Au
revoir Sa
silhouette d'une esthétique
irréprochable
s'éloigna
inexorablement
de mon regard. Je
ne pus qu'une dernière
fois admirer ses épaules
musclées
qui chaloupaient en
cadence au rythme de ses hanches. Au
loin, je le vis se retourner dans ma
direction, et, lentement, en signe d'adieu, sa main disposée
en forme de cuillère
pointa de ses
doigts l'angle de son sourcil droit. Il
disparut en me laissant simplement son
image à
tout jamais gravé
dans les nimbes de
mon souvenir. Les
yeux embrumés
de larmes, j'imitai
son ultime signe en forme de réponse,
puis, dans un dernier sanglot, murmurai ces quelques mots
bardés
d'admirations : "Salut à
toi l'artiste." Venu
notre beau séducteur,
l'étalon
des Avanchets
comme j'aimais le surnommer, venait de tirer sa révérence
au Body combat.
La défection
de notre bon
gourou Dominique avait achevée
toutes les velléités
qu'il affectionnait
dans ce sport favori. Je
ne pus m'empêcher
de repenser à
ces glorieuses années
où,
ensemble, nous nous
dépensions
sans compter
pour atteindre cette perfection du geste et de la posture que tous body
combattants assidus veulent atteindre. On
était
mardi soir et c'était
l'heure de mon cour. Devant
la salle de body combat, comme
vous pouvez l'imaginer, l'ambiance était
plutôt
morose. La
carence de Venu avait répandu
parmi nous une
neurasthénie
extrême. Rolph,
assis, les yeux dans le vague,
mangeait sans faim une friandise du café
Vaudois. Une cohorte de mouche attirée
par l'odeur
abominable de sa gâterie,
suivait en alternance le chemin qui la menait de son
assiette à
sa bouche. Meriem
sous sa burka répétait
: -Trop
ouf j'le kiffait grave ce keuf! Anne-Marie,
triste, la tête
serrée
dans une minerve,
sans le moindre entrain claquait des dents suivant les préceptes
récemment
appris de la
danse des castagnettes. Catherine
cachant son visage derrière
un mouchoir osa les
premiers mots gentils de son existence : -Cathy
aime Venu! Chantal
qui pour la première
fois de la semaine
s'était
arrêtée
de courir, restait
assise abattue à
côté
de son Phil qui
malicieusement profita de sa prostration pour lui enfiler dans la
bouche un
morceau de nem gras qu'il tenait fermement entre ses petits doigts
boudinés. Olga
m'avoua que plus rien ne la retenait
ici et qu'elle avait l'intention de retourner en Sibérie
pour retrouver des
camarades Bolcheviques qui restauraient un Mausolée
à
la gloire du camarade
Lénine. Gaby
grattait de son large couteau, son
tatouage du portrait de Venu qu'elle avait depuis longtemps
gravé sur sa jambe
: -Y'a
que comme ça
que je réussirai
à
l'oublier! Me
dit-elle. Puis,
arriva une magnifique jeune femme
au physique avenant. Elle
se dirigea vers moi en déclarant
: -Je
suis Julie. C'est moi votre nouvelle
prof de body combat! Sa
beauté
me fit rougir. Rolph
releva subitement la tête,
son visage s'éclaira
d'un large
sourire et chose extraordinaire il abandonna le reste de son gâteau
dans la
corbeille. La
préposée
de la salle se précipita
immédiatement
vers la poubelle, et tout en se bouchant le nez retira
le sac en grommelant "vite, à
l'incinérateur!" Soudainement un adonis sculptural se
pointa parmi nous. Julie
précisa
: -voici
Julien, Il enseignera à
mes côté! Alors
se fut au tour de toutes les dames
et demoiselles de frétiller
de bonheur. Et
je compris l'impensable. Tous
avaient oublié
la désertion
de notre Venu
en succombant en un instant aux appels du charme et de la beauté. Alors,
je me sentis seul! Seul, à
regretter la présence
de notre ami le
séducteur
et je me mis à
culpabilisé
sur toutes les méchancetés
que j'avais raconté
à
son sujet dans
l'ensemble de mes histoires. Moi,
abjecte personnage, je l'avais
descendu plus bas que terre au lieu de l'afficher par évidence
dans le seul
lieu digne de le recevoir. "L'éden!" Des cris de demoiselles
effarouchées
me sortirent de mon
angoisse. Au
beau milieu de la salle, à
la vue de tous, un
grand gaillard dans les prémisses
de la cinquantaine, au crâne
dégarni,
au teint basané
et aux mains curieuses, reluquait les atours de la gente féminine
en essayant
sans la moindre gêne
de tâter
en vain leurs parties charnues. -C'est
un nouvel élève
me confia Julie
hilare, il s'appelle Ganesh, il vient tout juste d'arriver de Bombay. Alors
ce fut à
mon tour d'éclairer
mon minois
d'un large sourire, je me mis à
frotter les mains l'une contre l'autre en pensant : "je sens
que je vais bien m'amuser..." |