L'extra terrestre avait des cornes (épilogue) |
L’inspecteur Purbon semblait vexé. Il restait sans rien dire, assis à côté de Puppa qui conduisait son bolide à plus de soixante-dix à l’heure. Pour Ernest, cette vitesse qui pour la plupart des gens serait considérée comme celle d’un escargot, était pour lui synonyme d’une allure de sportif. Pourquoi cet excès dans son comportement ? Et bien, tout simplement parce qu’il venait de résoudre une affaire criminelle de plus. Avec il faut le préciser, un brio, une limpidité d’esprit qui avait laissé son collègue pantois, ridicule, à la vue de ses supérieurs. Pourtant ce n’était pas la première fois que cela arrivait. Purbon se remémorait les nombreuses affaires que son génie de collègue avait démêlées, alors que lui surnageait dans des hypothèses douteuses. Cette fois il se sentait particulièrement vexé d’avoir cru
en cette histoire surnaturelle, ce subterfuge sur la venue hypothétique
d’habitants d’un autre monde. « C’est la faute à pas de chance ; l’extraterrestre est passé au mauvais moment, un point c’est tout ! Ernest, avait éclaté de rire et aussitôt répliqué : -Ton extraterrestre ! Il a des cornes ! » Il est vrai que madame Embudin s’était évanouie à l’annonce du décès et paraît-il qu’à l’hôpital, elle était sous antidépresseur. Mais surtout, Puppa avait immédiatement tout compris et avait déduit l’état de la pauvre dame comme étant le résultat du mobile de ce crime imparfait… Puppa avait bien compris l’origine du mutisme de Purbon qui, à l’habitude, était trop bavard. Il sentait qu’il fallait qu’il le soulage de son tourment. Il se décida à lui raconter le cheminement de son enquête, un peu comme une excuse. En fait, il voulait lui faire croire que ceci n’était que le fait d’un heureux hasard. « Tu vois ! commença-t-il, je suis un grand amateur de musique classique et tu sais comme j’aime vérifier les choses, toutes sortes de choses. Un jour j’avais lu un Tintin, « Les bijoux de la Castafiore » ; la bonne dame, ajouta-t-il en riant, cassait des verres et les oreilles de tout le monde. Et bien moi je me suis demandé si en montant le son et en adaptant la bonne fréquence de ma radio, je pouvais casser un verre. J’ai fait des tas d’essais sans succès. Oh ! si, j’ai irrité quelque peu mes voisins qui me l’ont d’ailleurs fait savoir par des coups de balai répétés sur leur plafond. En fait ! enchaîna-t-il, ce tour de force, monsieur Embudin l’a réalisé. Il avait réglé le support de chaque vitre de telle façon que sa fréquence de résonance soit adaptée à quelque chose comme vingt-deux mille Hertz. Purbon le regardait avec de grands yeux ébahis. -C’est quoi ça vingt-deux mille Hertz ? demanda-t-il. -Et bien, quand tu parles, tu fais vibrer l’air autour de toi et c’est ce mouvement que l’on entend. Monsieur Embudin a fait vibrer l’air grâce à sa chaîne Hifi qui a diffusé une fréquence que l’homme ne peut pas entendre et qui était accordée sur celle des carreaux. Soumis à ce tremblement toutes les vitres se sont brisées tuant son rival ! Puppa fit une moue admirative puis continua : -S’il n’avait pas fait croire à cette histoire d’extra terrestre quelques jours avant son meurtre, je n’aurai certainement rien pigé. En fait, c’est cet alibi qui m’a mis la puce à l’oreille et qui m’a fait comprendre pourquoi les chiens aboyaient. Les pauvres, eux, n’ont aucune peine à entendre les ultrasons. Il se concentra sur l’enchaînement de deux virages et poursuivit son allocution. -Puis, il a déposé du cristal de roche aux emplacements des pieds du soi-disant vaisseau spatial. Ce même cristal qui provenait de la géode mexicaine qu’il exposait dans son salon ! Il explosa de rire devant la naïveté de l’assassin. Il se tut un moment, puis ajouta. -Les gens sont d’une stupidité vraiment incroyable ! Purbon s’enfonça un peu plus dans son siège, humilié cette affirmation. Il hocha tout de même de la tête, se racla doucement la gorge et répondit : -Oui ! Vraiment très stupides ! »
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