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Entrée CERN Lab II
Toutes ressemblances avec des personnages existants sont fortuites

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  Question de bon sens

28/10/2013 


Jamais je n’aurais pensé pouvoir un jour être en face d’elle. J’ai toujours été beaucoup trop timide avec les femmes, incapable de m’exprimer devant un joli visage, terrifié à l’idée de dévoiler mes émotions, d’engendrer le premier pas qui me mènerait vers ma destinée amoureuse.
Puis j’ai osé.
Elle travaille au secrétariat et je la voyais chaque jour lors de ma pause. Je buvais mon café vers neuf heures trente avec mes trois collègues habituels et j’attendais son arrivée. Vers neuf heures trente-cinq, elle passait devant notre table et nous adressait un petit sourire de courtoisie. Nous lui répondions de la même façon, puis notre regard traînait à la suite de sa démarche. Immanquablement l’un d’entre nous faisait une remarque sur son esthétisme, rien de vulgaire, juste une considération distinguée en accord avec sa joliesse.

Un jour, je suis allé faire quelques photocopies qui m’étaient indispensables et elle était là ! Devant la machine, attendant qu’elle débite sa ramette de feuillets. Je lui ai adressé la parole :
-Je travaille ici !, lui dis-je bêtement.
-Je sais !, me répondit-elle.
-Oui, bien sûr !
Je ne savais que dire, tétanisé par sa beauté inspiratrice. Alors quelque chose s’est déclenchée en moi, cassant en un instant le rouge qui allumait mes pommettes. -Accepteriez-vous de venir dîner avec moi ?
Elle ne sembla pas surprise, ses yeux m’inondèrent de leur clarté.
-Oui, avec plaisir !
Pris de court, je balbutiais :
-Demain soir. Demain soir vers vingt heures !
-Ok, j’habite Ferney, je vous attendrai devant la statue de Voltaire !
-Oui ! Bien ! »
Mes feuillets glissèrent de mes mains tremblantes d'émotion, je me suis penché pour les ramasser et quand je me suis relevé, elle était déjà partie. Je l’aperçus au fond du couloir, elle se retourna, me sourit et je compris son murmure.
« A demain ! »
Le soir suivant elle était effectivement au rendez-vous, je ne savais rien d’elle, par manque d’habitude je trébuchais sur mes propos voulant à tout prix éviter de l’ennuyer :
- Je m’appelle Siméon !
- Moi, Milena !, me répondit-elle avec un accent étranger. Je suis polonaise ! Paracheva-t-elle.
Puis notre discussion se poursuivit sur le chemin qu’elle avait parcouru, les raisons de sa présence en France, les comparaisons de rigueur entre mon pays et le sien. Je la laissais parler me délectant de la délicatesse de sa bouche, cherchant à deviner sa personnalité, me demandant déjà si c’était elle, celle qui m’était destiné ?  J'approuvais de la tête chacun de ses propos, subjugué par sa nature, me laissant envoûter par l’attrait de sa personne.
« Parlez-moi un peu de vous ! » me dit-elle en me caressant du regard.
Alors je me mis à débiter gauchement toute ma vie, m’attardant sur des détails sans importance, m’accordant quelques qualités supplémentaires. Mes déblatérations ne semblèrent pas l’ennuyer le moins du monde ; au contraire elle souriait, semblait s’intéresser à ma vie. La soirée se termina trop vite. J’avais, sans m’en rendre compte, vogué des heures sur le bateau de son charme et je me retrouvais maintenant hébété, amoureux, à la regarder s’éloigner de moi. Elle monta dans sa voiture, me fit un dernier signe amical du bras, puis disparut.
Bien sûr, je lui avais demandé une prochaine rencontre, un prochain rendez-vous.
« D’accord !, m’avait-elle répondu. Puis elle avait ajouté : S’il vous plaît, restez discret! »
Je ne compris pas tout de suite le sens exact de sa demande…
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Il devait être deux heures du matin. Je me suis réveillé brutalement, la bouche grande ouverte, essayant de retrouver mon souffle. Encore l’un de mes terribles cauchemars qui m’angoissent excessivement. Ceux-ci sont soudainement apparus, il y a trois mois, juste après l’anniversaire de mes quarante ans. C’est bête à dire mais cela m’a terriblement choqué, le franchissement de cet âge qui me semblait fatidique, qui me faisait peur. Je me suis en quelques instants senti devenir vieux, j’ai réalisé que mon avenir était derrière moi, que j’entrais de plain-pied dans une décrépitude sans retour. C’est pour cela que la nuit je me réveille, les yeux rivés sur le plafond faiblement éclairé par un pâle rayon de lune et je me mets à broyer du noir, à penser à ma mort, à celle de mes proches.

Je m’appelle Jerry Pyle, je suis de nationalité américaine, je travaille en France et aux États Unis, mais ma maison est ici, à Gex. Ma tête se met lentement à pivoter et j’observe ma femme qui, perdue dans un sommeil sans nuage, respire le réconfort que je recherche. Elle est belle, sans une ride, son nez frémit à chacune de ses respirations, une jolie fossette marque délicieusement sa joue. Nous sommes mariés depuis maintenant quinze ans. Je continue mon observation et je me demande pourquoi !
Pourquoi j’ai envie de la tromper ! Pourquoi j’éprouve le besoin de posséder une maîtresse !
J’ai entendu que c’était « The middle age crisis » comme ils disent chez moi. C’est peut-être vrai qu’un homme pour ne pas se voir dépérir essaye de retrouver la jeunesse par une cassure dans sa vie privée, par la rencontre d’une compagne plus jeune qui puisse le rassurer sur son apparence et son ego.
Alors, j’ai jeté mon dévolu sur une jolie fille que je rencontre brièvement quotidiennement.
Un jour à la sortie de mon bureau, ma voiture s’est retrouvée derrière la sienne. Je l’ai suivie. Elle conduisait lentement et s’arrêta bientôt devant un supermarché.
Je fis de même.
Puis j’entrepris une véritable filature, évitant au début qu’elle m’aperçoive, remplissant mon caddie de victuailles sans intérêt, attendant qu’elle se presse à la caisse. Et, je me suis joint à son attente.
« Milena !, dis-je d’un ton étonné. Quel hasard !
- Jerry ! Vous faites également vos courses ici ?
Nous travaillons dans la même entreprise et nous connaissons nos prénoms pour avoir brièvement été présentés au cours d’un meeting.
Fébrile, en manque d'imagination j'osai cette remarque :
-Je vois que vous aimez les légumes!
-C’est pour ma ligne !, me répondit-elle.
Puis la conversation s’engagea sur des commérages de bureau.
-Et oui, celle-ci et puis celui-là ! »
Rien de bien important. Mais à ma surprise, après avoir achevé de payer ses achats, au lieu de m’envoyer un :
« Au revoir à bientôt ! » ,elle attendit que j'en termine avec mes emplettes pour me proposer d’aller avec elle boire un verre.
Ce fut deux heures de bonheur qui s’enfilèrent devant une canette de soda. J’ai ressenti son souffle de fraîcheur, cette intelligence délicate, cette prestance qui m’avait permis de la remarquer. Je me suis mis à lui parler gauchement de moi, lui ai avoué être marié. Elle fit une moue puis eut cette engageante remarque :
« Ce n’est pas très grave ! » qu’elle ne compléta pourtant pas d’autres sous-entendus !
J’étais aux anges, je voulais la séduire et cela semblait fonctionner parfaitement. Puis, on s’est quitté. On se reverra demain !
Le lendemain, je l’ai revu, mais j’étais avec des amis et elle ne m’accorda qu’un petit bonjour amical et neutre, le même qu’elle attribua à chacun d’entre nous.
 Maintenant, je pense à elle jour et nuit !
 Ma femme frémit à mes côtés, dans un brusque mouvement des hanches elle se tourne dans ma direction, ouvre un œil, sourit et chuchote :
« Dors mon chéri il est tard ! »
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Est-ce ma nationalité italienne qui fait ça, mais j’ai toujours une attirance démesurée pour les femmes, je passe d’une compagne à l'autre d’une façon beaucoup trop volatile, ne me posant aucune question émotionnelle, je suis une sorte de collectionneur, un détenteur de record en chair humaine. Je vis dans le Pays de Gex depuis une dizaine d’années maintenant et je passe la plupart de mon temps entre mon travail que je trouve passionnant et la course aux gonzesses.
 Je dois avouer que mon physique très attachant et mon esprit éveillé me permettent des conquêtes faciles, car ma gueule d’ange est un motif de séduction implacable, mes connaissances diversifiées et ma clairvoyance du psychisme d’autrui me permettent de faire croire à n’importe quel spécimen de la gent féminine que nous avons de nombreux points communs et de la faire succomber en un temps record. Cela fait d’ailleurs partie de mon jeu. Avoir le plus vite possible ma proie lovée au plus profond de mon lit,  je suis un recordman incontesté de ce genre d’exploit.
Depuis quelques jours j’ai jeté mon dévolu sur une jolie personne qui travaille dans le même organisme que moi. J’ai rapidement appris qu’elle était polonaise et je me suis enquis immédiatement de tout l’essentiel qu’il fallait connaître sur ce pays, m’intéressant à des détails anodins qui peuvent faire croire à une certaine véhémence pour cette nation.
Obtenir un rendez-vous avec cette femme ne fut qu’un détail évident. Elle aimait les promenades et à ma demande d’un rencard elle me proposa de la suivre dans un de ses périples sur les sommets du Jura. J’ai accepté et me suis retrouvé à ses côtés à arpenter nos versants montagneux en compagnie de quelques-uns de ses amis.
« Vous avez un léger accent !, lui dis-je. Ne seriez-vous pas polonaise ?
- Oui, tout à fait ! Vous connaissez la Pologne ?
- Je l’adore !, me mis-je à mentir, puis, je devisais sur la beauté de son pays, de Varsovie et Cracovie, que j’admirais la majesté de leurs architectures. Je la félicitais d’être sortit du joug communiste, glorifiais Walesa pour son courage devant l’implacable oppresseur.
Elle me sourit.
-Je suis heureuse de rencontrer quelqu’un qui apprécie autant ma nation !
Je savais déjà que mon lubrique dessein aboutirait prochainement. Je ne me trompe jamais. Je l’imaginais dans mes bras, proie facile qui ne m’avait coûté qu’une simple randonnée.
Le reste de mes propos ne fit que consolider mon impression. Elle acquiesçait à chacune de mes affirmations, riait à toutes mes plaisanteries.
Le soir nous nous sommes quittés, chagrinés de ne pouvoir continuer la journée ensemble. Mais ses amis étaient venus de loin pour la voir et rentraient chez eux le lendemain.
Elle m’affirma :
-Ce n’est pas grave, on se verra demain au travail ! »
On s’est revu, c’est vrai, mais entre deux portes. Elle ne pouvait pas me voir maintenant. Elle était trop occupée.
« La semaine prochaine je serai plus libre ! » Affirma-t-elle à mon injonction pour une soirée en tête-à-tête.
Cette attente supplémentaire décupla mon attirance, bientôt, j'en suis persuadé, elle sera mienne!
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Le C.E.R.N. avait en chantier l'augmentation en puissance de son énorme accélérateur, le L.H.C. qui permettrait de faire un pas supplémentaire dans le royaume de l’infiniment petit. De nombreux pays collaboraient à la modification de cette machine, des physiciens, ingénieurs et techniciens de toutes origines travaillaient de concert pour achever l’ouvrage en temps et en heure. Dans un des bâtiments en croix du laboratoire II travaillait un petit groupe de projeteurs, quatre personnes qui s’appliquaient à la conception d’un ensemble mécanique particulièrement ardu, un petit fragment de technologie qui devait s’intégrer à l’immense machine.
Trois personnages étaient penchés sur un vaste plan et discutaient sur un point de désaccord. Il y avait Siméon, l’un des deux Français du groupe, Jerry l’Américain et Mario l’Italien.
Eugène, le chef de cette équipe, essayait de convaincre ses collègues.
Il venait de lancer la discussion sur un sujet technique délicat :
« Vous voyez, ce détail n’est pas vraiment anodin, il doit nous permettre un meilleur accès aux conducteurs en cas de pépin !
- Ok mais comment veux-tu intégrer une pièce ici, il n’y a pas de place !, répondit Jerry.
Il réfléchit avant de lui lancer la solution la plus logique :
- Je pense qu’il faut d’abord faire fabriquer cet élément pour avoir une vision plus limpide du problème !
Tout le monde acquiesça à l’excellence de la remarque. Le plan de détail était d’ailleurs déjà conçu et il ne suffisait plus qu’à en commander sa fabrication.
Eugène, comme il en avait l’habitude, écrivit la date et l’heure sur un coin du schéma qui avait reçu l’approbation générale. Puis pris cette excellente décision :
« On appelle Monsieur Xella! Il pourra certainement nous dépanner en un temps record !
Siméon prit le téléphone et composa le numéro de la petite société de mécanique implantée à Gex depuis de nombreuses décennies.
« Allô ! Je voudrai parler à monsieur Xella !
- C’est moi-même !, répondit une voix sûre et particulièrement sympathique.
- Siméon Rangin ! Bonjour monsieur Xella, comment allez-vous ?
Après un échange de civilité et quelques plaisanteries amicales, Siméon reprit :
- J’ai un travail à vous proposer, je crois que vous passez le mardi après-midi ?
- Oui, comme d’habitude ! Vers quatorze heures, ça vous convient ?
- Impeccable, j’espère que vous avez des disponibilités pour réaliser un petit travail d’urgence ! »
Monsieur Xella répondit par l’affirmative. Les affaires étant plutôt difficiles, toutes propositions de travail étaient donc bienvenues.
Le rendez-vous fut pris et les deux hommes raccrochèrent après un cordial :
« A demain ! »
Les quatre ingénieurs retrouvèrent l’écran de leur ordinateur et reprirent la conception qu’ils avaient arrêtée durant l’important aparté.
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Siméon, Jerry et Mario s’étaient retrouvés à la terrasse d’un café situé au beau milieu de la vieille ville de Genève. Eugène n’avait pu se joindre à eux pour quelques obscures raisons qu’il n’avait pas pensé nécessaire de révéler.
Il faisait beau, par-dessus les toits on pouvait apercevoir le jet d’eau qui pointait son nez haut dans le ciel. L'humeur de nos trois compères était joviale et la discussion axée sur un sujet de première importance. Les femmes !

Chacun fit une description détaillée de la compagne idéale et Mario, en sirotant une gorgée de son apéritif, fit cette remarque tout à fait judicieuse :
- Les amis, il semblerait que nos goûts sont tout à fait similaires!
Pour affirmer ses propos, l'observation prit la place à la conversation et le regard des trois acolytes se baladèrent à la recherche de visions enchanteresses. Par moment l'un d'eux formulait une remarque sur une beauté de passage, remarque suivie immanquablement par l'acquiescement général.
Pourtant un événement surprenant brisa la sympathique ambiance.
Devant leurs yeux ébahis, un couple tendrement enlacé, qui n'était autre qu’Eugène et Miléna, venait d'échanger un baiser fougueux  avant de disparaître dans une étroite ruelle.

Rapidement les trois hommes détournèrent leurs regards et feignirent de ne rien avoir remarqué. Tous essayaient avec insuccès de cacher leur malaise. Car il s’agissait bien d’un malaise qui les avait envahis. Une angoisse devant une obsession compromise. Ils se retrouvaient un peu sots et idiots devant un fait accompli et comprenaient soudain que leur ambition amoureuse ne pourrait aucunement se concrétiser.
Ils essayèrent de retrouver une certaine composition, ignorant que le motif de leur gène était partagé pour la même raison.
Rapidement, dans une pure logique d’incommodité, ils prétextèrent une excuse pour s’éclipser de leur petite réunion.

Mario fut celui qui partit le plus vite.
Tout en marchant, il marmonna quelques insultes en italien. Le beau, le magnifique Mario voyait son charme repoussé, bafoué par une donzelle sans importance ou, au contraire, d’un intérêt acerbe. Cet Eugène lui avait soufflé cette future conquête sous le nez, il se sentait profondément et étrangement insulté. Il disparut soudainement dans le parking du Mont-Blanc où l’attendait sa voiture.

 Jerry, par contre se prit à flâner sur les bords du lac. Ses yeux se perdaient dans le vague. Il n’appréciait aucunement le charme des bateaux à aubes, le ballet des mouettes criardes, les somptueux parterres de fleurs. Il traversa même un groupe de touristes Japonais sans même les voir. Sa pensée, son être étaient égarés dans sa tristesse, son désappointement de voir à jamais son espoir de conquête repoussé.

Siméon, quant à lui, avait décidé de suivre les amoureux, il les vit pénétrer dans le musée des arts et décida de les espionner. Le reste de sa promenade s’enchaîna, caché derrière un programme de festivités qu’il tenait tendu devant son visage chaque fois que le risque d’être reconnu se précisait. Mais les deux amoureux n’avaient cure de cet étrange suiveur. La seule chose qui pour eux comptait, c’était leur amour, leur bonheur d’être ensemble, du contact charnel qu'unissait leurs bras entremêlés. La poursuite effacée se termina devant la galerie consacrée à l’Egypte, Siméon, éreinté par cette vision de félicité, préféra s’éclipser devant la douloureuse évidence.
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On était mardi après-midi. Ernest Puppa, l’inspecteur le plus renommé de la police scientifique du pays de Gex, était encore en vacances pour quelques jours et il se morfondait de la platitude de cette journée d’inactivité et regrettait de n’avoir pas pu prolonger la durée de son séjour en bord de mer. Maintenant il se sentait sans envie, sans énergie, malheureux de se retrouver seul sans avoir quelqu’un avec qui partager son état d’âme.

Il s’était posté devant le bar à vin « L'antidote » et regardait le flot discontinu des voitures. Un coup de klaxon vociféra derrière lui. Il se retourna prêt à hurler sa mauvaise humeur à l’encontre de ce goujat du tintamarre. Pourtant, il n’en fut rien, au contraire il se mit à sourire au conducteur de cette camionnette couleur gris-blanc, le gris étant essentiellement la marque d’un besoin de lessivage.
« Alors Ernest ! Que fais-tu là ?
- Pierre ! Quelle bonne surprise !
Puis s’approchant de sa voiture il avoua franchement : je m’ennuie !
- Je vais au CERN faire une livraison et visiter quelques clients ! Tu veux venir avec moi ?
Ernest ne réfléchit qu’une simple seconde, ouvrit la portière passager et s’engouffra dans le véhicule. L’intérieur était peu ragoûtant.
- Oui, je sais, confirma Pierre. Il faut que je lui donne un bon coup d’aspirateur. Mais bon, ça peut attendre encore un peu ! »
Ernest sourit à la remarque et un peu crispé se demanda dans quel état allait se retrouver son pantalon. Il fallait à peu près quinze minutes pour accomplir le court trajet qui les séparaient du laboratoire. Pierre comme à son habitude s’apitoyait sur son sort :
- J’en ai marre de ce travail, c’est trop dur, mes ouvriers sont sans arrêt malades, il y a trop de charges !
Puppa se mit à penser à cette heureuse similitude entre un patron et un bébé. Il rigola tout bas à sa propre réponse : «  Ils sont pareils, ils pleurent tout le temps ! »
Pierre s’aperçut de la gaieté soudaine de son copain :
« Alors Ernest, qu’as-tu de beau à me raconter aujourd’hui ?
Il réfléchit quelques instants et l’interrogea :
- Je me pose quelques questions sur l'accroissement de la puissance de cette grosse expérience. Je trouve vraiment étonnant et même essentiel ce type de recherche dans les confins de l’infiniment petit. Mais j'ai lu que le fait de pulvériser des particules avec une énergie phénoménale pouvait provoquer une cassure du temps, une sorte de minuscule trou noir qui petit à petit de sa masse infime pourrait avaler notre univers.
Pierre ralentit en tournant la tête de son côté. Il fronça son œil droit d’une façon plus dubitative qu’interrogative. Pourquoi, s'intéressait-il à ce genre de chose ?
- Les forces en présence ont une durée de vie bien trop courte pour représenter un quelconque danger !, affirma-t-il sous forme de réponse. En fait, il n’en savait rien.
-Ah d’accord ! » Répondit-il d’une voix qui semblait hâlée d’un voile d’ironie.
La conversation se poursuivit sur des sujets beaucoup plus légers et s’arrêta net lorsqu’ils arrivèrent devant le portail d’entrée du Laboratoire numéro deux.
Pierre échangea une plaisanterie avec le gardien qu’il connaissait bien, sa plaque minéralogique ouvrit la barrière et ils pénétrèrent dans le site pour faire la livraison. Pierre demanda à Ernest s'il venait venir avec lui dans le bureau de ses clients.
« Il y a deux Français, un Italien et un Américain ! Tu verras, ils sont tous très sympathiques et seront enchantés de faire ta connaissance ! »
 Et ce fut le cas !
 Après un échange de cordiales poignées de main, Il fit les présentations :
« Je vous présente mon ami, le fameux inspecteur Ernest Puppa !
Siméon eut une constatation d’admiration. Il avait très souvent entendu parler de ce policier hors pair et le félicita pour ses exploits d’enquêteur. Il expliqua à ses collègues étrangers le pourquoi de son enthousiasme.
- Quelques infimes détails lui suffisent pour résoudre les enquêtes les plus difficiles ! »
Puis, quelques dizaines de minutes furent comblées par la narration rapide de sa dernière enquête.
Seul Eugène semblait avoir été mis à l’écart du groupe, il restait dans son coin, souriant pourtant à quelques détails du monologue.
Il n’attendit pas la fin de l’histoire et professionnellement prit Pierre en aparté.
« Je vais vous expliquer le travail ! » Dit-il.
Il commença à développer ce qu’il aimerait bien voir réaliser. Tout en expliquant le but du projet, il étala cinq plans devant lui et du doigt lui indiqua les cotations essentielles. Pierre était particulièrement concentré à l’écoute de ses commentaires. Il griffonna certaines notes sur l’un des plans en utilisant son écriture illisible d’homme pressé, déchiffrable essentiellement par lui-même et sa secrétaire. Grâce à son expérience, Pierre comprit rapidement le job qui lui était proposé. L’affaire fut comprise et il ne manqua pas de soumettre quelques remarques judicieuses sur les dimensions de la matière qui devrait lui être fournie.
Enfin, il termina les commentaires par :
« Merci d’avoir pensé à moi, je vous ferai parvenir l’offre dès demain par mail !
- Et pour le délai de fabrication ?, demanda Eugène en lui serrant la main.
- Une semaine !
- Impeccable j’attends donc votre offre !
- Comme d’habitude !

Les autres compères avaient pendant ce temps-là repris leur poste devant leurs écrans et Ernest se tenait sagement devant un immense plan d’ensemble du projet en cours.
Un dernier salut conclut la visite et reçut un sourire de la part de tous les protagonistes.
Pierre et Ernest disparurent par l’entrebâillement de la porte.
 Leur départ fut suivi par un silence de mort très inhabituel. Chacun avait immédiatement retrouvé le sérieux de leur besogne et, la tête baissée, était déjà plongé dans son ouvrage. Ceci était vraiment insolite. D’ordinaire, les quatre hommes étaient beaucoup plus loquaces et ne manquaient jamais un commentaire judicieux ou une remarque amusante.
 Mais, depuis ce matin, l’ambiance était glaciale. Eugène était arrivé quelques minutes après ses collègues, qui à sa vue stoppèrent net leur conversation et ne lui octroyèrent qu’un timide « B’jour ! » , sans le moindre regard.
Eugène n’avait pas vraiment compris cet étrange comportement et l’avait expliqué par la nature d’un de ces mauvais jours que le manque de sommeil vous fait détester.
Il fut par contre passablement contrarié lorsque, à l’instant de la pause, tout le monde s’éclipsa sans le bon mot habituel :
« Temps pour un bon café, ça nous réveillera ! »
En quelques secondes, il s’était retrouvé seul dans le bureau, étonné de ce qui lui arrivait.
Intrigué par cet étrange comportement il se rendit à la cafétéria bien décidé à demander quelques impératives explications. Mais ses copains n’étaient pas là. Plus tard de retour dans son bureau il les retrouva avec le même visage renfrogné.
« J’ai fait, j’ai dit quelque chose de mal ? »
Un mutisme parfait s'étira comme seul reflet de leur réponse.
Vexé, il se plongea dans son travail, l’esprit bouillonnant d’une colère justifiable.
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Au bout de quelques jours l’ambiance s’était un tantinet réchauffée. On se parlait à nouveau, mais avec une certaine gêne, un professionnalisme guindé. Ce n’était plus la chaleur amicale d’auparavant. Les regards n’étaient plus complices, trop coincés et semblaient fuir tout rapport amical.
La force des choses avait engendré un dialogue obligé et Eugène avait réintégré sa position dans le groupe, tout particulièrement aujourd’hui où un problème d’un aboutissement ardu leur faisait face. Une petite pièce bien anodine leur présentait du fil à retordre !
Chacun y allait de son idée.
La raccourcir.
« Oui, mais ça fragilise l’ensemble ! »
L’agrandir.
« Mais comment va-t-elle rentrer ! »
Casser cet angle.
« Non, pas possible ! »
Le soir venu aucune solution n’avait été trouvée et les quatre hommes fatigués et dépités par leur manque de clairvoyance retournèrent à leur bercail.

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Il devait bien être dix heures du soir quand quelqu’un sonna à la porte de la maison d’Eugène. Il regarda par l’œilleton et reconnu l’un de ses collègues de travail. Un petit sourire se dessina sur son visage. Il allait enfin recevoir quelques explications sur la raison de leurs brusques changements de comportement.
« Je te dérange ?
- Pas du tout, mais je suis un peu étonné de te voir ici à une heure aussi tardive.
Eugène lança un rapide regard au dehors avant de le laisser rentrer. C’était une nuit sans lune et particulièrement sombre. Cette vieille maison de famille était retirée de la route départementale et n’était desservie que par un seul petit chemin de terre battue sans le moindre éclairage.
- Tu as bien du courage de vivre seul ici !
- Question d’habitude, mais rentre, viens boire quelque chose !
Son ami pénétra lentement dans la demeure, l’air un peu gêné. Il promenait son regard dans toutes les directions jaugeant du regard un lieu qu’il connaissait pourtant bien.
- Installe-toi dans le salon, je vais chercher des verres ! »
Il portait un dossier dans la main droite, le posa sur la table de salon et s’assit bien sagement sur le canapé de cuir rouge qui crissa sous son poids. La pièce était garnie de ces meubles anciens aux couleurs et odeurs réconfortantes, des reproductions de toiles de maître ornaient chacun de ses murs. Une photo de leur petit groupe de travail trônait sur la commode et ceci lui tira un rictus d’embarras.
Eugène arriva quelques instants plus tard. Deux verres en cristal ciselé tintaient dans l’une de ses mains tandis que l’autre trimbalait une bouteille de muscat.
- Ton apéritif préféré ! dit-il en lui faisant mirer le flacon.
Eugène s’attendait à ce que la conversation commence par une excuse, par un éclaircissement sur la raison de l’étrange malaise qui s’était instauré entre lui et ses collaborateurs. Il n’en fut rien, son copain, sans avoir touché le verre qui l’attendait, posé sur la table, ouvrit le dossier qu’il avait amené et découvrit un plan qu’il tourna en direction de son hôte.
- J’ai réfléchi et je crois avoir la solution à notre problème !
Eugène fut étonné que son compère lui amène du travail chez lui, ils avaient tous suffisamment cogité à ce sujet et il n’était pas vraiment désireux de se plonger à nouveau dans une considération cérébrale. Sur le dessin, son regard accrocha justement un détail technique qui lui sembla d’un intérêt très particulier. Il se pencha, voulant vérifier ainsi plus précisément l’élément d’importance.
- J’ai pensé, précisa l’inventeur, que cette cote devait être modifiée de cette façon ! Il pointa de son index l’endroit d’intérêt.
Eugène avait troqué sa mine renfrognée d’homme dérangé en celle de l’ingénieur en pleine réflexion. Il sortit un petit stylo de sa poche, regarda son compère et dit :
- Je peux garder ce dessin ?
- Il est à toi !
Alors de son écriture posée, il inscrivit sur un coin du dessin, la date et l’heure, puis entoura d’un trait soigné les cotations cruciales et dans un sourire félicita son ami de la trouvaille.
- C’était pourtant si simple, pourquoi n’y avons-nous pas pensé plus tôt ?
- Mauvaise piste sans doute, répondit-il.
- Je te remercie pour cette arrivée tardive (il appuya sur ces deux derniers mots) mais je ne comprends pas vraiment ta venue. Ta découverte n’aurait-elle pas pu attendre demain ?
- En fait, répliqua-t-il gêné, une autre raison m’amène.
Son visage avait brusquement changé d’expression, ses sourcils s'étaient renfrognés, son regard noirci, sa bouche pincée dans une mimique haineuse. Il se leva brusquement renversant la petite table qui se trouvait devant lui. Le schéma virevolta le temps de quelques secondes et glissa sournoisement sous l’un des fauteuils, le dossier cartonné tomba sur le sol et sa pliure l’astreint à une position fermée.
Eugène ne comprenait rien à sa brusque réaction.
- Qu’est ce qui se passe, tu te sens mal ?
Il venait de supputer que l’étrange réaction de son ami était due à un mal, une douleur subite qui provoquait en lui des convulsions incontrôlées.
- Je te hais!, hurla-t-il. Tu n’as pas le droit !
- Le droit ? Mais le droit de quoi ! Eugène pâlit, son interrogation tournant soudainement à l'angoisse.
- Elle est à moi ! grogna l’aliéné en sortant une arme de sa poche, il la pointa sur Eugène, visant le milieu de son front.
Les jambes de l'agressé se dérobèrent d’émotion et l'obligèrent à s’affaisser sur ses genoux. Comprenant sa fin proche, il joignit ses mains en signe de prière et implora son agresseur.
- Mais je n’ai rien fait, tu es devenu fou, calme-toi, on doit parler !
Fou ! Oui il l’était ! Fou de jalousie, empli de ressentiment envers cet homme qui lui avait soufflé une conquête, lui avait pris une femme qu’il convoitait. Il se mit à trembler. Une écume blanchâtre suinta de la commissure de ses lèvres.
L’inexorable arriva !
Le coup partit faisant mouche en tuant sur le coup notre pauvre Eugène.
Le meurtrier sembla tout à coup totalement soulagé, comme heureux de son acte terrible. Il aspira deux énormes goulées d’air, son être discontinua sa nervosité.
Il sourit ! De ce rictus malsain d’un homme qui vient de commettre l’irréparable et qui en est fier.
Puis, il se courba, ramassa tranquillement le dossier complice et quitta la maison sans même jeter un dernier regard à sa victime.
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Ernest était fourbu. On était mardi matin et ses muscles contractés lui permettaient très difficilement la descente de ses escaliers.
Pourquoi avait-il accepté de suivre Corinne dans cette longue promenade dominicale qui les avait conduit jusqu’au sommet du Reculet ? Elle avait une force du diable cette fille. Dynamique, sportive à souhait, elle l’avait invectivé de ses moqueries tout au long de la randonnée :
« Allez Ernest, le sommet n’est qu’à cinq cents mètres ! Plus vite, ça te fera perdre ton ventre ! »
Puis elle filait devant lui, courant jusqu’à l’abrupt de quelques rochers, pointant son appareil photo pour immortaliser des chamois peu compatissants.
Et lui, pauvre homme, grommelait dans la barbe qu’il n’avait pas :
« Mais j’n’ai pas d’ventre ! On n’est pas au feu ! »
La cime de la crête semblait ne jamais vouloir arriver, chaque pas en avant semblait l’éloigner du but. Et elle, elle l’appelait :
« J’suis arrivée, je te prépare ton sandwich ! »
Hébété, couvert de sueur, il arriva finalement au sommet.
Corinne était là souriante, mordant dans une tranche de pain de campagne recouverte d’une épaisse tranche de jambon.
Il s’affala à ses côtés essayant de retrouver son souffle, laissant trembler ses jambes endolories.
Il faut dire qu’elle est belle, Corinne. Blonde bien sûr avec de longs cheveux qui flottent derrière elle. Cette apparence délicieuse avait certainement permis à Ernest, par son attirance, de se surpasser dans l’effort.
Elle le considéra d’un œil bienveillant :
« Tu vois, ce n’était pas si difficile ! »
Il ne dit rien et se contenta de l’admirer, elle avait un visage si doux, presque angélique, avec des pommettes saillantes qui respiraient la santé, un teint clair légèrement rosi par l’effort. Elle avait légèrement dégrafé son corsage et lorsqu’en se penchant, elle lui passa sa collation, il ne put que plonger son regard sur les délices de sa poitrine fermement galbée…"

Enfin la dernière marche.
 L’obstacle des escaliers franchi, il parcourut le corridor, s’engouffra ou du moins se traîna jusqu’à la rue Léone de Joinville puis bifurqua en direction de la gendarmerie.
Les cinq cents mètres restant furent accomplis avec la plus grande difficulté et c’est heureux qu’il s’affala sur le siège de son bureau et resta immobile, les bras ballants, la nuque rejetée en arrière, cherchant ainsi un certain réconfort, une détente physique qui soulagerait ses membres endoloris.
« On se réveille ! Y’a du pain sur la planche, un méchant meurtre vient de nous être signalé ! »
Puppa redressa la tête et jeta un coup d’œil agacé sur son chef.
« Il ne voit pas que je suis crevé ! »
Un gendarme se trouvait déjà prêt de lui, faisant teinter les clefs de la camionnette :
« On y va inspecteur ? »
Le voyage ne symbolisa qu’un calvaire de plus pour notre pauvre inspecteur. Les suspensions un peu dures ne lui accordèrent aucune pitié.
Arrivé à destination, le dos en compote, il fit un effort surhumain pour descendre du véhicule et le gendarme, se rendant compte de ses difficultés, ne put s'empêcher de lui demander ce qui n’allait pas.
« Tout est pour le mieux ! » Répondit-il en grimaçant.
La maison était spacieuse, l’intérieur coquet et bien rangé.
Une dame à l’air chagriné, discutait avec l’inspecteur Purbon qui était arrivé une bonne demi-heure plus tôt :
« Z’é vous dit, il était là, mort avec un gros trou dans la tête ! »
La bonne dame portugaise était la femme de ménage attitrée de l’endroit.
Ernest se plaça à quelques mètres d’elle et fit un petit signe amical à son collègue qui, d'une gravité scrupuleuse, prenait des notes sur son petit carnet noir.
« Z’é viens tous les deux matins et pendant deux z’hores z’é fais le ménage ! »
Elle était d’une corpulence avantageuse, avec une petite tête toute ronde entourée d’un fichu rouge sombre. Ses avant-bras boudinés fusaient d’une robe jaunâtre aux formes évasées et se baladaient de droite à gauche, accentuant ainsi la description minutieuse de son emploi du temps. Purbon suivait des yeux sa gesticulation en essayant de capter l’ensemble des explications que son stylo habile voulait absolument retranscrire.
Ernest se désintéressa de ses commentaires pour observer en détail la scène du meurtre. La pièce était agréablement fournie d’un salon couleur saumon et habillé de meubles anciens, le cadavre avait été recouvert d’un drap et gisait à l’endroit exact où il avait été découvert. Marchant avec peine, Ernest fit le tour de l'endroit, fouinant son intérêt à travers les objets sans importance qui y étaient entreposés.
Son regard s’arrêta sur cette photo de groupe.
Quatre personnes qu’il semblait reconnaître !
« Mais oui, se sont ces gars du Cern ! S’exclama-t-il soudain.
Le gendarme qui à quatre pattes, recherchait la douille restante de la balle meurtrière, leva la tête en lui confirmant l’appartenance du mort à cette prestigieuse organisation.
-Je l’ai rencontré très récemment, en accompagnant mon copain Pierre lors d’une de ses visites de clientèles !, compléta Puppa.
Il se sentit soudainement très contrarié. Il n’aimait pas enquêter sur le décès de personnes qu’il connaissait, même si leurs relations n’étaient que vaguement superficielles. Il ressentait cette disparition comme étant l'effleurement de sa propre mort.
Dans le but de supprimer cette angoisse, il nettoya de ses mains l'orbite de ses yeux fermés, comme pour se dire :
« Arrête tes idées morbides, pense plutôt à ton travail ! »
« J’ai trouvé quelque chose !, jubila le gendarme qui, ressortant de sa position inconfortable, se frottait les genoux. Le képi décalé sur son œil gauche, une touffe de cheveux s'ébouriffant du côté droit, il tenait fièrement une feuille de type A4 qu’il se mit à compulser avec curiosité :
- Regardez inspecteur, j’ai trouvé un dessin, qui en plus est daté d’hier soir vingt-deux heures quatorze !
Purbon fut plus rapide qu’Ernest et délaissant son témoin, arracha le feuillet des mains du préposé :
- Des empreintes, il doit bien y avoir des empreintes ! jubila-t-il en secouant de sa main gantée cette importante pièce à convictions.
Puppa arriva tranquillement à ses côtés et osa un rapide coup d’œil sur la fiche qui se promenait dans les airs, perchée au sommet du bras victorieux de son heureux confrère.
- Et si tu la posais sur la table, qu’on y jette un œil, demanda-t-il sévèrement.
Purbon soudainement conscient de sa réaction trop enfantine obéit immédiatement à ce qui lui sembla être un ordre.
Il posa le plan bien à plat sur la table et trois têtes investigatrices se cognèrent en voulant toutes en même temps compulser son contenu.
Se frottant vigoureusement le crâne les trois hommes, d'une distance plus conforme, observèrent avec application les indications très curieuses qui s’y trouvaient.
Il s’agissait d’un dessin industriel créé à l’aide d’un ordinateur. Une pièce y était représentée sous différents angles, minutieusement côtés et l’on voyait des inscriptions écrites manuellement sur l’un de ses côtés.





C’est l’écritoure de Monsieur !, affirma la Portugaise qui s'était jointe à eux.
Alors les deux inspecteurs se mirent à imaginer le déroulement du crime.
On était venu lui apporter ce dessin, les explications avaient mal tourné, peut-être un désaccord bénin, mais énervant ou un secret d’une importance qui devait être préservée comme invention du siècle et « PAN ! » . L’assassin avait trouvé cette solution pour tout garder pour lui.
Ces supputations leurs semblèrent un peu bête, alors ils en échafaudèrent une autre, puis une autre, puis encore une autre !
Purbon semblait s’amuser comme un fou, faisant turbiner son imagination qu’il voulait plus généreuse que son renommé confrère.
Mais Puppa n'avait déjà plus besoin de supputer sur les causes du meurtre, son esprit avait déjà tout compris, tout analysé et le coupable évident avait déjà les menottes aux poings.
Il ressassa le visage des dessinateurs qu’il avait récemment rencontrés, il voulait se remémorer avec exactitude la bobine de l'évident assassin. Soudain, la silhouette du meurtrier se présenta avec clarté dans son esprit affûté, face à lui, au premier plan, effaçant sans le moindre doute le souvenir des deux autres projeteurs.
 Purbon continuait à déblatérer dans le vide, écouté simplement par la femme de ménage qui acquiesçait d'un geste de la tête chacune de ses hypothèses.
Puis, il aperçut la mine heureuse de Puppa. Il stoppa net ses élucubrations et, jetant un air courroucé sur son collègue, affirma d'un ton agacé :
« T'as déjà trouvé la solution! »
Ernest lui jeta un regard sans équivoque et ses yeux clignèrent deux fois.
 Purbon rougit de son infériorité et pour garder sa composition tout en regardant la feuille, jeta un ordre despotique au gendarme :
« On emmène cet indice et on arrête l'assassin ! »
Puis, se retournant sur le pas de la porte, voyant l'attitude rêveuse d’Ernest, il interjeta :
« Alors, qu'est-ce que tu fais, on y va ? »
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Jerry Pyle, les menottes aux poignets, s’enfila dans la fourgonnette de la gendarmerie. Il avait les yeux baissés, la mine livide, deux profondes rides semblaient avoir récemment creusé ses deux joues masquant ce qui avait dû être dans le passé, deux adorables petites fossettes.
Quand Ernest Puppa, suivi de deux gendarmes, était rentrés dans son bureau, il avait immédiatement compris qu’ils venaient pour lui, que son acte funeste avait été démasqué par l’inspecteur de génie.
Ernest n’avait d’ailleurs pas hésité, il s’était rendu près de lui, l’avait fixé droit dans les yeux et d’une voix neutre lui avait indiqué son pressentiment concernant sa culpabilité. Il n’avait même pas essayé de lui rétorquer un alibi, ni tenté de clamer son hypothétique innocence. Il avait détourné la tête quelques instants de son accusateur pour regarder ses deux collègues éberlués, puis il leur avait lancé :
« Moi aussi j’aimais Milena ! »
Puis, il s’était tu, avait tendu ses poignets en signe de soumission, d’acceptation de sa faute. Ce crime, il le regrettait, le refoulait de sa conscience qui s’était éveillée malheureusement un peu trop tardivement.  

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Epilogue

Purbon n’avait toujours pas compris ce qui avait apporté à son collègue, la certitude de la culpabilité de Pyle.
Puppa, lui avait dit que c’était normal, que contrairement à lui, il n’avait jamais rencontré l’accusé et qu’il ne pouvait donc pas connaître sa nationalité américaine. Car, oui ! Chers lecteurs vous avez déjà tous compris ce lien évident qui avait autorisé Puppa à pointer son doigt accusateur.
« Je ne vois pas le rapport ? » Avait pourtant clamé Purbon devant Ernest qui goguenard, posait sur son bureau le dessin industriel trouvé chez la victime …

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On était un vendredi après-midi et Purbon avait passé sa journée à réfléchir l’aboutissant de cet indice. Ne trouvant rien, il l’emmena chez lui, pour pouvoir le compulser à loisir pendant tout le week-end. Il en avait fait de multiples photocopies et avait rempli chacune d’elles de notes judicieuses. Mais rien ! Rien dans la date ou l’heure griffonnée par la victime, dans la composition du dessin qu’il ne comprenait d’ailleurs pas réellement ou dans la composition du papier.
Lundi, il alla voir Ernest, la mine déconfite en l’implorant de lui expliquer toute cette énigme.
« Eh bien ! C’est très simple, une simple question de bon sens.  
Tu vois ce petit dessin qui apparaît dans le cartouche. Oui ! Celui-là. Ajouta-t-il en le pointant du doigt. Ce petit rond précédé par un petit cylindre conique. Eh bien, ceci et la représentation de ce qu’on appelle la vue Américaine! Pour la vue Européenne le petit rond se trouve à droite du cylindre conique . En fait, elle explique comment l’on doit voir les différentes vues qui composent un dessin. On prend la vue du centre, on imagine la regardé sur le côté gauche et l’on dessine à sa droite ce que l’on voit ! Purbon le regardait d’un regard éberlué, il avait du mal à suivre les explications, mais comprit à moitié la visuelle explication que Puppa lui octroya d’un geste de la main.
Tu vois continua-t-il, en Europe, si je dessine ma main posée sur le côté et que je regarde sa paume, disons, du côté droit, alors je dessinerai cette même paume sur la partie gauche du dessin. Mais ce n’est pas le cas pour les Anglais ou Américains qui eux font exactement le contraire, pour eux ma paume devrait être dessinée sur le côté droit. Eh-eh ! Rigola t’il, c’est juste une question de convention ! Mais celle-ci à immanquablement trahie notre fautif !
Purbon avait la totalité de ses neurones en surchauffe, il regarda sa main, la tourna devant se yeux et commença à comprendre l’aboutissant des explications.
« Ok ! Dit-il. Je comprends pour la main mais… Regardant le dessin avec attention. Comment as-tu pu reconnaître cette évidence dans ce fatras de figures incompréhensibles ?
Ernest m’envoya une petite pensée complice, puis,  lui jeta un dernier sourire avant de partir…





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