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  Excès de mémoire

20/09/2014





L'hiver s'était tranquillement installé sur le pays de Gex, le froid avait lentement engourdi les esprits les plus actifs. La neige n'avait pas encore daigné faire son apparition, mais cet oubli serait certainement bientôt comblé.

Trudy, une jolie américaine, armée d'une ponceuse s'appliquait à marquer d'arabesques des plus diverses, une tige métallique d'une trentaine de millimètres de diamètre, dressée rectiligne devant une cheminée qui diffusait une chaleur excessive.
L'objet s'ornait tranquillement du galbe que la sculptrice voulait lui infliger.

Malgré ce travail particulièrement délicat notre artiste n'avait pas vraiment la tête à son travail, ses pensées restaient focalisées sur un sujet bien différent.
L'image d'Ernest Puppa agrémentait complètement son esprit.
Il n'était pas vraiment beau, un peu timide, certainement très réservé, mais ce qui l'intéressait chez lui, c'était son intelligence discrète, sa façon de voir les choses comme personne ne le pouvait.
Était-elle amoureuse ?
Certainement oui !
Pourtant elle paraissait déjà comblée par l'amour. Mariée depuis maintenant cinq ans à Robert Brake un richissime banquier qui lui laissait une liberté totale. Il lui avait même fait construire ce magnifique atelier un peu à l'égard de leur demeure pour lui permettre l'isolement indispensable à son occupation créative. Elle trompait par ailleurs régulièrement son mari avec un apollon, un culturiste qui avait pendant de longues semaines posées pour la composition de ce qu'elle aimait appeler son œuvre magistrale. 

Mais cette vie ne lui plaisait plus !
Son mari qui la couvrait de cadeaux, son amant splendide, ne remplissaient plus la fadeur de la vie. Le besoin d'autre chose, de quelqu'un d'exceptionnel s'était imposé naturellement à elle.
Puppa paraissait le compagnon idéal qui pourrait lui faire oublier le temps qui passe.

Un jet d'étincelles se rua sur le sol.
Elle regarda sa nouvelle création, ses mains avaient accompli avec fidélité, l'impression qu'elle voulait voir se dégager de ce pédoncule de métal. 

« Comment me débarrasser de ses deux hommes ? » Se demanda-t-elle.

Le divorce ?
La fuite ?
Aller voir Ernest, lui crier son amour, le besoin de sa présence à ses côtés.
Mais, quelle serait sa réaction ?
Son rêve n'était certainement pas partagé ! 

Pourtant elle intéressait Ernest, la blondeur de ses cheveux, son joli minois, l'éclat de ses propos correspondaient certainement à son goût du féminin. L'inspecteur Puppa faisait partie du cercle d'ami de son couple. Il en était de même pour son "musclor" qui accompagné de sa propre moitié squattaient les nombreuses soirées que son richissime époux organisait fréquemment.

Son ouvrage était terminé. Planté sur un socle en bois, l'objet lui suggérait l'absolutisme de sa forme.

Elle le regarda fixement.

« Tu seras parfait dans ma maison de campagne ! » Lui susurra-t-elle.

Était-ce la présence de cette chose étrange devant ses yeux ou la chaleur de l'endroit, le fait est qu'une idée maléfique combla son être. Un sourire malsain se dessina sur son visage angevin. Elle repoussa d'un doigt alerte une mèche de cheveux qui s'était malencontreusement collée sur son front maintenant mouillé de sueur.
Ernest serait prochainement sienne...

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Une odeur animale inondait la salle de gymnastique.   

Léon s'éreintait sur sa machine de torture. Les cent cinquante kilos d'acier se promenaient au-dessus de sa tête dans un mouvement de va et vient répété.
Ses muscles puissants se jouaient avec aisance de cette masse inerte.

Un cri de joie ou bien de douleur jaillit du plus profond de sa gorge lorsque soudain il lâcha les poids qui s'écrasèrent sur le sol. 

Campé devant un immense miroir, il admirait sa sculpturale musculature. Il lui avait fallu dix ans pour obtenir ce splendide résultat. L'année dernière, l'entraînement intense qu'il s'était imposé avait porté ses fruits. Un titre de champion d'Europe toute catégorie avait couronné ses efforts. 

Sa force hors du commun lui permettait des exploits physiques incroyables. Il était capable de déchirer un annuaire téléphonique de ses mains nues et ceci sans le moindre problème. 

« Tu es parfait mon chéri ! »

A ses côtés, Jacqueline, sa femme, qui elle-même s'adonnait au culturisme, admirait l'imposante prestance de son homme.
Leur rencontre, il l'avait faite au cours d'une compétition qui s'était déroulé à Lyon. Rapidement, leur passion commune du culturisme les avait unis pour le meilleur et pour le pire.
Depuis cet heureux jour, la petite salle de fitness de Saint-Genis était comblée journalièrement de leurs présences assidues. 

« J'espère que tu n'as pas oublié notre invitation à passer ce week-end chez les Brakes ? ». 

Jacqueline grimaça légèrement.

-Non, bien sûre que non ! » Répondit-elle l'air absente.

En fait, elle ne tenait pas à cette petite visite, elle avait connaissance de sa liaison de son mari avec la jolie Trudy.
Mais quelle importance. Elle et son mari formaient un couple libre.
"T’as qu'à faire la même chose !". Lui avait-il dit lors de l'une de leurs disputes. Mais, elle préférait lui rester fidèle.

Jacqueline retourna à son entraînement.
Séance de footing sur place !
Elle mit la machine en route et débuta le déroulement de ses kilomètres fictifs.

Léon se reluquant dans le miroir, continuait à observer ses poses d’un œil critique. 

« Il faut que j'améliore celle-ci, si je veux être parfait ! »   

Quand tout à coup un cri retentit ! Jacqueline venait de faire une mauvaise chute et se tenait maintenant la cheville qui semblait terriblement la faire souffrir…

Léon la conduisit rapidement chez le médecin.

« Rien de bien grave ! Dit-il. Evitez de poser le pied parterre pendant quelques jours et tout rentrera dans l’ordre !

-Tu avertiras les Brakes qu'il ne me sera pas possible d'aller les voir !

-Ok j'annule le rendez-vous !

-Non, ne te sacrifie par pour moi mon chéri, tu peux y aller seul. Un peu de repos en compagnie de bons bouquins me fera du bien ! »

Léon, tout sourire, n'éprouva aucun mal à être convaincu. Il adorait les petites fêtes organisées par ses richissimes amis, il n'avait pas vu Trudy depuis deux semaines  et l'idée de leur prochaine rencontre l'enchantait.

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« Allez, avance ! »

Ernest Puppa houspillait son véhicule qui avait bien du mal à gravir les pentes de la route de la Faucille. Il allait rejoindre les Brakes qui l'avaient invité pour cette fin de semaine dans leur magnifique villa qu'ils possédaient aux Rousses.
Il faisait terriblement froid, une température largement en dessous de zéro. De plus il neigeait faiblement et toute la montagne s'ornait lentement de sa parure couleur ivoire. Au sommet du Mont-rond, telle une fusée, la tour de télévision pointait fièrement en direction des cieux.

 Le tournant de la fontaine Napoléon sembla ne pas vouloir se terminer. Donnant de grands coups de reins, Ernest aidait aussi bien qu'il le pouvait sa petite Ford fiesta qui protestait devant ce mur infranchissable.

« Faut qu'je change de véhicule ! A peine quinze ans et déjà des tas de problèmes ! Maintenant, on construit plus aussi costaud qu'avant ! ». Exagéra notre anxieux conducteur.

Trudy lui avait passé un coup de fil pour cette invitation de dernière minute. Sa voix lui avait semblé bien étrange. Un ton inhabituel, une modulation mielleuse ! S'était-il dit. Comme si son amie voulait lui faire passer un message "ardent » !
Un rendez-vous galant !
C'était l'impression qui lui restait de ce bref appel.
Il l’avait accepté avec joie.
S'était enquis de la santé  de Robert. 

« Il va bien ! » Lui avait-elle répondu, puis elle avait promptement raccroché sur ce dernier mot, "Bisous".

Puppa sortit de sa rêverie, rappelé par la réalité environnante. Son véhicule arrivé au sommet du col, certainement heureux de son effort, venait d'accomplir une effrayante embardée. 

« Eh ! Ma vieille, du calme. T'es plus toute jeune pour faire des choses comme ça ! » 

La chaussée était devenue glissante, et c'est avec prudence que notre ami continua son chemin montagneux.

Arrivé aux Rousses, il ne lui restait plus qu'à trouver la demeure de ses amis. Son sens de l'orientation incertain lui donna du fil à retordre.
Trente minutes plus tard, incapable de trouver par ses propres moyens le lieu recherché. Il prit la salutaire décision de demander son chemin et s'arrêta devant la petite boulangerie qu'il croisait pour la troisième fois et pénétra dans la boutique.

« S'il vous plaît ! Puis Puppa surpris enraya sa question. Devant lui, la mine réjouie de Trudy le regardait.

-Ernest, tu tombes bien, j'achète un pain pour ce soir, tu m'emmènes à la maison ?

Trudy le prit par le bras, le serra d'une façon exagérée, prit sa main dans la sienne et l'escorta à l'extérieur de l'échoppe. Un gros baisé atterrit sur sa joue. 

-Je suis si heureuse de te voir !

-Moi aussi ! Répondit Ernest dérouté par l'immodération affectueuse de son amie. »

Ils s'engouffrèrent tous deux dans sa voiture. Et Puppa amusé parcourut en trois petites minutes la courte distance qui les séparait de l'endroit qu'il croyait impossible à débusquer. 

La villa était immense. Un grand jardin orné de sapins encerclait la magnifique demeure. Sur le toit, une énorme cheminée crachait une fumée blanche qui inondait l'atmosphère glacée d'une succession de volutes blanchâtres. 

« Viens Ernest ! » 

Trudy le précédait de quelques pas. Sa petite valise accrochée à la main, il la suivait lentement sur le macadam verglacé, essayant d'éviter une glissade qui pourrait s'avérer douloureuse.
Ses yeux s'étaient portés sur son hôtesse.
Malgré l'opulent manteau qui la recouvrait, il venait de prendre conscience de sa beauté aguichante.
Elle se déplaçait avec légèreté, sa blondeur planant dans un mouvement ondulatoire irréel. 

La porte s'ouvrit devant eux. 

« Bonjour mon ami ! » 

Robert les bras tendus, le prit par les épaules et lui témoigna le bonheur de le voir. Ernest était également enchanté de revoir son copain et s'empressa de le remercier pour l'agréable invitation.

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C'est dans le magnifique salon que les trois hommes se retrouvèrent.
Robert et Ernest étaient amis depuis leur plus tendre enfance.
Gex, dans un passé déjà lointain, avait été le berceau de leurs pleurs, de leurs premiers mots d'enfants, de leur scolarité partagée, de leurs espiègleries de garnements. 

« Je ne te présente pas Léon ! Commenta Robert.

-Exact, nous nous sommes déjà rencontrés à l'une de tes réceptions ! »

Puppa tendit la main au culturiste, qui lui broya les doigts de sa poigne de sportif. 

Il régnait en ce lieu une chaleur estivale.
Le foyer de la cheminée où se consumaient quatre énormes bûches diffusait une température exagérée.
Trudy s'était éclipsée quelques instants, histoire de se faire belle.
Alors les trois hommes confortablement installés dans d'immenses fauteuils allèrent siroter un nectar liquoreux, dernière trouvaille que leur hôte voulait absolument leur faire goûter.

-Je ne savais pas que tu possédais une maison dans le Jura ! Demanda Puppa.

-En vérité c'est une nouvelle acquisition ! Nous avons fait cet achat pour nous échapper du stress quotidien. Et mes chers amis, vous êtes nos tous premiers invités. Quel dommage que votre femme n'est pas pu se joindre à nous ! Ajouta Robert en direction de Léon. C'est gentil de votre part de l'avoir abandonnée pour nous rendre visite.

-C'est un plaisir d'être avec vous. Jacqueline me demande de l'excuser, mais son handicap passager ne lui aurait pas permis d'être une invitée bien agréable pour...

Léon coupa brutalement sa phrase, son regard déconcerté pointant dans une direction que tous suivirent. Les trois hommes se levèrent d'un même trait. Dans le salon venait de pénétrer Trudy, habillée d'une magnifique robe du soir. Elle resplendissait, d'une beauté que Puppa n'avait jusqu'à présent jamais soupçonnée. 

-Tu es ravissante ma chérie ! 

Les deux invités, le souffle coupé gardèrent un silence approbateur. Trudy tout sourire se dirigea vers Ernest qu'elle prit par la main. 

-Viens voir ma dernière création !  

Tel un enfant, notre ami suivit la belle jusqu'au-devant de la cheminée.
A quelques centimètres du foyer reposait cette étrange barre de fer sculptée qui reflétait le larmoiement des flammes. 

-Je l'ai appelée "Shape memory" ! » Dit-elle avec son accent New-Yorkais.

Puppa n'appréciait pas vraiment l'art moderne. D'une culture plus classique, il préférait les sculptures plus conventionnelles. Mais pour l’évidence de ne pas blesser l'artiste, il la félicita en soulignant la majesté des courbes et l'imaginatif intrinsèque qu'un tel objet pouvait susciter.
Elle sembla particulièrement apprécier ce compliment, ajoutant que son avis était pour elle d'une grande importance.

Bientôt rejoints par son mari et Léon, la visite de la demeure se poursuivit. Elle fut accompagnée d'onomatopées de ravissement devant les agencements judicieux et de bons goûts qui parsemaient l'endroit.

La soirée se déroula merveilleusement dans les rires et la bonne humeur.
Puppa remarqua tout de même que Léon semblait un peu contrarié. 

Et puis il avait toujours cette curieuse amoureuse impression que Trudy lui donnait !

Était-ce le Bordeau éclusé à l'excès ?
Peut-être !
Mais Puppa éprouvait maintenant un certain trouble envers son hôtesse. Les regards qu'elle posait sur lui ne lui paraissaient autres qu’amicaux. 

Tard dans la nuit, tous se séparèrent pour retrouver leurs pénates.
Leurs chambres situées au deuxième étage étaient toutes splendides.
Un petit couloir menait à chacune d'elles. 

Ernest était particulièrement fatigué, il rejoignit rapidement son lit et sombra dans un sommeil profond.

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Trois heures du matin.
Un silence absolu confirmait l'assoupissement de tous les convives. 

Pourtant dans le salon, assis confortablement sur le grand canapé, Robert conversait avec son insomnie.
Il ressentait cette habitude navrante comme un véritable handicap.
Le poids de ses obligations professionnelles ainsi qu'une certaine hyperactivité l’empêchaient inexorablement de dormir.

 Un grand livre à la main, il semblait plongé dans l'histoire qui lui était contée.
Seuls, quelques craquements provenant de la cheminée qu'il avait rechargée troublait la tranquillité ambiante. 

Pourtant, il n'était pas seul. 

Sans un bruit, dans son dos, sur la pointe des pieds, quelqu'un s'approchait lentement. Ses deux mains pointant vers le plafond tenaient vigoureusement un gourdin menaçant. Son visage affichait une détermination terrifiante. 

Le coup s'abattit, heurtant violemment le crâne de la victime qui sombra immédiatement dans l'inconscience...

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Le parfum sucré de la belle comblait ses narines. Enfin, il avait trouvé l'amour. La femme que tout son être avait vainement recherchée marchait maintenant gracieusement devant lui. Le printemps nouvellement arrivé décorait la nature de couleurs chamarrées. Tous deux avançaient lentement sur un petit chemin délicieusement ombragé.
Ernest la regardait avec un regard exprimant toute la tendresse de ses plus beaux sentiments. Il la trouvait si belle, ses cheveux d'or croulant sur ses épaules, ses épaules menues soulignant la grâce de toute sa personne. 

Elle se mit à chanter.

Le cœur de Puppa battit violemment la chamade. 

Mais non !
L'intonation de cette jolie voix lui glaça les os.
Comment avait-il pu faire cela ?
Il n'avait pas le droit.
Mais ce n'était peut-être pas elle.
Il lui fallait une confirmation ou du moins une négation de sa faute ! 

Dans un langage que seul lui, pouvait comprendre.
Il la pria de se retourner, lui affirma que ce n'était pas elle, qu'il y avait une erreur.
Qu'il n'avait aucunement trahi son ami ! 

Puis, comme dans un film au ralenti, elle pivota pour lui faire face.

Il blêmit.

« Non ! Comment avons-nous pu ? »

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« Ernest ! Tu dors.

Couvert de sueur, prêt de la suffocation, Puppa ouvrit largement sa bouche. Ses yeux écarquillés ne comprenaient pas la situation. Assis au milieu d'un lit qu'il ne reconnaissait pas il fixait étrangement la silhouette de Trudy qui se dessinait devant lui.

-Je t'ai réveillé, excuses-moi ! »

Sa jolie amie, habillée d'une chemise de nuit qui esquissait discrètement ses formes, se rapprocha de lui.

« Je ne peux pas dormir et... Et il fallait que je te parle.

Reprenant enfin ses esprits, Ernest jeta un rapide coup d'œil à sa montre qui marquait trois heures quinze.

-Mais tu as vu l'heure ? Dans ma chambre ! Ton mari va croire des choses !

-Non, Ernest, il est insomniaque et il doit comme à l'accoutumé lire dans le salon ! Moi non plus je ne pouvais pas dormir et...

Elle semblait gênée par les confidences qu'elle s’apprêtait à lui révéler.
Après une brève pause.
Se rapprochant de Puppa qui toujours dans son lit ne comprenait pas vraiment la situation, elle continua.

-Il faut que je t'avoue quelque chose qui me tourmente depuis très longtemps. J'aime mon mari, enfin, un peu je crois. Pourtant j'ai un amant, le fort à bras qui a passé la soirée avec nous !

Puppa eut l'air très surpris.

Elle enchaîna.

-C'est amant, j'en ai par-dessus la tête. Pour moi ce n'est qu'un "divertissement", une façon de combler ma vie et mon ennuie durant les absences que le travail de Robert m'inflige. Mais cet homme s'est attaché à moi, il est même devenu jaloux de mon époux, me confiant récemment qu'il voudrait qu’il disparaisse. 

-As-tu parlé de cela à Robert ?

-Bien sûre que non, de plus il le considère comme un véritable ami.
Il l'a lui-même invité pour la petite réunion de ce week-end !

Puppa qui était maintenant totalement réveillé réfléchit quelques instants sur l'étrangeté de la situation.

-Et tu veux que j'intervienne auprès de Robert ? »

-Je ne sais pas. Je me sens perdue, désorientée. Une impression de vide s'est dessinée autour de moi. Robert, je crois, ne m'aime plus, ou du moins ne me porte plus l'attention minimum. Il vit avec son travail, ses habitudes, les nombreuses réceptions que nous organisons ne sont là que pour combler notre cassure...

Ernest ne se serait jamais douté de ce problème.
Pour lui, Trudy et son ami Robert formaient un couple idéal, parfaitement uni.
Il garda le silence, stupéfait par cet aveu improbable.
Puis Trudy le regarda dans les yeux.
Un regard qui le fit chavirer.
Son rêve revint brutalement à son esprit.
C'était elle qui l'accompagnait dans le délire de son rêve !

« Ernest, je suis amoureuse de toi ! »  

Rêvait-il encore, il se pinça la cuisse.
La douleur générée ne permettait aucun doute sur la réalité de la situation. Elle s'avança encore un peu plus près de lui, elle voulait l'embrasser. Il fournit un immense effort pour ne pas accéder à son attirance et usant d'une prestesse dont il ne se serait jamais senti capable, il sauta de son lit. 

« Mais Trudy, que se passe t'il. Je ne... »

Elle fondit en larmes et s’écroula sur le lit.
Ernest ne savait que faire, son inexpérience de la gent féminine, sa timidité ne lui offraient aucune solution.
Il n'osait pas aller la réconforter, la toucher, il n'était qu'un homme après tout.
Il voulait éviter tous contacts physiques pensant que dans ce cas, ses pulsions ne pourraient certainement pas être maîtrisées.
Il resta donc à bonne distance de sa surprenante passionnée et formula une succession de propos moralisateurs :

« Je ne comprends pas, nous avons toujours été amis... Je t'aime également... Mais comme une amie... Et puis ton mari est mon meilleur copain... Il est tellement mieux que moi... Vous allez si bien ensemble...

 Son flot de paroles lui paraissaient tellement insipide.

Trudy doucement se releva, regardant tristement Ernest. 

-Excuses-moi Ernest, mais ! De grosses larmes glissaient sur ses joues. Mais, je ne pouvais plus garder ces sentiments pour moi. 

Puppa s'installa sur le fauteuil qui occupait un coin de la pièce.
Regarda son admiratrice avec application, alors qu'elle continuait son monologue. Il la trouvait diablement belle.
Même sa tristesse ne parvenait pas à l'enlaidir.
Il repensa à son rêve, était-il prémonitoire ?

-Il faut que tu retournes dans ta chambre, ta présence avec moi ici n'est pas convenable. Robert ne mérite aucune traîtrise ! »

Elle ne répondit pas, fixant de son regard le sol recouvert d'un plancher de chêne. Brusquement elle se redressa et s'enfuit en lâchant un dernier sanglot.

Seul dans sa chambre. Ernest retourna se coucher.
Le sommeil eut beaucoup de mal à le rattraper, une confusion intense tournoyait dans son esprit d’une façon incessante.
Quatre coups retentirent à l'horloge de la maisonnée.
Ereinté, Puppa finit par s'endormir.

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« Ernest ! »

Une main décidée, secouait vivement notre inspecteur. Difficilement, il écarta ses paupières et perçant le brouillard de son esprit, il entrevit son collègue l'inspecteur Purbon.

« Non ! Ce rêve était définitivement trop absurde. 

-Va-t’en ! Maugréa t'il.

-Ernest réveille-toi, ton copain a été assassiné !

-Qu'est-ce que tu fais là ? Qu'est-ce que tu racontes !
Les yeux écarquillés, Puppa ne comprenait pas les propos de son collègue. 

-Oui, cette nuit, on l'a frappé à la tête, puis étranglé !

-Comment, quand ?

-Cette nuit ! T'as entendu quelque chose ? 

En pyjama, Ernest suivit son collègue qui lui expliqua que la femme de ménage l'avait trouvé mort une barre de fer entourée autour de la gorge.

-C'est quelqu'un qui est dans la maison ! Précisa t'il. Car, exceptées les traces de pas fait par la bonne, il n'y en a aucune autre autour de la propriété et le gars qu'à fait ça doit être bigrement costaud! » Précisa t'il.   

Ernest arriva dans le salon. La fenêtre y était grande ouverte et un froid désagréable lui glaça les os. Trudy, immédiatement, se jeta dans ses bras. 

« On l'a tué ! » 

Puppa ne réussit pas à retenir ses larmes. 

Ils restèrent ainsi, tous deux enlacés pendant de longues minutes.

Retrouvant sa composition d'une manière étonnante, il repoussa gentiment Trudy. Effaçant ses larmes d'un revers de la main, il se dirigea auprès de la victime. 

Son pauvre ami se tenait la tête renversée en arrière, son cou étroitement enserré par une pièce en fer. 

« Mais c'est ta sculpture, Trudy !
Remarqua t'il.
Donnes-moi deux chiffons ! ». Demanda-t-il à son collègue policier.

Il entoura les deux extrémités de l'objet du délit et tirant de toutes ses forces essaya de le détortillé de la gorge de Robert.
Mais, malgré tous ces efforts le métal ne se déforma pas d'un pouce.
Seul, un être d'une force peu commune avait pu faire ça.
A cet instant, en débardeur, Léon pénétra dans la pièce...

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Quelques courtes secondes furent nécessaires pour que Purbon enserre les poignets du culturiste.

« Vous êtes en état d'arrestation ! » Dit-il d'une voix grave.

Puppa, se retourna graduellement. Fixant bizarrement chaque personnage que son champ de vision rencontrait. 

La pauvre femme de ménage prostrée qui regardait dans le vide. La belle Trudy qui singulièrement lui fit battre le cœur, puis Purbon et un officier de gendarmerie qui sévèrement retenaient le coupable. Enfin Léon qui ayant l'air de ne rien comprendre clamait son innocence. 

Comme à l'habitude Puppa se rendit compte de l'inexactitude de la conclusion de son confrère ! Un détail d'une importance capitale s'affichait dans son esprit. Pourtant lui-même ne pouvait pas y croire. Comment avait -elle eu le courage de perpétrer cet acte immonde ! Il la savait d'une intelligence hors du commun, mais son scénario lui semblait tout simplement diabolique. 

Purbon connaissant parfaitement Ernest, il remarqua ses interrogations silencieuses.

« Ne me dit pas que je me suis trompé ? Susurra t’il entre ses lèvres

Puppa eut un profond soupire et répondit.

-Je suis certain que ce n'est pas lui le coupable ! »

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Ernest, comme à son habitude, n’ajouta pas un mot. Tristement il s’éloigna du chevet de son ami et sortit de la pièce.

« Où vas-tu ! » S’exclama Purbon.

Seul le silence répondit à son interrogation.

Puppa pénétra dans la salle de bain et s’engagea dans une quête mystérieuse. Quelques minutes lui furent nécessaires pour mettre la main sur l’objet de ses recherches.

 

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 « Quand te décideras-tu à changer ta bagnole ? » Demanda Purbon.

Accrocher au siège de la voiture, le pauvre homme suivait d’un regard terrifié les sinuosités de la route qui descendait en direction de Gex. Les freins de la voiture d’Ernest avaient bien du mal à remplir leurs offices et le boîtier de vitesse réagissait vivement aux sollicitations du conducteur. Malgré les vives émotions qui ne pouvaient que submerger l’esprit de son passager, la curiosité lui permit un instant de repos.
Alors, il demanda à son compère :

« Mais comment savais-tu pour la sculpture ?

-Eh bien voilà, Trudy me l’a présentée sous le nom de " Shape memory " et ceci a provoqué le déclic évidant de la solution. En effet il existe un métal de la catégorie dite à transformation martensitique qui possède des formes différentes suivant la température où il se trouve.
Dans le cas de l’arme du crime, la sculpture de Trudy, vers vingt-cinq degrés elle reste droit comme un I mais elle dessine une boucle quand il fait plus froid. J’ai déjà observé ce phénomène dans le parc d’un musée d’art moderne.
Notre belle artiste connaissait également parfaitement bien ce phénomène et elle l'a utilisé pour tuer son mari.

Après un bref instant de silence, il continua : 

-Après l’avoir assommé, elle a posé sa sculpture droite sur son cou, puis, elle a ouvert la fenêtre et le changement de température a fait la sale besogne en se mettant en boucle étranglant la victime et faisant ainsi croire à tous que seul un homme d’une force peu commune avait réalisé le travail. Ainsi elle se débarrasserait d’un mari encombrant et d’un amant trop envahissant… »

Puis Puppa cessa l’explication.
Il venait de considérer un détail qui venait de lui glacer le dos…

Sa voiture fit une embardée…

De justesse, il évita l’accident…

Il devait très vite oublier cet amour avoué.






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