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 Mon amour Léonette

 
Chapitre 4 :

C’est dans la grande salle du château que se déroulèrent les cérémonies de présentation.
Les deux seigneurs trônaient au milieu de la pièce où chaque Sirs et notables de la région venaient exprimer leurs hommages.
A leur côté Béatrice jouait le rôle d'hôtesse, complétant discrètement de détails subtils les annonces faites par le maître de cérémonie.
Dès les préambules, les trois jeunes princesses étaient venues saluer nos invités.
Léonette n'avait pas été insensible au charme de Simon. Le seul regard furtif qu'elle lui avait lancé avait suffi à la charmante demoiselle pour se donner une opinion sur son futur époux.
Simon, moins discret, l'avait dévoré des yeux. La grâce et la beauté de Léonette avaient produit son effet enchanteur et le prince eut beaucoup de mal à retrouver la solennité que lui imposait le déroulement des cérémonies, ses pensées restaient enivrées de la charmante appréciation que lui avait laissée la furtive image de Léonette.
Puis, les préambules terminés, Pierre prit la parole pour se perdre dans un long discourt rappelant en détails les excellentes relations qu'il entretenait avec la baronnie de Gex et termina enfin par un éloquent témoignage concernant son défunt ami Amédée II.
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Loin de tout ce remue-ménage. Rimelin s’était enfermé à double tours dans l'un des sous-sols de la forteresse qui lui servait de laboratoire. Il s'apprêtait à déballer l'énorme colis que les soldats avaient déposé en ce lieu avec tant de difficultés. De nombreuses étagères décoraient de façon sommaire l’austérité de la pièce. Des plantes aux pouvoirs magiques exhalaient une odeur capiteuse en séchant çà et là sur des étals prévues à cet effet. Des silhouettes déformées de crapauds, serpents, animaux étranges alignaient leurs répugnantes textures dans un rangement parfait notifié par des étiquettes nerveusement griffonnées. L'âtre brûlait en permanence, dégageant une chaleur exagérée, ajoutée à une fumée suffocante, et, une large marmite emplie d'une décoction singulière laissait échappée un fumet aux senteurs peu ragoûtantes.
Faisant fi de cette ambiance insolite, notre homme appliquait tous ses efforts à démonter l'emballage qui cachait son trésor. La tâche n'était pas aisée, les planches imbriquées les unes dans les autres étaient solidement ancrées par une multitude de clous à têtes carrées. Chacun d'entre eux demandait force et volonté pour sortir de son  emplacement. Rimelin qui ne possédait qu’une large cuillère pour les extirpés de leurs entraves indociles mit plus d'une demi-heure pour réaliser ce labeur difficile.
 Enfin, il put admirer son cadeau.
Une étrange machine affublée de deux roues et d'un échappement à folio, d'un large cadran marqué sur quatre extrémités de chiffres romains et d'une tige qui en marquait le centre. Il caressa d'une main amoureuse la forme intrigante de l'engin et scruta en détail l'ensemble du mécanisme. Il avait déjà pu admirer un magnifique exemplaire de cet engin dans la demeure du comte de Genève.

"Une année auparavant, sa réputation de grand guérisseur l'avait emmené au chevet de ce haut personnage Genevois qui à cette époque était gravement malade. Les soins qu'il lui avait prodigués s'avérèrent être miraculeux et pour sa récompense il lui fut promis de lui faire parvenir un exemplaire de l'objet insolite de sa chambre, celui qu'il n'avait cessé d’admirer avec curiosité.
C'est notre bon marchand qui s'était chargé du transport en échange de cette bourse qu'il avait reçue en récompense.
Cette bourse, ne contenait  d’ailleurs, aucunement de l'argent, mais concernait une demande médicale qu’il avait formulée, à Rimelin, dans le passé. Elle consistait en un mélange d’herbes médicinales soigneusement choisies, mélangées avec de petites pièces d'étain et il suffisait simplement qu’ils trempent le tout dans l’eau pour qu'un breuvage au goût incertain soigne radicalement son mal de tête."...

Notre savant prolongea son activité autour de sa nouvelle possession.
Il continua l'assemblage de la machine en ajoutant sur le moyeu central, une longue pointe, perforée en son côté, la dirigeant arbitrairement dans la direction qui lui semblait adéquate.
Il accrocha à l'endroit prévu à cet effet, un lourd balancier qui était jusque-là resté au fond de la caisse.
Puis, un énorme poids, pendu à une chaine, qu'il laissa tomber sur le côté termina l'installation. 
Une légère poussée du doigt provoqua le mouvement perpétuel de va et vient du balancier et la seule et unique aiguille débuta son imperceptible mouvement circulaire.
Rimelin s’assit sur une chaise et planté devant le dispositif, s’émerveilla de son miraculeux fonctionnement. Après quelques longues minutes de fonctionnement, la pointe se centra sur le haut du cadran et un petit marteau vint frapper à plusieurs reprises une cloche située au sommet de l'ensemble.
Le tintement fort et clair qui survint, émerveilla l’intéressé.
Il se trouvait présentement devant l'une des toutes premières machines à mesurer le temps.
 L’esprit scientifique de Rimelin l’extirpa de sa rêverie enfantine.
 Il prit un long parchemin, le coucha sur la table, puis de son meilleur trait se mit à décrire tous les détails qu’arborait cet admirable ustensile. Il se sentait le cœur léger, dans le ravissement d’une personne consciente de posséder quelque chose d’unique, d'enchanteur et véritablement extraordinaire.
Même cet effroyable détail concernant sa façon d'écrire, celui qui d’habitude lui serrait la gorge, ne lui posa aucunement cette sempiternelle angoisse.

Le pauvre écrivait de la main gauche!

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Les premières lueurs du matin éveillèrent notre infortuné ami Jean-le-boiteux.
Sa paillasse rudimentaire qui lui servait de couche crissa sous la pression de ses premiers pénibles mouvements. Il se leva avec difficulté et se dirigea la jambe traînante vers la petite marmite qui restait suspendue au-dessus de l'âtre éteint.
Il écopa le peu de soupe restante avec sa gamelle et happa le breuvage en quelques instants.
Sa toilette fut simple et rapide, sa main en forme de cuillère récupéra un peu d'eau d'un seau à moitié rempli et en barbouilla sa figure en babillant de la bouche des onomatopées de fraîcheurs. Puis il s'assit sur un petit tabouret brimbalant, mis sa tête entre ses deux mains et en silence se mit à réfléchir sur la détermination qui depuis deux jours le taraudait.
« Le temps de ma vengeance est arrivé ! » Grommela-t-il.
Il ouvrit le clapier où un lapin à l'apparence gracile attendait son jour fatidique. Il l'empoigna par les oreilles et sans même lui jeter un regard, le fourra dans un vieux sac de toile qu'il projeta immédiatement sur son épaule. Un grand coup de hanche fut suffisant pour ouvrir largement la porte de sa masure et clopin-clopant il partit directement en direction du bois nommé « le creux » où disait-on, depuis quelques jours, rodait un loup, une énorme bête à l'oreille coupée.
Sans la moindre hésitation et sans la moindre peur, il pénétra dans la forêt en scrutant le sol à la recherche des traces de son ennemi. Il lui fut assez facile de débusquer des empreintes  toutes fraîches qui indiquaient avec certitude le passage récent du loup. En les suivant il découvrit des excréments significatifs qu'il s'appliqua à jauger, à sentir, pour  avoir la certitude qu’ils étaient récents. Il s'enduisit de l’odeur de ces déjections et longea à pas feutrés la piste bien marquée qui suivait une paroi rocailleuse.
Bientôt, devant lui se dessina une petite grotte que l'animal solitaire, avait dû avec certitude accaparer comme lieu de résidence.
Sans un bruit, il sortit le pauvre rongeur qu'il avait jusque-là trimballé sur le dos. D’un geste brusque, lui cassa le cou et le lança en direction de la tanière.
Le souffle court, il s'arma d'un énorme gourdin de bois et se posta derrière un petit promontoire, cache parfaite qui surplombait d'une courte distance l'endroit ou reposait la dépouille de l'appât.
L'attente fut de courte durée.
Il y eut tout d'abord des grognements, puis, l'énorme bête apparue avec prudence, humant l'air de ses narines, puis elle ouvrit la gueule et  sortit sa langue d'où coulait une bave de gourmandise. Les yeux injectés de sang, les crocs en avant, elle avança lentement, reniflant l'odeur qui se dégageait de la chaire du cadavre. La commissure de ses babines se mit à trembler, excitées par la faim qui le tiraillait depuis plusieurs jours et son unique oreille, prudemment, s'assura de la tranquillité des lieux.
Jean ne bougeait pas, tétanisé par l'apparition du monstre de plus de cent livres qui l'avait odieusement estropié.
Cette confrontation avait hanté ses rêves depuis si longtemps qu’il se demandait maintenant s'il aurait le courage et la force nécessaire pour affronter son ennemi et en ressortir vainqueur ?
Le vieux solitaire s'approcha de son futur festin.
La présence de ce corps inerte ne semblait pas l'étonner, car son estomac en quête de nourriture, ne voyait en ce lapin mort qu'une simple aubaine et lui ordonnait avec véhémence une complète et périlleuse imprudence.
D'un seul bond, il se jeta sur la dépouille.
Jean devait immédiatement réagir.
Prenant son courage à deux mains, le gourdin tenu haut dans les airs, il s’élança vers le loup en hurlant.
La bête surprise ne réagit pas instantanément.
La jambe affaiblie de Jean ne fut pas un handicap à sa détermination. En moins de cinq enjambées, il rejoint le carnassier et lui assena un formidable coup sur l'arrière train.
Un hurlement retentit dans la forêt.
Le terrible animal, les deux pattes arrières paralysées,  n'eut qu'une fuite peu glorieuse en guise de réponse.
Agonisant de douleurs, il se traîna jusqu'à son antre et disparut brusquement happée par la pénombre.
Jean surpris par le comportement de sa victime entreprit de la prendre en chasse pour l'achever, mais, au dernier moment, jugea que la blessure infligée lui serait inexorablement fatale.
Il était certainement plus sage de la laisser agoniser en paix, plutôt que d'affronter son hypothétique et imprévisible sursaut de survie.
De plus les heures de souffrances que la bête s’apprêtait à endurer n'étaient une juste punition.

Il reviendrait bientôt admirer le résultat de sa besogne…