On était sur le bateau de wake. Je me concentrai sur le « run »
de mes amis. Quand, le bateau s’arrêta pour changer de surfer.
Tapha qui était assis à côté de moi me demanda :
-Pierre, tu as vu ces deux filles, tu devrais écrire une histoire sur elles.
Alors j’ai suivi son regard et effectivement, non loin de nous, au beau milieu
du lac se trouvaient deux femmes sur leurs planches respectives.
Immobiles.
Eclairées par le soleil couchant.
Et c’est vraie la scène me sembla irréelle, magique, mystérieuse.
Je ne fus pas étonné par ce tableau digne d’une peinture de Wermeer, mais
plutôt par cette sensibilité particulière que soudainement mon ami me
dévoilait.
Alors pour toi Tapha, voici une petite histoire sans prétention qui j’espère te
plaira !
Les filles du lac
Notre bateau s’était arrêté non loin d’elles.
Sur ces deux beautés posées sur leurs planches respectives, immobiles au beau
milieu du lac.
L’une d’elle, une belle aux boucles d’or, se tenait accroupie, les deux bras
agrippés autour de ses genoux et semblait rêveuse, le regard plongé dans l’onde
d’un calme miroitant.
L’autre, une brune était couchée de tout son long sur son frêle esquif laissant
son corps d’une sveltesse et d’un esthétisme parfait, se faire arroser par les
rayons du soleil couchant.
Qui étaient-elles ?
Deux amies qui profitaient des dernières clartés du jour avant de rentrer au
port.
Ou,
Deux amantes, qui voulaient prolonger leurs solitudes amoureuses.
Je ne le sais pas.
Mais cette scène qui aurait pu paraître d’une banalité romantique aiguisa ma
curiosité.
Mon bateau prit son essor pour s’éloigner de ces beautés mystérieuses.
Quelques minutes plus tard nous étions de retour sur ce même spot et elles
étaient là.
La blonde se tenait maintenant debout sur sa planche et à l’aide de petits
coups de rames, elle luttait contre le courant qui l’éloignait de sa compagne.
Son corps splendide, gracieux et musclé s’égayait sur les rayons du couchant.
La brune était assise sur le bord de sa planche, les pieds dans l’eau, le
visage tourné vers ce soleil qui s’enfonçait maintenant entre deux sommets du
Jura. Deux perles de larmes, petits points brillant sur le recoin de ses yeux glissèrent
le long de ses joues.
Elle pleurait.
Son amie combla de ses efforts la faible distance qui les séparaient et lui dit
quelque chose.
Quelque chose de triste, quelque chose de terrible.
Etant donné la distance qui me séparait d’elles je ne pus pas tout entendre,
mais plutôt discerner, supputer la suite de ses paroles :
-Mon amour… Je te quitte… Je te laisse à ta propre destiné. Tu me connais, je
ne te l’ai jamais caché, ma nature est frivole et butine ce que la vie a à lui
offrir. C’est mon besoin d’assouvissement divin, ce gout pour les différences
charnelles, pour ce grain que chaque peau doit m’offrir qui motivent notre
rupture, ma décision.
Il me faut des expériences de genèse, des délectations continuelles,
différentes, absolues.
-Mais je t’aime moi ! Son visage se tourna vers elle. Ses cheveux rompirent
l’attache qui les maintenaient et se mirent à crouler en vagues régulières
s’évadant ainsi dans le creux de ses reins.
-Je sais ! Répondit-elle d’un ton comblé d’une certaine désinvolture.
-Que vais-je devenir sans toi. Sans ton sourire. Sans ta présence. Sans tes
bras autour de mon cou. Toutes mes nuits loin de toi, loin de ton parfum, loin
de la douceur de tes bras.
Elle écrasa ses deux mains sur son visage, voulant ainsi cacher sa peine, étouffer
ses sanglots.
Mon bateau, de nouveau, glissa sur le lac m’éloignant de cette scène
envoutante.
De retour, dix minutes plus tard, il s’arrêta au même endroit.
Elles étaient là, leurs planches collées dans le même prolongement.
Agenouillées, l’une en face de l’autre, elles se serraient de leurs bras à la
musculature féminine. Le menton posé sur l’épaule de sa compagne, la brune,
celle qui me faisait face semblait avoir repris le sourire.
La blancheur de ses dents éclairait la pulpe de ses lèvres.
Elle semblait heureuse.
La finalité de leur rupture avait-elle pris un autre chemin ou, était se ce
contact charnel qui lui insufflait une idylle de réconfort.
Leur étreinte se termina presque trop brusquement.
C’était la blonde qui venait de rompre le charme, qui venait de repousser la
dernière volonté de son amie, cette volonté de s’accrocher à elle. De suspendre
le temps, ce temps maléfique qui lui semblait trop court, trop cruel.
Les planches s’éloignèrent l’une de l’autre.
La brune tendit la main vers sa compagne.
La blonde évita son regard.
Mon bateau partit pour son dernier essor, puis revint à la même place une
dizaine de minutes plus tard.
Elles n’étaient plus là…
C’est alors que mes yeux se tournèrent vers la berge où je les vis côte à côte
s’approcher du rivage.
Deux minuscules flammèches qui oscillaient au milieu du rougeoiement du soleil.
J’aurais aimé continuer cette rencontre, percer le mystère et la conclusion
d’une histoire dont j’aurais voulu un dénouement heureux.
Mes yeux s’obscurcir. Mon esprit plongea dans les volutes de mon imagination.
Qu’allait -il advenir d’elles ?
Je pris une respiration profonde, absorbant la tiédeur de ce soir d’été.
Mon regard se fit de nouveau clair.
Elles avaient disparu, emportées par leurs destins, dissoutes dans leurs vies
pleines de promesses.
Mon visage se tourna vers mon ami.
Cet ami.
Celui qui involontairement peut-être, m’avait insufflé cette rêverie.
-Oui ! Lui murmurais-je, tu vois, je te l'ai écrite cette histoire…
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