Le myope www.viagex.com
Leri
Marcel Gex
le 08/09/2003 Le myope Et bien oui ! Je suis myope, vous savez l’une de ces bonnes myopies qui vous laisse sans vos lunettes dans un brouillard digne du smog londonien. Ce jour maudit arriva où suite à
une bénigne altercation avec ma chère et tendre épouse, elle me décocha
l’une de ses manchettes d’une technique irréprochable qui brisa
l’un des verres de ma paire de lunettes. Je me pointais donc chez mon opticien qui comprit immédiatement le besoin qui faisait acte de ma présence. « Une demi-heure d’attente ! »
M’affirma t’il. « Je cous conseille de rester tranquillement assis pendant la réparation ! » Faisant fi de sa mise en garde je partis tout de go en direction de la grande surface avec entre mes doigts la fameuse liste d’emplettes qu’il me fallait absolument acquérir. A cause de l’aventure épique et mal venue qui s’en suivie, je me permets dès aujourd’hui de vous préconiser ce judicieux conseil : « Si vous êtes affublé
d’une myopie appréciable. Evitez absolument de faire ce type
d’ineptie ! » Je me retrouvais au milieu d’un immense hall qui je le savais d’expérience m’emmènerait tout droit sur le lieu regroupant mes futurs achats. Une multitude d’ectoplasmes aux allures ondoyantes défilaient devant ma progression mal assurée. Soudainement, une voix qui me semblait familière, m’apostropha : « Marcel, ce que tu es beau sans lunettes ! » Dans le but de distinguer avec plus
de clarté le visage qui se trouvait en face de moi, je fis le pas qui
me fut fatal. « Ah, c’est toi Ghislaine, Quelle coïncidence ! » J’essayais par ses mots de retrouver ma composition. A cet instant deux commentaires de passage sifflèrent à mes oreilles : « Et dire qu’il est marié avec trois enfants ! -Oui, vraiment dégouttant, moi qui le croyais sérieux ! » Je ne compris pas à l’instant l’importance de ces propos qui en fait m’étaient destinés ! Dans le but de me défaire de ma déplaisante rencontre, je formulais ces quelques habiles affirmations : « J’suis pressé, faut
qu’j’me sauve ! » Puis je réalisais l’incroyable performance de me rendre dans le super-marché et effectuais avec difficulté les achats que m’avais ordonné ma femme. Le nez appuyé sur la petite note qu’elle m’avait confiée, je collectais dans les rayons son parfum « douce Vénus », ses cotons démaquillant et sa crème de beauté favorite. Puis mon devoir laborieusement terminé, me frottant le front qui connaissait maintenant tous les piliers du bâtiment, je récupérai mes lunettes et soulagé par le réconfort d’avoir retrouvé la limpidité de ma vision, je rejoignais avec soulagement mon bercail... Tout se passa bien jusqu’à
ce que mon épouse ouvre le sac que je lui ramenais joyeusement.
J’avais tout d’abord pensé que d’avoir obtempéré à sa requête
lui permettrait de retrouver une certaine indulgence à mon égard et me
ferait pardonner l’anodine altercation. Du « Canard wc » à la place de son parfum préféré, du « Scotch-Bright » à la place de ses cotons démaquillant et du « récurant de plomberie » en guise de crème de beauté. La réaction fut immédiate ! Je vous laisse imaginer le passage à tabac qui s’en suivit, avec, pour ma seule consolation le réflexe de cacher mes bésicles avant le commencement de la ratonnade. Cette punition était bienvenue et méritée, je le conçois ! Mais, j’estime que l’épisode qui se déroula le lendemain au bureau est dans sa totalité absolument inique. J’arrivais donc sur mon lieu de travail, tout tranquillement, avec comme à l’habitude dix bonnes minutes d’avance sur l’horaire. Mon dos suite à la dispute me faisait encore un peu souffrir, il en était de même pour mon visage tuméfié et mes bras bleuis par les coups répétés de ma tendre compagne. A peine assis devant le calme de mon bureau. Ghislaine apparue soudainement et se jeta sur moi en criant : « Mon chéri, mon amour ce que tu m’as manquée ! » Furieux de recevoir cette affection qui me répugnait, je l’envoyais balader en utilisant un langage et une rudesse qui ne faisait point parti de mon accoutumance. Pour mon plus grand bonheur, la donzelle n’insista pas et s’enfuit en courant. Les deux dames qui travaillaient avec moi et qui avaient aperçu dans le magasin l’involontaire embrassade constatèrent le résultat de ma rudesse avec Ghislaine. (La pauvre pleurait à chaudes larmes.) Elles répandirent aussitôt et avec allégresse des fadaises concernant mon prétendu comportement d’infâme séducteur et ajoutèrent même, que j’étais affublé d’un machisme vil et indélicat. Depuis, je suis mis à l’indexe par tous mes collègues de l’étage. Voici, cher monsieur Viagex, l’aboutissement de ma considération cabocharde devant les conseils cartésiens d’un ophtalmologiste... |