à lèvre »,
« Grandes dents qui croquent la viande crue »,
celle-là je l’ai appelé «
J.B. » et puis celle-là c’est
« grande sauterelle qui gesticule en disant
n’importe quoi ».
Nous sommes mardi, alors ce soir, je t’emmène les
rencontrer. Si tu es très attentif, ils
t’enseigneront l’ensemble de cette connaissance
occidentale que tu recherches !
Ce soir-là tout le groupe de body combat était au
comble de l’excitation, Ya Ko Line nous avait averti de la
venue de son cousin et nous avait demandé de faire bonne
impression. Alors j’avais fait un effort dans ma tenue
vestimentaire, il avait fallu que je fasse tous mes tiroirs pour
découvrir une paire de chaussettes correctement
appairées, ok l’une était plus courte
que l’autre, mais elles étaient toutes deux
blanches et le dessin était le même, il me
suffisait donc de les placer sur mon mollet à la
même hauteur. J’avais également un
t-shirt aux allures sportives marqué « Petit
bateau ».
Nous étions tous dans la salle, heureux de ce
défoulement que nous allions suivre, attentif à
l’aura merveilleuse que Fanny nous projetait du haut de son
estrade. Nous attendions la venue de Ya Ko Line et de son cousin avant
de commencer le cours.
Soudain ils arrivèrent à petits pas discrets et
se dirigèrent directement vers l’estrade. Puis,
s’adressant à Fanny, Ya Ko Line
présenta son cousin.
-Oh, Grande maîtresse aux allégations douteuses !
Je te présente mon cousin Chong ! Il est ici pour apprendre
les techniques que tu enseignes avec brio.
Fanny lève la main en s’apprêtant
à lui faire l’une de ses réponses
incompréhensibles quand Chong se jeta à ses pieds
La face posée contre le sol en signe de
déférence.
-Oh Maîtresse du body combat, toi qui es connue pour ta
maitrise incontestée de cet art complexe. Veux-tu
m’accepter comme élève ?
-Humm !
Troublée Fanny ne sais pas quoi répondre.
C’est alors qu’en vue
d’alléger l’atmosphère, je
lance le mot cerise !
Alors Fanny ouvre grand les yeux, soumise à cet
éclair de clairvoyance qui de temps en temps
l’anime et elle se met à nous faire la
démonstration de la technique de ramassage de ce fruit
qu’elle adore.
Tout le groupe se met à la suivre. Stan folle de joie de
commencer le cours d’une si joyeuse façon, fait
tournoyer son tube de rouge à lèvres dans les
airs, Meskerem se met à claquer des dents pour syncoper
l’exercice, Bahram tout sourire se met à valser
avec sa jolie batterie lovée contre son cœur,
Mousse enchaine une série de pompe planté sur
l’assise d’un seul de ses pouces, Anne sort la
petite statue de Jean-Baptiste qu’elle s’est fait
confectionner, la pose à terre et se met à
girouetter autour d’elle.
C’est alors que Ya Ko Line prend par la main son cousin
surpris et éberlué, et
l’emmène au fond de la salle en lui disant :
-Viens Chong, de là-bas tu pourras mieux comprendre la
grandeur de cet art !
C’est alors que Manu qui jusqu’alors
était resté plutôt discret se met
à hurler ses chiffres favoris :
-Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit…
Le temps a passé effaçant la mémoire
de cette mémorable séance. Chong a repris sa vie
monastique et nous nous retrouvons chaque mardi autour de la joie
surdimensionnée que nous procure le Body combat…
On était l’un de ces jours où mon
esprit fatigué m’impose une soirée
devant ma télévision.
Je me calais donc dans mon grand fauteuil aux coussins moelleux
en me disant que certainement, j’allais
m’endormir très rapidement.
Et bien non, une surprise de taille m’attendait ce
soir-là.
J’allais assister à un reportage
réalisé dans un temple Shaolin de la province du
Sinkiang.
Et le film se déroula, réveillant ces souvenirs
lointains et joyeux.
C’est le grand maître qui est le guide de cette
visite.
L’endroit est perché dans un lieu tantrique qui
nous révèle un paysage magique.
Après une petite demi-heure de découvertes et
d’explications.
Il regarde fixement la caméra, éclairant
l’écran d’un petit sourire de malice.
-Je vais vous montrer notre grand jardin, celui qui pourvoie
à la nourriture de tous nos disciples.
Sur le chemin de cette prochaine découverte, Il nous
présente une personne que je reconnais
immédiatement.
C’est Chong qui s’occupe de
l’éden !
-Nous sommes en pleine récolte ! nous dit-il.
Devant l’enceinte qui confine l’endroit. On peut
voir la statue d’un éphèbe pratiquement
nu, qui ressemble étrangement à Jean-Baptiste.
Puis la porte s’ouvre et c’est une totale surprise.
Postés sous les cerisiers.
Un groupe de moines à la figure barbouillée de
rouge à lèvres, habillés de t-shirt de
vacances et portant une batterie de vélo sur leur
dos, gesticulent de façon
désordonnée en claquant des dents et en hurlant
à tue-tête.
-Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit !
Vive le body combat !
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