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Chronique du body combat 35

Rançon
Trois semaines que l’on n’avait pas vu Manu.
Il était parti pour un voyage d’une semaine professionnelle à Singapour et depuis, on n’avait plus eu de nouvelles.
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Quelque part dans une forêt vierge de Malaisie.
Un petit village abritant un groupe de séparatistes Tamoul.
La Chaleur est infernale et les bruits animaliers assourdissants.
Une moiteur étouffante et pesante écrase cette journée tropicale, brouille les esprits et affaiblit les corps surchauffés.
Dans une petite cabane faite de planches de bois males ajustées, le chef du clan, Monsieur Tutu Angouneturlu, à la mine patibulaire, reste assis immobile, entouré de trois de ses lieutenants.

L’homme à l’air complètement dépité.
Son petit chapeau aux couleurs bariolées repose à côté de lui.
Une longue balafre, souvenir de violents combats, zèbre le côté gauche de son visage.
Un rictus de colère la fait virevolter sur sa joue, puis, l’homme interpelle ces compères qui l’entourent :
-Il semble impossible de se débarrasser du grand homme à la grosse voix et à la combinaison de ski de fond que nous avons kidnappé!
Sa posture s’amenuise, ses lèvres tremblotent et Il fond en larmes, laissant soudain couler son désappointement.
Puis relevant la tête, il tourne ses yeux vers l’extérieur. A travers une petite lucarne qui sert de fenêtre à sa cahute , il peut apercevoir l’énergumène qui saute dans tous les sens en hurlant sa succession de chiffres préférés et toute une cohorte de ses soldats, les doigts plantés dans les oreilles, semblent vouloir imiter ses mouvements saccadés.
-Mais chef, on a eu beaucoup de mal et pris beaucoup de risques pour l’amener jusqu’ici !
-Oui je sais ! Après un sanglot d’émotion, il continue. J’ai téléphoné à l’ambassade de France et demandé une rançon de cent mille Euros pour qu’on le libère !
-Et alors ?
-Et bien quand j’ai donné mon nom, l’ambassadeur a éclaté de rire en me répondant « Chapeau pointu ! », puis il m’a demandé qui était ce fameux Français kidnappé que personne n’avait pourtant signalé comme disparu. Alors j’ai répondu, que c’était un certain Manu. Alors là il s’est esclaffé et j’ai entendu tous les gens qui l’entouraient rire à en perdre le souffle. Puis il m’a dit qu’il connaissait ce fameux énergumène, celui qui portait une combinaison de ski de fond et qui hurlait en comptant. Ils avaient été obligés, une semaine plus tôt, d’intervenir à l’aéroport de Singapour pour le sortir de la cellule où il avait été enfermé, le personnel de sécurité ayant cru que c’était un terroriste !
« Alors celui-là vous pouvez le garder ! », m’a-t-il dit avant de me raccrocher au nez !
-Mais il faut s’en débarrasser, il nous saoule avec sa grosse voix ! Dit l’un des complices très inquiet.
-J’ai contacté sa famille en leur demandant cette fois dix mille Euros, vous savez ce qu’ils m’ont répondu !
-Non !
-Qu’un animal comme lui avait tout à fait sa place dans la jungle !
-Alors que va-t-on faire, faut le rendre !
-J’ai encore une dernière idée, il paraît qu’il a un groupe d’amis fidèles avec qui il fait du Body combat…

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On était mardi soir, le soir du…
Et bien non, pour moi ce n’était pas le bonheur, mais l’inquiétude qui me submergeait.
Je venais de recevoir un mail d’un certain  Angouneturlu Tutu qui me demandait une rançon de Mille Euros pour libérer Manu.
Alors j’avais mis cent cinquante Euros dans une enveloppe et espérais en obtenir, ce soir, autant de chacun de mes amis Body combattant.
Je rentrai dans les vestiaires pour apercevoir Mousse.
Je m’apprêtai à lui demander sa contribution quand le râle d’un homme couché à terre, bien amoché, détourna mon attention.
-Pierre, me dit Mousse, cet énergumène m’a dit qu’il avait oublié son portefeuille et m’a demandé si je ne pouvais pas lui prêter une tune pour louer une serviette. Non mais, moi j’n’aime pas les mendiants alors je lui ai donné une bonne correction.
L’homme esquinté, tout en gémissant releva sa bobine édentée :
-Efcusez moi Mfieur Mouffe, j’voulai pas vous manquer de Refpect !
Alors, sagement je décidai de passer mon chemin et me rendit vers Barham pour lui proposer ma requête.
Il avait son grand sourire habituel, mais, dès que je lui fis ma demande pécuniaire, sa bobine devint sombre, il sortit un sac en plastique de son casier en me montrant une batterie flambant neuve :
-Tu sais Pierre, je suis un peu juste ses derniers temps, ma batterie était foutue et j’ai dû en racheter une autre. Alors, franchement, je préfère lui payer un coup à boire quand il reviendra !
J’étais époustouflé par cette réponse inadéquate.

Heureusement, les filles, beaucoup plus sensibles, seraient certainement plus généreuses.

En arrivant vers Stan devant la salle où devait se dérouler notre cours, j’y allais de mes explications.
-Manu, ça jamais, tu sais ce qu’il m’a dit deux jours avant de partir ! Que j’n’étais pas si bête que ça pour une blonde ! Non mais quel gougea, qu’il aille se faire voir.
Ya ko Line Me donna deux Rolex qu’avait fabriqué son oncle Chan en précisant que j’en tirerai facilement dix Euros.
Mademoiselle Linette, arrivant avec un immense sac d’un magasin coquin du quartier des Pâquis me précisa que le mois prochain, certainement, elle pourrait me donner quelque chose, mais pour l’instant elle avait dépensé tout son argent dans certain de ses accessoires préférés.
Meskerem assise sur le sol les canines occupées sur un morceau de barbaque, passa son avant-bras devant sa figure et renifla avec vigueur pour occulter sa réponse et, lorsque j’abordai Anne, elle fondit en larme en me disant que si un tel malheur arriverait un jour, à Jean-Baptiste, jamais elle ne pourrait s’en remettre.

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Le samedi suivant, mon désarroi grandissant m’avait décidé à sacrifier une partie de mes économies de vacances pour faire le virement nécessaire à sa libération.
Quand, je rencontrai Manu au marché de Gex.
Ma surprise était de taille :
-Manu! Mais tu as été libéré !
-Oui dit-il en riant, parait que les kidnappeurs ont dû donner cinquante mille Euros à l’ambassade de France pour qu’ils veuillent bien me récupérer.
Je me sentis heureux et soulagé, trop content de retrouver ce compagnon dont la disparition m’avait  causé une terrible angoisse…
Une semaine plus tard, c’est en écoutant les informations à la télévision que j’eu des nouvelles de ce fameux groupe de séparatistes Tamoule.
Ils avaient tous été arrêtés.
Un policier, tout en rigolant précisa qu’ils les avaient facilement repéré dans la forêt vierge car tous gesticulaient en hurlant « Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit !».

Vive le body combat




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