Tweet 24/12/2012 Sâdhu

Sâdhu
 
La prémonition est quelque chose d'étrange.
 Est-ce le fait d'un hasard, d'une simple coïncidence ou bien un envoie du divin. Je ne sais pas.
 L'histoire a commencé un lundi soir.
 
J'étais endormi devant la télévision, allongé sur mon sofa, me reposant d'une journée harassante de travail qui avait principalement consisté à fustiger mes ouvriers qui besognaient à mon gout beaucoup trop lentement.
 Quand.
 J'entendis cet étrange chuchotement caresser mon oreille:
- Pierre ouvre les yeux, regarde !
 
C'est donc, avec un œil à demi ouvert que j'entrevis une émission sur les Sâdhus!
 
Vous savez, ces Hindous qui décident de vivre nus dans le plus grand dénuement pour, disent t'ils, accéder à "l'arrêt du cycle des renaissances, à la dissolution dans le divin, tout en fusionnant ainsi dans la conscience cosmique."
 Hummmm...
 
En regardant ce reportage, je ne pus m'empêcher de penser à notre cher Venu que je n'avais pas revu depuis plusieurs mois.
 Avant de disparaitre, il m'avait confié cette dernière nouvelle "Pierre, Je pars me ressourcer dans mon pays, que Shiva te bénisse!"
 
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On était mardi soir.
 Dans le brouhaha du vestiaire de mon club de fitness, je venais d'enfiler mon t-shirt "London" froissé et délavé, puis, ma paire de chaussettes dépareillées, quand, tout à coup, un silence complet et angoissant me surprit.
 
Je relevai la tête, inquiet de ce brusque changement, pour apercevoir, devant la porte, un homme nu, recouvert de cendres avec comme seule protection, un minuscule cache-sexe qui protégeait la partie fragile de son anatomie. Son visage était orné d'une énorme barbe broussailleuse et une longue tignasse frisée semblait enroulée sur sa tête à la façon d'une crotte de chien.
 Je baissai les yeux par simple pudeur quand il se dirigea vers moi en disant :
 -Pierre, tu ne me reconnais pas, c'est moi Venu, j'ai fait vœu de complet dénuement, je suis devenu un Sâdhu! Me dit-il fièrement.

En effet, c'était bien notre beau séducteur qui se trouvait devant moi, amaigri, avec un étrange regard et une posture qui rayonnaient d'une nimbe de sagesse.
 
L'un des musclors qui se tenait à côté de lui, le regard lubrique, laissa volontairement tomber sa serviette.
Venu s'apprêtait à la ramasser, quand, par simple compassion je lui susurrais :
 - Evite de faire ça ou bien, serre les fesses très fort.
 Il s'arrêta net dans son entreprise et m'envoya un clin d'œil de remerciement.
 
En nous rendant vers la salle où allait se dérouler notre cours de body combat, il me raconta en quelques mots le bien être qui maintenant le sublimait et je dois le dire, ses propos me touchèrent au plus haut point.
 
En nous voyant arriver, tous nos camarades body combattant restèrent dans l'expectative.
 Alors je pris l'initiative de cette déclaration :
 -C'est Venu ! M'exclamai-Je tout heureux.
 La réaction fut immédiate, les filles angoissées tremblèrent d'effroi.
 Alors je crus bon d'ajouter :
 -Il a fait vœu d'abstinence sexuel !
 
Alors, toutes reprirent le sourire, se remirent à babiller et entourèrent Venu s'appliquant de leurs petites remarques bien féminines.
 Aurélie :
 -Pas de bébé pour toi alors !
 Olga :
 -Camarade, toi avoir choisis la voix d'un Socialisme prolétarien, admirable.
 Meriem :
 -Z'y va, trop ouf de la balle zarbi le keuf !
 Anne -Marie s'interrogea :
 -Un sâdhu, ça danse ?
 Rolph inquiet demanda si Venu pouvait tout de même manger des saucisses du café Vaudois en précisant :
 Le problème, c'est qu'elles sont aphrodisiaques !
 Puis Chantal s'inquiéta :
-B...de M... , s'que tu as grossi. Eh, Phil, T'as vu sa couleur !
 
Finissant d'engouffrer goulument le nem qu'il tenait dans sa main, son amoureux laissa deux traces de gras sur le dos de Venu, puis, portant ses petits doigts boudinés à la bouche, il conclut :
 -Pas pour toi Chantal, c'est de la cendre d'os, beaucoup trop calorique !
 
Gaby quant à elle se léchait les babines en admirant une vieille cicatrice d'enfance qui ornait le flanc de notre ami.
 
Dominique, notre bon gourou ne dit rien et nous demanda de le suivre, son cours allait commencer.
 
Tout se déroula d'une façon étrangement normale. Aucune bavure, bizarrerie ne perturba l'enchainement des chorégraphies.
 
Je pus tout de même m'apercevoir que chacun de nous lancions des regards discrets mais à mon avis admiratifs à notre cher Venu dont la tête semblait entouré d'une nimbe divine...
 
Une semaine plus tard...
 
Etrange ambiance ce soir au club de fitness, devant notre salle de body combat, un attroupement de mâles et femelles excités lançaient des sifflets admiratifs et d'autres de dégoûts.
 J'avançais timidement pour pénétrer l'antre de notre sport préféré.

Impressionné par la doctrine Sâdhu, j'avais opté pour une tenue minimaliste. Non ! Ne vous méprenez pas, ma pudeur ne me permettait pas de me balader avec un simple cache sexe, alors j'avais opté pour un Marcel et un short miniature.
 
En entrant dans la salle, je compris l'émoi des observateurs.
Tous mes amis body combattant étaient nus habillés d'un simple string et barbouillés de peintures blanches.
 Même Meriem avait relevé sa burka considérablement laissant apparaître un bout de mollet et ses deux avant-bras.
Dominique en position de Bouddha dévoilait sa chaire flasque et son petit budget ne lui permettant pas une moumoute à la Bob Marley il avait opté pour sa perruque Polnareff. Catherine toujours aussi timide essayait sans succès de se cacher derrière les formes squelettiques de Chantal.
 Rolph s'était enduit d'une couche de salpêtre et n'avait laissé apparaître que son tatouage de Nadia, qu'il regardait avec mélancolie en soupirant.
Phil, malicieux s'était attaché deux chapeaux Chinois à la taille, ce qui ne laissait apparaitre que le sommet de son crâne et les bouts de ses doigts de pieds.
Anne Marie dérogeait à la règle de la tenue Sâdhu, corsetée qu'elle était dans un plâtre intégral, aide nécessaire après sa soirée de danse du saut de l'ange.
Camarade Olga avait opté pour une coloration corporelle rouge, admirative de Fifi brin d'acier, elle avait étiré sa chevelure abondante droit sur les côtés.
Et enfin, Chantal avait opté pour des ornements supplémentaires, quelques grains de riz collés sur le front !
 "Toujours ça de moins à manger." Pensa t'elle, heureuse de ce subterfuge.
 
Le cours allait commencé quand je vis arrivé Venu, habillé de son survêtement habituel, rasé de près et coiffé de sa chevelure spartiate.

-Mais Venu, tes convictions ? Lui demandais-je avec étonnement.
 -Bein, dit-il gêné, tu te souviens de Lydie et Amélie, je te les avaient présentées.

 Je n'eu aucune difficulté à me remémorer cette furtive rencontre, les arguments physiques très convaincants que ces deux jouvencelles laissaient devinés m'avait laissé un souvenir troublant.
-Eh bien, continua-t-il, elles m'ont invité chez elle un soir de la semaine dernière et puis tu sais... Je me suis dit, en fait Sâdhu, ce n'est pas une doctrine qui est si top que ça !
 
A peine avait-il prononcé ses mots qu'un escadron de policiers prit le contrôle des lieux.
 -Allez, dit celui qui semblait être le chef que tous ces messieurs et dames dévêtus me suivent au poste !
 Evitant de justesse la rafle je demandais au préposé ce qui avait motivé sa descente.
 -Un coup de téléphone, il y a quelques minutes pour attentat à la pudeur.
 
Stupéfait, je me retournai vers Venu pour partager mon émotion.
Notre bel ami, me regarda en souriant, se pointa du doigt, porta son poing à son oreille, puis, malicieusement, en dénoua le pouce et l'auriculaire.

Moi qui avais toujours cru que mes blagues immondes étaient inimitables, je venais de soudainement trouver mon maître.


  

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