Toute une vie

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Toute une vie

Tic, tac.
Tic, tac.

Elle était à mes côtés.
Assise sur son fauteuil préféré, celui qu’elle trouvait si confortable, celui qui lui permettait de moins ressentir son mal de dos.
Habillée d’une robe de soie grise, elle regardait la télévision.
Ses avant-bras, nus, reposaient sur les accoudoirs et ses mains légèrement tremblantes étaient recroquevillées sur le pommeau de bois qui délimitaient leurs extrémités.

Sa tête reposait sur un petit coussin vert pomme.
Ses cheveux blancs étaient remontés en un chignon soigneusement agencé et, posées sur son nez, de petites lunettes rondes lui donnaient l’allure d’une vieille dame très convenable.

Je l’aime…

 

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J’avais peut-être douze ans, douze ans de jeunesse et mon attirance pour les filles commençait à se faire sentir.
Une impression diffuse, indéfinie qui parcourait mon corps en me troublant de sensations étranges.
D’un émoi que je ne comprenais pas.
En classe, il y avait, devant moi, cette petite fille aux cheveux d’or, qui sentait bon, avec une nuque élancée, charmante attirante.
Jamais de ma vie, je n’aurais osé lui parler.
Invariablement, à la fin du cours, je détournai mes yeux pour éviter son regard et m’empressais à une conversation de garçons avec mon camarade qui se trouvait à mes côtés.
Mais dans la cour de l’école, je la regardais.
De loin.
De très loin.
Mon cœur semblait s’emballé et plus rien n’existait.
Puis.
Il y eut ce jour.
Un jour béni.
Le jour de notre rencontre.
Avec ce superbe instant qui brisa la glace et, je ne le savais pas encore, ferait de moi, pour toujours, un homme heureux.

Elle avait laissé tomber sa gomme, ou, son crayon, je ne sais plus, et, je pense, par simple reflexe, je me suis empressé de le ramasser.
En me redressant, nos deux visages se retrouvèrent face à face.
Très proches l’un de l’autre.
Nos yeux s’interrogèrent.
Avec une certaine surprise d’abord, puis une compréhension qui me sembla mutuelle.
Un léger pourpre envahit nos visages…

 

Je l’ai suivie, adorée, tout au long de notre petite enfance.
Elle était devenue ma meilleure amie, mon être cher, la confidente de tous mes maux, la personne qui comptait le plus pour moi, celle qui savait calmer mes chagrins, me remplir de bonheur.

Pour elle, s’était un peu différent, je pense.
Surtout au début.
Son charme, sa beauté, sa gentillesse, son entrain faisaient d’elle une personne très populaire.

Elle était Choyée, aimée par tous, virevoltant son charisme parmi un groupe d’amis.

Mais j’étais un élément important de son entourage.

Mon apparence physique était quelconque, discrète, certainement trop effacé, mais
elle ne me perdait jamais de vue, s’inquiétait de mon absence, s’intéressait à mes réactions, à ma différence.

Cette amitié sincère, sans heurt nous conduisit tout droit dans cette conclusion qui est l’Amour.

 

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Le charnel ne s’était jamais présenté à notre esprit jusqu’à cette fameuse soirée de ses seize ans.
On était nombreux pour son anniversaire.
Son, notre groupe d’amis étaient là.
Ses parents lui avaient laissé leur maison et c’est en fin de soirée que cette étincelle, cet envi irrésistible que nous éprouvions, depuis quelques temps, l’un pour l’autre arriva à sa conclusion jubilatoire.
Tous étaient partis, j’étais resté pour l’aider, lui donné un coup de main pour le nettoyage.
Tout devait être impeccable avant le retour proche de ses parents.

Sur le canapé, assis l’un à côté de l’autre, nous nous reposions de cette longue soirée.
Nos avant-bras se touchèrent.
Premier émoi.
Ma voix devint rauque, mon anatomie tremblante.
Son visage portait une expression qui m’était jusqu’alors inconnue.
Nous nous enlacèrent, ignorant tout le la joute amoureuse.
Les choses s’enchainèrent comme dans une certaine évidence, emmenant nos corps consentant vers l’ultime plaisir.
Cette première expérience, malgré notre ignorance, nous sembla parfaite, proche du sublime et notre avenir fut définitivement lié, l’un à l’autre.
L’un, jamais sans l’autre !

Evidence de deux canaris qui ne peuvent plus se quitter.

L’âge venu nous imposa le mariage, la vie en couple, idéale, sans nuage avec cet enfant qui éclaira un peu plus notre existence, embelli notre destinée trop égoïste.

 

Je crois !

Ou, ai-je éradiqué de mon esprit toutes les embuches.

Je crois que nos deux vies furent idylliques, d’une perfection idéale.
Chaque aléa, tristesse étaient surmontées par nos forces conjointes.
Une sorte de réconfort qui nous soufflait que nous avions de la chance d’avoir été réunis si jeunes. Binôme de cette évidence de l’être parfait que l’on rencontre.

Maintenant nous étions vieux.
La vie avait raconté toutes ses belles années.
Ces magnifiques souvenirs.
Ce livre de contes de fée gravé en lettres d’or dans nos têtes…

J’ouvris les yeux.

Son fauteuil préféré était vide.

Et je memis à penser à ce souvenir de ma jeune enfance.
A ce jeu absurde auquel j’aimais me soumettre.

Je ne sais pas d’où m’était venue cette idée, mais, alors, je voulais ralentir les battements de mon cœur.
Chaque soir je me concentrais sur cette complétion.
Je focalisais toute mon énergie, toute mon attention pour ralentir ce martèlement essentiel.
Puis au moment où le rythme trop bas aurait pu m’être fatal, je ressortais de cet état second, tâtais mon pouls, souriais de mon nouveau record.  


Alors !

Ce soir-là.

Regardant ce fauteuil, son fauteuil préférée, vide de cette immensité qui nous séparait maintenant.

Je fermais les yeux.

Et.

Le sourire aux lèvres.

Je me mis à me concentrer, fort, très fort…




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