J’étais
allongé sur une chaise longue, profitant des
derniers rayons de soleil et de la chaleur que cette fin
d’automne nous
apportait. Les oiseaux gazouillaient leur joie de vivre, les arbres se
paraient
de leurs nouvelles couleurs, un air pur emplissait mes
poumons. Toute
cette ambiance aurait dû m’apporter la
complétion d’une joie sans nuage.
Pourtant !
Pourtant j’étais angoissé, inquiet, une
question lancinante torturait mon
esprit chagrin !
Je pensais à Chantal !
Pourquoi, depuis déjà quelques semaines,
avait-elle tant changée ?
Pourquoi ne venait-elle plus au cours de Body combat ?
La dernière fois que je l’avais aperçu,
elle était totalement métamorphosée.
Il y avait d’abord cette odeur d’huile de vidange
qui ne suivait plus chacun de
ses pas.
Puis, fait déconcertant, sa façon de
s’habiller différait absolument de son
habitude.
Plus de bleu de travail, mais à la place une tenue bon chic
bon genre avec un
short marqué Lacoste, et puis, chose vraiment
troublante…
Elle se rasait les jambes ! Oui, vous avez bien entendu ! Elle avait
les jambes
rasées …
Et puis, Phil s’était complètement
transformé, ne portait plus ces magnifiques
chapeaux Chinois et ne mangeait plus ces nems délicieux qui
auréolaient sa
bouche d’une tâche graisseuse.
Pour lui, le costard, cravate était maintenant de
mise…
Ce mardi soir, je conduisais en direction de notre club de sport bien
aimé, tout en ressassant mon inquiétude.
Y ‘avait-il un rapport avec cette petite conversation que
nous avions eu il y a
quelques temps:
« Tu sais Pierre, m’avait dit Chantal
d’un air pincé, Phil et moi-même avons
fait l’acquisition d’un magnifique loft de quatre
cents mètres carré avec une
terrasse de deux cents mètres et une vue splendide sur les
Alpes et la région
Genevoise !
Puis, elle ajouta en pouffant sa satisfaction. Phil et moi avons
dû nous
acheter un GPS car nous avions du mal à nous
repérer dans notre demeure ! »
Un peu plus tard, l’heure de notre cours de body combat
approchant, je me
pointais devant la salle.
Chantal était là !
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Elle était accompagnée d’une jolie
jeune femme blonde en tenue fashion-sport.
Masquant mon angoisse j’allais adresser mes
civilités à chacune de mes
connaissances.
En me voyant, Chantal s’exclama :
« Pierre je te présente Paule Valérie
de Saint André, elle est une amie intime
de la nièce du frère d’une connaissance
de Nadine de Rotchild ! »
Catherine qui se trouvait près d’elle se sentit
soudainement tellement
intimidée, qu’elle s’enfuie sans mot
dire dans les toilettes pour cacher la
soudaine rougeur de son visage.
Chantal continua extrêmement fière et hautaine :
« C’est ma voisine ! »
Paule Valérie me présenta sa main au niveau de
mes lèvres, je fis une
génuflexion devant elle en baissant les yeux.
J’entendis Olga, jalouse qu’une beauté
concurrente ait aussi le toupet d’avoir
une particule, grommeler dans mon dos :
« J’vais lui montrer ce que les camarades on fait
aux Romanov ! »
Puis notre beau Venu arriva.
Immédiatement intéressé par la
blondeur de la nouvelle, il s’apprêta à
la
prendre par la taille pour essayer de l’embrasser,
quand je lui susurrai
:
« Venu c’est une grande dame, elle est noble !
»
Notre séducteur fit un pas en arrière, puis,
tremblant d’émotion, tout en
utilisant sa mémoire scolaire, essaya de lui
réciter l’un de ses plus beaux
compliments :
« Me font vos yeux mourir, belle Marquise, d’amour
! »
Elle haussa des sourcils, jeta un coup d’œil
à Chantal, qui lui répondit par
une expression condescendante.
Elle lui tourna le dos.
Le pauvre, pour tromper sa honte et se dédain manifeste, fit
mine de renouer le
lacet de sa chaussure.
Rolph, ayant tout entendu, prit son sandwich du café Vaudois
entre son pouce et
son index et tout en soulevant son petit doigt, le porta avec
distinction à sa
bouche.
Aurélie, passant la paume de sa main délicatement
sur son ventre, assura :
« Je vais l’appeler Charles Henri ! »
Meriem, colla un logo « Nike » sur le devant de sa
Burka et s’essaya dans un
langage qu’elle ne maitrisait pas vraiment :
« Z’y valasse, je kifasse coubo les Blenos !
»
L’étonnement fut à ce moment
général…
César arriva en exécutant un bond à la
Noureïev, une ou deux arabesques et
quelques cabrioles.
Et puis, il y avait la petite nouvelle. Gaby. Une petite dame aux
allures
Gothiques, le nez planté d’un os de moineau, des
piercings cernant sa bouche et
une tête de mort, noire, pendue à son cou. Elle
comprit immédiatement que sa
dégaine n’était point de mise en la
présence d’une personne de qualité.
Elle
arracha la cagoule de Meriem et la planta sur sa trombine.
La tête de Meriem se présenta à nous,
recouverte de bigoudis roses et mauves.
Dominique tout en nous invitant à le suivre, se mit
à chanter une Cantate de
Bach et le cours commença…
Sortant la tête par l’entrebâillement de
la porte des toilettes, Catherine se
rendit compte qu’il était temps pour elle de
reprendre du courage si elle
voulait suivre le cours. Pour ne pas être reconnue, elle
colla quelques
feuilles de papier toilette sur son front à
l’aide de sa salive et nous
retrouva dans la salle de cours.
J’entendis Paule Valérie s’adresser
à Chantal en ses termes :
« Ma pauvre chérie, je ne sais pas comment tu peux
supporter la promiscuité
avec des petites gens, il faudrait que je tu changes de club pour le
mien qui
est beaucoup plus select ! »
Chantal approuva de la tête :
« Une dernière fois ici, juste par politesse !
» murmura-t-elle.
C’est étrange ce qu’un cours de body
combat peut engendrer chez tout être
humain.
Il semble remettre en place le Yin et le Yang, permettre de comprendre
l’essentiel de la vie, soigner les âmes meurtries
et désorientées.
C’est ce qui se passa !
Tout commença par Venu qui soudainement excité
par cette nouvelle blondeur qui
évoluait à côté de lui, se
prit à avoir de nouveau les mains baladeuses.
Paule Valérie, après un petit cri de
douleur, tout en se frottant les
fesses, changea de côté pour se retrouver vers
Rolph. Celui-ci affamé lui fit
sentir son petit pain à l’ail et
soulevant son t-shirt lui montra son
tatouage raté de Nadia.
La pauvre s’écarta d’un pas et faillit
défaillir. Malheureusement à ce
moment-là
César accomplissait l’un de ses plus beaux kicks
et frappa la belle sur le
postérieur.
Olga, trop contente de voir le sort qui accompagnait sa concurrente en
profita
pour lui marcher sur le pied. Au même moment, la pauvre
glissa sur un bigoudi
détaché de la tignasse de notre Islamiste, pour
atterrir auprès des bottines
noires de Gaby qui sortit un long couteau de son chemisier et tout en
montrant
son poignet, articula :
« Allé, ma petite bourgeoise, on va devenir
sœurs de sangs ! »
Aurélie prise de court devant la
déchéance de la princesse osa cette perfidie :
« Gustave, il s’appellera Gustave ! »
Et ce fut Catherine qui m’étonna le plus par sa
méchanceté. Elle sortit la tête
d’un côté d’une colonne
où elle s’était cachée et
murmura :
« Bien fait ! »
S’en était trop.
Paule Valérie empoigna Chantal par le bras et lui dit
qu’il fallait quitter ce
lieu bondé de prolétaires
dégénérés.
Mais c’était sans compter sur
l’état normal que notre amie avait maintenant
retrouvé.
Elle regarda l’aristocrate, lui montra ses aisselles
recouvertes d’une moiteur
visqueuse, lui cracha à la figure le morceau de chique
qu’elle avait
précédemment retrouvé dans un coin de
l’une de ses poches et hurla :
« Ah ça ira, ça ira, ça ira
les aristocrates à la lanterne, ah ça ira,
ça ira,
ça ira, les aristocrates on les pendra ! »
Dominique enchanté par cette chanson qu’il
trouvait divine continua sur l’un de
ses succès Polnareffien, faisant ainsi vibrer les hauts
parleurs qui
amplifiaient sa voix.
C’est à ce moment que Phil arriva.
Le pauvre n’était pas au courant du revirement de
la situation et se précipita
pour aider Paule Valérie à se relever.
« Laisse tomber la Meuf, dit Chantal, c’est une
vraie Pouf, puis, elle inventa,
elle m’a dit que les Chinois, c’était
tous des C… ! »
Phil furieux d’avoir ainsi été
touché dans le plus profond de son être, lui
envoya des insultes dans son langage
préféré :
« To chao Gawan tuté ! »
Ce qui veut dire « les escargots aiment la pluie »
Bon, encore une fois, Je te demande Phil de revoir ton vocabulaire
Chinois.
Depuis ce jour béni, notre amie est redevenue la Chantal que
l’on aime. Celle
qui sent l’huile de vidange, qui utilise un langage grossier
et indécent et
puis son doux aimé, Phil, nous inonde à nouveau
du savoir de sa culture
d’adoption.
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