Tweet 28/03/2011  Le jaloux

Il y a quelques mois de cela, avec mon groupe de body combat, nous nous étions retrouvés pour manger une pizza. L’ambiance était excellente et nous avions bu plus que raison…

Meriem arborant un t-shirt avec la photo de son ayatollah préféré, nous montrait son verre d’eau essayant ainsi de nous enseigner les justes préceptes. Dominique fredonnait « Goodbye Marylou » devant Juliette qui imitait Popeye. Phil parlait en Chinois à Chantal, qui bien qu’elle ne comprenne pas un mot de ses propos, en femme soumise et amoureuse, elle riait à gorge déployée.  Catherine le regard vide se demandait pourquoi elle s’était assise devant Venu qui la bassinait encore et encore, avec la description des volumes importants de sa dernière conquête. Rolph arrosait sa pizza à son goût trop fade avec une sauce malodorante qui provenait de son restaurant préféré. Aurélie se demandait si elle pourrait assouvir son envie de fraises et, moi-même, j’écoutais attentivement Olga qui m’enseignait la recette préférée des enfants Russe ( la pomme de terre à la vodka, farcie à la feuille de choux).

Quand, tout à coup, Meriem entonna de toutes ses forces :
« Pierre tu es le meilleur body combattant au monde ! »

Un peu surpris qu’elle affirme si soudainement cette évidence, je clignai des yeux en forme d’acquiescement. Puis, ce fut le tour de chaque personne de notre tablée d’attester de cette Lapalissade.

Pourtant, un quidam resta muet, le regard bas, les poings serrés sur ses genoux crispés

Venu ruminait son mécontentement…

 Alors, il se dit qu’il fallait prouver que c’était lui le meilleur, l’apôtre du body combat. Le Dieu des extensions difficiles, le monarque du coup de pied.
Pour arriver à ses fins, dès le jour suivant, il acheta le dvd de la routine sportive qui nous serait présentée dans un mois…
 Jours et nuits il s’entraina, rivé devant son petit écran en imitant de la plus exhaustive manière tous les gestes qui lui étaient présentés. ..

 Enfin le mardi soir, de son grand jour arriva.

 Je débarquais ce soir-là, comme à l’habitude, certain de mon hégémonie  flagrante, et, dans les vestiaires, je saluais Venu d’un sourire.
Il me dit :
« Alors t’es en forme ce soir ! »
Je lui lançai un regard interrogatif en réponse à cette question à la réponse triviale.

 Bardé de mon bandeau, mon t-shirt de vacances, mon short trop large, mes chaussettes dépareillées et mes chaussures que Mathusalem avaient connus, je me dirigeai vers la salle de cours sous les regards admiratifs de quelques demoiselles. Regards qui n’avaient rien à voir avec mon apparence mais qui était la juste vénération d’un adonis du body combat.

En passant, je dis un petit bonjour à ma copine fan exclusive du stepper qui me confia être un peu fatiguée car elle n’avait pas suffisamment mangé avant de venir.

 Devant la salle,  notre petit groupe attendait et tout semblait normal. Dominique, la joue gauche posée sur le sol, la main droite écrasée sur le front et le pied droit planté derrière sa nuque se préparait à nous apporter ce nouvel enseignement. Catherine, lui massait l’omoplate gauche, Olga, dans un état second, récitait des vers de Marx, Meriem se lavait les pieds dans une bassine et se permettait quelques ablutions.

 Pourtant ! Oui, pourtant !  Je ressenti un certain malaise parmi cette sympathique assemblée ! Une étrange impression que quelque  chose ne tournait pas rond. Une anxiété profonde me compressa les entrailles…

 En me voyant arriver, Chantal se précipita vers moi en disant :
« Pierre, nous avons un très, très gros problème ! »
Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que je compris la difficulté.
Rolph arriva, apportant une boite en carton marquée Café Vaudois, à l’intérieur on pouvait apercevoir une multitude de petits gâteaux aux couleurs étranges et au fumet peu délicat.
Il nous dit :
« Mes amis je vous ai amené de petites friandises pour fêter mon deuxième anniversaire ! »
« Quel anniversaire ? » Demandai-je.
« Celui qui célèbre la première fois où mes yeux ont croisé ceux de Nadia ! »
Alors il fallut réfléchir très vite.
Dominique argumenta qu’il ne mangeait jamais avant un cours.
Catherine en prit un puis disparue immédiatement dans les toilettes pour en ressortir deux secondes plus tard, les mains vides et la mine réjouie.
Meriem fut navrée de refuser, mais elle ne mangeait que des gâteaux hallal.
Aurélie fut prise de nausée que Rolph crut provenir de son état de femme enceinte.
Chantal en prit deux et ajouta :
« Je les donnerai à Phil, je pense que ça calmera ses ardeurs qui sont dernièrement un peu trop encombrantes ! »
Olga refusa de toucher à une nourriture riche, signe d'un capitalisme éhonté et sortit de son sac un morceau de pain sec arrosé de vodka, qu’elle engloutit avec délectation.
Moi-même esthète de la bienséance, ne voulant blesser notre ami, je pris deux petites pâtisseries qui me collèrent aux doigts et dès que Rolph eut le dos tourné, je les offris à mon amie adepte du stepper, qui toute contente, calma ainsi sa faim.
 
Le cours allait commencer.
 
Venu, dernier arrivé, ne sachant pas qui était le donateur des friandises laissées devant l’entrée de la salle en avala une, question de donner encore plus de force à sa prochaine démonstration.
Son exemple fut d’ailleurs suivit par de nombreuses personnes qui passaient dans cette encoignure de la pièce…
 
Une nouvelle musique résonna à nos oreilles. Venu planté devant nous tous, commença par faire une démonstration parfaite de la maîtrise de cette nouvelle routine. Même Dominique sembla étonné du brio avec lequel il enchaînait les nouveaux mouvements.
 
Après une dizaine de minutes de parfaites démonstrations, je pus apercevoir à travers la baie vitrée de notre salle, une vive agitation. Mon amie « fan du stepper », les mains collées au ventre, se tordait de douleur. Puis cinq minutes plus tard les pompiers arrivèrent pour aider la multitude d’individus qui vomissaient leurs entrailles.
 
C’est à ce moment-là que la routine enchaînée par Venu commença à prendre une tournure bizarre. Les fesses serrées, le visage blême, il s’essayait à des kicks qu’il accompagnait de pets nauséabonds. Puis il dû s’enfuir à toute vitesse pour rejoindre les latrines.
Je pris donc sa place, qui me revenait de droit.
 
A la fin du cours, tout le monde rejoint les vestiaires, tout en évitant les flaques glissantes et grumeleuses qui souillaient le sol. Venu livide et épuisé sortit des toilettes.
Rolph apercevant sa boite vide dit, tout heureux de ce succès, qu’il en ramènerait une autre la semaine prochaine !
En entendant cela notre pauvre Venu défaillit…



 


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