Voici une lettre sympa d'un lecteur assidu de Viagex

Gex le 12/11/2000

Cher monsieur Viagex

La gorge sèche, le visage ne pouvant vraiment cacher l'anxiété qui m'animait, j'entrais sans un bruit dans la salle d'attente. Eh bien oui ! J'étais affublé d'un terrible mal de dent qui me faisait terriblement souffrir depuis plusieurs semaines. Mon aversion pour les soins dentaires m'avait fait reculer la date d'échéance qui entraînerait ma guérison. La petite pièce où j'étais maintenant assis avait quelques relents de formol. Un sifflement suivit de quelques cris, que je pourrai même qualifier de hurlements, m'engloutirent un peu plus dans la terreur qui m'animait.

« Je reste, je reste pas ! »

Décidé, je me hâtai vers la sortie quand soudain j'entendis dans mon dos une voix forte qui m'était inconnue :

« Alors on a mal à ses petites quenottes ! 

Un homme d'une soixantaine d'années se tenait maintenant à côté de moi. La goutte au nez, il me toisait d'un regard amusé :

-Docteur Rébuon ! Je suis le remplaçant du Docteur Martial ! Dit-il d'un ton éraillé. Excusez-moi, mais, nom de bleu ! J'ai une crève du diable, ajouta t’il en éternuant.

Je le suivis à pas lents et entrai dans son cabinet. Une brave dame à quatre pattes sur le sol essuyait un liquide rougeâtre qui semblait avoir giclé tout autour de l'endroit.

-Quelques traces de sang à nettoyer et le siège est à vous ! Articula la femme de ménage.

La place fut effectivement mise rapidement à ma disposition.

Allongé, les bras en croix j'attendais que le docteur veuille bien s'occuper de moi. Le nom de ce dentiste ne m'était pas inconnu. Je me souvenais de cette conversation que j'avais eue avec un ami, il l'avait affublé d'un  drôle de nom, Monsieur Oups. Mais, au moment de m'expliquer le pourquoi de ce nom, sa femme nous avait coupé la conversation et le renseignement était resté aux oubliettes.

-Alors mon brave! Commenta mon bourreau. Ouvrez bien grand la bouche. Puis il enfila deux doigts nauséabonds dans mon orifice béant. Il prit dans sa main un long objet métallique pointu et s'amusa à le promener dans chaque interstice qu'il apercevait. Une violente douleur traversa mon corps, partant de la pointe de mes cheveux jusqu'à l'extrêmité de mes doigts de pieds et de mains. Je manifestais ma désapprobation par un violent coup de poing qu'il reçut, je vous laisse deviner où. Le souffle coupé il murmura.

-Oups! J'ai trouvé la mauvaise dent!

Quelques minutes lui furent nécessaires pour reprendre la composition qu'il avait si subitement perdue. D'énormes cotons reposèrent bientôt sur mes gencives.

-Je vais vous faire une petite piqûre, vous ne souffrirez plus!

Sa main tremblante porta la seringue dans ma bouche. Voyant mon étonnement occasionné par son geste mal assuré, il ajouta en remuant son bras.

-Début de Parkinson!

Pour une piqûre, c'était une piqûre. Après quelques minutes mes yeux ne réagissaient plus et ma jambe gauche ne réussissait plus à se mouvoir.

-Oups ! J'ai peut-être un peu forcé sur la dose! Expliqua-t-il.

Penché sur moi, il regardait avec minutie la façon d'attaquer la carie. Soudain, il éternua, un liquide de couleur jaunâtre quitta son nez à une vitesse subsonique, s'engouffra dans ma bouche ouverte et descendit directement dans mes entrailles.

-Oups ! Y'a pas de mal ! Annonça-t-il, je prends des antibiotiques.

Je ne compris pas réellement le rapport entre son action et sa justification, et je pris sur moi cet acte répugnant.

Le supplice commença. Des craquements sinistres, des gargouillis indescriptibles, des grésillements lugubres animèrent joyeusement la séance. Puis il regarda sa montre et je l'entendis murmurer.

-Merde, je vais manquer "Les feux de l'amour".

La séance qui semblait s'éterniser, s'écourta subitement. Un gros plâtra emplissait maintenant l'une de mes molaires, m'interdisant de fermer correctement la bouche.

-Ca fera bien jusqu'à la prochaine séance! Me précisa-t-il en me tirant de mon fauteuil.

Pouvant avec peine tenir sur mes pauvres jambes engourdies, je sortais de ma poche, aidé de mon seul bras droit, deux billets où apparaissait le chiffre deux cents.

-Trois cents francs, s'il vous plaît s'empressa-t-il d'ajouter en m'arrachant mon bien des mains et en me poussant sans autre "forme de procès" en direction de la sortie. La porte se referma à double tours derrière moi après un dernier conseil.

-Prenez un rendez-vous la semaine prochaine!

La jolie musique du feuilleton bien connu emplit bientôt la petite maisonnée.

Je me traînais malgré tout jusqu'à sa fenêtre, tapais par trois fois sur ses carreaux, pour l'entendre dire d'un ton malveillant.

-Quoi encore !

J'osais un :

-Combien de temps allez-vous relayer Docteur Martial ?

-Jusqu'à fin octobre ! Gueula-t-il agacé.

Tout en rampant en direction de ma demeure, je pensais que l'automne ne venait que de commencer. Soudain une étrange idée vint à moi.

Pour une mystérieuse raison, je décidais d'une façon inopinée de vouloir souffrir de mes maxillaires jusqu'au mois de novembre...

A bientôt Monsieur Viagex

Emile

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