Ce matin, Venu s’était réveillé d’excellente humeur. Il se sentait séduisant, admirable, irrésistible, séducteur. Il se regarda longuement dans la glace, reluquant sa plastique qu’il trouva parfaite. « Aujourd’hui, se répéta-t-il avec un certain contentement, je vais faire un carton ! » Effectivement arrivé à son lieu de travail, toutes ses collègues le regardaient avec des yeux emplis d’envies et d’émerveillement. Même sa chef, qui ne lui prêtait d’habitude peu d’attention lui demanda s’il aimerait aller boire un verre avec elle un de ces soirs. On était mardi et comme vous le savez tous, c'était le jour du body combat. Vers 19h15 je le retrouvai dans les vestiaires. Il me jeta un regard condescendant, démontrant ainsi son état de Don Juan que personne ne pouvait égaler. Nous sortîmes ensemble et tout en marchant en direction de la salle, jetant un regard à ses pieds je lui fis la remarque que ses chaussettes n’étaient pas correctements appairées. Rien de bien grave, deux stries étaient d’une couleur légèrement différente. Venu soudainement pâlit, gloussa sa salive trop abondante et se demanda pendant quelques secondes s’il devait assister au cours. S’était un peu tard, Dominique « Marylou » accroché à ses lèvres s’arrêta de chanter pour lui susurrer qu’aujourd’hui il allait nous enseigner une nouvelle routine et qu’il était heureux que tout le monde soit là. Au beau milieu de la salle notre bel ami se sentait ridicule, la dissymétrie de ses socquettes qu’en fait, personne n’avait remarquée lui semblait insupportable. Le cours débuta. Notre bien aimé gourou s’étira sur le côté en glissant la main le long de l’une de ses jambes. Il commenta : Le but est de toucher votre chaussette gauche ! Venu eut une grimace d’horreur, tout le monde allait voir son abomination. Et ce qui devait arriver arriva. Olga qui se tenait juste derrière lui murmura : -Camarade Venu, fais-tu parti de la basse classe prolétarienne pour ne pas pouvoir te payer deux chaussettes identiques ? Venu bafouilla une explication à voix basse. Meriem connue pour son oreille très fine l’invectiva : -Z’y va trop la honte ce keuf, trop zarbi cette façon de s’habiller, c’est relou tè un pauvre ! Rolph qui a le cœur sur la main, pour l’aider financièrement, lui proposa de partager son repas du soir. Aurélie ajouta qu’elle avait préparé des biberons d’avance, mais comme le petit ne semblait pas vouloir venir, elle pouvait lui en donner quelques-uns. Chantal en profita malicieusement pour lui fourguer une saucisse que Phil voulait lui obliger à manger. Catherine se sentit brusquement plus à l’aise en présence d’un indigent et lui envoya l’une de ses terribles méchancetés : -T’es un pauvre, t’es un pauvre ! Anne-Marie lui refila immédiatement le cataplasme gras qu’elle avait posé sur son œil gauche accidenté lors d’une soirée dansante sur le thème de la gigue de l’astronome : -Tiens ! Dit-elle, tu pourras beurrer ta tartine demain matin… Meskerem se mit à pousser des petits cris encore plus aigus qu'à l'habitude, façon pour elle de signaler sa moquerie. Et puis... Il y eut ce miracle improbable, cet évènement qui permit à notre cher Venu de sortir de sa déchéance. Babeth fit son apparition. De cuir rouge vêtue, elle s'approcha de notre pauvre ami, marquant le plancher en bois de ses talons aiguilles, cinglant l'air avec sa cravache rutilante. Une sorte d'aura semblait la ceinturer. Derrière elle, son fidèle petit chippendale habillé d'un simple string et de chaussettes jaunes, la suivait, les bras et mains repliés vers son visage, la langue pendante, miaulant son désir d'animal soumis. Elle claqua prestement des doigts engageant ainsi la solution salvatrice. Son esclave ôta immédiatement ses socquettes et les pointa en direction de notre pauvre Venu. Celui-ci surpris, mais trop heureux de cette aubaine, jeta les désassorties pour, avec un grand sourire, se parer des nouvelles. Embrassant les mains de sa rédemptrice il déclara, exagérant un peu: -Merci ma muse, tu es une bienfaitrice de l'humanité Pendant ce temps-là, Rolph au comportement opportuniste, ramassa les vestiges abandonnés et, tout en humant leur parfum délicat murmura qu'elles lui rappelaient l'odeur de la fondu du café Vaudois. Chers amis, vous le savez déjà tous, toutes histoires au dénouement heureux doivent se terminer en chanson. Alors devinez qui en fut l'interprète... |