Le Gougeat
Le macaque est mon animal préféré !
Mais, pour des raisons qui me sont évidentes, je ne me suis jamais
embarrassé de la compagnie d’un tel animal !
Ca faisait déjà trois quarts d’heure que j’étais assis en face
d’elle. J’avais plongé mon regard dans ses yeux d’un bleu azuré, mes doigts
s’étaient rapprochés des siens, les effleurant, à quelques millimètres d’une
tendre caresse. J’admirais ses lèvres pulpeuses qui, d’une voix suave
égrenaient son histoire, sa vie, ses ambitions, son avenir qu’elle voulait
sublime.
J’avais mis une annonce matrimoniale dans un petit journal local.
J’ai trente ans, plutôt beau garçon et j’aimerai rencontrer l’âme
sœur. J’ai pourtant bien cherché, bien trouvé des compagnes diverses et (avariées).
Mais je dois l’admettre, j’ai un goût très précis concernant la gent féminine.
Le physique est d’ailleurs mon seul critère d’importance.
L’intelligence...
Les femmes en ont-elles ?
J’avais donc publié ce petit message :
« Magnifique jeune homme, d’une prestance et intelligence rare cherche
superbe femme entre vingt-cinq et trente-deux ans, blonde, un mètre soixante-treize,
yeux bleus, lèvres pulpeuses, poitrine avenante. Intellect sans
importance. »
A vrai dire, je n’ai pas reçu beaucoup de réponse !
Enfin si. Une !
Une donzelle qui m’affirmait remplir tous mes critères et qui mourrait
d’impatience de me rencontrer. Je lui ai donné rendez-vous dans un petit
bistrot de Ferney et lui précisais que j’aimais les gens ponctuels.
J’arrivais trente minutes en retard et elle était là, à m’attendre
sagement assise devant une large table avec un verre de soda posé devant elle.
Elle avait cette rose rouge accrochée à la boutonnière, signe de distinction
prévue pour notre rencontre.
Alors je me suis assis en face d’elle, lui ai précisé qu’elle aurait bien pu me
commander quelque chose avant mon arrivée et que son rouge à lèvre n’était pas
vraiment appliqué avec le soin approprié.
Puis, apprenant son nom. Sylvie ! Je lui ai demandé si elle serait d’accord de
le changer pour un autre, moins médiocre !
J’ai continué mes partiales considérations en persistant sur son parfum qui
sentait le cimetière, sa coiffure de sorcière, son haleine de latrines
infectées.
Puis, je lui ai décrit la perfection de ma personne, mon intelligence hors du
commun, ma beauté physique incomparable, mes performances sexuelles
exceptionnelles.
Elle m’écoutait sans rien dire, s’émerveillant de toutes ces transcendances,
parties intégrantes de ma personne.
Elle a acquiescé à tous mes critères et aux changements évidents qu’une
personne telle qu’elle devrait absolument apporter pour vivre avec une personne
telle que moi. Elle m’a regardé avec des yeux amoureux, m’a affirmé que
s’était-elle que je recherchais, m’a précisé ses mensurations impeccables,
qu’elle avait terminé H.E.C. et qu’elle
dirigeait une banque privée Genevoise. Elle se targua de vivre seule dans une
grande villa avec vue imprenable sur le lac Léman !
Puis elle s’est levée et comme j’en ai l’habitude, elle m’a supplié de la
choisir, de la rappeler, qu’elle me trouvait vraiment charmant. A son goût...
Vous savez j’ai toujours cru les proverbes et en voici un qui me
tint particulièrement à cœur :
« On finit toujours par ressembler à son animal de
compagnie ! »
Je crois que cette femme ne fera pas l’affaire !
Aucune répugnance particulière
dans sa médiocrité ou sa plastique de rêve, mais juste ce petit point de
détail.
En partant elle se retourna et me précisa :
« Ah oui ! Chez moi j’ai un animal que j’adore ! »
Puis elle ajouta :
« C’est un hippopotame ! »