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Chronique du body combat 16

Philosophie

Dans mon groupe de sportif, nous sommes tous très différents mais avons cette passion en commun.
Le body combat.
Après le cours magistralement donné par Fanny, nous allons boire un coup à « La Gioconda ».
Invariablement, je profite de ces instants de quiétude pour faire plus ample connaissance avec mes amis sportifs. Les conversations divergent suivant la personne à côté de qui je suis assis.
Avec Manu elle tourne toujours autour de son problème :
-Pierre faut que tu m’aides ! Alors il se met à compter sur ses doigts. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit. Puis, il s’arrête en me regardant avec des yeux brûlés de douleurs. Alors, C’est quoi la suite ?
-Manu, mais quel est ton problème, c’est pourtant facile. Essaye un moyen mnémotechnique. Par exemple… Penses à un bœuf.
Il reste perplexe devant cette évidence.
-Eh bien oui, qui mange un œuf mange un bœuf !
Alors il sourit heureux de cette idée amusante et repart dans son énumération.
-Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, bœuf !

Pour Ya Ko Line, Elle me parle de sa très nombreuse famille :
-Je vais bientôt avoir la visite de cousins qui me sont très proches, il y a « Petit ruisseau qui coule de la montagne, entre dans une gorge escarpée pour ressortir dans les pâturages verdoyants », son frère « Grandes jambes qui courent plus vite que le vent et qui dévale les chemins à la vitesse de l’éclair », il sera avec sa femme « Fleur jaune de pissenlit qui resplendit dans la lumière d’un rayon de soleil matinal » et de leur fils « petite tête aux cheveux noirs qui regarde la nature et respire la fraîcheur dune rosée de printemps », leur fille « voix divine comparable au chant d’une sirène qui vogue dans un immense océan »…
Bon je m’arrête là.
Imaginez, ce jour-là trente personnes venaient la voir !

Et Stan avec sa conversation sur ses jolies robes, son nouveau maquillage, ses parfums, vernis à ongles. La dernière fois elle a déballé sur la table tous le contenu de son sac à main, que j’avais remarqué particulièrement volumineux ce soir-là. Il y avait un véritable dédale de flacons en tous genres.
-C’est mon vernis du lundi, du mardi. Sens cette eau de Cologne, trop top, et ce bleu à paupière. J’essaye tous ces produits sur Mousse avant de les utiliser.

Justement Mousse le costaud du groupe. Avec lui on peut aborder n’importe quels sujets. Mais invariablement ça le conduit à me proposer un challenge.
Toujours le même.
Il me propose ceci :
-Pierre, on fait un bras de fer, je te donne un handicap, je n’utiliserai que mon petit doigt.
Et puis c’est toujours la même chose au bout d’à peine deux secondes, qu’il fait, de temps en temps éterniser à une dizaine, il m’écrase de la plus magistrale façon, j’ai mal au bras et pour couronner le tout, il se moque de moi.
-Pierre, t’es une véritable petite fiotte !

Ah Bahram et son sourire. La dernière fois où l’on aurait pu discuter, son hilarité nous empêcha toutes conversations. C’est alors qu’il me montra sa batterie et me confia qu’elle avait été aujourd’hui, particulièrement généreuse.

Anne, et oui, Anne. Vous avez déjà deviné le sujet qui tient tant à son cœur !
Jean Baptiste, bien entendu.
Elle pose devant-elle cette petite photo volée durant l’un de ses cours, puis après une petite larme, elle part dans la description minutieuse de son unique amour.
Son sourire, son agilité, son charme, sa musculature impeccable. Ensuite elle continue dans son imaginaire, me décrivant l’exagération de son intimité.
C’est alors que je l’arrête net.
-Je suis un homme ma chère, ce genre de grivoiserie, ne m’intéresse absolument pas !

Et puis, il y a Fanny. La jolie Fanny, notre coach. Je me souviens de cette toute première fois où nous nous étions retrouvés l’un à côté de l’autre autour de cette grande table du restaurant. Tous nos camarades y allaient de leurs descriptions du cours et moi, je ne savais pas quoi lui dire.
Elle est la petite, le bébé de nous tous et je me demandais, quel type de discussion pourrait intéresser une si jeune personne.
Alors je me mis à fouiller dans mon passé lointain me demandant quel sujet me passionnait à l’époque où j’avais son âge.
Et, l’évidence s’imposa rapidement :
-Fanny ! Lui demandais-je. Que penses-tu de Kierkegaard et de sa conception de l’ironie Socratique comme étant la faculté de la négation universelle et illimitée ?
Elle me regarda un instant.
Je me mis à scruter son visage qui semblait ne présenter aucune émotion.
Puis, soudainement, elle me répondit :
-Je pense qu’il faut ramasser les fraises avant les cerises !
Je restais interrogatif devant cette affirmation.
J’étais prêt à lui envoyer l’une de mes plaisanteries, quand, mon visage se figea. Mon front se mouilla d’une sueur abondante, ma gorge se crispa dans un difficile goulet d’air. Je venais de comprendre la profondeur de son affirmation.
Mon regard devint admiratif.
Que d’intelligence, de maturité, de réflexion transcendantale dans un crâne aussi juvénile.
J’allais éclater en sanglots.
Alors, pour m’absoudre à cette faiblesse, je quittais brusquement la table prétextant un rendez-vous urgent.
Seul dans ma voiture je laissai couler mon émotion et de retour chez moi, me branchais sur mon forum préféré. Celui parlant de la philosophie à travers les âges et lançais immédiatement l’affirmation de la jolie demoiselle.
Quelques minutes plus tard, mon petit texte eut droit à cinq cents « j’aime » et une multitude de commentaires vinrent rapidement l’étoffer.
Les séances de Body se succédèrent dans des complétions les plus admirables.
C’est étrange comme une grande idée appartient immédiatement à la communauté et ne profite pas forcément à son inventeur.
Un jour, je travaillais dans mon atelier de câblage.
Cette occupation répétitive me permettait une certaine frivolité d’esprit.
J’allumais donc ma radio sur « France Inter » et son fameux « Vendredi de la Philosophie ».
Le présentateur, entouré d’éminents personnages, présenta son invité exceptionnel.
-Mes chers auditeurs, nous avons le privilège de recevoir aujourd’hui le professeur Muchtenberg. Il vient de sortir une nouvelle thèse révolutionnaire, qui lui a permis d’obtenir la direction de la chaire de philosophie au Collège de France.
Un murmure d’admiration enfla dans le groupe présent dans le studio.
Puis, on entendit une foultitude de congratulations élogieuses et admiratives.
L’éminent professeur s’assit devant le micro.
Racla sa voix et un silence complet, qui faisait ressentir la profonde admiration de l’assemblée, parcourut les ondes.
Soudain.
Posément.
Calmement.
Il commença sa bouleversante affirmation :
- Il faut ramasser les fraises avant les cerises…

Vive le body combat !




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