On n'est pas des chiens !     l'épilogue

Jean écoutait l'histoire de Puppa avec le plus grand intérêt. Pendu aux lèvres de son camarade, il attendait avec impatience la suite de l'intrigue.

« Alors quoi, qu'avais-tu trouvé ?

Ernest adorait faire durer le suspens. Il commença à se détourner de son pote, se moucha, ramassa quelques miettes sur la table, se gratouilla la gorge, but une petite gorgée de vin. Son copain au comble de l'énervement le fustigea de lui raconter la fin de cette histoire.

Puppa le regarda avec ses petits yeux pétillants d'intelligence. Le sourire au coin des lèvres, il commença :

«D'abord il fallait que je trouve le lien qui pouvait unir les chiens, le meunier et le fermier...

L'inspecteur resta silencieux quelques secondes espérant qu'un déclic de lucidité éveillerait l'esprit de son compère, mais voyant sa mine déconfite d'où émanait une certaine exaspération, il continua :

-Alors je suis rapidement arrivé à la conclusion suivante. Le meunier fabriquait de la farine grâce au blé du paysan !
Et que peut-on faire de la farine...
Et bien du pain ! Cette pitance est le lien entre mes trois protagonistes.
Pour que les animaux deviennent fous, il fallait que du poison ou quelque chose de similaire soit ajouté à la farine, comme le fermier avait également été assassiné, on pouvait en conclure qu'il devait être un acteur important de cet empoisonnement. Je suis donc allé dans la ferme à la recherche d'un indice. Et c'est dans le petit local que j'ai d'abord cru trouver ce que je croyais être la solution du mystère. Des produits chimiques frauduleux et interdits. Mais non ce ne pouvait pas être ça, et pour une raison bien évidente !

Puppa joua encore au distrait, se retourna pour regarder passer la jolie serveuse.

-Pas mal cette gonzesse ! Précisa-t-il.

Jean morigéna son compère.

-Non mais t'arrêtes ton cirque !

Puppa éclatant de rire continua son histoire :

-Mais oui, qui pourrait croire qu'une bande organisée, capable de voler tous les chiens du village, assassiner deux pauvres acolytes, oublie de détruire des preuves flagrantes. La petite cabane avait été laissée intacte pour nous entraîner sur une mauvaise piste. J'ai réalisé cela après avoir aperçu le tracteur auquel était attachée la semeuse. Sur cet engin, j'entrevis un sac de graines vide qui y était resté accroché. Sur celui là était inscrit la mention Blé type B1450, la marque Kezamoz fit un déclic dans ma tête, c'était la filiale française d'une grosse multinationale qui voulait imposer ces graines transgéniques.

Écologiste de la première heure, j'avais toujours pensé que la manipulation du vivant ne pouvait qu'attirer des catastrophes. Après une perquisition chez ce grainier on trouva rapidement qu'il était à l'origine de tout ce drame et que les enlèvements des cabots et l'assassinat des deux hommes n'avaient qu'un seul but, cacher leurs expériences aux conséquences catastrophiques. J'ai ressenti un profond soulagement de voir les coupables conduits en prison et leur société démantelée.

Une énorme catastrophe venait d'être évitée et, chaque fois que je m'attable, je ressens un doute quant à la qualité des aliments que j'absorbe. Dans cette histoire, on a eu de la chance que seuls quelques animaux soient touchés. Mais imagine seulement le drame qui se serait produit si la population locale avait été infectée !

Jean regarda Puppa fixement. Puis, soudainement, une lueur d'effroi sembla submerger son regard...

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Mais ! Chers lecteurs. Cette histoire, comme le supputait notre admirable inspecteur, n'était pas vraiment terminée !

Il n'eut pas vent d'une petite anecdote qui survint quelques temps après son départ de l'Ardèche.

Dans le petit village qui avait connu ces évènements tragiques, la quiétude avait de nouveau retrouvé sa place. Dans une petite maison qui se trouvait à la lisière du hameau. Madame Branton s'occupait de sa cuisine, lançant de brefs mais attentifs regards en direction de son rejeton de sept ans qui jouait dans la cour avec l'un de ses copains. Un terrible cri la fit sursautée. Dehors, tenant sa main ensanglantée, l'ami de son fils s'enfuyait en hurlant de douleur. La maman se précipita à l'extérieur pour comprendre le drame. Son fils se tenait immobile au milieu de l'aire de jeu.

« Que s'est-il passé Hector ? Demanda-t-elle affolée.

Le gamin se retourna lentement vers elle, du sang rougissait sa figure. Sans mot dire, il fit comprendre à sa mère qu'il voulait cracher quelque chose. Elle tendit la main. Hector laissa glisser quelque chose de sa bouche, puis un large sourire éclaira son visage. Madame Branton faillit s'évanouir, dans sa menotte largement ouverte se tenait l'index du petit voisin.

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