Le dragueur chapitre 1-2-3-4-5-6-7 |
Il
faisait très chaud, le soleil haut dans le ciel brillait de mille feux. De son
petit studio, Alain pouvait distinguer la mer qui aujourd'hui ne laissait apparaître
aucune ride. Un petit déjeuner frugal et il retrouva son endroit préféré. La
salle de bain. Comment
décrire notre homme ? Un mètre quatre vingt cinq, une musculature d'athlète,
une gueule d'ange, un regard bleu azur souligné par d'épais sourcils, des
cheveux noirs soigneusement rangés sur l'ovale de son crâne. Enfin! Vous
pouvez discerner le personnage, Alain était sans conteste un esthète à qui
aucune femme ne pouvait résister. Et cela tombait bien! Je dirai même très
bien, car la principale ou peut être la seule passion de cet individu était de
collectionner de multiples conquêtes. Alain
travaillait à Genève où il menait d'une main de maître une entreprise de
placements financiers. Chaque été, il prenait une quinzaine de jours de
vacances au Cap d'Agde dans le seul but d'ajouter à son tableau de chasse une
multitude de "Demoiselles". Il
se considérait comme un dragueur de jour! Mais,
qu'est ce qu'un "Dragueur de jour!" Et bien, c'est une personne qui préfère
la difficulté, le challenge. Les boîtes de nuit, à son goût, ne lui
procuraient que des proies beaucoup trop faciles. Des conquêtes banales, où
l'alcool, la pénombre et l'ambiance aidant, le peu d'effort qu'il avait à déployer
était pour lui, sans grand intérêt. Par
contre, en plein jour, la difficulté était tout autre. Surtout sur une immense
plage comme celle de "Richelieu" qui démarrait du port pour se
continuer sur des kilomètres en direction du Grau d'Agde. Sa
technique semblait très simple. Tout
d'abord, vers onze heures, il se pointait aux abords du rivage. Là,
commençait le repérage qui consistait en une petite demi-heure de promenade
lui permettant de localiser quelques jolies femmes seules qu'il pourrait conquérir
sans trop de mal. Son
élue trouvée, il s'asseyait à une bonne centaine de mètres d'elle et
observait son attitude avec attention. Il fallait bien entendu qu'il s'assure
qu'elle était seule et en mal de compagnie. Sa
longue expérience lui avait permis de remarquer quelques détails importants
qui lui assureraient une réussite évidente. Si
la personne était profondément plongée dans une lecture ou qu'elle regardait
souvent en direction de la terre. Il
fallait laisser tomber ! Par
contre, si son magazine ne semblait pas vraiment la passionner et qu'elle
quittait sa serviette pour de longues baignades ou promenades. La
partie était pratiquement gagnée. Ensuite
ce n'était qu'une question de détails, une approche que son intelligence et
son physique épaulaient. Aujourd'hui
notre séducteur était en pleine forme. Il quitta son appartement et descendit
les escaliers quatre à quatre. Sa
partie de chasse allait commencer. ----------------------------------------------- Il
était couché dans son lit souffrant énormément. Il ne pourrait certainement
pas s'en sortir, il le savait. Pourtant, il avait lutté de toutes ses forces,
mais le traitement n'avait pas vraiment agi et de multiples infections
continuaient à l'affaiblir inexorablement. Deux ans maintenant qu'il avait
attrapé cette saloperie, qu'il endurait ce mal profondément dans sa chair et
dans sa tête. Il
n'avait pu éviter cette hospitalisation qui, il le savait, resterait son
dernier domicile. De toute façon, il avait dû tout laisser tomber, son
travail, ses habitudes, ses amis. Seul Ernest Puppa était resté son fidèle
copain et lui rendait visite aussi souvent qu'il le pouvait. Il
s'était toujours demandé ce qui avait lié entre eux des liens aussi forts,
aussi solides. Son ancienne vie de luxe et de débauche n'avait rien en commun
avec le tranquille confort qui berçait celle d'Ernest, inspecteur dans la
police scientifique du pays de Gex. Justement,
la porte de sa chambre venait de s'entrouvrir. Il
attendait son copain, dernière personne à pouvoir lui apporter un peu de
bonheur et de réconfort. Pourtant
ce n'était pas Ernest qui lentement se retrouva devant lui. Mais une femme, une
inconnue, d'une maigreur épouvantable, qui accrochée à son goutte-à-goutte
le regardait maintenant avec des yeux emplis de haines. Qui
était-elle? Rien
dans ce physique lamentable ne lui rappelait l'une de ses connaissances. Toute
sa personne lui suggérait de la pitié. Des
cheveux blonds poisseux qui coulaient sur une chemise de nuit jaune verte, des
rides qui lui sillonnaient profondément le visage et ses yeux qui exorbités
semblaient vouloir s'esquiver de leurs orbites décharnées. « Te
souviens-tu de moi ? Demanda t'elle d'une voix chevrotante. Lui,
ne répondit rien. Se
trouvait-il devant sa propre mort? Etait
ce elle qui l'appelait ? -Tu
m'as tellement fait souffrir ! Continua t'elle. Non
! Il était bien en présence d'un être de chair, d'une personne qui semblait
le détester. -Souviens-toi
de tes affirmations, sur ton amour éternel, de la promesse de me choyer
jusqu'à la fin de tes jours. Quel
était son nom ? Cette
rengaine, il l'avait formulé à tant de femmes, était-ce l'une d'elles ? -Nos
projets d'une vie commune. La maison que nous partagerions ensemble ! Ces
dix dernières années défilaient à grande vitesse dans son esprit embrumé.
La solution devait être cachée parmi ses nombreuses rencontres sans lendemain. Elle
se rapprocha de lui. Difficilement, elle lui tendit quelque chose qui se
trouvait accrochée entre ses doigts squelettiques. -Hélène
! Articula t'il. De pénibles souvenirs se bousculèrent dans son esprit, il se
mit à pleurer... --------------------------------------------- Alain
avait déjà repéré quelques femmes qui aiguisaient sa convoitise. L'une
d'entre elles lui convenait à la perfection. Une trentaine d'année, des longs
cheveux blonds, un corps qui avait atteint une maturité délicieuse. Exactement
son idéal qu'il lui fallait absolument posséder. Il
se posta à quelques encablures de la mignonne et l'observa attentivement,
question de s'assurer qu'elle remplissait ses critères de réussites ? La
chance était avec lui ! Il en était maintenant certain, elle était en
vacances, évidemment seule, et paraissait s'ennuyer de son isolement. « Cette
beauté, n'attend qu'un beau mâle comme moi ! » Pensa t'il
orgueilleusement. Il
attendit quelques instants que la belle quitte sa serviette pour une énième
petite baignade, et, le moment venu, il profita de l'occasion pour aller poser
sa serviette non loin de son emplacement. Ceci étant fait, il sortit un bouquin
de son sac de plage et étendu de tout son long se plongea dans la lecture de ce
dernier roman à la mode. Quelques
courtes minutes plus tard, la belle revint de sa baignade. Sans
ne rien faire paraître, elle jeta un rapide et discret coup d'œil dans la
direction de notre adonis et sembla apprécier ce qu'elle voyait. Après s'être
rapidement séchée, elle se badigeonna de lotion solaire et, sans le
moindre regard pour notre "chasseur", elle reprit le cours de son
magazine. Elle
était vraiment magnifique. Caché derrière ses lunettes de soleil, Alain tout
en faisant semblant de lire observait, scrutait, disséquait les détails du
physique de sa future partenaire. Les
traits de son visage esquissaient une pureté délicate. Ses yeux, sa bouche,
son nez, ses cheveux qui croulaient sur sa cambrure délicieuse formaient une
intégralité angevine. Ses jambes, ses bras, sa poitrine parfaitement galbée
composaient une proportionnalité irréprochable. Il
n'en pouvait déjà plus d'attendre, le moment de l'approche était venu ! « Ce
magazine semble très intéressant ! Osa t'il. La
belle tourna la tête dans sa direction. -Pardon
! -Je
disais, votre lecture a l'air passionnante... » Elle
esquissa un petit sourire, son corps se tourna légèrement dans sa direction. La
partie était gagnée. Accroupi,
à ses côtés, il engagea la conversation. Tout d'abord jalonnée de banalités,
quelques questions qui semblaient anodines lui permirent très rapidement de
cerner la personnalité de Céline. Oui,
elle s'appelait Céline, était en vacances depuis maintenant trois jours,
habitait le Nord de C'est
fou tout les petits détails que l'on peut connaître en quelques minutes.
L'esprit brillant de notre ami synthétisait rapidement toutes ses informations.
Cela lui permettait de se mettre en harmonie intellectuelle avec son
interlocutrice et de lui faire croire à des similitudes d'intérêts, des
points communs qui leur permettraient de se créer rapidement une certaine
affinité. Alain
avait particulièrement bien réussi sa rencontre. Pour une fois, il n'était
pas tombé sur l'une de ses cruches, une jolie fille dont la cervelle ne dépassait
pas la grosseur d'un petit pois et qui le soûlait de propos insipides. Non, au
contraire, Céline était animée d'une merveilleuse connaissance de la vie,
d'une compréhension des choses peu commune, d'une culture vaste et éclectique. Notre
ami d'habitude si bavard restait à côté d'elle à la regarder, à l'écouter,
comme subjugué par cette alliance de beauté et d'intelligence. Toutes
ses questions recevaient une explication qui l'enchantait. Pour une fois, c'était
lui qui ressentait cette impression de communion, cette osmose qui, entre deux
être, peu paraître comme de "l'amour". Ce mot prononcé dans
son intime conviction, le fit tressaillir. « Moi
! Amoureux, jamais ! » Pensa t'il. Céline
remarqua cet imperceptible sursaut, mais n'en fit rien paraître. Elle semblait
heureuse de se raconter, d'étaler sa perfection devant cet homme dont elle
avait immédiatement perçu la peu commune intelligence. Avec
un magnifique sourire, elle s'intéressa à lui. Non seulement sur des questions
coutumières, mais également concernant ses convictions politiques,
religieuses. Jean se laissait envoûter par son charme intellectuel, se dévoilant
plus qu'il ne l'avait jamais fait. L'après
midi, touchait à sa fin. Seuls sur la plage, ils ne semblaient ne plus devoir
se quitter. « Es-tu
libres ce soir ? Je connais dans la vieille ville d'Agde, un merveilleux petit
restaurant qui j'en suis certain t'enchantera. Elle
accepta. Resplendissante de beauté dans ce petit ensemble de plage qu'elle
venait si gracieusement d'enfiler. -Rendez-vous
dans une heure, place du mail de Rochelongue ! Dit-elle avant de disparaître de
sa vue... ------------------------------------ Pourquoi
pleurait-il ? Peut-être,
le souvenir du temps passé ou l’apparence physique de cette ancienne conquête
qui lui rappelait la venue prochaine de sa fin ! La
photo qu’elle lui avait tendue était la terrible preuve de sa décrépitude.
Elle et lui tendrement enlacés. Dans toute la splendeur de leur pleine
jeunesse. Cette photo devait avoir huit ans, il savait même qui l’avait
prise. Ernest ! Et
puis des tas de souvenirs revinrent à son esprit. Les yeux fermés il se remémora
cette période de sa vie. Hélène
était pour lui une conquête comme les autres, elle n’était pas particulièrement
belle ou intelligente, mais peut être gentille, oui ! Gentille !
C’est le mot intégralement adéquat qui la caractérisait. Leur idylle avait
duré deux mois, peut-être trois. Elle
semblait s’être profondément éprise de lui, mais Alain ne l’aimait pas,
pas d’amour en tous cas, elle avait été comme toutes les autres un jeu, une
pièce supplémentaire à sa collection. Puis,
il se souvint de leur rupture. Il
marchait côte à côte dans les rues de Genève, c’était le soir ou bien
non, l’après midi ! Elle s’était tournée vers lui. « Alain,
tu m’as dit que tu m’aimais, que tu aimerais construire ta vie avec moi ! Il
avait frissonné. Pourquoi se sentait-il toujours obligé de dire des bêtises
à ses aventures ! -Et
bien Jean, j’y ai bien réfléchi. Maintenant, je suis prête pour vivre toi ! Il
avait immédiatement réagi, crûment, brutalement. Passant de l’agréable
gentleman au goujat infect. -
Mais je ne t’aime pas, pour moi tu n’es qu’un passe temps, un moyen
d’assouvir mes phantasmes, un simple ajout à mon tableau de chasse ! Elle
s’arrêta net, le regarda droit dans les yeux voulant croire à une
plaisanterie. Elle comprit sa stupidité, sa naïveté devant ce pauvre type qui
en fait n’éprouvait rien pour elle et qui la regardait avec un petit sourire
narquois. Sans
un mot, elle se retourna et disparut au coin d’une rue. Il
ne la revit jamais. Et
puis, il y eut cette conversation avec son copain Ernest. Il l’avait
copieusement rudoyé : « On
ne traite pas les gens de cette façon ! Lui avait-il affirmé le soir même
devant son aveu de rupture. Hélène était une gentille fille, elle ne méritait
pas ton mépris. Ces pratiques abjectes te rattraperont un jour ! Puis
il l’avait boudé quelques temps, pour lui prouver le mal qu’une rupture
brutale pouvait provoquer. Il
avait tout compris. Il
était temps pour lui de demander pardon, de réparer ces ignominies passées. Il
ouvrit les yeux. « Hélène
je… Mais
Hélène n’était plus là. Seule cette photo, preuve de sa présence restait
serrée dans sa main moite… Ernest
avançait tranquillement dans le long couloir d’hôpital, quatre fois par
semaine, il venait voir son ami, il savait que le réconfort de sa présence lui
était indispensable. Il ressentait une profonde tristesse à la vue de cet être
cher qui lentement, horriblement, inexorablement allait bientôt le quitter. Plongé
dans ses pensées, il ne remarqua même pas cette femme décharnée, à la démarche
laborieuse qui le fixa intensément en
le croisant dans cet étroit corridor. La
porte de la chambre de son ami était restée entrouverte. La poussant
lentement, il en franchit le seuil à pas feutrés. Alain
ne dormait pas, assis dans son lit les yeux exorbités il fixait intensément
l’image qui tremblait dans sa main. Ernest
sa racla la gorge. Alain
sortant de sa rêverie, vit son ami. « Ernest
regarde ça ! Dit-il d’une voix essoufflée. Ernest
la regarda avec tristesse. Que de souvenirs ! Certainement
pas les mêmes que ceux de Jean. Il ressentait plutôt une affliction devant la
vie brisée de son ami, le revoyant en pleine santé, riant, lui racontant la
passion pour son travail, l’amusement de ses amours. Et
puis, il y a deux ans de cela, il y eut ce fameux jour où il lui annonça sa séropositivité
qui s’était insinué en lui. Quand ! Il ne le savait pas. Pourtant
il avait été prudent, très prudent même. Jamais un rapport sans préservatif ! Son
état de santé se dégrada rapidement, les traitements semblant pour lui
inefficaces… Il
posa la photo sur le rebord de sa tablette. -Je
suis de plus en plus faible ! Dit-il. Mes jours sont maintenant comptés ! Ernest
le regarda. Ne sachant réagir contre cette adversité. -Tu
ne peux pas dire ça, sois fort, lutte pour survivre ! Alain
ne répondit rien. Son visage émacié, ses yeux vitreux qui ne semblaient ne
plus vouloir garder cette étincelle d’espoir se refermèrent. Ernest
resta de longs moments aux côtés de son copain endormi. -Je
te laisse, mon ami ! Se décida t’il à chuchoter, je reviendrai
demain… ------------------------------------------- Le
mail de Rochelongue était bondé. Comment allait-il la retrouver dans cette
foule compacte ? Il
arpenta l’endroit de long en large, espérant ainsi retrouver Céline. Il se
demandait si son visage était vraiment bien ancré dans son esprit. Des
visages, il en avait tellement connu. Serait-il capable de la reconnaître
habillée, maquillée ? Après
une petite demi-heure de recherches infructueuses, il décida de s‘asseoir sur
le muret qui entourait une scène où des musiciens
diffusaient des sonorités psychédéliques. Le
cherchait-elle aussi, avait-elle renoncé à leur rencontre ? Tout
son être se mit à divaguer prit par la mélodie qui lentement le submergeait
de fréquences inconnues. « Alain,
excusez-moi, je suis en retard ! Elle
était là, à côté de lui, belle à couper le souffle, perchée sur des
talons aux dimensions extravagantes, moulée dans une petite robe couleur or qui
accentuait son bronzage, les cheveux croulant sur ses épaules dénudées, un
petit sac suspendu à son épaule nonchalante. -Je
croyais que vous ne viendrez plus ! Bredouilla t’il. Elle
ne répondit rien, le fixant de ses yeux bleu azur, rejetant d’un léger
mouvement de tête une mèche rebelle. Il
lui prit la main, la porta à ses lèvres. Une odeur envoûtante caressa ses
narines, ses ongles délicatement peints aux couleurs de la mer soulignaient la
finesse de chacun de ses doigts. Il la regarda dans les yeux ou plutôt se noya
dans la profondeur de ses iris. Sa bouche pulpeuse articula quelques syllabes
qu’il subodora comme étant des mots d’amours. -Où
m’emmenez-vous ? Reprenant
le cours de la réalité, il l’invita à le suivre. Ils
traversèrent la place, marchant côte à côte, Alain percevait le regard
envieux de tous les hommes qui les croisaient. Elle, superbe avançait avec une
grâce céleste chaloupant gracieusement dans l’enfilade de ses pas. Le
restaurant était situé non loin de la cathédrale, forteresse du passé qui
veillait sur cette cité antique. Assis
dans un coin tranquille, Jean éprouvait une certaine béatitude qu’il avait
depuis toujours pensée étrangère à sa personne. Serait-ce
elle, son futur, sa destiné ? L’intonation
de sa voix semblait plus douce, ornée de miel. La lumière tamisée lui
ajoutait de la tendresse, du mystère. Représentait-elle
la perfection, sa perfection ? L’élégance
de son nez, la légèreté de ses sourcils, le galbe de ses pommettes. Etait-elle
vraiment une réalité, la réalisation de ses rêves ? Son
cou élancé, la profondeur de son corsage. Il
appréciait maintenant la plénitude de l’existence de cette compagne. Le
dîner se déroula dans la
perfection d’une communion harmonieuse. Etrangement,
elle avait admirablement cerné sa personnalité. Il crut même un instant
qu’elle le connaissait depuis toujours, qu’elle l’avait déjà suivit sur
le chemin de sa destiné. Lui
ne la discernait pas vraiment, elle le subjuguait, l’envoûtait ne laissait
aucune place à un jugement critique, un détail négatif. Flânant
dans les ruelles sombres de la ville maintenant endormie. Etroitement
serrés l’un contre l’autre, savourant la douceur de la nuit, appréciant le
désir qui les envahissait. Ils décidèrent d’une égale évidence de finir
la nuit ensemble, de prolonger, compléter l’harmonie qui les enfiévrait... Tous
deux enlacés, ils se préparaient à leur union charnelle, échangeant de longs
baisers aux amplitudes colorées. « Donnes-moi
quelques instants mon chéri ! Dit-elle. En se séparant de lui tendrement. Pour
le faire patienter, elle lui servit un verre d’un liquide aux senteurs délicieuses. Avant
de disparaître dans la salle de bain, elle ajouta. -J’appelle
cette boisson, le breuvage de l’amour. Alain
assis entre les bras d’un large fauteuil de velours appréciait cette boisson
inconnue rêvant aux moments de délices qui l’attendaient. Quelques
minutes venaient à peine de s’écouler qu’une certaine torpeur sembla
soudain vouloir l’envahir. L’alcool, oui certainement cet alcool qu’il
avait pourtant consommé avec pondération semblait lui conquérir le crâne. Il
avait beau lutter contre ce sommeil qu’il refusait, rien ne fît. Doucement,
lentement il fut emporté dans une complète léthargie… Combien
de temps avait-il dormi, que s’était-il passé. Le visage enfoncé dans un
ample coussin, la bouche empâtée, il laissa ses yeux parcourir son champ de
vision. Son regard plongea vers le sol où il remarqua un préservatif souillé,
il comprit cela comme la preuve d’une nuit qui avait certainement dû être
performante et agitée. Il
se souvint de Céline. De cette créature idéale. La femme de tous ses rêves.
Comment la trouverait-elle au petit matin, la même magie se renouvellerait-elle ? Il
se hissa sur ses bras, puis doucement se retourna pour admirer sa partenaire… ------------------------------------------------ Ernest
cheminait dans ce long couloir de l’hôpital qui le menait vers la sortie. Son
optimisme lui laissait espérer une amélioration dans l’état de santé de
son copain. Avait-il vraiment une chance de s’en sortir ? Il ne le savait
vraiment pas. Lui-même
ne connaissait rien à la médecine, la maladie, il l’avait jusqu’à présent
refusée, ignorée. Mais voir le terrifiant état de Jean lui faisait penser,
qu’un jour qu’il souhaitait le plus lointain possible, l’aboutissement de
la vie taperait à sa porte. Passant
devant la petite salle d’attente attenante au service auquel était rattaché
son ami, il aperçut sur la table une revue parlant d’une découverte archéologique
récente faite dans une région du sud de Il
vit dans ce sujet un bon moyen de lui changer les idées. Il
décida donc de s ‘arrêter quelques
instants, histoire de parcourir les quelques pages qui il en était certain
l’intéresseraient. Comme
à son habitude, la revue fermement tenue dans les mains, il s’immergea complètement
dans sa lecture. Eloigné
d’une dizaine de mètres de lui, une infirmière discutait avec deux dames. « Je
vous demanderai d’attendre quelques minutes, nous sommes en train de donner
quelques soins à votre fille. Les
deux femmes d’une cinquantaine d’années intégrèrent donc la petite salle
où se trouvait notre ami l’inspecteur et prirent place à côté de lui. -Mais
comment ta fille a t’elle attrapé le sida ? Demanda l’une. -Hélène !
Dit-elle. Ma pauvre petite Hélène avait eu, il y a quelques années de cela,
une terrible déception amoureuse ! Commença t’elle a raconter. -Un
sale type, il s’appelait Alain ! Je ne connais même pas son nom de
famille, en fait, je n’ai jamais vraiment su beaucoup de choses de lui. Hélène
m’avait dit qu’il était riche, dans la finance. Ma fille n’était pour
lui qu’un amusement, rien de plus. Mais au contraire, pour Hélène, elle le
considérait comme l’amour de sa vie ! Son premier et unique amour !
M’avait-elle confié. Après
quelques instants, elle continua : « Et
depuis c’est la descente en enfers. Une succession de traitement qu’elle
supporte de moins en moins… La
narratrice se mit à pleurer. -Elle
va bientôt mourir ! » Affirma t’elle en sanglotant. Puppa
avait malgré lui assisté à cette conversation. Le rapport entre son ami Alain
et la triste histoire de cette Hélène éclairait de son évidence son esprit
cartésien. Et dire que ces deux anciens amoureux allaient en même temps
aboutir à une fin identique. Quel
terrible hasard de l’existence ! Deux
chemins qui se croisent, se séparent et se terminent dans un même et horrible
dénouement. Ernest
n’avait plus vraiment la tête à continuer sa lecture. Il leva les yeux de
son magazine. Il ressentait l’urgence de s’assurer que cette Hélène
dont-on parlait, faisait bien parti de ses connaissances. Rapidement.
Discrètement. Il jeta un coup d’œil sur la femme en pleurs. Il
ne s’était pas trompé ! La
ressemblance, traits pour traits de son visage cadrait irréfutablement avec son
souvenir d’Hélène… Il
dormit terriblement mal cette nuit là, les rires, les pleurs de son ami se
bousculaient, s’entrechoquaient violemment dans sa tête.
Il l’entendit parler, le supplier de venir le réconforter une dernière fois.
Demain son pauvre copain ne serait plus de ce monde… -------------------------------------------- Ernest
arriva à l’hôpital beaucoup plus tôt qu’à l’habitude. Son rêve prémonitoire
en tête, il avait la certitude de la mort proche de son ami. La
première chose qu’il rencontra, c’était l’affligeante image de la mère
d’Hélène qui complètement effondrée recevait la compassion du médecin de
service. « J’aurai
dû être à ses côtés pour la soutenir durant ses derniers instants !
Sanglotait-elle. -Ne
vous sentez pas coupable, personne n’aurait pu prévoir sa fin si soudaine.
Elle s’est éteinte avec son portable à la main, un étrange sourire dessiné
sur ses lèvres, un peu comme si sa dernière conversation téléphonique lui
avait apporté un certain soulagement, un accomplissement d’importance ! La
pauvre femme porta un regard interrogatif sur son interlocuteur. Comprenant
cette expression il continua : «
Je ne sais pas à qui elle téléphonait, peut-être à son amoureux,
quelqu’un qui l’a soulagée en tout cas, l’a aidée à mourir… » Ernest
continua son chemin. Alain
n’allait pas très mien, il se sentait vraiment très mal. Le cauchemar de
Puppa semblait
s’avérer exact. Il lui prit la main. « Mon
ami, c’est moi Ernest, peux-tu m’entendre ? Alain
entrouvrit les yeux, une larme céda et suivit lentement la courbe de son
visage. Il remua ses lèvres et susurra quelques mots. Ernest ne comprenait pas
ces quelques propos chuchotés. Il
se pencha, essayant de comprendre ce qu’il croyait être une dernière volonté,
un dernier souhait. -Hélène,
c’est-elle qui m’a tué ! Saisit-il. Un
frisson parcourut son échine. De quoi parlait-il ? Il devait certainement
délirer, divagation de ses derniers instants. Ces
paroles furent justement les derniers qu’il prononça. Lentement
il ferma les yeux, soumis une légère pression sur les doigts de son copain
Ernest comme dernier signe d’adieu. Puis, il sombra dans l’inconscience éternelle… ------------------------------ Lecteurs
de cette courte anale, mon histoire pourrait ici se terminer, vous abandonnant
dans une expectative malsaine, vous laissant supputer sur les évènements qui
auraient pu provoquer cette triste fin. Et
bien non, je n’aurai pas le cœur de vous soumettre à une telle torture. Puppa,
mon pauvre inspecteur, quant à lui, ne put jamais résoudre cette énigme. Il
crut ou du moins espéra
que la disparition de son ami n’était due qu’à la fatalité. Ce
n’était malheureusement pas le cas ! Souvenez-vous
de cette heureuse rencontre de vacances, de cette journée de rêve qu’avait
passé l’acteur de cette histoire. Céline,
la sublime, la parfaite Céline n’était en fait qu’un leurre, l’appât
irrésistible qui devait l’amener vers une mort certaine. En
fait, cette fameuse Céline avait été engagée par Hélène ! Je
vois déjà de la surprise se dessiner sur votre visage, vous demandant
qu’elle idée macabre se trouvait derrière ce recrutement. Hélène
atteinte par cette terrible maladie qu’est le sida avait trouvé la vengeance
ultime. Celle qui supprimerait et ferait souffrir l’homme qu’elle estimait
être la cause de son malheur. Dans
la chambre qui devait recevoir la sublimation de leur rencontre. Céline offrit
à Alain une boisson mélangée à un somnifère particulièrement insidieux, le
laissant dans un état d’inconscience actif. Cette
nuit il ne fit nullement l’amour à sa magnifique conquête, comme il le crut,
mais à Hélène qui prit la place de la belle et le soumis à l’acte sans
protection. Le préservatif laissé sur le sol n’étant là seulement pour
l’induire en erreur. Le
pauvre homme ne comprit toute cette étrange histoire qu’aux derniers instants
de sa vie, durant ce dernier appel téléphonique où Hélène, triomphante, lui
expliqua tous les détails de sa vengeance…
En conclusion, chers lecteurs, je n’ai qu’un seul et unique souhait à vous
solliciter ! Si
un jour. Dans les rues de notre joli pays de Gex, vous rencontrez par hasard
notre cher inspecteur Ernest Puppa. Ne lui
dévoilez
jamais la finalité de cette intrigue, au contraire, saluez le bien bas et
s’il vous plait, accordez-lui la pitié de votre silence.
M'sieur Viagex
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