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  La malédiction de la statue de Voltaire

05/07/2014



IL était seize heures quarante-cinq dans ce grand amphi théâtre de l’université de Genève, une cinquantaine de personnes étaient dans la l’attente d’un cours magistral ayant pour thème la vie au temps de Voltaire. Dans un coin de la salle, six élèves semblaient écoutés avec attention les explications que leur prodiguait l’un de leur camarade :

« Vous voyez cette petite fiole ! Dit-il. Je l’ai trouvé au marché aux puces, elle se trouvait classée dans une petite boîte avec d’autres produits.

Il la prit entre deux de ses doigts et lut à haute voix le mot qui y était inscrit.

ARSENIC !

Les quatre filles qui étaient présentes autour de lui, eurent toutes à l’unisson un mouvement de recul.

-Fais attention de ne pas la casser ! » Dit Judith.

Judith, était incontestablement l’une des plus jolies filles de l’université. Elancée, gracieuse, de longs cheveux d’un noir d’ébène, le genre de personne qui peut vous rendre amoureux au premier coup d’œil. Mais, pour le moment, elle ne se sentait pas disponible pour toute liaison amoureuse.  Elle en avait vraiment marre de tous ces beaux parleurs qui ne voyaient en elle qu’une poupée magnifique, un simple jouet qui ne servirait qu’à assouvir leurs phantasmes masculins.

Ces charmes, elle ne le savait pas encore,  seraient bientôt d’une évidente nécessité.

Mais, passons à la description des autres antagonistes avant l’arrivée du professeur.

Commençons par la gauche.

Le gros Joe, un bon garçon joufflu,  à la peau rougie par un excès de nourriture carnée et qui trimballait sans le moindre complexe son excès pondéral. Il ne semblait pas avoir été impressionné par la présence du poison, car son esprit ou du moins son regard était ailleurs, vers le profil de Judith qu’il scrutait avec des yeux d’envies. Il aurait tant voulu la tenir dans ses bras, la câliner, être son petit copain. Mais, il le savait, un empâté comme lui n’avait aucune chance avec cette fille de rêve. En fait, il n’avait même jamais essayé de la courtiser, pensant que le refus évident qu’il recevrait serait pour lui dévastateur. Il se contentait de cette situation « de copain », au moins ainsi il pouvait la côtoyer, lui parler et peut-être un jour, elle sera celle qui fera le premier pas. Hormis la belle Judith, notre ventripotent ami avait une passion pour le radio amateurisme. Chaque soir, il passait de nombreuses heures à bricoler sa station d’émission et s’évertuait, avec succès, à réaliser des contacts avec le monde entier.

A ses côtés se tenait Emilien. Ce charmant jeune homme possédait encore une bouille arborant les traits de la jeune enfance. Tout juste vingt-deux ans mais paraissant en avoir à peine quinze, il était le joyeux drille de la classe. Toujours prêt à jouer un bon tour à son entourage, il ne pouvait s’empêcher d’aligner plaisanteries sur plaisanteries. Cela ne plaisait pas toujours à tout le monde, mais il n’y avait rien de telle que la contagion de sa bonne humeur pour vous sortir de vos moments de déprimes.

Il toucha du doigt la fiole d’arsenic, enserra ses deux mains autour de son cou et feint l’évanouissement tout en laissant échapper un râle des plus convaincant.

Sylvie le regarda avec une moue de dépit.

Cette adorable rouquine aux grands yeux verts faisait également partie du petit groupe. Elle ne semblait pas vraiment se soucier de son apparence et un large chemisier recouvrait en permanence ses formes que l’on pouvait agréablement deviner très généreuses.

Elle avait, semble-t-il, écouté avec une attention toute particulière les explications qu’avait prodiguées son camarade sur ses découvertes. Douée d’une imagination débordante, elle possédait ce don pour l’écriture qui lui avait permis de rédiger plusieurs romans qu’elle espérait un jour voir être publiés. L’étrange découverte de son ami lui donnait de bonnes idées pour la rédaction de l’un de ces prochains bouquins.

Regardant le dangereux flacon, elle amorça le début d’une question :

« Où…

-Range-moi vite cette horreur ! »

L’ordre donné par sa voisine la coupa abruptement.

 Sylvie lança un méchant regard à cette effrontée qui l’avait si impoliment interrompue, mais ne continua pas pour autant sa remarque.

 L’impertinente qui vocifère à ses côtés, s’appelle Trudy.

 Que dire de cette blonde aux yeux noisette ?

 Elle est américaine.

Elle a une très forte personnalité, et, comme tous, elle n’apprécie guère que son camarade transporte sur lui un produit aussi dangereux.

Pour la petite histoire, cette exquise New-yorkaise était arrivée dans la région il y a à peu près cinq ans de cela, venue tout d’abord dans la région pour une courte durée et dans le but d’améliorer son Français, elle avait par la suite décidé de prolonger son séjour pour poursuivre des études littéraires. Un léger accent teintait encore ses propos, mais seules les oreilles exercées pouvaient encore déceler son origine étrangère. Sa famille qui possédait une entreprise travaillant pour l’armée américaine était extrêmement fortunée et son père lui accordait sans compter des largesses financières qui lui permettaient un train de vie élevé. Cela se voyait assurément dans sa façon de se comporter, à son habillement, à sa voiture de sport et aux magnifiques cadeaux qu’elle offrait sans raison à ses amis.

Paraît-il, qu’elle avait même offert à l’un de ses derniers amants une magnifique montre Cartier d’un prix inavouable.

Des amoureux elle en avait eu en pagaille. Je dis bien, en avait-eu, car depuis plusieurs mois, elle s’était singulièrement assagie. La splendide demoiselle au corps sculpté par son goût de la natation, avait pris une certaine distance avec ses prétendants. Elle s’était fixée l’irrémédiable décision d’arrêter ces aventures sans lendemain pour se focaliser sur la recherche de l’homme de sa vie.

Cette initiative avait été inspirée par les conseils de sa meilleure amie, Clara, qui comme à son habitude se tenait présentement à ses côtés.

La gentille et mignonne petite Clara, haute comme trois pommes, regardait Trudy avec des yeux approbateurs.

Clara était adorable, tout le monde l’appréciait pour sa gentillesse, sa patience et sa façon d’écouter les autres. C’était certainement cette dernière qualité qui lui avait permis de nouer une solide amitié avec la remuante Trudy. Invariablement, elle l’écoutait en silence, acquiesçant de la tête à certaines de ses confidences, s’interposant adroitement au moment opportun, lui prodiguant de nombreux conseils apaisant. Elle était la parfaite alliée de ses états d’âmes, de ses angoisses que son éloignement familial lui provoquait.

Son seul défaut était sa timidité, l’impossibilité qu’elle avait de se mettre en avant ce qui ressemblait presque à un manque d’autonomie.

 Elle renchérit mollement la remarque de Trudy :

« Trudy à raison, tu ne devrais pas garder ce terrible poison avec toi ! »

 Sa remarque n’attira qu’un sourire sur la figure d’Edmond, notre septième larron. Celui même qui venait d’effrayer les demoiselles en agitant le flacon devant leurs nez.

Premier de classe, intéressé par tout ce qui l’entourait et surtout passionné d’histoire, il adorait parcourir les brocantes et tous ces lieux merveilleux où l’on pouvait se procurer des témoignages du passé pour un prix tout à fait abordable.

Il réajusta sa paire de lunettes rondes qui semblait vaciller sur son nez et d’un air de contentement indéniable scruta ses dernières emplettes qu’il avait entreposés devant lui dans une petite boite en carton.

Elles consistaient en ce poison dangereux, mais aussi à un encrier du dix-neuvième siècle contenant une encre qui vraisemblablement était d’origine et surtout d’un petit calepin de la même époque qui avait appartenu à un certain Emile Lambert.

 Mais, j’arrête là mes présentations.

 Le brouhaha submergeant le lieu venait subitement de disparaître, Monsieur Granger, éminent professeur venait d’arriver…

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Le fait le plus marquant de l’auditoire était la disproportion entre les représentants du sexe masculin par rapport à celui du sexe féminin. Au bas mot soixante-quinze pour cent des élèves étaient des filles. Ce fait était facilement explicable et tout à fait compréhensible. En fait, le maître de séance du jour était plus communément surnommé « Le beau gosse. » Ce sobriquet lui allait d’ailleurs comme un gant. La trentaine, une taille supérieure à la moyenne, une gueule d’ange, des yeux de ce bleu qui vous fait fondre, vous charme, vous submerge au plus profond de votre être. Toutes les filles en étaient éperdument amoureuses et n’espéraient de lui qu’un regard, qu’un mot, qu’un minuscule soupçon d’intérêt à leur égard.

Monsieur Granger, marié avec Marion depuis déjà une dizaine d’années usait parfaitement de ce pouvoir qu’il avait sur les femmes. Sa moitié, avisée depuis toujours sur ce point délicat, fermait les yeux sur ses frasques charnelles. Immanquablement, il revenait à elle, confus, lui jurant de calmer à jamais ses ardeurs.

Car des aventures, il en avait de nombreuses, et bien entendu avec ses élèves. Nombres d’entre elles étaient passées dans son lit pour une liaison que l’on pourrait qualifier d’express. Car monsieur Granger n’en avait cure de ses conquêtes si facilement acquises.

Après quelques semaines ou même quelques jours d’une relation qu’il considérait sans intérêt, il leurs expliquait son erreur, sa bêtise. Qu’il était marié, qu’il aimait sa femme et regrettait cette bévue. Invariablement il s’obligeait de préciser qu’elles étaient belles, engagées dans un avenir des plus brillant et que leur amour coupable n'avait aucun sens et ne leur accorderait aucun lendemain.

Enfin passons sur cet étrange comportement et revenons à un fait troublant de sa personnalité qui consistait en un protocole très particulier qui précédait immanquablement le début de son cours.

Imaginez tout d’abord ce lieu relativement ancien où il professait.

Une grande estrade de bois, un immense tableau noir, un petit bureau et enfin une chaise dont le coffrage de bois supportait un coussin de cuire, celle-ci sommairement assemblée était encadrée par deux montants métalliques d’une couleur verte qui séparément servaient de support pour le dossier et le siège.

Monsieur Granger arrivait donc au beau milieu de sa tribune. Sortait des feuillets de son sac ainsi qu’une petite bouteille du breuvage tonique que lui avait préparé sa femme. Immanquablement, il s'en versait une bonne ration dans son petit gobelet en plastique et immédiatement en avalait une gorgée.

Puis il se rendait au tableau où après avoir mouillé de sa langue une craie, il écrivait en larges caractères le titre de la leçon.

Il déclenchait le chronomètre de sa montre, une magnifique Cartier qui lui avait été offerte l’une de ses conquêtes.

Et, finalement posait chacune de ses mains sur les montants de sa chaise pour enfin commencer son cours.

C’était au demeurant, seulement à cet instant, que son premier regard daignait se poser sur l’assistance.

Sur les trois premiers rangs, on ne pouvait voir que des filles. Leurs yeux brillants d’amour et d’admiration pour ce prestigieux personnage. Plus loin c’était un mélange des deux genres. Des garçons qui jalousaient bien entendu le succès qu’eux ne pouvaient avoir et de peu nombreuses donzelles désintéressées par notre esthète du genre masculin.

Ah ! Oui ! J’allais presque oublier de vous le signaler.

En haut de cette arène du savoir on pouvait voir Ernest. Notre cher inspecteur Ernest Puppa qui désirait approfondir ses connaissances historiques concernant les relations que le pays de Gex avait entretenues avec le bassin genevois. Sa position qui prédominait l’amphithéâtre lui avait bien entendu permise de remarquer les émois amoureux qu’engendrait ce professeur.

Ernest appréciait cet enseignant qui lui semblait détenir un savoir et une qualité professorale admirable.

La ligne « Débats intellectuels au temps de Voltaire » que monsieur Granger venait d’écrire sur le tableau le fit frissonner de bonheur…

 

 « T’as vu Trudy, il porte ta montre ! » Chuchota Clara qui semblait offusquée par cette évidence.

 Eh bien oui ! Comme vous avez certainement pu aisément le deviner, monsieur Granger avait été l’amant de Trudy et c’est à lui que la belle avait offert ce superbe cadeau qu’il portait sans le moindre repenti.

« Cette montre n’est qu’un pâle reflet des sentiments que j’éprouve pour toi ! » Lui avait-elle précisé dans son élan donateur.

Il l’avait accepté sans la moindre hésitation, estimant qu’une aventure avec lui valait amplement ce présent.

Monsieur Granger avait, comme à son habitude rapidement larguée sa jeune maîtresse. Mais, sans la moindre gène avait gardé son cadeau qu’il trimbalait attaché à son poignet.

Aux yeux de sa femme, il l’avait fait passer comme un présent que lui avait offert un richissime ami en remerciement de l’aide qu’il lui avait apporté dans la reconstitution de son arbre généalogique.

Mais revenons à la séance du jour qui venait enfin de commencer.

Celui-ci se déroula dans un silence religieux.

On ne pouvait qu’être subjugué par l’éclat et la fluidité des propos de notre professeur. Seul, Edmond osa poser une pertinente question qui permit au professeur de démontrer son savoir indéniable.

La leçon fut si talentueusement menée que les deux heures de sa durée semblèrent s’écouler en un éclair.

Rapidement, la salle se vida de tous ses occupants.

Notre petit groupe d’amis, suivis de Puppa sortirent en dernier.

En voyant Judith passer près de lui monsieur Granger l’interpella :

« Judith, s’il vous plaît, j’ai besoin de votre aide ! »

Judith sembla surprise et mal à l’aise devant cette interpellation.

Trudy grommela quelques mots en direction de Clara, Emilien envoya un clin d’œil aux deux autres garçons et ils laissèrent leur copine seule avec le « beau gosse. »

Dans le couloir, Ernest ne put s’empêcher d’entendre un aperçu de leur conversation :

« Je crois que Judith est la prochaine sur sa liste ! Ricana Emilien.

-Il les lui faut toutes ! Enchaîna Joe qui semblait furieux.

-Quel sal bonhomme, il a vite eu fait de t’oublier ! » Ajouta Clara en direction de l’Américaine…

Seule devant monsieur Granger, Judith se demandait bien ce qu’il allait lui proposer.

« Je crois savoir que vous habitez Ferney-Voltaire ? Ces yeux arboraient ce regard qu’il voulait être séducteur.

-Oui, Monsieur Granger ! Répondit-elle surprise.

-Je veux aller faire une petite visite du château de Voltaire la semaine prochaine. Question de me remettre des images en tête, et, je me demandais si vous accepteriez de m’y accompagner ?

La question était surprenante, directe, sans détour. Une façon peu dissimuler de l’inviter à flirter avec lui et qui s'attendait à cette certitude d’une réponse positive.

En fait, il aurait pu tout simplement l’inviter à boire un verre. Mais, il voulait sortir de la banalité tout en lui faisant comprendre ses intentions peu catholiques.

-Le château Voltaire ?

-Oui, si je me souviens bien vous avez servi de guide du château pendant vos vacances et j’en suis persuadé, vos explications pourraient m’apporter de nombreuses réponses très utiles.

C’était Emilien qui avait vendu la mèche lors du cours précédent, il avait blagué sur ce sujet en plein milieu de la séance lorsque le professeur avait parlé des vingt ans que Voltaire avait passés à Ferney et des activités intellectuelles qu’il avait menées au sein de son château.

Le professeur n’avait pourtant pas semblé entendre la plaisanterie, mais pourtant…

-Je suis assez prise pour l’instant ! Bredouilla Judith. Mais je vais y réfléchir ! Puis en entamant ses pas en direction de la sortie, elle se justifia. Excusez-moi ! Je dois y aller, mes amis m’attendent ! »

Offusquée ! Voilà le sentiment exact qui pour le moment empourprait son joli minois. Comment cet abject personnage osait-il lui faire cette proposition, ce début d’avance, alors qu’il savait pertinemment que Trudy était l’une de ses amies.

Joe l’attendait à la sortie du bâtiment. Il espérait  pouvoir la raccompagner jusqu’à son bus. Malheureusement, furieuse Judith passa devant lui sans même l’apercevoir.

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Les six amis étaient assis autour d’une table d’un bistrot de Ferney voltaire. Seul  Joe manquait à l'appel, il avait à cette heure un rendez-vous sur les ondes avec des O.M. de la région.

Judith, à son habitude si joyeuse et jouissant d’un sourire qui ne faisait qu’accentuer la beauté de son visage ne semblait pas posséder son entrain habituel.

« Vous savez ce que Granger m’a proposée ! Dit-elle, imitant de son mieux le ton du Beau gosse. Elle continua. « Pourriez-vous m’accompagner pour une visite du château Voltaire ! »

Emilien éclata de rire.

-T’es bonne pour la casserole ! S’empressa-t-il de commenter.

Trudy haussa des épaules.

-You know ! Ma belle, moi, il m’avait demandé de venir lui traduire un texte anglais qu’il ne comprenait pas bien, deux jours après j’étais dans son lit, comme une idiote je me suis laissée faire et en plus j’étais amoureuse !

-C’est vrai qu’il est beau ce mec, mais moi, je le déteste ! Affirma Clara. De plus il paraît que sa femme s’accommode de ses frasques amoureuses. J’t’avais avertie, tu n’aurais jamais due sortir avec ce type.

Trudy, lui envoya un regard complice.

Elle lui avait confié les sentiments troubles qu’elle ressentait envers ce professeur et il est certain qu’elle lui avait conseillé d’éviter ce type. Elle avait d’abord cru en une certaine jalousie de sa part, mais rapidement avait pu constater la justesse de ses propos. Il n’était vraiment qu’un abject collectionneur de filles.

Emilien tout en sirotant un verre de menthe à l‘eau avait le regard coquin de ses bons jours. Il se racla bruyamment la gorge, question d’attirer l’attention de ses compères puis il lança, en rigolant, cette singulière remarque.

-Et si on lui jouait un mauvais tour !

Tous le regardèrent avec des yeux amusés. Connaissant ses habitudes espiègles, ils se demandaient quelle type de plaisanterie ce galopin avait en tête.

-Eh bien oui, si on lui faisait la peur de sa vie !

-On le coince dans les toilettes des filles et on le met à poil et on se sauve! Dit Trudy en rigolant.

-Sans oublier le goudron et les plumes ! Enchaîna méchamment Clara.

Un petit sourire se dessina sur le visage de Judith, elle ne dit rien, mais il est facile d’imaginer le type de pensées qui à cet instant précis traversa son esprit.

-Non ! Les filles, calmez vos ardeurs, moi je vois un canular beaucoup plus sournois, plus ingénieux, une farce qui puisse parsemer le trouble dans son esprit.

-De quoi veux-tu parler ? Demanda Sylvie qui voyait de nouveau en ce type de facétie, le sujet d’un bon livre à écrire.

-Et bien, j’y ai pensé l’autre nuit, et ! » Il s’arrêta un instant, regarda ses amis et reprit à voix basse...

 

"Assis non loin d’eux, l’inspecteur Ernest Puppa sirotait un cocktail aux couleurs chamarrées. Il se trouvait devant une adorable créature qu’il connaissait maintenant depuis trois mois. Elle était la blonde de ses rêves, celle qui avait en moins d'une semaine changé la routine de son quotidien et qui comblait l’intégralité de ses inspirations.

Ils avaient décidé de vivre ensemble et discutaient à présent de l’appartement qui matérialiserait suffisamment leur indicible amour.

« Le mien est beaucoup plus grand ! » Fît remarquer Ernest.

La belle sembla également acquiescer sur ce fait, elle le caressa de ses yeux d’un vert amande. Puis, chuchota son acceptation...".

 

 Emilien dans un dernier petit ricanement de malice venait à l'instant de terminer ses explications.

 Nos jeunes amis éclatèrent de rire aux propos de notre petit plaisantin :

« Où vas-tu chercher tout ça ! » S’étonna Edmond devant l’inventivité de son copain.

Tous nos jeunes protagonistes se connaissaient particulièrement bien. Ils avaient  suivi, à l’exception de Trudy, leurs années secondaires au lycée international de Ferney et c’est d’ailleurs ainsi qu’ils avaient pris l’habitude de se donner rendez-vous dans ce bistrot P.M.U. bien sympathique. Ils se délectaient ainsi de leur boisson favorite avec, en point de mire, la statue de Monsieur Voltaire. Celle-ci le représentait dans ses vieux jours, le dos légèrement courbé et pertinemment aidé d’une cane qui semblait l’assister au maintien de la pérennité de sa pose.

Tous les jeunes se levèrent d’un seul mouvement. Chacun d’eux avaient, durant le monologue d’Emilien, reçu une indication précise sur la tâche qui permettrait dans une parfaite tromperie de ridiculiser le beau professeur.

Il leur fallait pour cela glaner certains renseignements d’importances. Pour cela, ils traversèrent en fanfare la petite place, s’arrêtèrent au milieu du carrefour pour faire une large courbette à Monsieur Voltaire, puis s’engouffrèrent dans le local du syndicat d’initiative.

 L’hilarité de ces jeunes gens avait attiré l’attention d’Ernest qui délaissant l’image de sa compagne, les avait pendant de longues secondes escortés du regard.

 « Tu viens chéri ! »

 L’impérative douceur du ton de sa promise le soustrait à sa rêverie. Sans un mot, il s’empressa derrière elle, accompagnant avec un plaisir non dissimulé le balancement voluptueux de ses hanches.

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La chambre n’était pourtant pas très grande, mais néanmoins elle renfermait tant de livres et de bibelots en tous genres qu’il était presque impossible d’y circuler à son aise. Sur l’un des murs, une immense bibliothèque résistait avec peine au lourd fardeau qui lui était confié. Chacun de ses rayons pliait sous un poids déraisonnable provoqué par un assortiment de broutilles hétéroclites. Une armoire, les portes grandes ouvertes semblaient s’accommoder de cette même gageure. Les vêtements qui y étaient soigneusement disposés dénotaient parmi les livres, boites, objets étranges qui avaient, semble-t-il, imposé leurs indésirables présences. Seul un petit lit, coincé entre  deux piles de bouquins restait libre de tout désordre. Assis à son bureau, Edmond affectionnait au plus haut point ce qu’il nommait au grand damne de ses parents, sa caverne d’Alibaba. Il semblait parcourir avec assiduité une feuille manuscrite qui, de temps en temps, lui procurait une multitude de gloussements de plaisirs.

Cette nuit, il devait préparer la première phase de cette fameuse vengeance.

La missive qu’il parcourait, avait été adroitement rédigée par Sylvie.

Sa tâche consistait à la reproduire sur ce petit livre qu’il avait récemment dégoté aux puces de Genève.

Au fait, où avait-il bien pu l’entreposer ?

Il se dirigea directement vers sa fameuse bibliothèque et prudemment se mit à l’alléger d'une partie de ses babioles. Il connaissait bien la faiblesse de l’édifice et un mouvement brusque de sa part pourrait facilement le faire s’effondrer. Après dix minutes d'une prospection infructueuse il dénicha enfin l’ouvrage en question. Il était de la taille d’un gros carnet d’adresse, possédait une couverture en cuir marron, et était encore recouvert d’une poussière qui, pensait-il, devait être d’époque. Il regarda avec attention la dizaine de feuillets qui le composaient. Sur chaque page, une écriture pattes de mouche s’entrecroisait avec de jolies esquisses adroitement dessinées. Sur l’une d’elles on pouvait reconnaître la statue de Monsieur de Voltaire, puis sur une autre le visage du grand homme avec cette petite annotation gribouillée dans un coin, « accentuer l’expression de malice et d’irrespect. »

 Ce carnet, avait appartenu à monsieur Emile Lambert, le sculpteur qui avait créé et offert à la ville de Ferney cette incontournable statue qui décorait la place du centre-ville.

A la fin du manuscrit on y découvrit un dernier feuillet libre. C’est celui-ci qui recevrait le petit texte que Sylvie avait concocté.

Pour accomplir cette délicate besogne, il possédait une plume, ainsi qu’un petit encrier qui malgré leurs états impeccables dataient du dix-neuvième siècle.

Il décacheta avec soin le petit récipient qui à son ouverture exhala un parfum qu’il savait d’une autre époque.

« L’encre est-elle encore valable ? » Se demanda-t-il.

Il pinça la plume entre ses deux doigts, plongea son extrémité dans le liquide noirâtre et essaya d'écrire une succession de caractères sur une grande feuille de papier sur laquelle il allongea sa première ébauche.

La pointe crissa sur la page encore vierge.

Avec une application notariale il enchaîna des phrases anodines.

« Parfait ! » Chuchota-t-il en frissonnant.

En effet, par une chance incroyable, la teinte était similaire à celle inscrite sur le pamphlet jauni.

Pendant de longues heures il s’essaya à cette nouvelle écriture, recopiant des dizaines de fois le texte qui lui avait été préparé. Bientôt la conformité et l’aspect des caractères avaient atteint la perfection. Il était, maintenant,  prêt à retranscrire sa mystification. Regardant avec respect le feuillet plus que centenaire, il commença sa contrefaçon.

 

Le 14 septembre 1890 

J’ai enfin terminé la réalisation de cette statue.

Jamais je n’ai eu tant de difficultés à réaliser une œuvre. J’ai compté à cette heure dix morts qui ont jalonné sa construction et je me sens comme un rescapé de cette aventure. Toutes les personnes qui l’ont approchée de trop prêt ont été victimes d’étranges phénomènes et ont trépassé subitement. Trois membres de ma famille, quatre de mes assistants ont  subi ce terrible sort, pourtant  il s’agissait de jeunes personnes dans la fleur de l’Age. Ils sont tous morts si étrangement. Et puis il y a eu ces trois ouvriers qui ont installé  la statue sur son socle. L’un d’entre eux m’a dit qu’il avait ressenti une impression bizarre lorsqu’il avait voulu par malice serrer la main de monsieur de Voltaire en le regardant droit dans les yeux. Deux jours plus tard il est tombé raide mort au beau milieu de la rue. Suis-je protégé de ce fléau, je ne le sais pas, peut-être que tout ceci n’est que pure coïncidence, un fait de mon imagination. Grâce à Dieu, haut perché sur son socle, monsieur de Voltaire sera dorénavant difficilement accessible.

Vous dont le regard sur ces lignes s’est posé, s’il vous plaît, ne prenez jamais ces propos à la légère.

  
Emilien parcourut sa copie avec fierté.

« Excellent travail ! » Se félicita-t-il.

Demain il laisserait son texte sécher sous les rayons du soleil.

Deuxième partie 

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Comme à l’accoutumé, l’amphithéâtre se vida très rapidement, notre petit groupe d’amis ne paya aucune attention à la jolie Judith qui discutait avec monsieur Granger tout en affichant l'un de ses plus beaux sourires.

« Je suis libre lundi après-midi, alors, si une petite visite du château Voltaire en ma compagnie vous intéresse toujours !

Monsieur Granger leva la tête, il semblait heureux mais non surpris par l’offre de la ravissante jeune fille.

Elle s’était donc décidée très rapidement.

Mais malgré cette proposition gratifiante, il ressentit un certain malaise. Une gêne qui ne concernait nullement Judith mais était due à une désagréable conversation qu’il avait eue le matin même avec sa femme.

« Si tu me trompes encore une fois, je te quitte ! » Lui avait-elle dit hargneusement.

Et bien entendu, comme à son habitude, il lui avait juré de ne plus jamais lui imposer d’écarts, que sa fidélité resterait à jamais absolue, qu’il n’y avait qu’elle qui comptait, qu’il ne pourrait pas survivre à son départ.

L’amusant dans ces propos maints fois réitérés était contenus dans la sincérité du moment. Il pensait réellement que la seule compagnie de son épouse lui serait suffisante, et pourtant, il savait pertinemment qu’il n’en serait rien.

  Il regarda Judith droit dans les yeux, il allait l’éconduire, lui préciser que ce projet n’était plus de mise. Mais, la joliesse de notre demoiselle le fît subitement changer d’avis. Il acquiesça  par des mots agréables et un rendez-vous fût pris pour quatorze heures du prochain lundi.

« Un dernier écart ! » Se promit-il. Et puis après tout ce n’est qu’une visite pour le travail…

Dès cette rencontre fixée, Judith se précipita retrouver ses copains.

« Il a mordu à l’hameçon ! S’exclama-t-elle.

Edmond lui tendit le livre qu’il avait si habilement falsifié.

-A toi de jouer ma belle ! »

La deuxième phase de la calembredaine pouvait enfin commencer.

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“Allo dad !

-My darling is that you !

"Pour des raisons pratiques évidentes, Je continuerai en Français cette intéressante conversation que Trudy eut au téléphone avec son père.".

 -Oui papa ! J’ai besoin de ton aide pour jouer un mauvais tour à quelqu’un que je n’apprécie guère.

Après un certain silence interrogateur son père répondit.

-Quel genre de tour ?

-Et bien voilà, j’ai offert une montre à un ami qui n’a, par la suite, pas été vraiment agréable avec moi. Par contre il a gardé la montre qu’il porte fièrement au poignet.

-Ok ma chère, je comprends et quel est ton plan ?

-J’aimerai pouvoir la casser à distance, crois-tu que c’est possible.

-Pas de problème, Trudy, c’est très facile. Il suffit d’approcher un aimant suffisamment puissant tout près de la montre pour qu’elle se magnétise et ainsi elle s’arrêtera à jamais. J’ai ce qu’il te faut dans mon usine, un aimant minuscule, mais particulièrement puissant. Je te le cacherai dans une bague que tu porteras. Il te suffira d’approcher ton doigt de son poignet pour que le tour soit joué. Je te fais apporter cela par Steve qui doit partir ce soir pour Genève en voyage d’affaire...

-Thanks so much dad, you’re great !

-I know, I know, anything for you darling !” ...

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Tranquillement assise sur un banc qui toisait directement la statue de Voltaire, Judith attendait monsieur Granger. Ce cher professeur était en retard d’au moins une demi-heure. Ceci exaspérait notre attrayante demoiselle qui s’était pour l’occasion habillée d’une façon très avenante. Voyant cette beauté ainsi seule à méditer. Plusieurs jeunes hommes étaient venus gentiment l’importuner.

« Non, j’attends quelqu’un leur avait-elle répondu sèchement ! »

Et enfin, monsieur Granger arriva. Sa décapotable bleu foncé s’arrêta devant elle. D’un bras désinvolte il poussa la portière passager en s’excusant :

« Il y avait un embouteillage monstre dans Genève !

Judith, sourit. Elle se sentait soulagée par son arrivée. Pendant quelques instants, elle avait bien cru qu’il lui collerait un lapin et qu’ainsi l’échafaudage de leur plan machiavélique, tout d’un coup, tomberait à l’eau.

-En route pour le château ! » Dit-elle.

Un seul petit kilomètre les séparait de son entrée.

Après avoir longé une dernière longue ligne droite ombragée, ils arrivèrent dans le petit parking circulaire qui faisait face au portail principal. Devant eux se tenait la grande grille noire à deux battants qui gardait l’édifice. Une large barre d’acier plantée dans le sol sécurisait son ouverture d’une façon indéniable.

Tous deux sortirent du véhicule.

Sur un écriteau on pouvait lire « Fermé le lundi. »

Monsieur Granger regarda Judith avec étonnement.

« Pas de problème, j’ai mes entrées privées ! Dit-elle.

Elle regarda la caméra de surveillance, lui fit un grand signe de la main et, un instant plus tard, accompagnée d’un subtil grincement, la petite grille de côté lentement s’ouvrit.

-Salut, Judith, je t’attendais !

-Monsieur Granger ! Je vous présente Elodie. L’une de mes bonnes copines. S’est-elle qui habite la conciergerie.

-Oh, la gardienne du lieu ! Bonjour Mademoiselle ! Attesta-t-il d’une voix qu’il voulait admirative.

Elodie rougit légèrement à la vue de ce beau mâle. Elle bredouilla un "B’jour " gêné. Puis se détourna de son regard pour tendre à son amie les clefs du château.

Elle les invita à emprunter la porte dérobée et ajouta.

-Tu connais le chemin aussi bien que moi !

Monsieur Granger s’engagea donc à la suite de Judith, particulièrement heureux de cette visite très privée qu’il espérait agrémenter d'exercices qui n’avaient rien à voir avec le sujet historique de sa présence.

Se rappelant du temps où elle servait de guide, Judith décida d’inverser le fil de la promenade.

-Si vous le voulez bien, nous visiterons les jardins en premier et ensuite le château.

-Tu peux me tutoyer si tu le veux, ça serait plus sympathique ! »

Judith acquiesça du premier chef.

« Quel baratineur celui-là ! » Pensa-t-elle amusée.

Ils tournèrent sur leur gauche pour admirer la petite église qui faisait partie intégrante de la propriété. Elle lui fit observer les inscriptions marquées au-dessous de son horloge.

 DEO EREXIT

VOLTAIRE

 MDCCLXI

Elle lui expliqua que Voltaire fut obligé de reconstruire l’église qu’il avait détruite pour ériger une immense allée en ligne avec la porte de sa demeure. Cette inscription qu’il fît ajouter provoqua un tollé général car son nom apparaissait en caractères plus volumineux que ceux du mot DEO, Dieu !

Longeant l’édifice religieux, Judith ne manqua pas de lui faire remarquer le cercueil en forme de pyramide à moitié imbriquée dans la paroi du bâtiment qui aurait dû être sa dernière demeure. Et puis il y avait cette fameuse petite porte sur le côté qui permettait au grand homme d’assister et de quitter la célébration de la messe sans que personne ne soit en mesure de l’apercevoir.

Monsieur Granger écoutait avec attention sa jolie guide. Ses explications foisonnaient de tous ces détails de la vie quotidienne du dix-huitième siècle et ceci rendaient son témoignage encore plus passionnant.

Notre charmant professeur en aurait presque oublié le but réel de son invitation.

Il la laissa marcher trois pas devant lui, profitant de ce moment privilégié pour admirer la grâce et la sveltesse qui se dégageaient de cette jolie personne.

Feignant d’ignorer cette astuce concupiscente  elle prolongea ses explications.

-Sur cette bute, il avait fait construire un théâtre et y faisait jouer ses pièces. Les spectateurs genevois venaient assister à des représentations aux allures de fêtes. Un dîner gargantuesque accompagnait immanquablement l’événement !

Puis elle s’attarda sur les nombreux employés qui entretenaient la demeure, de l’immense propriété qui l’entourait.

Puis ils descendirent dans le jardin.

Celui-ci permettait une splendide vue de la chaîne alpine.

Pourtant, Monsieur Granger ne l’écoutait déjà plus, il s’était dirigé vers l’une des statues qui agrémentait si joliment l’endroit. Il s’adonnait lui-même à l’art de la sculpture, à un bien modeste niveau, il en convenait, mais chacun avait pu admirer et apprécier certaines de ses œuvres qu’il avait fièrement exposées dans le hall de l’université au cours d’une exposition artistique locale.

Accompagnant de la main la forme parfaite de l’ouvrage, il demanda à Judith, qui en était l’auteur.

« Monsieur Emile Lambert ! Il habitait ce château à la fin du dix-neuvième, début du vingtième siècle. C’est lui qui a donné à la ville la statue de Voltaire que l’on peut admirer en centre-ville.

-Avez-vous plus d’information à son sujet ? Demanda-t-il avec curiosité.

Judith faillit jeter un cri de victoire.

Le poisson venait de mordre à l’hameçon sans qu’il lui fût même nécessaire de lui jeter le moindre appât.

Elle feint de réfléchir concernant sa demande. Murmura une interrogation, puis, un large sourire aux lèvres elle lui répondit:

-Oui, j’ai quelque chose d’intéressant à vous montrer ! Un petit livre écrit de sa main qui décrit en détail la réalisation de ses travaux artistiques. Si je me souviens bien, il se trouve posé sur la cheminée de la chambre de Voltaire.

-Excellent ! Vous êtes définitivement une admirable accompagnatrice ma chère et de plus si attrayante. »

Elle fît mine de ne pas entendre sa flatteuse remarque et continua sa visite…

A l’aide du trousseau de clefs qu’elle tenait fermement depuis le début de la visite, elle ouvrit la porte principale du château et invita monsieur Granger à la suivre.

Elle enchaîna dans chaque pièce ses commentaires enrichissant. Elle s’attarda sur les statues de Voltaire et de Rousseau qui se faisaient face, et commenta la drôlerie de cet anachronisme par le fait que ces deux hommes s’étaient copieusement détestés tout au long de leur vie.

Plus loin elle glosa sur une anecdote concernant le fait que Voltaire, avec sa canne, frappait le sol de sa chambre en pleine nuit pour appeler son secrétaire qui dormait en sous-sol. Le pauvre homme à moitié éveillé se précipitait pour prendre en notes les élucubrations que l’esprit du maître venait de cogiter.

Elle s’exprima également sur la signification des tableaux qui décoraient les murs. Puis, ils arrivèrent dans la chambre de Voltaire.

Monsieur Granger, profita de l’étroitesse des lieux pour se rapprocher de la jeune fille un peu plus que la décence le permettait et malicieusement entreprit de l’enlacer.

Judith se déroba en se justifiant habilement :

« Ah, justement, voici l’ouvrage qui vous intéresse ! Elle passa par-dessus les cordes qui délimitaient le chemin visiteur, empoigna le carnet et le tendit à son soupirant. Voici le livret dont je vous parlais tout à l’heure. Il est écrit de la main même d’Émile Lambert.

Monsieur Granger un peu désarçonné par cet enchaînement surprenant, saisit l’ouvrage et le feuilleta nerveusement.

-Je ne l’intéresse peut-être pas ! » Pensa t’il.

La dispute qu’il avait récemment eue avec sa femme s’imposa à sa pensée. Serait-il temps pour lui de tenir sa promesse de fidélité.

De nombreuses gouttes de sueurs, soudainement, recouvrirent sa pensive expression.

Judith quant à elle avait déjà disparu de sa vue.

Profitant de l’effet de surprise elle avait continué son chemin vers une autre pièce espérant ainsi calmer l’ardeur de son professeur.

Il resta un long moment immobile, feignant de s’intéresser aux écrits et dessins qui parsemaient chaque feuillet. Mouillant son doigt d'une goutte de salive, il égrenait avec un calme feint l’écrit centenaire.

Soudain, Judith réapparue dans l’entrebâillement de la porte.

« Vous pouvez le garder une semaine si vous le désirez ! Dit-elle malicieusement.

Sortant de sa rêverie il balbutia.

-Oui ! Est-ce possible ?

-Tout à fait ! Enfin, si vous me promettez de ne pas l’abîmer ! Ajoute-t-elle sur un ton de plaisanterie.

Puis elle s’approcha de lui, le prit par la main.

-Vous savez, monsieur Granger, je vous trouve très chouette ! Elle le regarda timidement. Mais ! Elle laissa traîner un court silence. Mais, j’aimerai mieux vous connaître avant… Elle arrêta pudiquement sa phrase.

Monsieur Granger, confus, avalisa sa remarque.

-Excusez ma muflerie chère Judith ! Je ne suis vraiment qu’un goujat !

Elle s’amusa de son affirmation.

-Mais non, j’ai simplement besoin d’un peu de temps !

Puis complaisamment elle changea de sujet.

 -Venez avec moi vous asseoir sur un banc du parc. Vous m’expliquerez votre passion pour la sculpture… »

Plus tard, contemplant le Mont-blanc qui majestueusement apparaissait dans le lointain, nos deux personnages assis l’un prêt de l’autre, semblaient infiniment apprécier ce moment de quiétude contemplative. Judith écoutait les confidences de monsieur Granger.

De Pierre, lui avait-il intimé de l’appeler.

Tout en contant son amour de l’art, il survolait le petit ouvrage, puis commentait les esquisses qui y étaient représentées.

Soudain il s’arrêta sur cette dernière page étrangement rédigée.

Judith observa discrètement son visage.

Il parut très perplexe, puis, continua son monologue dans un tutoiement qu’ils s’étaient mutuellement autorisé.

-Judith, cet étrange. Je dois te lire ce passage qui me semble vraiment surprenant !

Puis il lut le feuillet sans s’apercevoir de la tromperie qu’Edmond avait si brillamment rédigé.

A la fin de la lecture Judith s’étonna de l’invraisemblance de l’histoire :

« Une malédiction liée à la statue de Voltaire, je n’ai jamais rien entendu de pareil !

-Cette histoire me semble vraiment surprenante, on croirait se retrouver dans le scénario d’un de ces films fantastiques !

Prenant un ton passionné, Judith compléta en frissonnant.

-Il faudrait le vérifier !

-Si tu veux ! Répondit-il, sûr de lui, puis il ajouta reprenant un ton professoral. Tu sais à cette époque de nombreuses épidémies terrassaient subitement les gens. A savoir, tout ceci n’est que le fait de conclusions hâtives et est simplement lié à un phénomène médical qui serait à notre époque facilement explicable.

Judith frémit de nouveau.

-En tous cas, moi je ne m’y essayerais pas !

Suite à un rapide coup d’œil à sa montre, Granger fut dans l’obligation de couper court à la discussion.

-Excuses-moi Judith, mais il est temps pour moi de partir !

Le chemin du retour fut ponctué de questions concernant leur singulière découverte.

Puis, l’ayant ramenée jusqu’au bas de sa porte. Granger n’osa qu’un adroit baise main en guise d’adieu et la remercia pour son exquise compagnie.

-A bientôt Pierre !

-C’est mon souhait le plus cher ! » Affirma t’il en refermant sa portière.

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  « Alors, il a mordu à l’hameçon ?

-Je n’ai même pas eu besoin de le guider, il s’est jeté tout seul dans notre piège.

-Maintenant il faut trouver le moyen de lui faire toucher la statue.

-Toi qui écris des romans, tu ferais ça comment ?

-Je ne sais pas. Utilise tes charmes !

-Tu sais qu’il est vraiment entreprenant le bougre. J’ai dû employer toute mon habilité pour ne pas passer à la casserole !

-Oh oui, raconte !

Judith décrivit à Sylvie les moindres détails de sa visite romantique avec Granger.

-je pense avoir accompli ma tâche avec brio, il croit dur comme fer qu’il m’intéresse et que je veux absolument le revoir.

-Super ! Comme il doit être comme tous les mecs, il fera tout pour arriver à ses fins. Moi ! Pour la suite de l’histoire je crois qu’il faudrait que tu lui donnes rendez-vous à Ferney un de ces soirs et que tu lui joues le jeu de celle qui est perturbée par l’histoire de la malédiction. Je ne sais pas... Tu lui fais croire que cette histoire t’a traumatisé, que tu te demandes si cette statue est vraiment maudite, que tu es obsédée par l’envi de la toucher et de vérifier par toi-même l’écrit de Lambert, mais tu fais celle qui est terrorisée par cette intrigue. A mon avis, comme il a l’air prêt à tout pour te séduire, il ne manquera pas de te proposer de tenter l’expérience à ta place.

-Tu crois !

-J’en suis certaine, qui peut résister à tes beaux yeux ! Ajouta Sylvie en éclatant de rires. Ah ! Oui, j’y pense, il faudrait également que tu utilises ton pouvoir de séduction pour entraîner Joe dans notre projet.

-Ça sera difficile de le  faire sortir de sa station de radio !

-Tu plaisantes, il meurt d’amour pour toi. Un seul mot et il sera à tes pieds.

Judith rougit, elle avait bien remarqué les regards tendres de son volumineux copain, mais elle n’avait jamais pensé que ceux-ci excédaient le stade de la camaraderie.

-Que faut-il que je lui fasse faire ?

-Je suis en train d’en discuter avec Emilien, avec ses plaisanteries douteuses, il m’a préparé une liste de bonnes farces qui devrait jeter le trouble dans l’esprit de Granger. Plusieurs semblent vraiment intéressantes, mais je préfère t’en parler un peu plus tard.

Sylvie s’était vraiment totalement investie dans cette histoire, elle voyait en cette farce l’idée géniale du roman de sa vie, celui qui lancerait une carrière qu’elle ambitionnait de toutes ses forces.

Dans sa tête chacun de ses camarades tenaient une place très précise, seule Clara, pour le moment lui semblait d’une complète inutilité. Mais cela avait-il une importance, peut-être pas.

Clara lui avait bien demandé de participer à cette fourberie, en lui précisant qu’elle détestait Granger et que ce serait un plaisir, pour elle, de lui rabattre son caquet.

-J’y réfléchirais ! Lui avait-elle répondue. Soit patiente ! »

"  J’arrête mon histoire un instant pour revenir à Ernest Puppa notre fameux inspecteur de police. Car au fait quel peut bien être le besoin de sa présence dans cette annale somme toute bien banale.

Cette plaisanterie estudiantine pourrait-elle tourner au drame ?

En fait j’aimerai vous narrer un fait troublant qu’il advint à ce moment précis de l’histoire.

Ernest se trouvait par un fait étrange devant la statue de Voltaire, la fixant de ses yeux inquisiteurs. Il est vrai que pendant la dernière classe d’histoire qu’il avait suivie, le professeur avait parlé des bienfaits que Voltaire avait dispensés à Ferney, ajoutant que durant les vingt ans de sa présence, sa générosité avait transformé ce minuscule village d’une population de quarante âmes en une bourgade très prospère de plus de mille habitants.

Ce qui est curieux ce n’est pas le fait que  Puppa regarde cette statue avec tant d’attention, mais c’est la confusion obscure qu’il ressentit au plus profond de son être. Cette sorte de prémonition qui lui permettait immanquablement de résoudre des affaires criminelles difficiles.

Je peux même vous affirmer que ce trouble le suivit pendant le reste de la journée…"

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Il était tard dans la nuit. Clara seule dans sa petite chambre ressassait son envi de révolte. Pourquoi devait-elle toujours être considérée comme la gentille, la douce, l’insignifiante petite Clara. Celle que tout le monde aimait mais qui n’intéressait personne. Même son amie Trudy l’énervait à présent. Trop écrasante, trop influente sur sa personne. Clara éprouvait ce sentiment existentiel que la plus part de  nous demandons. Ce besoin d’être reconnue par les autres, de prouver notre indispensable présence, de s’affirmer aux yeux de la société. Elle rejetait totalement ce rôle de la mignonne petite Clara. Elle voulait crier au monde l’exception de sa personnalité.

Elle décida d’apporter sa propre graine au malveillant canular. Elle pouvait-être méchante elle aussi. Nul besoin des ordres de Sylvie ou d’une autre pour qu’elle apporte son mauvais grain de sel. Ceci ne serait que le petit premier pas qui attesterait de son individualité.

Elle prit un petit bout de papier chiffonné qui traînait sur son bureau, y inscrivit une phrase, puis soulagée se coucha cherchant en vain le sommeil.

Celui-ci n’arriva qu’au lever du soleil.

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   Il faisait déjà nuit quand Judith passa devant la petite salle d’exposition qui se trouvait accolée au syndicat d’initiative. De nombreuses personnalités s’étaient réunies en ce lieu pour l’inauguration d’une exposition des œuvres d’un sculpteur local. Granger était parmi ces invités, il avait reçu une invitation personnelle de l’artiste qu’il connaissait fort bien, celui-ci lui ayant prodigué de nombreuses leçons sur son art.

Voulant jouxter l’utile et l’agréable, il avait profité de cette sortie loin de sa moitié pour donner rendez-vous à sa jolie élève. Elle avait prétendu de ne pas pouvoir le rejoindre vu ses occupations. Mais, comme notre beau gosse l’avait évidemment imaginé, elle était là, attendant devant la porte vitrée et ceci malgré le temps maussade qui avait gardé la plupart des Ferneysiens dans leurs logis.

Dès qu’il l’aperçut, il lui adressa un petit sourire et d’un signe de la main lui indiqua par trois doigts levés, le temps qu’il lui demandait de l’attendre. Effectivement moins de trois minutes plus tard il lui prenait la main pour une petite balade en amoureux. Un large parapluie les abritait tous deux d’un vilain petit crachin automnal. Granger profita de la situation pour serrer sa compagne de très près.

Elle se laissa faire, en profitant même, pour enrouler son bras autour de sa taille et de glisser sa main glacée dans la tiédeur de la poche de son veston.

Bientôt son bras se posa sur son épaule et il lui offrit un baiser sur la joue. Judith ne semblait pas dans son état normal, elle répondait d'un ton absent aux questions de son prétendant.

« Il y a quelques choses qui ne va pas Judith ?

-Oui, je ne me sens pas très bien. Depuis la visite du château, je suis nerveuse et angoissée !

-As-tu quelques soucis ?

-C’est depuis que nous avons lu cette malédiction de la statue de Voltaire, j’ai peur ! Balbutia-t-elle.

Granger éclata de rire.

-Tu ne crois tout de même pas à cette histoire idiote !

-Et bien si ! J’y pense jour et nuit. Dans mon sommeil je ressens  l’image de ce vieil homme qui me regarde en souriant et qui d’une voix éraillée me parle.

-Qu’est-ce que peut bien te raconter Voltaire ?

-Qu’il faut que je vienne le voir, le toucher, qu’il a besoin de ce contact pour que son esprit survive dans l’au-delà.

Granger s’étonna beaucoup de ces propos absurdes.

-Eh ! Ma belle, tu délires !

Puis une idée évidente germa dans son esprit.

-Je vais te montrer que cet écrit n’est que fadaise. Je vais aller lui serrer la main à ta statue !

Judith trembla à l’énoncé de cette hypothèse.

Pierre continua.

-Et si je fais ça, tu dois me promettre d’enlever toutes ces idées bizarres de ta tête.

-Mais ! Bredouilla-t-elle. Tu vas être maudit ! »

Il l’a pris par le bras et faisant fi du véritable déluge qui les entourait, il l’emmena au centre de la place de Ferney.

Les rues étaient désertes.

Tous deux fixaient maintenant le vénérable philosophe.

Laissant Judith cachée sous son pépin, il enjamba le parapet, puis s’accrochant au bas de la cane de Voltaire, il se hissa avec difficulté jusqu’à la hauteur de son regard. L’eau ruisselait abondamment sur son visage lui obligeant de cligner des yeux. Sa main gauche s’accrocha à celle de la statue, puis il posa son regard dans celui de Voltaire.

« Alors bonhomme, il paraît que tu parles aux jeunes filles pendant leur sommeil. Et bien ! Tu vois cette jolie fille ! Tu as intérêt à la laisser tranquille à présent ou tu auras à faire à moi ! »

Son monologue terminé. D’une façon très alerte, il rejoint Judith d’un  saut habile  qui n’ayant perdu aucun moment de cette scène surréaliste, lui jetait un regard empli d'inquiétude.

« Alors tu vois, il ne s’est rien passé, je vais bien, je suis toujours vivant !

Judith paraissait pétrifiée. Elle recula de quelques pas.

-S’il te plaît ne me touche pas, tu es ! Elle bafouilla. Tu es… Tu dois… Non ! Pourquoi as-tu fais ça !

-Mais Judith, je n’ai rien !  Insista-t-il.

Elle laissa tomber son parapluie, se retourna et s’enfuit de toutes ses jambes.

Granger ne bougea pas, stupéfait par la réaction de sa compagne.

-Mais elle est vraiment folle celle-là, faut vite laisser tomber mon gars ! » S’ordonna-t-il à haute voix.

Et Judith courrait, courrait. Mais ce que Granger n’entendit pas, ce sont les éclats de rires qu’elle avait eu tant de mal à contenir.

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Troisième partie

 Granger était trempé jusqu’aux os. Stupéfait par la réaction de Judith, il avançait à pas rapides en direction de sa voiture.

« Une malédiction, comment peut-on à notre époque croire à ces fadaises ? ».

Il retrouva bientôt l’abri de sa voiture. Mit le chauffage au maximum, fit ronfler plusieurs fois son moteur avant de prendre son essor. C’est au moment où il entama un premier virage, heureusement à faible allure, que l’un de ses pneus éclata. Granger ne réussit pas à redresser son véhicule et celui-ci heurta violemment le parapet du trottoir.

Un peu abasourdi, il ne réalisa pas tout de suite l’évidence de la situation.

Cinq bonnes minutes passèrent avant qu'il reprenne tous ses esprits, il finit par pousser d’une main incertaine la portière de son véhicule. Dehors, sous une pluie battante, il ne put que constater l’étendue des dégâts. Son pneu éclaté lui offrait la vue de son piteux état. Il plongea sa main dans les profondeurs de sa poche. Celle-ci, à tâtons,  parcourue l’endroit avec une anxiété affolée.

Mais qu’avait-il fait de son téléphone portable ?

Il se palpa intégralement, espérant reconnaître les contours de son appareil.

Mais rien. Disparu, envolé !

Peut-être l’avait-il mit dans son vide poche. IL s’empressa de vérifier cette supposition, mais malheureusement son souhait de retrouvailles ne fût pas exhaussé.

Il était très tard. Il comprit que la ruelle déserte ne lui offrirait aucun secours et que la réparation resterait de son seul ressort.

Transi, les mains partiellement frigorifiées, il poussa de nombreux jurons tout en s’acharnant sur ce dernier boulon récalcitrant qui ne voulait pas céder.

« Et si quelqu’un pouvait au moins m’aider ! » Hurla-t-il dans un excès de rage.

Bien entendu personne ne lui répondit.

Pourtant, il n’était pas seul. Blottit dans la pénombre, quelqu’un le regardait en silence, un large sourire affiché sur ses lèvres et une petite télécommande accrochée dans sa main droite. Soudain, la clarté vacillante d’un lampadaire éclaira faiblement son visage.

Emilien, abaissa un peu plus sa capuche et sans le moindre bruit disparut dans la nuit. 

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Du haut de l’amphithéâtre, Ernest avait bien du mal à comprendre les propos du professeur. Effectivement, monsieur Granger, ce matin, était affublé d’une voix rauque et enrouée. Plusieurs fois pendant le cours, il se détourna de l’assistance pour vider son nez de la façon la plus bruyante. Les yeux larmoyants, le front rougit par une fièvre que trois cachets d’aspirine n’avaient pas réussi à faire baisser, notre pauvre professeur jeta de nombreux coups d’œil à sa montre espérant que son calvaire serait bientôt terminé.

La fin de l’heure arrivée, Trudy accompagnée de sa copine Clara se joignirent à d'autres élèves pour lui rendre leur compte rendu dissertant sur la vie économique Genevoise du dix-huitième siècle. Le beau gosse, les oreilles bourdonnantes, ne prêta aucune attention à la main de Trudy qui subrepticement le frôla, ni de celle de Clara qui pendant un bref instant pénétra dans l’une de ses poches.

Pendant ce temps les trois garçons en profitèrent pour commettre leur exaction. A côté de la voiture de Granger, feignant une conversation passionnée, l’un d’eux en profita pour enfiler une épingle dans la serrure du véhicule. Même Ernest Puppa, qui à cet instant passait non loin d’eux, ne remarqua pas ce vandalisme.

Lorsque plus tard, Granger, exténué par sa journée de labeur, fut dans l'impossibilité d'ouvrir la portière de sa voiture. Après de nombreux essais infructueux, il fut obligé d’emprunter la portière passager pour intégrer son véhicule.

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Tous nos amis s’étaient retrouvés sur leur lieu de rencontre habituel. Seul, Joe ne faisait pas parti du groupe, il n’avait d’ailleurs pas assisté aux derniers cours de Granger, il leur avait dit qu’il préférait se concentrer sur des matières qui lui semblaient plus importantes. Il avait néanmoins répondu à la demande de Judith en lui fabriquant un petit émetteur-récepteur qui pourrait leur permettre d’accomplir une bonne blague à distance.

Edmond armé d’un bloc-notes inscrivait soigneusement les différentes idées que lui proposaient Sylvie et Emilien. Il s’agissait de trouver une quantité de petites contrariétés qui pourraient gâcher la vie du beau gosse.

-Et si l’on sciait les barreaux de sa chaise ?

-Non, il faut que ça ressemble à une mauvaise coïncidence, pas à un sabotage.

-On lui pique son cartable à la fin du cours !

-On lui jette du poil à gratter quand il nous tourne le dos !

La liste de plaisanteries de plus ou moins bons goûts s’enchaîna dans la bouche de nos blagueurs, quelques-unes furent retenues comme étant un bon moyen de lui donner la frousse et lui faire croire en la réalité de la malédiction. Tous avaient donné leur propre petite touche de méchanceté à des fredaines qui ne devraient pourtant plus appartenir à des personnes de leurs âges.

Seule, Clara était restée silencieuse.

Elle ne l’avait dit à personne, mais son idée était certainement la plus malveillante de toute. Elle se délectait intérieurement des problèmes que celle-ci causerait.

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Monsieur Granger était rentré chez lui, furieux et également très contrarié par ces désagréments qui semblaient vouloir le suivre depuis cette rencontre soit disant maudite. Et si cette histoire de malédiction était bien réelle. Il y avait eu cette crevaison sous une pluie battante, cet énorme rhume qu’il avait contracté et puis aujourd’hui sa serrure qui ne fonctionnait plus.

Marion l’attendait assise dans son salon, la jolie, la douce Marion attentive au confort de son homme, aussi patiente que belle et intelligente. Du reste, le premier éternuement réveilla son instinct d’épouse parfaite, elle s’empara de la boîte de Kleenex et l’apportera immédiatement à son mari. Le pauvre était livide, les yeux brillant de fièvres, il la remercia d’un pâle rictus.

« Va vite au lit mon chéri, je te prépare un bouillon de poulet et j’appelle le médecin ! »

Granger ne se fit pas prier pour obéir, il rejoignit péniblement sa chambre, se glissa dans son pyjama et retrouva ses pénates espérant un sommeil réparateur.

Marion vint le rejoindre un instant plus tard. Le pauvre semblait s’être déjà endormi. Ses habits avaient été laissés épars sur le sol. Elle les ramassa pour soigneusement les ranger sur une chaise. Un petit morceau de papier glissa de l’une des poches de la veste.  Une missive y était griffonnée.

Sa main se mit à trembler de rage lorsque son regard effleura celle-ci.

 

Rendez-vous ce soir dans notre petit nid d’amour habituel.

Si tu as un empêchement téléphone moi

au 06 56 76 99 00

Ton ardente passionnée

 Judith

 S’en était trop, elle se mit à pleurer doucement. Puis se jetant sur lui, elle hurla sa douleur le frappant de ses petits poings fragiles.

Lui, réveillé de son sommeil analgésique, ne comprit pas vraiment ce qu’il lui arrivait.

« Que se passe-t-il ! Balbutia-t-il dans sa tonalité enrouée.

-C'est encore quoi ce mot qui est tombé de ton veston. Qui est cette Judith, tu m’avais pourtant promis !

-Mais, une élève, rien de plus qu’une élève ! Dit-il, ne comprenant pas comment ce prénom était si soudainement parvenu à sa bouche.

-J’en ai marre de tes mensonges, de ton mépris. Je te hais, demain je ne serais plus là ! » Continua-t-elle en claquant la porte.

La tête lui tournait, il tituba pour la rejoindre, avant même qu’il eut le temps de sortir de sa chambre, le vrombissement rageur d’un moteur lui fit comprendre le départ brutal de sa compagne.

Dans le vague de son esprit embrumé par la maladie, il s’était rendu compte que cette fois ci elle ne plaisantait pas. Il n’y avait pas eu comme à l’habitude cette longue discussion qui les réconciliait, cette écoute qu’elle lui accordait avec un courage qu’il avait lui-même du mal à comprendre.

Tremblant, il regagna sa couche, songeant à sa vie, à leurs vies, à son égoïsme qui ne lui avait pas permis d’apprécier sa compagne à sa juste valeur. Puis ses doigts effleurèrent le petit feuillet qui avait tout déclenché. Il le lut lentement, mais ne reconnut ni l’écriture de Judith, ni le numéro téléphonique qui y était inscrit.

Qui avait bien pu lui glisser cette calomnie dans sa poche?

Puis un filet de sueur dégoulina de ses tempes.

« La malédiction ! » Souffla-t-il dans une brèche de conscience léthargique…

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Ernest Puppa du haut de l’amphithéâtre observait d’un air amusé nos six joyeux lurons.

« Que peuvent-ils bien comploter ceux-là ? » Pensa-t-il en souriant.

Clara pour une fois venait de prendre la parole. Tous, semblaient subjugués par son histoire et leurs bobines arboraient une expression d’étonnement.

« Eh bien, t’es plutôt méchante comme fille ! S’exclama Emilien.

-Faut pas toucher à mes potes ! Répondit-elle avec un petit sourire coquin.

Sylvie intéressée prit des notes sur son calepin puis le remit dans son sac en disant.

-Vous vous souvenez tous de ce que vous devez faire ?

-Oui ! » Dirent-ils à l’unisson.

Puis Judith allait ajouter sa petite graine quand monsieur Granger pénétra dans la salle.

Il était très pâle et semblait particulièrement soucieux.

Son rhume s’était un peu calmé et par bonheur, sa femme après avoir passé deux jours chez sa mère était revenue au bercail. Mais il avait ressenti, pour la première fois, qu’une certaine cassure s’était faufilée entre eux deux.

Il avait voulu s’excuser, lui expliquer qu'il ne comprenait pas la présence de ce mot dans sa poche, que quelqu’un ou quelque chose en avait après lui.

Comme seul réponse, elle avait posé un doigt sur ses lèvres et d’un seul mot lui avait intimé le silence.

Depuis, ils vivaient comme deux étrangers, s’ignorant, évitant de croiser leurs regards.

Pourtant, ce matin, comme à son habitude, elle lui avait préparé sa boisson favorite. Peut-être une façon de lui dire qu’elle allait encore une fois de plus lui pardonner, qu’il lui faudrait certainement encore un peu de temps, mais, qu’elle l’aimait toujours.

Cette impression de fatigue clairement affichée sur son visage devait également provenir de cette mauvaise nuit qu’il venait de passer. Etait-ce la fièvre qui le tenait toujours ou la solitude de sa couche. Le fait est qu’il était resté allongé sur le dos, les yeux grands ouverts, observant la pâle clarté du dehors qui, tel un fantôme  dansait à travers les persiennes. Il avait ressassé cette histoire de malédiction. Et si Judith avait eu raison. Il repensa à tous ces étranges évènements qui soudainement l’avaient poursuivi. La panne, le mot dans sa poche, et en plus sa montre qui avait rendu l’âme.

Allait-il mourir ?

Il s’était vu agonisant, un filet de salive suintant à travers un dernier râle…

 Puppa observait avec attention la mine fatiguée de son professeur. Il pensa que le pauvre homme aurait mieux fait de garder son lit.

Puis il se désintéressa du malade pour porter son regard sur le petit groupe d’ami.

Tous semblaient maintenant extrêmement nerveux.

Trudy tripotait avec acharnement la petite télécommande de sa clef de voiture, Sylvie l’air gênée gardait ses yeux rivés dans l’observation de ses ongles, Edmond regardait d’un air interrogateur son copain émilien qui s’amusait avec une petite pipette qu’il utilisait un peu comme une sarbacane, éjectant de minuscules boulettes de papier haut dans les airs. Judith quant à elle jetait de nombreux coups d’œil à l’horloge perchée haut sur le mur qui égrenait immuablement ses secondes.

Un sinistre craquement provenant de la vieille estrade détourna de nouveau l’attention de notre cher Ernest.

D’un pas incertain, Granger venait de retrouver son perchoir et s’apprêtait à commencer son cours.

Puppa se délectait de la routine traditionnelle de Granger et il n’aurait manqué cela pour rien au monde.

Comme à l’accoutumer, celle-ci s’enchaîna devant ses yeux.

Le professeur se versa tout d’abord un verre de son breuvage et l’avala d’une seule gorgée, puis, il mouilla de la langue une craie et inscrivit le titre du cours sur le tableau puis, machinalement il rechercha sa montre qu’il n’avait plus et agacé se rendit près de son bureau posa ses mains sur les montants de sa chaise et enfin leva sa tête en direction de l’auditoire.

A cet instant, Ernest se rendit compte qu'une chose grave allait arriver.

Granger eut un imperceptible soubresaut, une impression de terreur emplit son regard, sa bouche s’ouvrit largement essayant sans succès de trouver une dernière bouffée d’air.

Puis, soudainement, il se laissa glisser sur le sol, les yeux écarquillés, la mine tordue d’un rictus mortuaire.

Devant l’assemblée ébahie, le beau gosse venait de rendre son dernier souffle… 

 

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« Un médecin, qu’on appelle un médecin !

Le malaise du professeur avait créé un vent de panique dans l’assistance.

-Ça doit-être une crise cardiaque !

Un petit groupe s’était rassemblé autour du corps immobile.

-Reculez ! Il faut lui laisser de l’air !

Puppa comme tout le monde avait assisté à la stupéfaction de cette scène surréaliste. Pourtant il avait discerné un détail crucial. Un unique petit détail, mais d’une importance essentielle, que seul, son esprit subtil avait pu détecter.

-Monsieur Granger, réveillez-vous !

Nos compères étaient restés à l’écart, ils se regardaient avec effroi. Les filles avaient les larmes aux yeux, les garçons, le souffle court, chuchotaient leurs interrogations. L’un d’eux avait-il provoqué cet étourdissement ? Il fallait simplement lui faire peur !

-Poussez-vous ! Je suis médecin.

L’homme se mit à genoux à côté de Granger. Il lui tâta le pouls. Puis après un froncement de sourcil, promena sa main assurée jusqu’à la gorge du malade.

-Son cœur s’est arrêté !

Un gardien comprit immédiatement le problème et demanda à l’assistance de se retirer.

-Il n’y a rien à voir, sortez tous !

Le docteur avait entamé le massage cardiaque. Moins de trois minutes plus tard, les ambulanciers arrivèrent. Sur place ils s’évertuèrent sans succès à réanimer ce qui n’était maintenant plus qu’un cadavre.

Le doyen de la faculté était arrivé dans l’amphithéâtre, Puppa qui le connaissait personnellement était à ses côtés.

Les regardant tous deux, le médecin, d’un mouvement de tête affirma le triste résultat de son auscultation.

-Il est mort !

Par la porte restée entrebâillée, la nouvelle se propagea telle une traînée de poudre.

-« Le beau gosse est décédé ! »

On s’apprêtait à emmener la dépouille quand soudain, Ernest chuchota à l’oreille de son voisin.

-Que l’on ne touche à rien ! Ordonna le doyen. Appelé la police ! »

L’expertise de Puppa ayant depuis longtemps traversé les frontières. Une simple remarque de sa part avait permis cette étrange décision.

Sous le regard interrogateur des personnes présentes, Puppa grimpa sur l’estrade, longea le tableau laissant traîner l’un de ses doigts sur sa surface rugueuse. S’approcha avec respect du cadavre. Se pencha et scruta l’ensemble de son anatomie. Il laissa s’éterniser son analyse de l’endroit en scrutant le mobilier qui l’entourait, puis, le visage fermé alla retrouver l’un des sièges du premier rang.

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L’inspecteur Weber encadré de deux de ses hommes, ne tarda pas à arriver.

Puppa le connaissait bien. Ils avaient tous deux dans le passé, collaboré à la résolution d’une affaire transfrontalière délicate. C’était d’ailleurs lui qui avait comme à son habitude, trouvé la solution de cette complexe énigme. Weber en avait été vexé, piqué dans son orgueil, lui qui se croyait un fin limier avait difficilement accepté d’être dépassé par ce petit Franchouillard.

Weber, en entrant, fit un petit geste de la tête en direction de Puppa.

Ernest le salua de la même façon. Comme il l’avait prévu et supposé, leurs retrouvailles n’avaient rien de chaleureuses.

L’officier Weber, regarda soigneusement le cadavre, observa les lieux avec une extrême attention et demanda à ses hommes de scruter le sol avec rigueur. Pour lui, s’il y avait réellement meurtre, la preuve se trouvait dans cette salle.

Sous quelle forme ?

Il ne le savait pas encore vraiment.

Les investigations continuèrent pendant une bonne heure. Ernest Puppa les observait, l’œil amusé, tout en s’étonnant de tant d’efforts déployés.

Pourquoi ne lui avait-il pas demandé la solution ?

Lui, avait en quelques secondes compris l'évidente solution !

-Trop orgueilleux ce gaillard ! Pensa-t-il.

L’un des enquêteurs avait revêtu une blouse blanche et des gants de chirurgien. Son visage émacié faisait ressortir deux yeux globuleux qu’il protégea soigneusement avec des lunettes loupes. Avec précaution, agenouillé auprès du défunt, il entreprit l’auscultation de sa gorge, puis de ses mains, puis de chaque partie de son visage. Aidé d’un scalpel il préleva un minuscule lambeau de peau qu’il logea dans un petit tube.

Son travail terminé, il fit part de ses observations à son chef.

« Brigadier ! Ordonna Weber. Prenez cet échantillon et portez-le immédiatement à notre laboratoire d’analyse.

Puis son regard se porta sur le thermos du regretté professeur. Emmenez ça également, que l’on y cherche la présence de poison !

Un brigadier exécuta les ordres avec empressement.

Weber s’adressa à l’homme à la blouse blanche.

-Une autopsie nous montrera bien si nous sommes en présence d’un crime ou d’une mort naturelle !

 -Oui monsieur ! Répondit-il avec déférence.

-Je sais, que monsieur Granger avait un faible pour les jolies demoiselles de sa classe et s’il y a meurtre je pencherais facilement pour un crime passionnel. Un petit interrogatoire de ses élèves et de son entourage nous indiquera certainement le nom du coupable.

Puis Weber se retourna vers Puppa, se souciant enfin de sa présence.

Le défiant d’un regard arrogant, il affirma, semblant suivre le fil de sa conversation intérieure.

-N’est-ce pas inspecteur Puppa ! Il me semble que vous étiez présent lors de ce tragique événement ! Il semblerait que Vous avez remarqué la personne qui a fait le coup. Dans ce cas votre aide me serait très précieuse. »

Puppa hocha de la tête. Eut un petit raclement de gorge.

Weber et ses hommes n’avaient donc rien remarqué. Etait-ce lui qui était plus intelligent ou eux peut-être trop bête. Il se demanda s'il devrait afficher du dédain, de l’ironie, démontrer le brio de son intelligence.

 De toute façon cette affaire n’était pas de sa juridiction.

 Il décida donc de choisir la solution qui l’amusait le plus.

Il répondit à la question de Weber par un « NON! » catégorique.

Il ne mentait d’ailleurs pas, car il ne connaissait pas le coupable mais savait simplement comment  le découvrir avec facilité.

Nonchalamment il se rendit sur l’estrade, prit une craie entre ses deux doigts et inscrivit une étrange formule mathématique sur le tableau.

Puis il se tourna vers Weber et déclara tout sourire :

« Ceci devrait vous donner une parfaite assise pour découvrir le coupable ! Je ne l’ai pas vu et je n’ai aucune idée de son nom, mais, la flagrante solution se trouve maintenant entre vos mains, cher collègue ! »

L'épilogue

Une bonne dizaine de jours s’étaient écoulés depuis le déplorable décès.
Dans son petit bureau de la police scientifique du pays de Gex, Puppa le nez au plafond, dans un moment d’oisiveté inhabituelle, laissait son esprit traîné sur des interrogations concernant la condition humaine. Sa douce aimée lui laissait quelques incertitudes, il ne la cernait pas dans sa plénitude. Il aurait voulu mieux la comprendre. Interpréter ses soudaines afflictions, vivre avec elle dans une symbiose d’une vie sans problème.
«  Ecoute-moi ça !
Puppa n’était pas seul dans la pièce, il avait presque oublié la présence de son collègue de travail.
Purbon, la gazette genevoise à la main, s’apprêtait à lui lire un article intéressant.
-Une enquête des plus ardues vient d’être brillamment résolue par l’inspecteur Weber.  La crise cardiaque qui avait terrassé le regretté professeur Granger était en fait un assassinat. Le meurtrier, un dénommé Joe a perpétré ce forfait par jalousie…
Trois jours à peine ont suffi à notre brillant inspecteur pour découvrir l’indice qui l’a mené après une brève enquête  jusqu’à l’assassin…

Puppa ne put s’empêcher un éclat de rire, en entendant les mots « trois jours », il ouvrit un cahier qui se trouvait devant lui et souligna d’un  trait rouge la formule mathématique qu’il y avait inscrite en souvenir de ce meurtre particulièrement imaginatif.

Purbon jeta un regard interrogatif en direction de Puppa se demandant la raison de sa gaieté. Puis il continua :
- Refusant les résultats de l’autopsie qui concluait à une mort naturelle, notre opiniâtre enquêteur animé par une intuition que l’on peut qualifier sans exagération, d’extraordinaire, a découvert le pot aux roses. Un condensateur chargé et de forte capacité avait été caché à l’intérieur du coffrage de la chaise du professeur. Ses deux pôles avaient chacun été reliés à ses montants métalliques. Le coupable connaissait parfaitement l’habitude de Granger de poser ses mains sur ces montants avant de commencer son cours. Lorsqu’il a accompli ce geste, le condensateur s’est brutalement déchargé entre ses deux mains prenant le plus court chemin qui passait par son cœur. L’intensité du courant a provoqué immédiatement l’arrêt de cet organe vital, le terrassant en moins d’une seconde.
L’investigation qui s’en suivi ne fut qu’une bagatelle, le dénommé Joe étant la seule personne qui connaissait les habitudes de Granger et dont la condition de radio amateur lui permettait la possession et la parfaite connaissance des dangers d’un condensateur de forte capacité…
-Tu vois Ernest ! Continua son collègue. Tu as un homologue en Suisse qui peut-être même te surpasse. Faut être un as en électronique pour savoir ces choses ! Ajouta-t-il naïvement.
Puppa n’écoutait guère les remarques de son collègue. Mais il se mit à penser à ce cours de  math qu’il avait suivi dans son enfance. Son copain, un petit farceur à la mine parsemé de taches de rousseur n’avait pu s’empêcher de jouer un mauvais tour à ce professeur de mathématique à son goût trop sérieux. Il avait glissé un condensateur dans une grosse boîte d’allumettes en reliant ses pôles à deux plaques métalliques qu’il avait collés sur chacun de ses côtés. Le tout avait été soigneusement peint pour faire croire en un cadeau. En arrivant en classe le professeur trouva la petite boite posée sur son bureau. Ravi, il prit le présent avec sa main et le relâcha immédiatement surpris par la décharge qui avait traversé ses doigts. Bien entendu le condensateur de petite taille ne présentait aucun danger, mais quelque peu vexé de s’être ainsi fait prendre, il continua son cours sur les équations de décharge de courant…
Le téléphone sonna, Puppa sortant de sa rêverie, y répondit. C’était sa bienaimée. Après une conversation  particulièrement courte.  Puppa reposa le combiné téléphonique.
« Faut qu’j’y ailles ! Dit-il à Purbon. Tiens ! Dit-il à son collègue. Si tu as quelques instants, jette un coup d’œil à cette page.
 Puis, il quitta la pièce.
Purbon intrigué, alla tout de suite  regarder le contenu du feuillet.
 Il lut :
E = ½ C x U ²      (***)
 
Purbon haussa des épaules. Il n’y comprenait rien. Puis, il se dit que Genève avait de la chance d’avoir en son sein un policier de la trempe de Weber, que lui-même aimerait bien le connaître…

(***) Formule concernant l’énergie d’un condensateur






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