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  Mantis acte 5 à 8

vers  Acte 1  à 4

acte 5

J’étais heureux d’aller passer la soirée chez Julien !

« Il était dix-huit heures tapantes, quand les premiers invités arrivèrent.
Bien entendu je suis arrivé en premier avec la venue cinq minutes plus tard d’Adeline et Claude.
-Quelle bonne idée ce barbecue, avec le beau temps qui est de la partie !

C’est vrai, la température était idéale, le soleil devait continuer son chemin pendant quelques heures avant sa disparition derrière les montagnes.
Julien possédait une magnifique villa située dans la commune de Prévessin. Un joli terrain en légère pente lui permettait une vue inégalable sur la chaîne des Alpes et une vue centrale sur notre magnifique Mont Blanc.
Il avait déjà bien préparé la fête, installé deux longues tables aux abords de sa piscine et le barbecue fumait déjà une délicate odeur de viande grillée.
-Installez-vous les amis ! Adeline, je t’ai préparé ta chaise longue, elle est vers le saule pleureur, ton endroit favoris.
Comme toujours Adeline avait été particulièrement choyée. Notre petite chouchou avait droit à un confort particulier, nos meilleurs égards, une place de choix calquée sur ses préférences.

Elle s’allongea souriante et ravie sur le matelas confortable de sa chaise, prit son verre de jus de fruit préféré qui reposait sur une petite table basse et commença à le siroter à l’aide d’une paille.
Adeline était la seule de notre groupe à ne pas boire d’alcool.
Enfin si, elle en buvait, mais très rarement, car elle ne le supportait pas vraiment bien. Un verre ou deux et les milligrammes qui envahissaient son sang la rendait agressive, extravertie, presque désagréable.

On s’empressa rapidement autour d’elle avec notre bouteille de bière préférée à la main.
Avec cette appétence, ce besoin, cette espérance d’être son favori de la soirée, celui qu’elle regarderait avec plus d’insistance, celui avec lequel elle parlerait, rigolerait le plus.
Bien entendu, elle le savait parfaitement et se délectait de se sentir d’une aussi grande importance.

Etrange, cette amitié, mélangé à une sorte d’amour.
Un véritable amour je pense, car sincère, avec cette acceptance de ne rester qu’un ami et de la voir batifoler avec un autre, un idiot à notre sens qu’elle ne nous présentait jamais ou que l’on voyait rarement.
Une sorte d’Indésiré de notre amitié, qui ne pouvait être qu’un ennemi juré, une barrière de l’exclusivité que l’on aurait voulu de notre belle.

-T’as fait quoi hier soir, on t’attendait pour notre séance de wake.

Elle nous sourit, de ce petit air coquin qui voulait nous dire ou plutôt nous narguer en insinuant qu’elle avait passé la soirée en « bonne compagnie », en fait, en « meilleur compagnie que nous. ». Nous qui mourrions d’impatience de la voir.

-Tu es bien remise… De la main… De la mauvaise découverte de la semaine dernière ?

-Oui, ça m’a choquée, je ne veux pas en parler, j’en fais des cauchemars.

Alors le transfert fut immédiat, édulcorant ce sinistre passage pour nous accrocher aux anecdotes de nos derniers exploits.
De notre gentil Claude qui avait pris des gamelles mémorables du haut de sa planche de surf et qui avait bu des bolées de lac Léman.

-Y’en a une qui est ressortie par mon nez ! Précisa-t-il.

Puis je me mis à parler de ma mauvaise chute qui avait heurté mon entrejambe, suffoquant ma respiration et provoquant l’hilarité du groupe pendant que Lenny notre bel Italien ténébreux avait passé son temps à regarder ses vidéos oubliant de me surveiller, alors que je faisais signe au bateau de s’arrêter après ma chute.
Et puis on a parlé de notre skiper, Bill, qui tout content, nous avait montré ses poches remplis de billets et nous avait fait admirer son carnet de rendez-vous bien rempli.

-Est-ce qu’il sera présent ce soir ?

-Oui ! Répondit Julien. Ainsi que les filles de la jetée. Robert et Ludo m’ont également dit qu’ils seraient là.

A ce moment même, ils franchirent le portail, accompagnés des deux naïades, de Bill et de Lenny.

-Nous nous sommes suivis en voiture !

-C’est joli cet endroit !

Julien en hôte attentif, servit un verre de vin rosé à chacun des invités et les rires commencèrent à fuser, la bonne humeur prit son essor. Les filles se réjouirent de nos attentions toutes particulières et quand Adeline piqua une tête dans la piscine. Julien, Claude et moi-même la suivirent tout de go, s’approchant d’elle au plus près, faisant des pitreries pour attirer son unique attention.

Il ne manquait qu’une seule personne à l’appel, c’était Debbie.

Adeline s’assit sur le bord de la piscine, laissant barboter ses pieds dans l’eau et bien entendu nous nous étions retrouvés à ses pieds, de l’eau jusqu’au cou, à l’écouter parler, à la regarder de nos yeux avides et enjôleurs.

Les filles du reposoir riaient en compagnie de Bill, Robert, Lenny et Ludo avec leurs conversations à base de « Ken » nouvelle expression à la mode, qui nous avait été transférée du monde de l’adolescence.
Puis tous nous rejoignirent sur le bord de la piscine.
Adeline se mit à nous raconter son dernier voyage quand, Debbie apparut au portail.

En à peine quinze secondes, nous nous sommes retrouvés hors de l’eau à nous précipiter vers la nouvelle arrivante, laissant la pauvre Adeline presque seule à raconter son histoire.

Debbie !
Ce qu’elle était belle dans cette petite robe aux couleurs pastel, perchée sur de mignonnettes chaussures aux talons très hauts. Elle avait ses longs cheveux noirs relevés en chignon et d’une main habile, elle les dénoua pour les laisser cascader, écoulement langoureux, envahissant ses épaules et plongeant vers l’infini de sa croupe délicieuse.

-Je suis en retard ! Dit-elle souriante. J’ai eu du mal à trouver ton adresse. Mon GPS m’a fait tourner en rond.

Elle regardait Julien avec insistance, me délaissant de son regard.
Je me sentis contrarié, une jalousie étrange. Rien à voir avec celle que j’éprouvais avec Adeline. Plutôt une jalousie d’amour exclusif, d’envie inconditionnel, de rage qui m’ordonnait d’exclure ce partage.
Claude me poussa l’épaule pour s’approcher de la belle.
-Claude ! On s’est juste vu une fois, vous vous souvenez ? Dit-il.

Elle le regarda de ses yeux doux, acquiesça de la tête en lui intimant le tutoiement.
-Oui, je me souviens de toi.

-Qu’est-ce que tu nous à amener de bon ?
Elle portait un petit panier d’osier recouvert d’un linge où l’on voyait surgir le goulot d’une bouteille.
-Une bouteille de Bordeau et une tarte aux pommes, gâteau fait maison. J’espère qu’elle vous plaira !

Nous voyant tous en tenues légères, elle enleva ses chaussures, pour nous suivre pieds nus jusqu’à la table.

C‘est alors que Julien lança son appel :
- Les amis, je vous propose d’aller à table pour commencer les festivités, nous allons attaquer la salade !

Debbie choisit de s’asseoir en plein centre, vite, entourée par nos personnalités avides et de notre intérêt non dissimulé.
Tandis qu’Adeline, qui était allée se changer, fut contrairement à son habitude, délaissée en bout de table en compagnie de Catherine et Marine.
Elle nous jeta un coup d’œil sombre, mais par fierté édulcora son mécontentement en entamant avec ses copines une conversation légère sur le temps splendide que nous avions eu depuis le début de l’été.

J’étais à son opposé, trônant à mon endroit favori et comme j’en avais l’habitude, j’observais silencieusement, chacun des convives.
Oui, j’aime ça observer, décrypter les personnalités en essayant de comprendre leurs réactions.
En fait, c’est assez simple, un petit geste, un certain regard, une parole, ont une certaine importance que l’on peut comprendre, car rien n’est anodin et chaque expression à son importance, veut nous transmettre quelque chose.
Bien entendu, il y a des exceptions, par exemple, lorsqu’une réaction est préméditée, dans un certain sens, non naturelle. Un comportement prémédité est facilement détectable car il surgit au mauvais moment et perd donc de son importance, de sa vérité.

Mon regard se posa sur Debbie, cette femme fatale, cette beauté immuable, cet ange de désirs.
Elle avait rapidement subjugué l’attention de chacun.
Non seulement par son apparence idéale, mais par sa conversation d’un intérêt et d’une intelligence peu commune. Pour donner suite à une question sur son travail, elle s’était mise à nous raconter ses souvenirs proches, ceux du Laos. Mais je ne ressenti pas cette impression de conversation déjà entendue. Rien de banal dans ses propos, il transparaissait, dans ses propos, une véritable compréhension du lieu où elle s’était retrouvée. J’avais, nous avions tous l’impression de vivre avec elle d’intenses moments de son voyage. Même Ludo qui connaissait parfaitement la région dont elle parlait, osait à peine l’interrompre et ne rebondit qu’une seule fois sur l’ambiance de guérilla et la dangerosité de la région du triangle d’or.

Adeline ne voulait pas prendre part à ses propos.
Pour cela, elle regardait ses ongles, évitant de porter son regard dans notre direction, avec cette petite moue qui voulait en dire long. « Et moi alors je n’existe plus, je ne suis plus la reine du groupe ».
Elle se pencha vers Marine et tout en montrant Debbie d’un geste de la tête, lui chuchota quelque chose à l’oreille.
Marine éclata de rire et eut une expression d’approbation.
Elle aussi semblait jalouse de cette femme qui subjuguait tout le monde.
Celle que Julien, son Julien, comme elle voulait le penser, donnait l’impression évidente, d’en être tombé amoureux.
Amoureux par l’approbation de son regard, par son bras qui effleurait discrètement son épaule, par cette indubitable appétence qui transparaissait en sa présence.

La seule qui semblait en dehors de l’affaire, c’était Catherine.
Elle est magnifique cette femme, à mon goût. Par sa classe, par son aura particulière.
Pour l’instant elle semblait absente, subjuguée par son téléphone.
Elle était par ailleurs, la seule à avoir « l’impolitesse » de le garder à côté d’elle sur la table.
Suggérant cette impression que notre compagnie, n’avait pour elle, aucune importance.
Elle l’empoignait fréquemment, pour le reposer l’air déçu du message qui n’était pas celui qu’elle attendait.
Puis soudain, alors que son visage commençait à refléter une certaine lassitude.
Le mot tant attendu arriva, elle se leva de sa chaise, fit naviguer son doigt sur l’écran, se dirigea vers un banc trônant à l’écart et commença une conversation écrite dans le monde de son virtuel.
Des larmes se mirent à couler sur ses joues.
Elle les nettoya immédiatement du revers de sa main.
Puis, sa conversation terminée, elle partit s’isoler au fond du jardin.

Mes yeux naviguèrent de sa forme immobile à celles plus animées des convives.

Claude était à présent en pleine conversation avec Debbie pour commenter son voyage.
 Il est gentil Claude.
Une véritable douceur émane de sa personne.
Je le connais bien et mal en même temps. Une sorte d’ami d’une importance à venir.
Pour le moment je le pressentais tout simplement comme quelqu’un de bien.
Lui aussi semblait en admiration devant Debbie.
D’ailleurs, soudainement, il profita de cette occasion de promiscuité pour faire ce mouvement d’introspection charnelle. Cette façon idéale d’analyser la féminité d’une femme qui vous plait. La technique était simple, presque évidente et naturelle.
Tout en scrutant le visage de Debbie, il fit un mouvement de main sur son avant-bras et le caressa l’espace d’un bref instant.
Elle n’eut aucune réaction physique, juste un petit sourire en coin que je fus en mesure de détecter entre le flot de ses paroles. Je compris à cet instant, que Claude risquait de devenir un deuxième concurrent sérieux pour conquérir les beaux yeux de notre inspiratrice.

La soirée continua jusque tard dans la nuit. Les côtelettes et saucisses épuisèrent nos appétits voraces.
Debbie s’était imposée comme la reine incontestée de la fête.
De son côté, délaissez par ses groupies, Adeline commença à boire un verre de vin, puis un second et comme on pouvait s’y attendre son comportement commença à changer.
Debout, elle se mit à chanter, puis marmonna des phrases incompréhensibles.
C’est, au moment où elle pointa son doigt en direction de Debbie que Claude réalisa le problème, il se leva brusquement la prit par le bras et l’emmena loin de la table :

-Adeline, arrêtes de boire ! Il lui tendit une petite bouteille d’eau. Tiens continues avec ça, tu vas être malade, tu vas gâcher la soirée.
-Claude, toi aussi, tu l’aimes l’autre pétasse ! Dit-elle. Et moi alors, j’n’ai pas aussi un beau cul !
Elle se retourna et tout en se penchant voulu remonter sa robe.
Claude l’arrêta d’un geste brusque.
-Tu arrêtes ça, tu n’es pas dans ton état normal, tu vas te ridiculiser !
- Elle marmonna quelques grossièretés avant de s’effondrer dans l’herbe.
Claude l’a pris immédiatement dans ses bras pour l’emmener en direction de sa voiture.
-Allez, il est temps que je te ramène chez toi !
Elle ne répondit rien, assommer par l’emprise de l’alcool, la pauvre s’était déjà endormie.
 
Tous les regards convergèrent dans leur direction :
-Qu’est ce qui se passe, elle est malade ?
-Elle a juste trop… Enfin juste bu un peu de vin, elle ne supporte pas l’alcool ! Claude va la ramener chez elle ! Rien de grave ! Ajoutais-je.

Chacun pensa qu’il était peut-être temps d’abréger cette soirée, qu’il se faisait tard, qu’ils devaient déranger les voisins.
Alors Julien sortit deux bouteilles de Génépi.
-Les amis, on ne peut pas se quitter sans un petit verre de ce délice !
-Oui, bien volontiers, ça nous aidera à digérer !
C’est vrai, c’est bon ce Génépi, fort, même très fort à cause de la gnole où barbote une multitude de ces petites fleurs jaunes qui donnent au breuvage au gout particulièrement suave et alléchant.
-Je le fabrique moi-même, d’ailleurs faudra qu’on se fasse une sortie cueillette en Chartreuse, vous verrez c’est un coin magique !
Tous les verres tintèrent les uns contre les autres et l’on triqua à notre amitié.

Puis, les Adieu se firent en file Indienne, remerciant une fois de plus notre hôte pour son excellente organisation avec ce message de retrouvaille.
« Au bord du lac, dans deux jours, pour une séance sportive. ».

Robert et Ludo qui étaient venus en covoiturage s’en allèrent en premier. En passant devant le garage de Julien à la porte grande ouverte. Ils aperçurent une magnifique Porsch de couleur rouge, flambant neuve qui les fit réagir :

-Il ferait mieux de payer ses dettes celui-là !
-T’es au courant ?
-Et bien plutôt ! Il me doit une sacrée somme, il m’avait promis de me la rendre le mois dernier. J’attends toujours. Je ne suis pas certain d’être patient encore bien longtemps ! Affirma Robert.
Je risque d’être aussi expéditif qu’avec…
Il arrêta nette sa phrase. Puis continua sur un autre sujet.
-Viens me voir demain à ma ferme. Lenny et Bill seront là, ils veulent visiter ma porcherie ultra moderne. C’est intéressant tu verras !


acte 6

La ferme était immense, moderne, très moderne c’est certain.
Lenny, Bill et Ludo s’étaient comme convenu, retrouvés devant l’entrée de cette immense bâtisse de couleur ocre.
De l’extérieur on pouvait entendre le grognement des cochons, mais aucune vilaine odeur ne filtrait à travers la minceur des murs.
-Bonjour les gars !
Robert venait d’arriver suivi par l’intendant de sa propriété.
-Charles ! C’est lui le maitre des lieux, il va tout vous expliquer.
La visite commença par la description des bâtiments.
-Comme vous pouvez le constater, le toit est recouvert de panneaux solaires et notre ferme est, en termes d’électricité, totalement autonome. Nous produisons 100kwc, le surplus d’énergie est réinjecté sur le réseau en partenariat avec EDF. A l’arrière ces grosses cuves nous permettent de récupérer le biogaz que nous vendons également localement sous forme d’énergie et les résidus servent d’engrais très appréciés par nos collègues Suisse.
Puis ce fut la visite de la porcherie où les animaux, bien traités, avaient à certaines heures, un accès libre sur l’extérieur.
-Vous voyez, nos animaux peuvent se dégourdir les jambes et profiter de la nature dans ce vaste champ couvert de chênes.
-Vous leur donnez quoi à manger.
-Du maïs, des céréales, de l’orge, du soja. En fait ils peuvent manger de tout, même de la viande, on a eu le cas d’un chevreuil blessé qui s’était retrouvé dans leur enclos, la pauvre bête s’est vite fait dévorer, le temps qu’on intervienne, je peux vous dire qu’il ne restait pas grand-chose de son cadavre, même les os avaient disparu.
-Ouah ! Mais ils sont dangereux !
-Non pas vraiment, faut juste faire attention quand on se promène dans un grand groupe, si y’en a un qui décide d’attaquer, il peut vite être suivi par les plus agressifs. Le tout c’est de ne pas prendre un malaise quand on est sur leur territoire, on sera rapidement pris pour leur dîner !
Tous frissonnèrent à l’écoute de cette effrayante nouvelle…
-Allez, il est temps d’aller manger, devinez quoi ? Du cochon bien entendu !
Autour de la table, la conversation allait bon train avec le Bordeaux qui coulait à flot et déliait la langue de chacun. C’est Julien qui était le sujet de conversation. Un énervement pour chacun, semblerait-il.
Bill en avait assez de ne pas pouvoir se faire régler ces minutes de wakesurf.
-Il me doit deux mille francs, ça fait un mois qu’il me fait poireauter, j’en ai marre, il a toujours une bonne excuse pour ne pas me payer. Cette somme ce n’est rien pour lui, mais moi j’en ai besoin pour payer l’essence, la location du bateau etc…
Ludo haussa des épaules.
-Ce type, c’est un m’as-tu vu,  il vit au-dessus de ses moyens, la moitié du temps il ne paye même pas sa part au restaurant, j’l’ai remarqué se défiler discrètement lorsqu’on fait le partage, la seule fois où je suis monté dans sa voiture, vous savez la Porsch et bien il s’est arrangé pour que je lui fasse son plein, m’a dit qu’il avait oublié son portefeuille, j’attends toujours qu’il me rembourse cet enfoiré.
Lenny fit une vilaine grimace.
-Et bien les mecs on est tous dans le même cas, faudra qu’on lui parle sérieusement !
Robert devint rouge furieux, moi c’est des dizaines de milliers d’euros qu’il me doit, il m’a arnaqué avec un placement financier véreux ! Attends un peu qu’il m’a dit dans un an ou deux tu vas doubler ta mise ! En voilà un qu’j’aimerai donner à manger à mes cochons !
Tous éclatèrent de rire et semblèrent compatir avec cette bonne idée…
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Marine était lascivement allongée sur le mur qui protégeait le port.
Son dos arrosé du soleil ardent de ce début d’après-midi.
Elle aimait cet endroit, un spot idéal pour voir déambuler les propriétaires des bateaux et les beaux hommes musclés qui s’adonnaient aux sports nautiques.
Elle aimait beaucoup notre petit groupe. Elle avait facilement sympathisé avec chacun d’entre nous et adorait nous accompagner sur le bateau de Bill quand trop de places étaient vacantes et que sa présence était nécessaire pour surveiller le surfer.

Julien s’approcha d’elle en silence. Son corps musclé, ses pectoraux brillant d’huile de bronzage lui donnait un air d’Appolon antique, un David de Michel Ange.
Il se pencha sur elle en susurrant ;
-Marine, ce que tu es belle !
Elle ne sursauta pas lorsqu’il caressa son dos d’une main lascive, un peu trop entreprenante pour un lieu public.
-Merci ! répondit-elle en tournant la tête dans sa direction.
-Tu veux que je te badigeonne de crème ?
-Oui !
Elle lui montra du doigt le flacon qu’elle avait laissé au près d’elle, puis elle se retourna pour lui faire face. Tout en la badigeonnant d’huile solaire son visage s’approcha du sien, ses lèvres gourmandes s’approchèrent des siennes.
Une eau glacée la réveilla de son rêve délicieux.
C’était Claude qui avait eu cette mauvaise idée de l’arroser avec sa bouteille d’eau glacée.

-Espèce d’imbécile, t’as rien de mieux à faire !
Il éclata de rire.
-Il est temps pour toi d’aller à l’ombre, tu es rouge comme une tomate.

C’est vrai, son dos la cuisait et elle se sentait étourdie par la chaleur.

-Regardes Julien, il n’a pas perdu son temps. Encore une qui est tombée sur son charme.

Etendus l’un à côté de l’autre, sur le côté plage, du club nautique. Debbie riait à gorge déployée, heureuse de se trouver avec lui, semblant se délecter de sa compagnie.

-Pff, celui-là, avant j’étais la première qu’il venait voir, maintenant je ne suis devenue plus qu’un meuble décoratif. Depuis l’arrivée de celle-là, il ne me parle plus, bonjour, bonsoir, basta. Un objet sans importance, j’te dis. C’est ça les hommes, ils ne savent pas remarquer la perle rare. Mais, je suis certaine que celle-là ne fera pas long feu. J’me demande bien ce qu’il lui trouve d’ailleurs.
-Et bien moi, je trouve qu’elle est vachement belle et puis agréable, intelligente, sensuelle !

-Non mais, toi aussi tu deviens con !
Claude éclata de rires. S’il la quitte je suis partant pour le remplacer en tous cas !
Il évita de justesse la claque qu’elle voulait lui mettre sur les fesses.
-Mais toutes plaisanteries mises à part, j’ai l’impression de l’avoir déjà rencontrée. Je ne suis pas certain que s’était-elle car la fille était blonde, avec des cheveux courts. Mais lors de la soirée chez Julien elle parlait de la même façon qu’elle. Il me semble qu’elle était à un dîner d’affaire que j’avais eu avec cet homme, ce business man dont on parle à la télévision, tu sais, celui qui a disparu. Xavier Dupontère !  il était venu en sa compagnie, l’avait présentée comme une proche collaboratrice de son bureau de Londres. Mais je n’ai pas eu l’impression qu’elle était dans les affaires. Elle était plutôt un faire-valoir par sa beauté et le fait qu’elle rebondissait avec aisance sur tous les sujets que nous abordions. Il faudra que je lui pose la question…
La silhouette de Catherine se profila à l’entrée de la plage. Elle fit un signe de la main dans la direction de sa copine Marine puis s’arrêta soudainement, prit son téléphone et l’appliqua avec nervosité à son oreille.
« -Catherine c’est moi…
La voix était grave plus roque qu’à l’habitude.
-Amour ?
-Oui…
-Tout va bien, tu es où ?
-Je ne peux rien te dire pour le moment, c’est difficile pour moi…
-Quand est ce qu’on peut se voir, tu me manques.
-Toi aussi, tu me manques, mais… Je suis loin de toi… Très loin…
-Alors tu l’as fait ?
-Oui c’était une obligation, je n’ai pas le choix.
-Quand est ce que je pourrais te rejoindre ?
-Il faut me laisser du temps, Ce changement n’est pas facile, j’ai beaucoup de choses à régler pour assurer mon avenir. Ensuite se sera plus simple !
-Mais la police risque de venir m’interroger.
-Possible, s’ils fouillent dans ma vie, mais notre liaison a toujours été très discrète. Ne t’inquiètes pas et si jamais on découvre ton existence, dis tout simplement que tu n’as plus de nouvelles de moi depuis la fin du printemps, que je t’avais confié me sentir en danger. Je vais te laisser, on frappe à ma porte…
-Est-ce que je peux t’appeler à ce numéro ?
-Non ! Je vais en changer souvent. Je te recontacterai bientôt, j’ai besoin de ton aide…

Puis la liaison téléphonique se coupa soudainement.
-Amour, allo, allo…

acte 7


Ludo claqua la porte de son appartement.
Il avait un peu trop abusé d’alcool chez son copain Robert et il n’avait qu’une envie, se vautrer dans son lit pour une bonne sieste réparatrice.
Son logis est de petite taille, un trois pièces sommairement meublées, avec ses photos souvenirs placardées aux murs. Celles du Laos sont d’ailleurs les plus présentes avec une prépondérante, celle le montrant en compagnie d’hommes habillés d’une étrange façon et tatoués sur le poitrail d’un corp de serpent avec une tête de Mante religieuse.
Ce même costume, une longue toque rouge décorée de cercles verts, lavée récemment, repose sur une chaise qui lui sert d’étendage.
Sur son torse maintenant dénudé le même reptile à tête d’insecte semble osciller en suivant ses moindres mouvements.
Dans la chambre, sur sa table de chevet repose une longue machette à la lame finement aiguisée, elle n’est  pas été nettoyée et des traces de sang séché la recouvre en partie.
Ludo la prend de ses deux mains, bombe ses pectoraux et fait tournoyer la lame au-dessus de sa tête puis soudainement il l’envoie en direction du sol pour l’arrêter à dix centimètres du plancher.
Il se met à ricaner, d’un rire méchant et âcre qui finit par s’étouffer dans un toussement qu’il n’arrive plus à maitriser.
« J’espère que je n’ai pas encore avoir une crise de Paludisme ! ». Bougonne-t-il.
Il se touche le front. Non il n’est pas fiévreux, heureusement, car ce soir Il doit être en forme pour introniser sa nouvelle recrue.
Il s’écroule sur son lit pour s’endormir immédiatement…
Vingt-deux heures…
Dans la pénombre de sa rue obscure, Ludo fait monter une silhouette indéfinie dans sa voiture. La recouvre d’un drap opaque.
-Tu ne dois pas savoir où nous allons !
La forme maintenant fantomatique acquiesce sans un mot d’un mouvement du haut du corps.
-N’oublies pas que tu ne devras pas parler ou t’exprimer pendant la cérémonie. Juste écouter notre leader. Notre trajet va durer trente minutes. Puis je te guiderai jusqu’à la salle d’intronisation. Couches toi sur la banquette arrière, personne ne doit t’apercevoir.
Le trajet fut accompli dans le plus grand silence, avec comme seule compagnie le sifflement d’un filet d’air qui s’infiltre par un interstice ouvert du côté conducteur.

Puis il y eut le grincement livide d’un portail en fer forgé.
Ludo fit descendre l’ectoplasme en le tenant fermement par un pincement de bras puis le dirigea vers une immense demeure aux murs anciens et à la tournure Victorienne.
 C’est ici que les réunions de sa secte « Antalai » se retrouvent tous les premiers jeudis du mois. Il sonna trois fois dans une rythmique convenue et la gâche de la serrure se déverrouilla.
Le hall d’entrée au carrelage blanc et aux murs tapissés de noir est désert, comme toujours.

Leurs pas résonnèrent à l’unisson jusqu’à une porte recouverte d’un feutre de couleur bleue.
Celle-ci s’ouvrit sans le moindre grincement sur une grande bibliothèque aux murs couverts de livres.
C’est sur la troisième colonne, que Ludo appliqua sa main, à l’endroit exact d’une protubérance marquant la répartition entre deux fresques de plâtre.
Elle déclencha un mouvement d’ouverture.
Puis tout en guidant sa recru, ils s’enfilèrent à travers un étroit passage mal éclairé tandis que l’entrebâillement se referma derrière eux.
-Nous allons descendre des escaliers, fait attention à chacun de tes pas !
Avec précaution ils descendirent une trentaine de marches pour arriver dans une grande salle souterraine. Six personnes, tous vêtus de l’habit officiel, sont masquées pour édulcorer leurs identités.
Elles se retournèrent à leur arrivée.
Il guida le nouvel adepte près d’un grand fauteuil aux bras sculptés, le positionna pour s’asseoir et murmura :
-Restes là, ne dis rien, tu dois juste écouter.
La salle est rectangulaire avec trois murs recouverts des couleurs portées sur la chasuble de chaque disciple. Un serpent à tête de Mante religieuse décore un grand panneau posé au fond de la pièce. Une odeur d’encens flotte dans une atmosphère humide et glauque pour glisser sous forme de volutes sur un carrelage à la blancheur éclatante.
La pièce est éclairée à chacun de ses coins par des spots allogènes.
-Nous voici tous réunis pour accueillir notre nouvel adepte ! Dit un homme qui se distingue des autres par un long collier en or qui pend sur son poitrail.
Il continue :
-Ludo restera le seul garant de cette personne. Je vous rappelle qu’elle ne doit en aucun cas connaitre nos identités jusqu’à ce qu’elle ait accomplie l’acte ultime !
Celui du sacrifice humain, celui d’un être qu’elle juge être son ennemi juré.
En nous offrant le pouce de sa victime, elle deviendra digne de notre groupe et de son intronisation définitive !
La petite assemblée affirma son acceptation par un « OUI ! » décliné d’accents différents.
La leader sortit un livret qu’il gardait dans une poche de son costume, le prit entre ses deux mains et se mit à le lire à voix lente.
Le texte déclinait en détail la naissance du groupe « Antalai », ses préceptes, la ligne de vie qui devait les guider pour rejoindre une sorte de Nirvana où une divinité, le grand serpent à la tête de « Mantischka », l’être ultime fondateur de vie, les recevrait sous sa bienveillante protection.
Le discours interminable prit fin à la lecture de la dernière page où est écrit.
« Gloire à Mantischka ! ».

Il referma son missel de vérité avec un claquement sec, le rangea dans les plis de ses vêtements, puis agrippa une épée dont la lame brille son feu de mort.
Puis il s’approcha de la silhouette toujours sagement assise, posa son extrémité acérée sur la forme de sa tête et après quelques incantations incompréhensibles la laissa glisser sur le sol en disant :
-Cette arme sera celle qui coupera le pouce ! J’espère que tu en seras digne…
La cérémonie terminée, Ludo prit son adepte par les épaules.
-Il est temps de rentrer. N’oublie pas que tu dois garder le silence jusqu’à demain matin !
Le retour se fit donc sans une parole. La voiture s’arrêta, il enleva le drap qui avait recouvert sa recrue en disant :
-On se voit demain avec notre groupe de wake !
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Bill venait de sortir de son cauchemar. 
Etrange ce rêve récurant qui gâchait une partie de ses nuits. Il le trainait comme un fardeau depuis sa plus tendre enfance.
Un meurtre !
Il se voyait trucider un homme de ses propres mains, projection de ces films d’une extrême violence qui florissaient sur le petit écran.
Il essayait de se soigner, était allé voir un psychiatre qui lui avait prescrit un traitement à base de « Prozac ». Et, c’est vrai, depuis quatre ou cinq ans il se sentait beaucoup mieux. Ses pulsions nocturnes avaient disparu de ses rêves et l’anxiété qu’il ressentait s’était calmée.
Pourtant depuis cet épisode de main coupée, tout était réapparu soudain, non seulement durant ses sommeils, mais également dans le fil de ses journées où la moindre contrariété faisait surgir le pire dans son esprit. Des visions de folies qui naviguaient devant ses yeux, crispaient ses mains, séchaient sa gorge, le faisait hurler intérieurement sa hargne, son mal être sa folie meurtrière.
Deux jours plus tôt, il avait massacré un pauvre petit chien qui avait osé japper contre lui. Pas de retenue, une véritable boucherie, violente, abjecte, nauséabonde. Les mains couvertes de sang, il s’en était débarrassé dans une bouche d’égout, sans le moindre remord, la moindre peine avec ce rictus malsain d’un homme fier de son acte.
Dans son bateau qui tractait ses clients, déjà, plusieurs fois il avait ressenti ce besoin de meurtre, mais, comme, il n’était jamais seul avec une potentielle victime, tout se passait bien. Il est vrai qu’il n’éprouvait aucune animosité à leurs égards, à part, peut-être Julien qui tardait à le payer et l’énervait de ses fanfaronnades d’homme soi-disant riche.
Justement, il allait le voir aujourd’hui avec tous ses amis pour une journée de Wake, de piquenique et une soirée festive, car ce soir c’était celui du feu d’artifice de Genève…

 
acte 8


Bill, bien entendu, était arrivé en premier au port.
Sept heures du matin, l’heure où le vent est au plus bas, où le lac Léman ressemble à une tâche d’huile, où la navigation de plaisance est la plus tranquille.
Il avait déjà emmené ses premiers clients de surf.
Son carnet de rendez-vous bien rempli, lui permettrait une occupation maximale tout au long de cette journée.

Notre petit groupe d’amis avait réservé son bateau pour dix heures.

Il scruta la liste de ses clients avec attention, pour tomber sur Julien.
Une liste de sommes en attente de paiement, s’alignaient devant son nom.
-Mais c‘n’est pas possible ! Il me doit une petite fortune cet âne, il a intérêt à me payer aujourd’hui ou je l’ég…

Il s’arrêta net de bougonner devant l’arrivée de Marine qui l’interpella de sa voix suave :
-Eh Bill ! T’en fais une tête, regarde, il fait beau, souris un peu !
-Salut ma belle, t’as raison !
Il rangea son petit calepin dans sa mallette et d’un pas agile sauta sur le promontoire de l’embarcadère pour faire une bise à la jolie arrivante.
-T’es belle à croquer !
-Oui, mais pas pour toi mon Loulou, moi ce qui m’intéresse avant tout chez un homme c’est son portemonnaie et surtout quand il est bien rempli ! Dit-elle en riant.
Elle étala sa serviette sur la rotondité du promontoire qui marquait l’entrée du port, puis en plaça une seconde à ses côtés en place réservée à sa copine Catherine.
Elle l’aimait bien cette fille, sa conversation était immanquablement intéressante et évoluait toujours vers ce qui semblait être sa passion. L’Esotérisme, la recherche existentielle, la compréhension de la vie, de sa vie, de son existence. Bien que ce type de débat philosophique soit à mille lieux de ses centres d’intérêts, elle avait pris goût à ce débat, essayant d’y ajouter son petit grain, avec cette impression de fierté qu’elle ressentait, qui lui montrait que la futilité n’était pas son seul apanage.
Elle venait d’ailleurs d’arriver la belle Catherine, avec son élégance rare qui ne pouvait que rendre admiratif. Sa beauté n’était pas éclatante, mais discrète, évidente. Elle lui fit un joli sourire, embrassa Bill sur les deux joux, puis en fit de même avec Marine complétant son arrivée par cette habituelle remarque :
-Merci d’avoir réservé ma place.
Elles s’allongèrent côte à côte laissant Bill à ses préparatifs du bateau.
Vers neuf heures quarante-cinq, le groupe arriva, égrenant chaque minute de leurs présences distinctes.
Claude, Julien, Ludo, Lenny et bientôt Adeline qui arriva le sourire aux lèvres !
-Les amis, j’ai failli arrivée en retard. J’ai dû faire des courses pour demain car j’ai…
Elle coupa sa phrase.
Ce genre de confidence sans conclusion était son habitude. Elle se lançait souvent dans une affirmation, puis semblait vouloir nous en confier son explication pour soudainement s’arrêter en nous laissant sur notre faim. Elle aimait ainsi laisser volontairement planer un mystère autour de ce qu’elle devait faire, sur la personne qu’elle allait voir, voulant nous rendre ainsi, peut-être jaloux, angoissés de nous rendre compte que l’on n’était pas vraiment le centre de sa vie, mais des subalternes, des copains d’amusements.
Puis elle ajouta :
Allez, on y va, je suis pressée de surfer ce matin.
On était tous dans le bateau quand Debbie pointa son nez à l’horizon.
-Attends Bill, y’a Debbie qui arrive !
-On peut bien l’emmener avec nous !
Bill eut un grand sourire en voyant l’arrivée de la naïade :
-Mais bien entendu.
Tous les hommes s’empressèrent devant la passerelle pour lui tendre la main et ainsi l’aider à nous rejoindre.
Adeline en revanche eut cette petite moue qu’elle arbore quand elle est contrariée. La pauvre venait en un instant, être effacée de notre centre d’intérêt, remplacée par cette belle.
Car oui, elle était une fois de plus splendide dans cette robe d’été vaporeuse, cette légèreté féminine envoutante, presque magique.
Elle fit le tour de l’exiguïté de l’embarcation avec des embrassades que chacun voulait faire durer, relâchant l’étreinte avec difficulté, la laissant filer suivie d’une appréciation élogieuse sur sa beauté.
Avec Adeline, une simple bise courtoise scella la retrouvaille.
Elle s’assit sur la banquette arrière, celle qui servait à surveiller les surfeurs. Celle d’habitude réservée à Adeline. Et les hommes s’empressèrent de se retrouver à côté d’elle.
Julien eut cet honneur, avec en plus une caresse discrète sur la main.
-J’en ai de la chance ! Dit-il. Je suis riche et en plus, je suis assis à côté de la plus belle femme au monde.
-Bill se retourna brusquement pour le regarder :
-Toi qui est si riche faudra que tu me paies tes dettes quand on rentrera !
-J’ai oublié mon portefeuille, mais demain promis !
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Yvon fronce des sourcils.

« Je me souviens bien de cette journée, de ce moment !
J’étais assis sur la banquette avant, à côté de Bill.
 Je suis jaloux.
 Jaloux de voir Julien recevoir toutes les faveurs de Debbie.
Pourquoi lui ?
Adeline vient de s’asseoir à côté de moi, elle me parle.
Bizarre, elle aussi fait toujours mine de m’ignorer quand nous sortons pour une partie de wake.
Elle batifole, tourne autour de chacun de nous, s’intéresse à chacun en m’évitant.
Mais là c’est évident qu’elle est déstabilisée, triste d’être devenue le numéro deux du groupe.
Alors qu’habituellement je serais tout heureux de lui parler, cette fois ci je l’ignore, subjugué par Debbie. J’essaie d’entendre sa conversation, mais les bruits du moteur et le babillage d’Adeline m’empêche de discerner ses paroles.
D’ailleurs c’est le tour de surf d’Adeline
Elle sort de sa housse une petite planche blanche, part se poser sur la plateforme en poussant sur son chemin l’épaule de Debbie sans même s’excuser :
-Je vais me mettre sur mes deux genoux aujourd’hui.
Cette affirmation aurait dû provoquer des sifflements d’encouragement de nous tous, mais cette fois personne ne réagit.
-Et toi Debbie tu sais faire du wake ?
-Non, mais j’aimerai bien essayer.
-Je t’invite avec plaisir, tu feras le temps que tu veux !
C’était Claude qui avait proposé cette invitation, coupant l’herbe sous les pieds de ses concurrents.
-Eh bien moi je t’invite au resto du club ce soir !
-Ok Ludo, c’est sympa !
Adeline était déjà dans l’eau, parée au démarrage, les pieds posés sur sa planche, les jambes en grenouille et les bras bien droit devant !
-Eh Bill, tu démarres ou quoi ! Hurla-t-elle furieuse.
Bill regardait béatement notre nouvelle amie qui venait de nous faire découvrir son deux pièces minimalistes.
-Oui, ça vient. T’es bien de mauvaise humeur aujourd’hui !
Le bateau prit son essor, Adeline se mit sur la vague et, rapidement lâcha la corde pour se mettre à surfer avec dextérité. Au bout d’une minute ou deux, elle tenta cette figure difficile qu’elle préparait depuis plusieurs mois.
Elle se concentra en regardant droit devant la ligne du bateau, posa un genou sur la planche et après de multiples hésitations posa le second et leva les bras en signe de victoire.  Son exploit n’eut pas les réactions attendues, aucun applaudissement, aucun sifflement ne vinrent couronner son succès.
En fait personne ne la regardait, tous étaient subjugués par Debbie qui, accrochée à la rambarde centrale, tanguait une danse affriolante sur une musique de David Guetta.
Déstabilisée par cette indifférence, elle perdit l’équilibre et valdingua au-dessus de sa planche.
Le bateau continua d’avancer sans que Bill se rende compte de sa chute, et c’est Lenny qui, un peu par hasard se rendit compte qu’Adeline n’était plus au bout de la corde et avertit le capitaine.
Alors là, je peux vous dire que Debbie était furieuse quand nous sommes allés la récupérer.
Le pire c’est que tout le monde était hilare en voyant ses bras s’agiter au-dessus d’elle et en entendant ses injures lors de notre approche.
Puis Julien ajouta en tendant son bras :
-Adeline donne-moi la « MAIN » je vais t’aider à remonter.
Alors là, on éclata de rire, j’en eu même les larmes aux yeux, tellement la remarque était malencontreuse et malvenue depuis le malheureux évènement de la précédente sortie.
Elle nous insulta copieusement, poussa Debbie qui voulait la calmer, s’enfila sous son poncho pour aller bouder à la proue inoccupée…
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Marine et Catherine étaient allongées sur le ventre, l’une à côté de l’autre, lascivement exposées aux rayons du soleil.
Rien de bien intéressant dans leur conversation.
Leurs regards se portèrent sur le bateau de leurs amis qui évoluaient au loin, dans leur champ de vision.
Il semblait que c’était le tour à Julien de surfer.
-Tu penses quoi de Julien ? demanda Marine.
Catherine ne répondit rien et haussa des épaules.
-Moi je le trouve terriblement beau et séduisant. Continua Marine. De plus il a une bonne situation, ça m’intéresserait bien de faire un bout de chemin avec lui.
-Avec ce crétin ? N’importe quoi !
-Pourquoi dis-tu ça ? C’est vrai, j’ai eu le sentiment que tu sembles l’éviter !
-Je le connais ou du moins je l’ai connu dans le passé.
-Ah bon.
-Oui, y’a longtemps, nous vivions ensemble, j’avais vingt ans. On avait des projets, on s’aimait. On commençait à parler mariage quand je suis tombée enceinte.
Marine étonnée tourna la tête dans sa direction.
-C’est vraie cette histoire ?
-Eh oui. Alors il a changé de comportement avec moi, m’a convaincue d’avorter en me disant que c’était trop tôt, que nous n’étions pas près. Je le voulais cette enfant. Mais j’avais peur qu’il me quitte, alors voilà, j’ai avorté, ça s’est mal passé, une infection, j’ai failli mourir, plus d’un mois d’hôpital pour être sauvée et ce salaud a profité de mon hospitalisation pour me quitter ! Tu te rends compte.
-Pas possible, mais je ne comprends pas, tu peux encore le voir, il ne te dégoute pas ?
-Si mais le temps à fait son œuvre, et puis je l’ai retrouvé par hasard, je suis très amie avec Claude.
Tu sais, je crois que Julien ne m’a pas reconnu ! A l’époque j’étais blonde, en surpoids. Et puis esthétiquement j’ai beaucoup changé, j’ai eu des opérations de reconstruction à la suite d’un très mauvais accident de voiture, et j’ai gardé le nom de famille de mon ex-mari…
Voilà l’histoire…
-Je ne savais pas que tu avais été mariée ?
-Y’a douze ans, un mariage exprès, un an de malheur ! Ajouta-t-elle en riant.
-Moi aussi, mes maris, ils m’ont également tous quittée, mais c’était pour aller dans leur tombe ! Précisa Marine.
Cette remarque étrange, presque malsaine interpella Catherine quand son téléphone sonna.
Elle prit le combiné.
« C’est moi, tu es seule, on peut parler ?».
-Oui, attends !
Elle se leva brusquement et nerveusement s’éloigna de son amie puis continua :
-Amour, où es-tu ?
-J’ai besoin de ton aide, je suis rentré à Genève hier soir, faut que l’on se voit…

acte 9 le 11 mars




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