J'ai besoin de trop d'amour !
Tout le monde a besoin d'amour, d'un peu d'amour, de beaucoup d'amour.
C'est mon cas et je dois vous l'avouer, j'ai besoin d'amour à l'excès !
Pour moi c'est plus qu'un besoin, c'est un vice, un envi de chaque instant, de
chaque minute, qui me taraude les entrailles, une exigence que mon être en
entier me demande...
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Mylène, c'est ma douce, ma princesse, celle que j'ai choisie pour accompagner
ma vie, pour m'encadrer de sa douceur.
Elle est si belle!
Notre première rencontre s’est faite durant une soirée festive chez un couple
d'ami. Mon copain m'avait
affirmé : " Pierre, à notre soirée tu vas rencontrer Mylène, c'est une
collègue de ma femme, elle est célibataire et c'est un véritable canon!".
C'était vrai, ses formes gracieuses et avantageuses firent l'effet escompté.
Etant les seuls non accompagnés de la soirée, notre rencontre fut facile. La
blondeur de ses cheveux, la pâleur de son teint m'emportèrent vers une
espérance, une convoitise que je souhaitais. Sa conversation combla toutes les
réticences que j'aurais pu avoir. Elle était douée d'une intelligence, d'une
compréhension de la vie qui me sembla sublime, idéale. Notre attirance fut
mutuelle, aussi bien charnelle, qu'affective. L'échange de nos numéros de
téléphone confirmèrent notre désir de nous revoir.
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Ce besoin d'amour dont je vous parlais et vraiment viscéral. Il peut provenir
d'hommes, de femmes, peu m'importe...
Je suis heureux de vous faire cette confidence par écrit, car à cet instant
même, vous pourriez observer mon visage tourner au purpurin, avec une moiteur
de honte dégoulinant de mes tempes. Et, mon écriture, si le clavier
n'avait pas remplacé l'habilité de ma main, vous aurait montré cette nervosité
d'excitation que m'impose le seul fait de vous dévoiler ce secret...
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J'ai revu Mylène quelques jours plus tard. Nous nous étions retrouvés dans un
petit bar du quartier des Grottes à Genève. L'ambiance était jeune, sympathique
et intimiste. Assis l'un en face de l'autre nous nous regardions, nous nous
observions de ce regard gêné mais inquisiteur qui veut en un instant tout
découvrir de l'autre, tout comprendre et débusquer le défaut, l'erreur qui
éventuellement pourrait nous rebuter.
C'est elle qui commença la conversation!
Un long monologue qui lui fit étaler sa vie, dévoiler sa pensée, qui m'ouvrit
les portes de sa conscience, de sa personnalité. Je L'ai écoutée en silence,
subjugué par cette femme qui au fil de ses mots se confondait à mon idéal,
s'approchait du périgée de mon âme. Mes yeux s’étaient arrimés aux siens,
s'associant avec eux, leurs expliquant que, sans le moindre doute, c'était elle
que je cherchais.
Ma description fut plus concise, peut-être un peu désinvolte, j'essayais
néanmoins d'éviter certaines fanfaronnades qui auraient pu la rebuter, lui
donner une fausse idée de ma personne.
Ma main effleura la sienne, une sorte de caresse que je voulais discrète tout
en étant entreprenante.
Plus tard, je la quittai au bas de sa porte, un peu déçu, après un simple baisé
sur ses lèvres, en lui tenant la main un peu trop fort pour vouloir la
convaincre, la retenir.
Derrière l'entrebâillement de sa porte, elle murmura dans un sensible sourire :
"pas ce soir, on se revoit bientôt. On s'appelle !"
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Cette amoralité dont je vous parlais et vraiment une gêne de mon existence.
Cette appétence est même gênante. Envahissante. Mon esprit a du mal à se
concentrer, à se fixer sur une tâche bien précise et, plusieurs fois ,de
nombreuses fois dans la journée, je ressens le besoin d'assouvir mon
"envie" en utilisant des subterfuges habiles et discrets.
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Notre deuxième rencontre survint très vite, en fait le lendemain de la
première. On s'était téléphoné au moins dix fois dans la journée, avec une
kyrielle de sms au propos évocateurs. C'est chez elle que nous nous sommes
retrouvés. Son intérieur était soigné, délicat, reflétant parfaitement
l'opinion que j'avais d'elle. Il dévoilait encore un peu plus sa délicatesse,
sa tendresse, son besoin de faire transparaître le raffinement de
l'impartialité de son existence.
Une musique langoureuse berça la dégustation du repas qu'elle nous avait si
soigneusement mitonné. Un vin capiteux délecta nos papilles et nous entraina,
avant même d'atteindre le dessert, à des ébats sulfureux qui rassasièrent ces
phantasmes mutuels qui nous avaient obsédés depuis l'instant de notre première
rencontre.
Le restant de la nuit nous vit collés, l'un à l'autre, enivrés par nos grains
de peaux qui ne voulaient plus accepter une simple séparation et dont le
contact augmentait la passion qui venait de nous envahir.
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Je me souviens d'un jour où ma tare.
Oui ! Ce mot convient tout à fait à mes impulsions nauséeuses, contraire à la
bonne morale.
J'avais menti une maladie à mon entreprise pour pouvoir me laisser une journée
complète et libre qui me permettrait de m'engager dans ma folie d'amour.
Le soir, j'étais allé me coucher, éreinté par cette démence ambiguë que j'avais
accompli un nombre incalculable de fois. Je m'étais dit, à l'époque, que je pourrais
ainsi calmer cet insatiable appétit.
Et bien non...
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Mylène devint très rapidement ma femme et l'enfant de notre entente parfaite
arriva dans l'apothéose d'une joie partagée. C'était une petite fille, une
petite mignonne à la figure d'ange avec deux charmantes fossettes qui
accompagnaient chacun de ses sourires, de cette joie que tous nous ressentions
dans la symbiose de nos vies abouties.
Le soir, très souvent, on ne regardait même pas la télévision. Assis dans notre
salon où, en son beau milieu, nous avions installé le berceau de notre enfant.
Nous restions muets, main dans la main à contempler le fruit de notre union.
Humant cette bonne odeur de nourrisson, subjugués par cet être d'exception,
notre exception. De temps en temps les yeux mouillés d'allégresses, nous nous
regardions tendrement, appliquant une pression incitative sur nos mains
enlacées, dodelinant notre tête dans cet accord parfait, cette compréhension
mutuelle de notre bienêtre. La vie nous semblait douce, accomplie, perfective.
Tout aurait pu s'arrêter subitement se figer ainsi pour l’éternité de ce rêve
dans lequel nous étions plongés.
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Le soir bien évidemment, vous pouvez le comprendre, il m'était difficile de
m'adonner impunément à mon injonction profonde. Il y avait pourtant certains
jours, ceux où ma dulcinée s'éloignait de moi pour aller rendre visite à ses
parents.
Alors là j'y allais à cœur joie, sans le moindre remord, le moindre regret, mes
nuits étaient courtes, extrêmement fatigantes, mais, tellement exaltantes.
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Notre fille a grandi, elle s'est éloignée de nous pour ses études
universitaires. Nous ne la voyons que quelques fois par ans. C'est un peu
triste bien sûr. Ce n'est pas uniquement par le fait de son absence, mais
également à cause de ce sentiment ou du moins du regard que nous entrevoyons de
notre vieillesse, de ce changement corporel qui s'installe insidieusement sur
nos corps, se dessine sur nos visages. Avec Mylène nous nous aimons toujours
aussi fort. Je sais tout, je comprends tout d'elle. Son moindre changement
d'humeur, sa moindre tristesse ne passe jamais inaperçus et je sais exactement
quand mon devoir est de la réconforter ou quand le silence discret est de
rigueur. Il en est de même pour elle, je ne suis qu'un livre transparent où chaque
page est contée en détail avec pour exception cette "petite"
singularité dont je vous ai entretenu au cours de mes lignes.
Je n'ai jamais osé lui avouer mon obsession et ma discrétion, ma fourberie,
m’ont toujours permis d'édulcorer ce qui aurait pu provoquer une inexorable
cassure entre nous.
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Puis il y eut ce jour maudit, ou je n'eus plus accès à l'amour, ou malgré tous
mes efforts, toutes mes tentatives, il ne fut pas présent. Au beau milieu de
l'après-midi, je ressenti un terrible coup de blues, une anxiété que jusqu'à
présent je n'avais jamais endurée . Elle me laissa sans force, sans vie,
submergée par une terrible dépression qui m'envoya chez moi, les bras ballant,
la mine déconfite.
Au premier regard Mylène comprit que quelque chose n'allait pas.
Que devais-je faire?
Tout lui avouer?
Vider ce poids que je traînais derrière moi depuis tant d'années, avec le
risque de la décevoir à tout jamais, d'enfouir pour toujours, cette idylle qui
était la nôtre.
Puis, soudain, en pleurs, je me mis à déballer toute l'histoire, ne mégotant
sur aucun détail, lui dévoilant le bien être dont cet amour particulier me
comblait.
Et je m'assis effondré, relâché, vidé de ce stress trimbalé depuis ma lointaine
jeunesse.
Un silence profond régna soudain dans la pièce.
Un silence terrible où seules, nos respirations émotives arrivaient à se
confondre.
Je relevai la tête lentement, m'attendant à confronter le visage décomposé de
mon épouse...
Il n'en fut rien!
Elle me regardait tendrement avec un grand sourire. Ces yeux brillaient de
malices, et je pus même discerner sur sa bouche, un petit hoquet moqueur.
Elle tenait dans sa main sa tablette informatique et tout en me lançant des
regards malicieux, elle s'empressa de tapoter agilement quelques phrases
mystérieuses.
Puis, elle m'avoua: " Tu sais mon chéri, ce que tu viens de m'avouer je le
sais depuis longtemps et de plus, c'est exactement la même chose pour
moi!"
Je la regardais tétanisé par sa réaction totalement inattendue, essayais de
balbutier des mots qui ne voulurent pas sortir.
Elle continua: "Moi aussi je poste toute la journée des messages sur
Facebook, avec également cette multitude de jolies images qui portent des
messages moralisateurs et insipides, et, comme toi, ils me valent tous, une
quantité de "j'aime" enthousiasmants.
Et bien regarde !".
Elle me tendit son ordinateur où un message de soulagement bienheureux apparu à
mes yeux éberlués.
" Pour des raisons de maintenance, les "like" de votre page
Facebook ne pourront pas aujourd'hui être retranscrits !".