La sagefemme se pencha vers elle. "Tout va bien madame, respirez profondément. Dois-je appeler votre mari? -J'n'ai pas de mari, grogna-t-elle dans un rictus de douleur. -Votre compagnon alors. -J'n'ai pas de compagnon ! Puis il y eut cette contraction ultime, ce cri de douleur. Les triplés venaient de naître...   ------------------   Vingt-cinq ans plus tard   On était mardi soir, notre soir de body combat. J'étais plutôt en forme, de bonne humeur, je me sentais même l'envi d'être sympathique et aimable. Apercevant mon ami Venu de dos qui s'apprêtait à quelques exercices, je lui posais la main sur l'épaule en disant : -Alors comment va l'étalon des Avanchets ? Il se retourna, et, à mon grand étonnement ce n'était pas Venu qui se trouvait devant moi, ou du moins c'était un Venu d'à peine 25 ans. Je m'excusais de mon erreur et troublé j'entrepris mes échauffements quand, une chose étrange, que je qualifierai même d'extraordinaire arriva. Deux hommes, bientôt suivi d'un troisième compère se pointèrent à mes côtés et devinez quoi. Ils ressemblaient tous à « un jeune » Venu !  Voyant mon étonnement l'un deux me dit en souriant : - Nous sommes des triplés, notre mère suit les cours de body combat, c’est-elle qui nous a invité pour cette soirée. Puis il pointa son doigt en direction d'une jolie dame blonde au regard triste et je reconnu  effectivement cette personne qui avait rejoint notre groupe de sportifs depuis quelques semaines.   Ne sachant que dire je les remerciais de cette précision et vis Chantal qui courait autour de la salle, un bâton de cèleri, restant de son diner de midi, planté au beau milieu de ses incisives. Il fallait que je lui fasse part de ma constatation. Comme elle ne voulut pas s’arrêter,  je m'essoufflai à côté d'elle en lui racontant ma découverte. Elle s'arrêta net : -Quoi ! S’étonna-t-elle, Venu à des enfants cachés... Je lui demandai, comme à mon habitude, de me  promettre son entière discrétion… J’eus à peine le temps d’aller  à la recherche de mon bandeau que le cours de body combat commença.   On était tous là, prêts et décidés à notre communion pour une absolue exaltation.   Cette nouvelle dame au regard triste était bien présente parmi nous, plantée devant Dominique notre bon gourou. Il y avait également Venu, à ses côtés. Mais, il ne semblait accorder aucune attention à sa présence. En fait, notre beau séducteur était beaucoup trop occupé par une jolie demoiselle aux formes avantageuses que ses mains audacieuses avaient bien envies de tâter.   J'eus la certitude que Chantal s'était épanchée sur une indiscrétion, car tous, nous avions les yeux rivés sur cet étrange couple qui s'ignorait.   Comme il en est de rigueur, notre cours se termina dans une volupté unique que seul notre coach arrive à nous inféoder. Mais, notre constatation fut malheureusement générale.   Venu ne s'intéresse absolument pas à la mère de ses enfants!   Plus tard en sortant de mon club, J'aperçu cette dame aux yeux tristes qui pleurait, attablée seule devant un verre de Musquât. J'osais une petite sympathie sincère en m'inquiétant de sa tristesse : -Je peux vous aider madame ? Elle me regarda à travers un embrun de douleur, secoua négativement sa bobine et me répondit : Il m'ignore, comment vais-je pouvoir survivre... Puis elle se leva et s'évapora en pleurnichant.   -----------------   Une semaine plus tard...   Cette triste histoire avait à l'ensemble de notre groupe, laissé une conclusion amère. Venu est un homme sans cœur, qui n'adhère pas à ses responsabilités manifestes. Une bonne correction et une remise sur le droit chemin nous semblait indispensable.     Le cours avait commencé dans l'exacte configuration de la semaine précédente et la triste évidence nous sautait aux yeux. Venu ignorait totalement la mère de ses enfants! La pauvre dame en avait les larmes aux yeux. Au bout d'à peine vingt minutes, nous n'en pouvions plus d'assister à cette ignominie. C'est alors que Catherine déclencha les hostilités. Un beau croche-pattes à l'ignoble séducteur et celui-ci fut à terre. Puis, je dus retenir Meriem qui sortant un sabre de dessous sa Burka hurla : -J'vais lui couper la cheutron à s'bouffon ! Anne-Marie lui fit la démonstration de la danse du bulldozer tandis qu’Olga lui enserrait fortement le cou tout en le frappant du pied à l'endroit le plus sensible de son anatomie -Voilà pour toi ignoble Camarade! Gaby profita de cette immobilisation pour lui graver au couteau un cœur brisé sur la jambe. Mais, ce fut Rolph qui eut la réaction la plus inhumaine, d'une cruauté insoutenable, qui jeta un vent d'effroi dans la salle. Il enfourna un bout de son sandwich du café Vaudois, dans la bouche ouverte béante de Venu. La réaction fut instantanée, passant de la pâleur de l'étouffement à la verdeur de l'écœurement il régurgita la totalité de ses intestins. C'est à cet instant qu'un total silence se fit. .. Dominique notre bon gourou ignorant les motifs de la folie qui nous avait motivés avait coupé la musique. Nous ne pouvions entendre que les pas de Chantal, qui pour une raison de régime tournait en boucle autour de la salle tout regardant en passant, avec envi, son ami Phil qui lui montrait à travers la vitre, sa future et délicieuse récompense, une carotte fraîchement ramassée. Alors il fallut que j'explique, que je justifie nos actes malveillants. Pointant du doigt la dame aux yeux tristes je m'exclamai : -Nous n'en pouvons plus de voir Venu ignorer la mère de ses enfants. Cette pauvre dame en est morte de chagrin... Elle me regarda l'air étonné, jeta un bref regard sur Venu. Puis enchaina l'air dédaigneux : -Quoi ça, le père de mes enfants. J'les ai eu toute seule mes enfants, après un don de la banque du sperme. Puis elle continua, moi, J'suis triste à cause de Dominique, qui ne s'intéresse pas à moi. C'est alors que nous tous jetèrent un regard étonné sur Venu. Le pauvre tout gêné, tout en baissant la tête, les pommettes rouges de honte, la gorge sèche susurra : -Oui,  quand j'étais plus jeune, j'avais trouvé ce moyen de me faire un petit plaisir tout en arrondissant mes fins de mois...