Il y a quelques mois de cela,
avec mon groupe de body
combat, nous nous étions retrouvés pour manger
une pizza. L’ambiance était
excellente et nous avions bu plus que raison…
Meriem arborant un t-shirt avec la photo de son ayatollah
préféré, nous
montrait son verre d’eau essayant ainsi de nous enseigner les
justes préceptes.
Dominique fredonnait « Goodbye Marylou » devant
Juliette qui imitait Popeye.
Phil parlait en Chinois à Chantal, qui bien
qu’elle ne comprenne pas un mot de
ses propos, en femme soumise et amoureuse, elle riait à
gorge
déployée.
Catherine le regard vide se demandait pourquoi elle
s’était assise devant Venu
qui la bassinait encore et encore, avec la description des volumes
importants
de sa dernière conquête. Rolph arrosait sa pizza
à son goût trop fade avec une
sauce malodorante qui provenait de son restaurant
préféré. Aurélie se
demandait
si elle pourrait assouvir son envie de fraises et, moi-même,
j’écoutais
attentivement Olga qui m’enseignait la recette
préférée des enfants Russe ( la
pomme de terre à la vodka, farcie à la feuille de
choux).
Quand, tout à coup, Meriem entonna de toutes ses forces :
« Pierre tu es le meilleur body combattant au monde !
»
Un peu surpris qu’elle affirme si soudainement cette
évidence, je clignai des
yeux en forme d’acquiescement. Puis, ce fut le tour de chaque
personne de notre
tablée d’attester de cette Lapalissade.
Pourtant, un quidam resta muet, le regard bas, les poings
serrés sur ses genoux
crispés
Venu ruminait son mécontentement…
Alors, il se dit qu’il fallait prouver que
c’était lui le meilleur,
l’apôtre du body combat. Le Dieu des extensions
difficiles, le monarque du coup
de pied.
Pour arriver à ses fins, dès le jour suivant, il
acheta le dvd de la routine
sportive qui nous serait présentée dans un
mois…
Jours et nuits il s’entraina, rivé
devant son petit écran en imitant de
la plus exhaustive manière tous les gestes qui lui
étaient présentés. ..
Enfin le mardi soir, de son grand jour arriva.
Je débarquais ce soir-là, comme
à l’habitude, certain de mon
hégémonie flagrante, et, dans les
vestiaires, je saluais Venu d’un
sourire.
Il me dit :
« Alors t’es en forme ce soir ! »
Je lui lançai un regard interrogatif en réponse
à cette question à la réponse
triviale.
Bardé de mon bandeau, mon t-shirt de vacances, mon
short trop large, mes
chaussettes dépareillées et mes chaussures que
Mathusalem avaient connus, je me
dirigeai vers la salle de cours sous les regards admiratifs de
quelques
demoiselles. Regards qui n’avaient rien à voir
avec mon apparence mais qui
était la juste vénération
d’un adonis du body combat.
En passant, je dis un petit bonjour à ma copine fan
exclusive du stepper qui me
confia être un peu fatiguée car elle
n’avait pas suffisamment mangé avant de
venir.
Devant la salle, notre petit groupe attendait et
tout semblait
normal. Dominique, la joue gauche posée sur le sol, la main
droite écrasée sur
le front et le pied droit planté derrière sa
nuque se préparait à nous apporter
ce nouvel enseignement. Catherine, lui massait l’omoplate
gauche, Olga, dans un
état second, récitait des vers de Marx, Meriem se
lavait les pieds dans une
bassine et se permettait quelques ablutions.
Pourtant ! Oui, pourtant ! Je ressenti un certain
malaise parmi
cette sympathique assemblée ! Une étrange
impression que quelque chose ne
tournait pas rond. Une anxiété profonde me
compressa les entrailles…
En me voyant arriver, Chantal se précipita vers
moi en disant :
« Pierre, nous avons un très, très gros
problème ! »
Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que je compris
la difficulté.
Rolph arriva, apportant une boite en carton marquée
Café Vaudois, à l’intérieur
on pouvait apercevoir une multitude de petits gâteaux aux
couleurs étranges et
au fumet peu délicat.
Il nous dit :
« Mes amis je vous ai amené de petites friandises
pour fêter mon deuxième
anniversaire ! »
« Quel anniversaire ? » Demandai-je.
« Celui qui célèbre la
première fois où mes yeux ont croisé
ceux de Nadia ! »
Alors il fallut réfléchir très vite.
Dominique argumenta qu’il ne mangeait jamais avant un cours.
Catherine en prit un puis disparue immédiatement dans les
toilettes pour en
ressortir deux secondes plus tard, les mains vides et la mine
réjouie.
Meriem fut navrée de refuser, mais elle ne mangeait que des
gâteaux hallal.
Aurélie fut prise de nausée que Rolph crut
provenir de son état de femme
enceinte.
Chantal en prit deux et ajouta :
« Je les donnerai à Phil, je pense que
ça calmera ses ardeurs qui sont
dernièrement un peu trop encombrantes ! »
Olga refusa de toucher à une nourriture riche, signe d'un
capitalisme éhonté et
sortit de son sac un morceau de pain sec arrosé de vodka,
qu’elle engloutit
avec délectation.
Moi-même esthète de la bienséance, ne
voulant blesser notre ami, je pris deux
petites pâtisseries qui me collèrent aux doigts et
dès que Rolph eut le dos
tourné, je les offris à mon amie adepte du
stepper, qui toute contente, calma
ainsi sa faim.
Le cours allait commencer.
Venu, dernier arrivé, ne sachant pas qui était le
donateur des friandises
laissées devant l’entrée de la salle en
avala une, question de donner encore
plus de force à sa prochaine démonstration.
Son exemple fut d’ailleurs suivit par de nombreuses personnes
qui passaient
dans cette encoignure de la pièce…
Une nouvelle musique résonna à nos oreilles. Venu
planté devant nous tous,
commença par faire une démonstration parfaite de
la maîtrise de cette nouvelle
routine. Même Dominique sembla étonné
du brio avec lequel il enchaînait les
nouveaux mouvements.
Après une dizaine de minutes de parfaites
démonstrations, je pus apercevoir à
travers la baie vitrée de notre salle, une vive agitation.
Mon amie « fan du
stepper », les mains collées au ventre, se tordait
de douleur. Puis cinq
minutes plus tard les pompiers arrivèrent pour aider la
multitude d’individus
qui vomissaient leurs entrailles.
C’est à ce moment-là que la routine
enchaînée par Venu commença
à
prendre une
tournure bizarre. Les fesses serrées, le visage
blême, il s’essayait à des
kicks qu’il accompagnait de pets nauséabonds. Puis
il dû s’enfuir à toute
vitesse pour rejoindre les latrines.
Je pris donc sa place, qui me revenait de droit.
A la fin du cours, tout le monde rejoint les vestiaires, tout en
évitant les
flaques glissantes et grumeleuses qui souillaient le sol. Venu livide
et épuisé
sortit des toilettes.
Rolph apercevant sa boite vide dit, tout heureux de ce
succès, qu’il en
ramènerait une autre la semaine prochaine !
En entendant cela notre pauvre Venu défaillit…
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