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13/06/2011 La snob

 

J’étais allongé sur une chaise longue, profitant des derniers rayons de soleil et de la chaleur que cette fin d’automne nous apportait. Les oiseaux gazouillaient leur joie de vivre, les arbres se paraient de leurs nouvelles couleurs,  un air pur emplissait mes poumons. Toute cette ambiance aurait dû m’apporter la complétion d’une joie sans nuage.
Pourtant !
Pourtant j’étais angoissé, inquiet, une question lancinante torturait mon esprit chagrin !
Je pensais à Chantal !
Pourquoi, depuis déjà quelques semaines, avait-elle tant changée ?
Pourquoi ne venait-elle plus au cours de Body combat ?

La dernière fois que je l’avais aperçu, elle était totalement métamorphosée.
Il y avait d’abord cette odeur d’huile de vidange qui ne suivait plus chacun de ses pas.
Puis, fait déconcertant, sa façon de s’habiller différait absolument de son habitude.
Plus de bleu de travail, mais à la place une tenue bon chic bon genre avec un short marqué Lacoste, et puis, chose vraiment troublante…
Elle se rasait les jambes ! Oui, vous avez bien entendu ! Elle avait les jambes rasées …

Et puis, Phil s’était complètement transformé, ne portait plus ces magnifiques chapeaux Chinois et ne mangeait plus ces nems délicieux qui auréolaient sa bouche d’une tâche graisseuse.
Pour lui, le costard, cravate était maintenant de mise…

Ce mardi soir, je conduisais en direction de notre club de sport bien aimé,  tout en ressassant mon inquiétude.
Y ‘avait-il un rapport avec cette petite conversation que nous avions eu il y a quelques temps:
« Tu sais Pierre, m’avait dit Chantal d’un air pincé, Phil et moi-même avons fait l’acquisition d’un magnifique loft de quatre cents mètres carré avec une terrasse de deux cents mètres et une vue splendide sur les Alpes et la région Genevoise !
Puis, elle ajouta en pouffant sa satisfaction. Phil et moi avons dû nous acheter un GPS car nous avions du mal à nous repérer dans notre demeure ! »

Un peu plus tard, l’heure de notre cours de body combat approchant,  je me pointais devant la salle.

Chantal était là !

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Elle était accompagnée d’une jolie jeune femme blonde en tenue fashion-sport.

Masquant mon angoisse j’allais adresser mes civilités à chacune de mes connaissances.

En me voyant, Chantal s’exclama :
« Pierre je te présente Paule Valérie de Saint André, elle est une amie intime de la nièce du frère d’une connaissance de Nadine de Rotchild ! »

Catherine qui se trouvait près d’elle se sentit soudainement tellement intimidée, qu’elle s’enfuie sans mot dire dans les toilettes pour cacher la soudaine rougeur de son visage.
Chantal continua extrêmement fière et hautaine :
« C’est ma voisine ! »
Paule Valérie me présenta sa main au niveau de mes lèvres, je fis une génuflexion devant elle en baissant les yeux.
J’entendis Olga, jalouse qu’une beauté concurrente ait aussi le toupet d’avoir une particule, grommeler dans mon dos :
« J’vais lui montrer ce que les camarades on fait aux Romanov ! »
Puis notre beau Venu arriva.
Immédiatement intéressé par la blondeur de la nouvelle, il s’apprêta à la prendre par la taille pour essayer de  l’embrasser, quand je lui susurrai :
« Venu c’est une grande dame, elle est noble ! »
Notre séducteur fit un pas en arrière, puis, tremblant d’émotion, tout en utilisant sa mémoire scolaire, essaya de lui réciter l’un de ses plus beaux compliments :
« Me font vos yeux mourir, belle Marquise, d’amour ! »
Elle haussa des sourcils, jeta un coup d’œil à Chantal, qui lui répondit par une expression condescendante.
Elle lui tourna  le dos.
Le pauvre, pour tromper sa honte et se dédain manifeste, fit mine de renouer le lacet de sa chaussure.
Rolph, ayant tout entendu, prit son sandwich du café Vaudois entre son pouce et son index et tout en soulevant son petit doigt, le porta avec distinction à sa bouche.
Aurélie, passant la paume de sa main délicatement sur son ventre, assura :
« Je vais l’appeler Charles Henri ! »
Meriem, colla un logo « Nike » sur le devant de sa Burka et s’essaya dans un langage qu’elle ne maitrisait pas vraiment :
« Z’y valasse, je kifasse coubo les Blenos ! »
L’étonnement fut à ce moment général…
César arriva en exécutant un bond à la Noureïev, une ou deux arabesques et quelques cabrioles.
Et puis, il y avait la petite nouvelle. Gaby. Une petite dame aux allures Gothiques, le nez planté d’un os de moineau, des piercings cernant sa bouche et une tête de mort, noire, pendue à son cou. Elle comprit immédiatement que sa dégaine n’était point de mise en la présence d’une personne de qualité. Elle arracha la cagoule de Meriem et la planta sur sa trombine.
La tête de Meriem se présenta à nous, recouverte de bigoudis roses et mauves.

Dominique tout en nous invitant à le suivre, se mit à chanter une Cantate de Bach et le cours commença…


Sortant la tête par l’entrebâillement de la porte des toilettes, Catherine se rendit compte qu’il était temps pour elle de reprendre du courage si elle voulait suivre le cours. Pour ne pas être reconnue, elle colla quelques feuilles de papier toilette sur son front à l’aide  de sa salive et nous retrouva dans la salle de cours.

J’entendis Paule Valérie s’adresser à Chantal en ses termes :
« Ma pauvre chérie, je ne sais pas comment tu peux supporter la promiscuité avec des petites gens, il faudrait que je tu changes de club pour le mien qui est beaucoup plus select ! »
Chantal approuva de la tête :
« Une dernière fois ici, juste par politesse ! » murmura-t-elle.

C’est étrange ce qu’un cours de body combat peut engendrer chez tout être humain.
Il semble remettre en place le Yin et le Yang, permettre de comprendre l’essentiel de la vie, soigner les âmes meurtries et désorientées.
C’est ce qui se passa !

Tout commença par Venu qui soudainement excité par cette nouvelle blondeur qui évoluait à côté de lui, se prit à avoir de nouveau les mains baladeuses.
Paule Valérie, après un petit cri de douleur,  tout en se frottant les fesses, changea de côté pour se retrouver vers Rolph. Celui-ci affamé lui fit sentir son  petit pain à l’ail et soulevant son t-shirt lui montra son tatouage raté de Nadia.
La pauvre s’écarta d’un pas et faillit défaillir. Malheureusement à ce moment-là César accomplissait l’un de ses plus beaux kicks et frappa la belle sur le postérieur.
Olga, trop contente de voir le sort qui accompagnait sa concurrente en profita pour lui marcher sur le pied. Au même moment, la pauvre glissa sur un bigoudi détaché de la tignasse de notre Islamiste, pour atterrir auprès des bottines noires de Gaby qui sortit un long couteau de son chemisier et tout en montrant son poignet, articula :
« Allé, ma petite bourgeoise, on va devenir sœurs de sangs ! »
Aurélie prise de court devant la déchéance de la princesse osa cette perfidie :
« Gustave, il s’appellera Gustave ! »
Et ce fut Catherine qui m’étonna le plus par sa méchanceté. Elle sortit la tête d’un côté d’une colonne où elle s’était cachée et murmura :
« Bien fait ! »

S’en était trop.
Paule Valérie empoigna Chantal par le bras et lui dit qu’il fallait quitter ce lieu bondé de prolétaires dégénérés.
Mais c’était sans compter sur l’état normal que notre amie avait maintenant retrouvé.
Elle regarda l’aristocrate, lui montra ses aisselles recouvertes d’une moiteur visqueuse, lui cracha à la figure le morceau de chique qu’elle avait précédemment retrouvé dans un coin de l’une de ses poches et hurla :
« Ah ça ira, ça ira, ça ira les aristocrates à la lanterne, ah ça ira, ça ira, ça ira, les aristocrates on les pendra ! »
Dominique enchanté par cette chanson qu’il trouvait divine continua sur l’un de ses succès Polnareffien, faisant ainsi vibrer les hauts parleurs qui amplifiaient sa voix.
C’est à ce moment que Phil arriva.
Le pauvre n’était pas au courant du revirement de la situation et se précipita pour aider Paule Valérie à se relever.
« Laisse tomber la Meuf, dit Chantal, c’est une vraie Pouf, puis, elle inventa, elle m’a dit que les Chinois, c’était tous des C… ! »
Phil furieux d’avoir ainsi été touché dans le plus profond de son être, lui envoya des insultes dans son langage préféré :
« To chao Gawan tuté ! »
Ce qui veut dire « les escargots aiment la pluie »
Bon, encore une fois, Je te demande Phil de revoir ton vocabulaire Chinois.

Depuis ce jour béni, notre amie est redevenue la Chantal que l’on aime. Celle qui sent l’huile de vidange, qui utilise un langage grossier et indécent et puis son doux aimé, Phil, nous inonde à nouveau du savoir de sa culture d’adoption.


 


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