Tweet 08/07/2013 Au revoir

Au revoir

 

Sa silhouette d'une esthétique irréprochable s'éloigna inexorablement de mon regard.

Je ne pus qu'une dernière fois admirer ses épaules musclées qui chaloupaient en cadence au rythme de ses hanches.

Au loin, je le vis se retourner dans ma direction, et, lentement, en signe d'adieu, sa main disposée en forme de cuillère pointa de ses doigts l'angle de son sourcil droit.

Il disparut en me laissant simplement son image à tout jamais gravé dans les nimbes de mon souvenir.

Les yeux embrumés de larmes, j'imitai son ultime signe en forme de réponse, puis, dans un dernier sanglot, murmurai ces quelques mots bardés d'admirations :

 "Salut à toi l'artiste."

 

Venu notre beau séducteur, l'étalon des Avanchets comme j'aimais le surnommer, venait de tirer sa révérence au Body combat. La défection de notre bon gourou Dominique avait achevée toutes les velléités qu'il affectionnait dans ce sport favori.

 

Je ne pus m'empêcher de repenser à ces glorieuses années où, ensemble, nous nous dépensions sans compter pour atteindre cette perfection du geste et de la posture que tous body combattants assidus veulent atteindre.

 

On était mardi soir et c'était l'heure de mon cour.

 

Devant la salle de body combat, comme vous pouvez l'imaginer, l'ambiance était plutôt morose.

La carence de Venu avait répandu parmi nous une neurasthénie extrême.

 

Rolph, assis, les yeux dans le vague, mangeait sans faim une friandise du café Vaudois. Une cohorte de mouche attirée par l'odeur abominable de sa gâterie, suivait en alternance le chemin qui la menait de son assiette à sa bouche.

 

Meriem sous sa burka répétait :

-Trop ouf j'le kiffait grave ce keuf!

 

Anne-Marie, triste, la tête serrée dans une minerve, sans le moindre entrain claquait des dents suivant les préceptes récemment appris de la danse des castagnettes.

 

Catherine cachant son visage derrière un mouchoir osa les premiers mots gentils de son existence :

-Cathy aime Venu!

 

Chantal qui pour la première fois de la semaine s'était arrêtée de courir, restait assise abattue à côté de son Phil qui malicieusement profita de sa prostration pour lui enfiler dans la bouche un morceau de nem gras qu'il tenait fermement entre ses petits doigts boudinés.

 

Olga m'avoua que plus rien ne la retenait ici et qu'elle avait l'intention de retourner en Sibérie pour retrouver des camarades Bolcheviques qui restauraient un Mausolée à la gloire du camarade Lénine.

 

Gaby grattait de son large couteau, son tatouage du portrait de Venu qu'elle avait depuis longtemps gravé sur sa jambe :

-Y'a que comme ça que je réussirai à l'oublier! Me dit-elle.

 

Puis, arriva une magnifique jeune femme au physique avenant.

Elle se dirigea vers moi en déclarant :

-Je suis Julie. C'est moi votre nouvelle prof de body combat!

 

Sa beauté me fit rougir.

 

Rolph releva subitement la tête, son visage s'éclaira d'un large sourire et chose extraordinaire il abandonna le reste de son gâteau dans la corbeille.

La préposée de la salle se précipita immédiatement vers la poubelle, et tout en se bouchant le nez retira le sac en grommelant "vite, à l'incinérateur!"

 

Soudainement  un adonis sculptural se pointa parmi nous.

Julie précisa :

-voici Julien, Il enseignera à mes côté!

 

Alors se fut au tour de toutes les dames et demoiselles de frétiller de bonheur.

 

Et je compris l'impensable.

 

Tous avaient oublié la désertion de notre Venu en succombant en un instant aux appels du charme et de la beauté.

 

Alors, je me sentis seul! Seul, à regretter la présence de notre ami le séducteur et je me

 mis à culpabilisé sur toutes les méchancetés que j'avais raconté à son sujet dans l'ensemble de mes histoires.

Moi, abjecte personnage, je l'avais descendu plus bas que terre au lieu de l'afficher par évidence dans le seul lieu digne de le recevoir. "L'éden!"

 

 Des cris de demoiselles effarouchées me sortirent de mon angoisse.

Au beau milieu de la salle, à la vue de tous, un grand gaillard dans les prémisses de la cinquantaine, au crâne dégarni, au teint basané et aux mains curieuses, reluquait les atours de la gente féminine en essayant sans la moindre gêne de tâter en vain leurs parties charnues.

 

-C'est un nouvel élève me confia Julie hilare, il s'appelle Ganesh, il vient tout juste d'arriver de Bombay.

 

Alors ce fut à mon tour d'éclairer mon minois d'un large sourire, je me mis à frotter les mains l'une contre l'autre en pensant : "je sens que je vais bien m'amuser..."






 


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