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  A la Miaou

27/05/2018


 
Il avait éternué trois fois !

C’était chaque fois la même chose !

Il adorait pourtant voir ses amis les Moucherots mais, car il y avait un gros " MAIS. "
Ils avaient un chat.
Et les chats.
Ernest Puppa en était allergique.

Le plaisir qu’il avait éprouvé pendant cette charmante soirée chez ses amis avait été copieusement gâchée par son nez qui s’était mis à couler, ses yeux à le piquer et aux éternuements sans fin qui l’avaient continuellement secoué. Le pire c’est que tout ceci s’était prolongé pendant l'intégralité de la journée suivante.
Notre pauvre inspecteur arpentait donc sa salle de séjour, maudissant nos mignons petits amis félins et méchamment il espérait bien les voir éradiquer à jamais de notre planète.

Il entrebâilla sa fenêtre espérant que la douceur de la nuit tombante allait peut-être lui faire passer cette mauvaise maladie.

On était à la fin du mois d’août et la tiédeur résiduelle de cette journée d'été s'engouffra illico dans la pièce.
Un grincement attira son attention, c'était la porte de son voisin Monsieur Poppe qui venait de s’ouvrir.
Elle laissa tout d’abord se pointer un chien.
Une grosse boule de poils qui immédiatement se trémoussa de contentement.
Puis son maître apparut.
Ce cher monsieur Poppe qui semblait également très satisfait à l'idée de cette balade nocturne.
Puppa éprouvait une profonde sympathie pour cet homme jovial et dévoué qui promenait chaque soir, non seulement son fidèle compagnon, mais également la bonne humeur que son visage et sa bonhomie arboraient.
Il se pencha à sa fenêtre avec l’idée de le saluer.
Malheureusement, une suite Homérique d’éternuement ne lui permit pas cette civilité.

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Monsieur Poppe travaillait dans une entreprise horlogère de de Genève et la conjoncture actuelle difficile, les restrictions de budget, les licenciements à tout va, l’inquiétait au plus haut point.
Il adorait donc, cette petite promenade nocturne, qui lui permettait immanquablement de se vider des problèmes de son quotidien.
Il sortit de sa petite cour, passa devant le centre musical et tourna sur la place de la goulette.
Aujourd’hui, il avait décidé de monter par le chemin de la Chenaillette, traverser la place Pertemps et descendre par Gex la ville, puis aller voir l’avancée des travaux qui allaient bientôt modifier totalement la configuration du centre de la bourgade.
Son toutou lui intima de le laisser se délecter de quelques lapés dans la fontaine.
Tout en le laissant faire, Monsieur Poppe trempa lui-même la main dans l’eau très fraîche qui provenait directement de la montagne. Il sourit en se remémorant une petite fête de quartier un peu trop arrosée qui l’avait conduit à faire un plongeon dans cette onde glacée.
Il en avait été quitte pour un bon rhume et une interdiction formelle par sa douce moitié de retoucher à un verre d’alcool.

L’ascension du vieux sentier commença.

Celui-ci longeait les limites de ce qui dans un lointain passé avaient été l’enceinte du château de la princesse Léonette.
Il passa lentement devant la maison de la prof de musique de Jeanne d’Arc, maintenant à la retraite, et se réjouit des vocalises qui filtraient les murs de son habitation.
Monsieur Poppe était lui-même, un talentueux musicien.
Immédiatement il reconnut la mélodie entonnée et se mit lui-même à fredonner les paroles d’un fameux Motet de Bach ; « Komm, Jesus komm… ».
Son chien avançait lentement, évitant dans une sympathique intelligence de tiré le bras de son maître
Il ourna la tête dans sa direction et le regarda de cette façon étrange qui unit deux êtres étroitement liés.
Cachés derrière sa frange copieusement fournie, les yeux de l’animal semblaient apprécier cette musique issue des temps anciens.

Des gouttes de sueurs perlèrent rapidement sur le front de notre promeneur.

Etait-ce cette longue promenade en vélo qui l’avait ramené de son bureau ou bien ce dîner un peu trop copieux que son épouse lui avait concocté. Le fait était que cette petite grimpette lui semblait difficile.
Il décida de s’imposer cinq minutes de repos.
Le bois touffu qui bordait le sentier ne lui permettait même plus, comme dans le passé, d’apercevoir plus bas le tracé du Journan.

Il se mit à rêver.

A penser au temps qui passe, aux rapides progrès qu’il avait fait à la guitare et au plaisir de voir son fils apprécier comme lui le plaisir de la pratique instrumentale.
Mais, sa rêverie fut de courte durée.

Son compagnon s’était brusquement mis à grogner.
« Et bien oui mon gros ! Dit-il, j’ai besoin de me reposer un peu ! »
Regardant son chien il se rendit compte que sa mauvaise humeur ne provenait nullement de sa position statique mais de quelque chose qui semblait l’intriguer.
Essayant de percer la pénombre environnante. Sur le tracé du chemin, il vit effectivement l’ombre d’un hommequi semblait se tenir à quatre pattes sur le sol et s‘afférait à une étrange besogne.
Il reprit sa marche sur la pointe des pieds, intrigué par l’apparition inquiétante.
Avançant de quelques pas, il aperçut clairement cette silhouette humaine.
Sa présence fut remarquée lorsque son ami laissa échapper deux aboiements de colère.
L’individu stoppa net son activité, se leva précipitamment et s’enfuit sans demander son reste.
« Eh ! Vous avez oublié quelque chose ! » Cria Monsieur Poppe.
Effectivement, devant lui, une masse sans forme reposait immobile. Se rapprochant d’elle, Il s’effara de l’atrocité de la scène.
Prit d’une nausée subite, il se précipita sur le bas-côté et ne put s’empêcher de dégurgiter la totalité de sa digestion.
Son brave toutou, le nez collé prêt de la découverte continuait ses grognements.
Monsieur Poppe soulagé du poids de son estomac, tira d’un geste brusque sur la laisse de son chien.

" N’t’approche pas de ça ! " .

Il hésita, puis surmontant son dégoût regarda le cadavre.

Car oui, il s’agissait bien d’une dépouille atrocement mutilée.
Les restes d’un chat la tête à moitié fracassée que l’on avait commencé à peler !
Le meurtrier, dans sa précipitation avait laissé sa lugubre besogne dispersée autour du pauvre animal.
« Quelle cruauté ! Murmura monsieur Poppe, il faut vraiment être un monstre pour faire ça !
Il entreprit à l’aide d’un bâton trouvé sur place de pousser les restes de l’animal hors du passage.
Puis, ne se sentant plus la force de continuer sa promenade, il rebroussa chemin.
Demain, il se rendrait à la gendarmerie pour témoigner de cette horreur.
-On le chopera ce salaud ! »

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Agenouillé, les mains jointes, Ernest priait le Seigneur.

C'était une posture bien anachronique pour notre fameux inspecteur de police.

L’église de Gex était à cette heure encore vide, la messe ne devait commencer que dans une demi-heure.
Le sacristain qui préparait la cérémonie avec dévotion, le regarda d’un air amusé et murmura :
« Que fait-il ici, celui-là ! »
Ernest était un anticlérical notoire.
Il ne s’en cachait à personne.
Affirmait que la religion était avec l'économie, une plaie de l’humanité, en appuyant son affirmation par le malheur que toutes les croyances engendraient ou avaient engendrées.
Pauvreté, massacre, guerre, attentats incessants, tout cela au nom d’un dieu tout puissant auquel il ne croyait plus.
Alors, que faisait-il en ce lieu sacré.
Eh bien.
Un peu comme nous tous, pauvres quidams que nous sommes. Il demandait l’aide au Divin, parce que Puppa, chaque fois qu’il ressentait un petit bobo dans sa chaire au lieu de se rendre chez son médecin pour qu’il règle rapidement le problème, il préférait se morfondre dans la certitude d’être atteint par une maladie terminale.
Aujourd’hui, il avait mal au ventre, un écœurement que tout le monde aurait trouvé bien naturel après avoir ingurgité, la soirée dernière, quatre grosses plaques de chocolat.
Mais, pour lui, c’était signe de mort, de maladie grave, certainement incurable.
Notre géni de la police, les larmes aux yeux, sollicitait donc bêtement, la grâce de cette entité qu’il dédaignait dans son quotidien.
« Mon Dieu ! Priait-il, aidez-moi s’il vous plaît. Il est vrai que je vous oublie quelques fois ! Mais, vous savez, la vie, l’ordinaire fait qu’on vous délaisse, qu’on vous néglige, mais je vous promets que si je guéris, je vous chérirais chaque dimanche… »
Son long monologue avec le divin prit fin lorsque la messe commença.
Les fidèles avaient entièrement ermpli l’église.
Puppa n’appréciait guère ce rituel religieux, c’était surtout la routine de son déroulement et, il y avait ce souvenir d’enfance, peut-être sans importance, mais qui l’avait profondément traumatisé.
Ça c’était passé au catéchisme, il était alors bien jeune et prêt à croire l’ensemble des propos qui lui étaient enseignés.
L'enseignement qui l’avait particulièrement frappé était celui concernant l’hostie.
Cette représentation du Christ lui avait toujours été représentée comme quelque chose de sacré.
« Ne le touchez jamais avec vos doigts impurs ! Avait affirmé la catéchèse. Ou vous serez puni dans l’au-delà !
Et, plus tard dans son adolescence, on avait soudainement décrété le contraire.
« Chers fidèles, prenez-le dans vos doigts ! »
-Vous vous êtes bien moqués de moi avec vos fadaises ! » Pensa-t-il, furieux.
Il était temps pour lui de déguerpir.
Il commençait à se lever pour partir quand le sermon commença.

« Mes frères ! Commença le curé. Ne tuez point. Je ne parle pas uniquement de votre prochain mais également de nos amis les bêtes qui ne demandent qu’à vivre leurs courtes existences dans une tranquillité qu’elles méritent !
Plus tard, le curé expliqua cette remarque :
-Depuis quelques temps dans votre village plusieurs chats ont été sauvagement assassinés, même celui qui égaillait ma cure a été horriblement supprimé et dépecé… »
Puppa était au courant de cette affaire, il avait discuté avait Monsieur Poppe qui lui avait raconté en détail son aventure. Il avait cru que ce n’était que le fait d’un acte isolé mais à l’évidence ça ne semblait pas être le cas.
A la sortit de la messe, madame Pichonneau se précipita vers lui.
« Inspecteur, il faut faire quelque chose ! Trouvez cet assassin. Mon minou, mon tout petit minou, il lui a écrasé la tête et l’a complètement pelé ! Elle éclata en sanglot.
Puppa s’attendait à une dénonciation, une calomnie qui était l’habitude de cette brave dame qui ne manquait jamais de lancer quelques commentaires désagréables sur la vie des Gessiens.
Pourtant cette fois ci elle resta muette sur ce sujet, elle ajouta même.
-J’n’ai aucune idée sur l’identité de ce monstre. Qui a pu faire ça ?
Puppa essaya de la réconforter :
-Oui, madame Pichoneau, je vais faire de mon mieux pour attraper le coupable, ne vous inquiétez pas !
-Merci, merci, inspecteur, vous êtes le seul capable de nous débarrasser de ce barbare ! »

Lentement, Puppa rentra chez lui.
Noyé dans ses pensées, il remarqua à peine les Sipion.
Monsieur et madame Sipion qui remontaient la rue des Terreaux.
Ce n’est que la blondeur de la belle dame qui éveilla l’esprit engourdi d’Ernest.
Une fois de plus. Ernest jalousait ou du moins s’effarouchait à la vue d’une femme mariée. Il est vrai que madame Sipion était splendide, d’une quinzaine d’années de moins que son mari, elle resplendissait dans son aura dorée. Sa svelte silhouette ne pouvait qu’engendrer l’envi, l’admiration, le désir.
Son mari, était un bel homme, confortablement assis dans sa quarantaine, qui semblait en pleine santé et imposait une prestance réconfortante.
Leur rencontre ne s’arrêta pas à de simples civilités.
Au contraire.
Une petite conversation s’enchaîna avec notre inspecteur qui essayait tant bien que mal d’éviter le rougissement de son visage.
La belle dame s’était depuis longtemps aperçu de l’effet dévastateur qu’elle engendrait sur Puppa, ceci l’amusait au plus au point. D’un doigt agile, elle remonta l’une de ses mèches de cheveux rebelles et présenta son plus joli sourire.
Son mari semblait avoir envie de parler.
Il enchainait des questions et des remarques sur la vie communale, sur les bâtiments qui poussaient tels des champignons, sur la circulation qui devenait infernale. Mais voyant que son interlocuteur semblait gêné par quelque chose, il s’inquiéta de son problème.
Pris au dépourvu, il marmonna des explications un peu bizarre et réussi à se sortir de sa gêne en parlant de cette histoire de chats qui secouait le quartier.
 « Les chats, pauvres bêtes, Ils se font tous massacrés. Je n’aime pas trop ses animaux, vous savez, je suis asthmatique et leur simple vue me donne une sacrée crise, mais quand même, je trouve ça terriblement triste et horrible !
Il sortit son flacon de Ventoline et s’en injecta une bouffée .
-Vous voyez, simplement le fait d’en parler et je m’étouffe !
Madame Sipion éclata de rire à son écoute.
Le rire de la belle, avait quelque chose de si charmant et enchanteur que Puppa sentit ses jambes se dérober sous son corps. Une poussée de fièvre enflamma ses pommettes. Vite, il était temps pour lui de partir. Il bredouilla quelques excuses et battit en retraite.
-Il est bien curieux cet inspecteur ! » Remarqua Monsieur Sipion.
Son épouse, lui envoya un petit sourire coquin, comme unique réponse.

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Puppa avait demandé la permission de son supérieur pour s’occuper lui-même de cette affaire de chats.

Il avait acquiescé en lui demandant une grande discrétion. Il préférait ne pas faire savoir que les talents d’un des meilleurs policiers de la région pouvaient être utilisés à des fins si futiles.
Puppa se rendit donc au parking des Cèdres pour constater le dernier massacre que le criminel venait de commettre.
Un employé communal lui ouvrit la grille.
Le fait que cet endroit soit soigneusement clôturé représentait une chance pour Ernest car ce fait amoindrissait le nombre de suspects et le cantonnait aux protagonistes possédant la clef de ce garage.
C’est au troisième sous-sol que le préposé des lieux lui montra les restes du pauvre animal.

Contrairement à son habitude, le criminel avait eu le temps de le peler complètement de la tête aux pieds. Il l’avait tué par des coups répétés à la tête assénés avec cette pierre qui reposait non loin de la dépouille.
Puppa la ramassa et constata qu’elle possédait de nombreuses empreintes certainement identifiables.
Ce qui interpella Puppa, c’était la dimension des marques.
« Certainement des doigts d’enfants ou peut-être d’une femme ! » Dit-il à un gendarme qui restait à son service et qui s’empressa de collecter cet indice intéressant.
Les deux hommes continuèrent leurs investigations avec minutie.
Une trace de pas, un morceau de tissu auraient pu les aider.
Malheureusement l’arme du crime fût le seul point d’intérêt qu’il découvrirent.
« Pourquoi pèle t’il l’animal ? Se demanda Puppa à haute voix.
-Certainement qu’il veut s’en faire un pull s’amusa son compère !
-Peut-être bien ! »
L’affaire qui semblait en premier abord relativement simple, n’inspirait guère notre inspecteur.
Il y avait ce caillou avec ces marques.
Mais, il ne se voyait pas aller voir tous les sociétaires du Parking en leur demandant de vérifier leurs emplois du temps. Pour un crime humain ce n’aurait pas été un problème, mais pour un pauvre matou, on lui rirait au nez.
Sa seule alternative fut de laisser un message d’appel à témoin accroché à l’entrée du parking et de faire publier le même genre de petite annonce dans un journal local.
Il pensa qu’un peu de chance lui permettrait d’obtenir des témoignages. On avait certainement aperçu quelque chose ou quelqu’un de suspect.
Et puis, il en était certain, le tueur ferait certainement une erreur, un jour ou l’autre lors de l’un de ses prochains forfaits.

Pourtant Puppa se trompait complètement, les jours, les semaines passèrent sans qu’aucun nouvel assassina félin ne soit perpétré et sans qu’aucune déposition ne réponde à son communiqué.

Petit à petit, tout le monde oublia cette triste affaire, à part cette chère madame Pichonneau qui après avoir harcelé Puppa de ces invectives avait fini par le détester. Elle qui d’habitude adorait lui faire la causette, se détournait maintenant de lui et l’ignorait copieusement.
Il aurait dû se sentir heureux d’être débarrassé de cette mégère, mais ce dédain était pour lui synonyme de fiasco, d’insuccès dans l’une de ses enquêtes.
Ernest en éprouvait un profond embarras et toutes les excuses qu’il avait bien voulues se donner ne le satisfaisaient aucunement.
La déconvenue était bien là, le narguant d’un petit rire narquois et lui répétant la phrase suivante avec un certain plaisir :
 « Toi, le plus grand inspecteur de tous les temps ! Fais-moi rire ! Une simple petite histoire de chats et tu n’es même pas capable de la résoudre… »

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C’est drôle comme les rêves peuvent être l’image d’une certaine réalité.

Il avait un énorme fusil étroitement tenu dans ses mains.

L’endroit ?

Ce devait être la jungle africaine.

Une moiteur étouffante éprouvait sa respiration, l’oppressait d’une façon gênante et presque incongrue. Pourtant il se devait de continuer, de tuer l’Animal, le Monstre que tout le monde redoutait.

Puis il y eut ce formidable craquement de branches.

La bête se trouvait maintenant devant lui. Huit mètres de haut, peut-être deux tonnes. Un insolite éléphant noir, avec d’immenses oreilles qui battaient l’air humide avec ses petits yeux qui indiquaient la haine qu’il ressentait envers cet humain qui le traquait.

Il émit un énergique barrissement et commença sa charge.

L’homme épaula son fusil, appuya sur la gâchette, mais horreur ce n’est pas un coup qui fusa mais les coin-coin d’un canard qui s’envola devant lui.
A cet instant, la fuite lui semblait comme étant son seul et unique salut.
Il entreprit une course folle, suant, haletant.
Il fût vite rattrapé par l’animal qui d’un coup de trompe le jeta à terre.

Il avait immédiatement compris que sa fin était proche.
Le pied de l ‘animal commença à appuyer sur sa cage thoracique, tout doucement, comme si elle voulait le faire souffrir avant de définitivement l’anéantir.

Au bord de l’apoplexie, il hurla…

Assis sur son lit, ce rêve de mort encore ancré dans l’esprit, monsieur Sipion subissait une fois de plus l’une de ces sales crises d’asthme.
L’une de ces mauvaises asphyxies qui peut vous étouffer en quelques instants et donne l’impression que vous allez mourir quand vos bronches ne laissent passé qu’un beaucoup trop mince filet d’air et que votre cerveau semble ne plus recevoir une oxygénation suffisante.

Il connaissait ces symptômes par cœur, et, la parade se trouvait toujours à ses côtés, un flacon de « Ventoline » qui d’une seule bouchée lui permettait un confort réparateur. Sa main plongea hâtivement dans le tiroir de sa table de nuit cheminant parmi les objets hétéroclites qui s’y trouvaient.
Mais rien !
Pas de médicament miracle !
Pourtant, il en était certain, il l’avait laissé là le soir tombé.
Il alluma sa lampe de chevet.
Puis, haletant, il continua de visu sa fouille précipitée, mais ceci sans succès ! I
l se tourna pour appeler sa femme qui dormait à ces côtés.

Horreur, elle n’était pas là !

Il fallait qu’il se rende au plus vite dans la salle de bain, il y trouverait son traitement d’urgence !

 Avançant, trébuchant avec peine jusqu’à la porte, il saisit la poignée et la secoua de toutes ses forces. Mais la porte ne cédait pas. Elle était fermée à clef de l’extérieur !
Sa respiration devenait de plus en plus difficile, même presque impossible.
La bouche largement ouverte, il recherchait désespérément sa simple bouffée d’oxygène salutaire.

Ses yeux exorbités accentuèrent leur difformité.

Il étouffait de plus en plus.
Il allait mourir.
Des pensées se bousculaient encore dans sa tête.

« Ouvrir la fenêtre au plus vite ! »

Mais le pouvait-il encore ?

Dernier espoir vain.
Il s’affala sur le sol.
Un dernier râle chemina dans sa gorge.
Le visage accablé d’un rictus de souffrance.
Soudainement il rendit l’âme.

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Le cœur de Puppa bâtait la chamade, on lui avait confié la pénible affaire de Monsieur Sipion.
Une simple petite vérification que toute cette histoire de mort subite était bien réelle et non provoquée. Il ne s’intéressait absolument pas à cette investigation, mais le fait de se retrouver en face de la belle veuve le mettait dans un embarras singulier.

Effectivement lorsque madame Sipion ouvrit sa porte, ce coloris, marque d’une certaine timidité empourpra son visage. La robe noire qui habillait madame Sipion ne déparait nullement son harmonie. Au contraire, elle semblait rehausser le bleu intense de ses yeux, souligner encore un peu plus le charme de ses courbes et finalement anéantir le peu de confiance qu’un inspecteur de police se devait d’avoir.

Tout ce que Puppa put faire, c’est de bredouiller quelques questions sans consistances, beaucoup trop banales pour engendrer toute découverte.
Elle, consciente de son pouvoir le regardait fixement, voulant accentuer volontairement cette timidité qu’elle lui suscitait.

Quand, dans sa chambre, elle lui montra le lieu de sa terrible découverte, quelques larmes ne purent s’empêcher de couler sur ses pommettes si parfaites.
La voix bredouillant d’une douleur difficilement contenue elle lui précisa :

« Je ne me suis absentée qu’une petite demi-heure de notre chambre. J’avais du mal à dormir et j’avais décidé de passer ces instants devant la télévision. Quand je suis revenue…

Puppa lui coupa la parole par un éternuement violent.

-Excusez-moi, je crois que je suis en train de m’enrhumer !

Elle continua.

-Il était étendu sur le sol, j’ai appelé le Samu mais il était déjà trop tard ! »

Inopinément, elle défaillit.

Puppa la rattrapa de justesse. Il se sentait particulièrement heureux de tenir ce corps majestueux lové dans ses bras. Ses cheveux lui chatouillèrent les narines, son nez le démangea de nouveau et d’autres éternuements intempestifs le reconduisirent à la réalité.

Pour Puppa l’alcôve de cette chambre lui semblait maintenant terriblement incongrue, gênante et inopportune pour les pensés honteuses qui, sans cesses, lui traversaient l’esprit. Il aida donc la pauvre dame à se diriger vers le salon où il la laissa assise confortablement.

Elle se remit rapidement de son malaise et sourit gentiment à Ernest.
Ses lèvres pulpeuses articulèrent lentement quelques mots :

« Je vais mieux maintenant inspecteur ! Avez-vous encore besoin de mon témoignage, il me faut un peu de repos, de solitude !

-Bien sûre ! Tout est pour le mieux ! » Bafoua t’il.

Il sortit de l’appartement, et tenta d’évacuer son nez qui semblait maintenant complètement bouché

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« Ça va mieux ce rhume ?

Demanda Purbon qui s’inquiétait gentiment de la santé d’Ernest.

-Oui ! Lui répondit-il. Il a disparu aussi prestement qu’il était arrivé !

Madame Pichonneau se trouvait également dans le bureau pour un témoignage important concernant un petit voyou.
Elle gronda, sa langue de vipère turbinant à vive allure, qu’il avait cassé un lampadaire de la place de la visitation. Qu’elle savait qui il était et où il habitait.

Bien entendu, elle avait ignoré Ernest et avait demandé l’aide d’un inspecteur « plus compétant » avait-elle sournoisement ajouté.
Purbon se l’était donc coltiné.

La mégère continua sa déposition :

« Ce petit vaurien, il traîne de partout à faire des bêtises, j’l’ai même vu tournant autour du parking des cèdres, même qu’il a fait peur à cette pauvre madame Sipion qui venait y prendre sa voiture ! »

Puppa sentit ses cheveux se dresser sur sa tête.

Un miracle de lucidité l’envahit.

C’est de cette simple façon que ce prodigieux inspecteur put soudain être capable de résoudre deux sombres affaires en quelques secondes !

Ernest regarda fixement notre marâtre de service et se leva brusquement en renversant presque le bureau qui se trouvait devant lui.

Purbon et Madame Pichonneau tressautèrent d’un même mouvement.

« Bon sang, mais c’est bien sûr ! Plagia Ernest.

Puis il se précipita vers madame Pichonneau et l’embrassa énergiquement.

Elle, ébahit resta sans réaction.

-T’es devenu fou ! Demanda Purbon.

-Madame Pichonneau, je vous adore ! Enchaîna Puppa. Grâce à vous je viens de trouver la réponse à l’énigme des chats et déjouer un meurtre odieux.

-Ne faites pas attention, il délire comme ça de temps en temps ! » Confirma Purbon.

Et bien non, Puppa ne divaguait pas du tout.

Madame Sipion fut rapidement arrêtée pour meurtre prémédité sur la personne de son mari et fut écrouée pour vingt ans.
Cependant on lui pardonna l’assassinat des chats.

Madame Pichonneau trouva d’ailleurs cela scandaleux, pour elle, le meurtre de son chat aurait mérité la peine capitale.

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Allongé sur son lit, Puppa repensait à cette diabolique affaire.

C’était la première fois qu’il se réjouissait de sa sensibilité aux poils de chats.
S’il ne l’avait pas eu, certainement il n’aurait jamais pu aussi habilement déduire la coïncidence entre les deux drames.

Ce qui avait justement frappé son esprit, c’était l’allergie qui l’avait submergé pendant sa visite dans la chambre des Sipions.
Elle avait été déclenchée par les poils de chats qui y avaient été entreposés quelques minutes avant le meurtre, puis enlevés le forfait accompli.
Malheureusement pour la coupable, une personne allergique ressent malgré tout les poussières de poils qui persistent toujours dans une pièce.

L’évidence qu’un asthmatique ne possède pas de chat lui avait offert la déduction d’un acte malveillant voulu.

En comparant les empreintes trouvées sur le caillou qui avait tué le chat avec celle de madame Sipion,
il lui avait été extrêmement aisé de vérifier ce qui pour lui était devenu une évidence.

Puppa s’étonna une fois de plus de la méchanceté et du machiavélisme qu’une aussi charmante personne pouvait porter en elle.

« Tuer des chats pour récolter leurs poils et les utiliser pour étouffer son mari ! »

Cette ignominie le fit frissonner.

Il se leva, alluma sa radio et un hasard enchanteur l’émerveilla.
La musique diffusée semblait lui intimer sa victoire.

Venu d’un autre âge on entendait Bourvil entonner cette sympathique mélodie :

 « A la mi-août ! »...



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