Excès de mémoire l'épilogue

C’est dans un silence que l’on pourrait qualifier d’inquisiteur que Puppa réintégra la pièce où le meurtre avait été perpétré. Tous les protagonistes l’interrogèrent immédiatement du regard. Purbon résigné à l’idée de découvrir ce que son compère allait dévoiler avait déjà libéré les poignets de Léon.

Ernest se dirigea directement vers son infortuné ami.

Trudy avait essayé vainement d’accrocher son regard. Puis, soudain, une expression d’effroi submergea son visage. L’objet que Puppa portait enserré dans sa main venait de lui faire comprendre que son acte funeste avait été démasqué. Elle recula de quelques pas, elle voulait s’enfuir, éviter le regard accusateur de l’homme qu’elle aurait voulu conquérir. Comment pourrait-elle lui dire qu’elle avait fait ça pour lui, pour qu’ils s’aiment à jamais. Que cette solution radicale n’avait qu’un but, leur amour. Sur ces jambes chancelantes elle constatait impuissante la clairvoyance de cet être convoité.

Puppa brancha l’appareil qui dans un chuchotement commença à délivrer sa chaleur.

« Tu fais quoi avec ce sèche cheveux ? » Demanda Purbon.

Ernest approcha le souffle vers la sculpture métallique. Sans le moindre bruit la barre de fer commença à se déplier devant les yeux médusés de l’audience. Seul Trudy comprenait l’événement qui se produisait lentement. Après quelques courtes minutes la gorge du cadavre fut complètement dégagée de son étau.

Puppa prit l’objet métallique dans sa main et regardant Trudy droit dans les yeux, il murmura.

« Mémoire de forme… »

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« Quand te décideras-tu à changer ta bagnole ? » Demanda Purbon.

Accrocher au siège de la voiture, le pauvre homme suivait d’un regard terrifié les sinuosités de la route qui descendait en direction de Gex. Les freins de la voiture d’Ernest avaient bien du mal à remplir leurs offices et le boîtier de vitesse réagissait vivement aux sollicitations du conducteur. Malgré les vives émotions qui ne pouvaient que submerger l’esprit de notre passager, la curiosité lui permit quelques instant de repos. Il demanda à son compère :

« Mais comment savais-tu pour la sculpture ?

-Et bien voilà, Trudy me l’a présentée sous le nom de " Shape memory " et ceci a provoqué le déclique évidant de la solution. En effet il existe un métal de la catégorie dite à transformation martensitique qui possède des formes différentes suivant la température où il se trouve. Dans notre cas, vers vingt cinq degrés il restait droit comme un I mais dessinait une boucle quand il faisait plus froid. J’ai déjà observé ce phénomène dans le parc d’un musée d’art moderne. Notre artiste le connaissait également parfaitement bien et l'a utilisé   pour tuer son mari.

Après un bref instant de silence, il continua : 

-Après l’avoir assommé, elle à ouvert la fenêtre et le changement de température a fait la sale besogne, faisant croire à tous que seul un homme d’une force peu commune avait réalisé le travail. Ainsi elle se débarrassait d’un mari encombrant et d’un amant trop envahissant… »

Puis Puppa cessa l’explication. Il venait de considérer un détail qui lui glaçait le dos…

Sa voiture fit une embardée…

De justesse, il évita l’accident…

Il devait tout oublier.

Retour sur les Polars Gessiens