L'instit était poète

Ernest Puppa tenait dans sa main une liasse de feuillets.

« Regarde ce que j'ai imprimé ! S'exclama t'il.

Purbon regarda avec étonnement les pages que lui tendait son collègue.

-Mais, qu'est ce que c'est que ça ?

Les trente feuilles étaient recouvertes de signes cabalistiques des plus étranges. 

-Encore une de tes idées bizarres, explique-moi !

Puppa reprit les pages, les feuilleta minutieusement arborant un sourire où toute son intelligence hors du commun semblait éclabousser son ami policier. 

-Je me demande qui est ce Jacques Rémin ? S'interrogea notre brillant inspecteur.

-De qui parles-tu ?

Puppa fit mine de ne pas entendre la question et se dirigea en direction de son bureau.

-Pas si vite, vas-tu me dire ce que tu as trouvé ou veux-tu encore me fâcher ! Grommela Purbon.

Puppa se retourna en rigolant.

-J'adore te faire mijoter, mon ami ! Puis, enfin, il commença ses explications.

-Tu vois ! J'aime bien me servir de mon ordinateur et faire des essais en transférant mes fichiers d'un programme à l'autre. Un jour par erreur j'ai ouvert un fichier "Word" en utilisant "Notepad", tu sais c'est un petit programme qui fait parti de Windows et que tout le monde possède!
A ma grande surprise mon fichier d'écrits s'était transformé en caractères étranges et incompréhensibles. Mon copain Jan, un informaticien génial, m'expliqua alors, que "Word" créait un fichier codé en binaire alors que ce n'était pas le cas de "Notepad". Ce programme avait donc converti le fichier du langage binaire en signes équivalents bizarres. Par contre ce qui m'a semblé intéressant c'est qu'à la fin de cette succession de  symboles hétéroclites on voyait clairement écrit le nom du propriétaire du programme qui avait servi à taper le texte ainsi qu'un numéro d'identification.
J'ai donc pensé faire une comparaison entre quelques fichiers de notre regretté instituteur et celui de cette fameuse missive suicidaire. Ceci, bien entendu, en utilisant la méthode que je viens de t'expliquer. Et bien regarde. A la fin de la missive suspecte, on ne voit pas, contrairement aux autres, apparaître le nom de Puremon,  mais celui de Rémin. Remarque également le numéro de série, il y est totalement différent. La preuve est donc faite que le poème de trépas a été écrit sur un autre ordinateur qui possédait son propre traitement de texte. L'assassin a ensuite réussi à introduire ce fichier dans le computer de l'instit et a utilisé son imprimante pour en faire une copie, croyant ainsi avoir créé un alibi parfait...

Quelques temps plus tard, devant cette évidence flagrante, Jacques Rémin fut inculpé et écroué pour l'assassinat de son cousin. Deux ans plus tard il se donna la mort dans la petite cellule où il devait croupire pour le restant de ses jours.

Dans sa poche un petit mot griffonné à la hâte.

En fait un petit pamphlet.

Son titre "J'ai mis fin à ma peine".

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