-Oui,
Noël, je m'en souviens bien, j'ai dû m'en occuper au
moins pendant six ans !
...
-Non, pas vraiment de problèmes avec lui, en fait il
était, enfin il est plutôt
calme, tranquille, affable. C'est juste quelques fois qu'il a un
comportement
bizarre !
...
-Et bien, il se met à hurler, bouge dans tous les sens,
alors il faut vite lui
donner une piqure pour le calmer !
...
-Une caractéristique particulière ? Je ne sais
pas. Ah ! Si, il aime changer
d'apparence, homme, femme, blond, brun. Ah oui, ça c'est
clair. Jamais le même
et puis je m'en souviens maintenant, il adorait le body combat !
....
-Ah non, alors là, je n'ai rien vu venir, un matin je suis
allé le chercher
dans sa chambre et il n'était plus là!
----------------
Noël s'était fait la malle et malgré des
recherches actives n'avait jamais plus
pu être rattrapé.
Sa famille avait essayé un dernier recours pour le retrouver
en la personne de
monsieur Artémise, un inspecteur privé connu pour
être un fin limier.
Après quelques semaines d'enquêtes, il avait eu
vent que ce déséquilibré
fréquentait régulièrement, le mardi
soir, un club de sport de Genève.
Il se frotta les mains de plaisir et pensa :
-Ca va être du gâteau.
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J'avais le nez collé contre la vitre de la salle de sport.
Depuis mon incident
de santé, je ne pouvais plus adhérer à
ces exercices trop violents pour mes
artères fragiles. Je regardais donc passer avec tristesse
mes anciens
compagnons de l'effort.
Venu passa devant moi l'air condescendant, puis me tournant le dos avec
agilité
me fit admirer son t-shirt où l'on pouvait lire "Meilleur
body combattant
au monde."
Puis, Chantal arriva. Alors je mis un genou à terre, baissai
la tête en signe
de dévotion et osai :
-Ma muse, esthète du zéro pour-cent de
matière grasse, pourquoi ne t'ai-je
pas écouté ! Ainsi tous mes problèmes
auraient pu être évités...
Elle me regarda avec ce regard supérieur de quelqu'un qui a
enfin prouvé sa
raison et répondit :
- B... De M... Faut écouter quand on parle !
La tête basse, je sorti une barquette de carottes
râpées y plongeai la main,
puis enfournai
Le contenu délicieux dans ma bouche grande ouverte.
Dans la salle évoluaient deux nouveaux adhérents.
Il y avait ce monsieur
Artémise qui s'était
précédemment présenté
à moi et puis ce personnage,
mi-homme, mi- femme dénommé Léon qui
se tenait discrètement dans le coin gauche
de la pièce.
Le cours commença.
La dynamique ne semblait plus être de mise,
était-ce mon absence ?
Venu avait beau faire de son mieux, Dominique avait beau envoyer de sa
motivation. Quelque chose manquait. L'excellence, l'unique, le sublime.
Le cours se déroula d'une manière sobre sans la
moindre anicroche. Artémise
scrutait chaque participant avec attention et semblait ne pas trouver
la
solution de sa recherche. Peut-être, ce Léon !
Mais aucune singularité comportementale
ne le soutirait du lot.
Mais alors que le dernier exercice se terminait sans
évidence de culpabilité.
Son intuition se vit confirmé. Léon
commença à s'agiter de façon
désordonnée et
poussa des cris d'âne en rut.
S'était lui le fou ! Il eut un sourire de contentement,
sortit une petite
seringue de sa poche et se dirigea dans sa direction pour l'empoigner
et lui
infliger l'injection calmante. Quand, tout à coup un autre
comportement
incertain le fit douter de sa conclusion.
Sur sa droite Gaby, armée d'un long couteau finement
aiguisé, gravait le nom de
Nadia sur une omoplate de Rolph qui se gavait d'un sandwich mal odorant.
Et puis il y avait Anne-Marie qui se tapait la tête sur une
colonne en acier
pour illustrer la nouvelle danse juive appelée "le mur des
lamentations" qu'elle était en train d'apprendre.
César encouragé par Les petits cris de Meskerem,
virevoltait de joie.
Aurélie, couchée sur le dos, crevait une
baudruche d'eau pour simuler son
prochain accouchement.
Meriem se secouait de rire en regardant les facéties
d'Aurélie, et son drapé intégral
virevoltait de façon désordonnée,
accompagné par ses gloussements amusés :
-z'y va t'es trop ouf de la bale et si tu voyais ta cheutron !
Phil qui était venu chercher Chantal, démontrait
son habilité en avalant des
nems huileux par le nez, tandis que Chantal vociférait de
plaisir en
badigeonnant d'huile une bielle grippée :
M... C... P... B... C'est trop bien la mécanique !
Venu comme à son habitude courait après une
petite blonde qu'il avait
partiellement dévêtue et qui hurlait :
-Je ne suis pas une petite Polonaise !
Olga pour se rafraîchir se frottait les aisselles avec un
chiffon enduit de
vodka et d'ail en affirmant :
- Camarade Lénine connaitre bon recette pour femme
transpirante !
Catherine intimidé par toute cette agitation utilisait une
nouvelle technique
de décontraction qui lui avait récemment
été enseignée. Elle se mit
à tirer la
langue à toutes les personnes qu'elle voyait en persiflant
des gargouillis
étranges.
Artémise se trouva dans la plus complète
expectative.
Mais, qui était le fou ?
Il allait se décider sur l'un des protagonistes quand une
douleur atroce lui
traversa les oreilles. Une dissonance proche de l'horreur. Il pointa
son regard
en direction de l'homme qui diffusait ce terrible supplice.
Puis il comprit.
Ce ne pouvait être que lui, le fou, la bête
immonde, plus aucun doute.
Assis sur l'estrade, les jambes croisées derrière
la pointe de ses oreilles,
les bras tordus en position du Bouddha, Dominique notre prof et bon
gourou chantait...
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