Chronique du body combat 41
Taloches.
Je ne vous ai jamais
présenté Aïda, notre nouvelle coach.
Celle qui a remplacé Fanny.
Elle est dynamique sait comment motiver ses troupes.
Elle a su ramener de jolies petites nouvelles
élèves et de ça je lui en suis
particulièrement gré.
Elle a trois
particularités.
La première
c’est qu’elle met la musique beaucoup trop
forte, à un volume assourdissant, terriblement
dérangeant.
Stan est la seule de notre groupe à trouver cet
excès de décibel tout à fait
acceptable.
D’ailleurs cela m’a permis de comprendre pourquoi
elle acceptait si facilement
les remarques malvenues que lui imposait Manu.
Elle doit certainement être un peu sourde !
Sa deuxième particularité, c’est
qu’elle est costaude la bougresse avec une
musculature qui impose le respect.
Je me souviens du jour où Mousse voulut faire le malin en la
saluant par une
bonne poignée de mains.
Il y avait un sourire sur ses lèvres, ce même
sourire de castagne qu’il utilise
avec les culturistes du club. Puis après quelques secondes
de poigne, celui-ci
se transforma en rictus, une expression de douleur contenue.
Puis, tout en se pinçant les lèvres, il croisa
les genoux en s’affaissant.
Mon intervention sauva notre ami de la totale humiliation.
Habilement, je tendis une bouteille d’alcool à
Aïda. Alors, son regard tourna à
la convoitise et elle se désintéressa de sa prise.
Et oui justement ! La
bouteille est la troisième
particularité de notre coach.
Elle aime la picole.
A chaque entrainement alors que nous tous, apportons une bouteille
d’eau pour
nous déshydrater, Aïda arrive avec une bouteille de
vin sous le bras.
Du gros rouge, du genre de celui qui tâche, contenu dans une
bouteille en plastique,
qu’elle descend au goulot après chaque routine.
Ensuite, invariablement, elle s’essuie la bouche avec son
avant-bras en
émettant un rot sonore qui maintenant, avec
l’habitude, nous prépare à la
prochaine chorégraphie.
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On était mardi soir
et Manu était heureux !
Heureux car, pour une fois, il était le seul
d’entre nous à être totalement indemne.
Il riait de ce bonheur.
Pouffant, en regardant nos mines abîmées.
Mousse avait trois dents de cassées.
Ya ko Line avait la figure de la couleur de son fameux petit livre.
Stan s’activait à poudrer ses pommettes pour
cacher des marbrures violacées.
Barham avait le nez tordu sur le côté droit.
Meskerem sur le côté gauche.
Mademoiselle Lapinou tout en se tenant la tête, murmurait
à son téléphone, ce
qui était pour elle une véritable exception
« Pas ce soir j’ai mal à la
tête ! ».
Anne avait son piercing complètement explosé,
oui, ce fameux piercing qu’elle
s’était fait agrafé sur sa joue en
amour pour Jean-Baptiste, en disant que s’il
ne s’infectait pas c’est qu’il
était follement amoureux d’elle.
La grande sauterelle avait ses deux téléphones
plantés dans la bouche.
Et, moi-même je n’étais pas beau
à voir avec mon bandeau de travers et ma lèvre
ensanglantée…
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Une semaine plus
tôt…
Nous n’aimons pas manquer le cours de body combat.
C’est pour nous comme une
drogue, un désir insatisfait jusqu’à ce
jour béni de la semaine.
Pourtant ce soir tout le monde avait eu un empêchement et je
me retrouvais seul,
sans mon petit groupe, à assister au cours.
Comme j’en avais pris
l’habitude, J’avais enfoncé mes
bouchons profondément dans mes oreilles et je
m’étais lancé dans un
entrainement à la syncopée magique.
Soudain, Aïda, furieuse, coupa la musique et nous fit face.
Je continuais mes mouvements quelques secondes, n’ayant pas
vraiment perçu le
changement de la tonalité.
Puis croisant son regard énervé et remarquant la
vocifération qui provenait de
sa bouche largement ouverte, je dégageais
discrètement mes esgourdes pour
l’entendre.
« J’ai
dit on crie KYA au quatrième kick, ça fait
cinquante fois que je le répète, vous
êtes demeurés ou
quoi ? ».
Tous les
élèves de la salle étaient penauds,
effrayés par sa
colère et tous baissaient la tête, honteux
d’avoir désobéi aux ordres.
Elle continua.
« Le prochain que je surprends à ne pas
crier ce fameux KYA, je lui file une bonne paire de
claques ! ».
Je vous assure que son invective fut prise à sa bonne mesure
et que l’ensemble
de la salle continua l’entraiment en hurlant à bon
escient cette fameuse
interjection.
A la fin de la
séance elle nous remercia d’un sourire en
nous disant que dorénavant elle exigerait ce type de
dépense énergétique.
On était mardi soir.
Et, tout mon petit groupe était là, heureux bien
entendu, bourré de cette
énergie qui ne demandait qu’à
être dépensée.
Et le cours
commença, dans une euphorie dithyrambique,
extase des muscles qui se tendent, puis se libèrent
à l’unisson.
Tout se passait tellement bien,
mon âme chavirait vers cette
apothéose divine quand ce fameux instant du
« Kya » arriva.
Eh oui, tout mon groupe habituel avait manqué ce fameux
avertissement et
moi-même perdu sous mon silence d’oreilles
bouchées je n’y pris garde.
Et, alors que toute la salle y allait du cri conseillé, nous
restâmes tous muets,
noyés dans notre ignorance, sauf, bien entendu, Manu qui
hurlait comme il en a
l’habitude.
C’est alors que les baffes promises, volèrent sur
nos bobines étonnées !
Vive le body combat.