Comme
souvent le mercredi matin, j’attendais devant le
confessionnal.
Le
curé qui
me connaissait bien me dit :
« Alors Pierre, vous avez encore raccompagné
Chantal hier soir ! »
- Oui ! Répondis-je d’une voix fluette et honteuse.
- Et elle a encore dit des gros mots.
-Oui des tas et puis…
-Quoi mon fils ?
-J’ai failli écraser un chat, alors là,
elle m’a copieusement insulté
d’invectives dont je ne connais même pas la
signification. Mon ingénuité en a
pris un sacré coup.
-Très bien mon fils !
Le curé se frotta les mains et les yeux remplis de malice,
il m’invita à entrer
dans l’isoloir.
La séance dura une bonne heure où je
m’efforçai à
répéter chaque insulte
qu’elle m’avait lancée.
L’ecclésiastique, tout en s’appliquant
à noter sur son
calepin tout le fil de l’’histoire,
déclamait à tout bout de champs des
vocalises offusquées.
Le cœur plus léger je quittai le lieu de
confession remerciant le prêtre pour
son absolution.
Il me répéta :
« A bientôt mon fils, à
bientôt… »
Plus tard dans la journée, me promenant à
Divonne, je rencontrais Venu, l’air
déconfit, qui allait à un rendez-vous avec son
Psy.
« Alors Venu, toi aussi ! Lui dis-je dans une
complète lucidité.
-Oui, j’ai rencontré Chantal à la Fnac
de Balexer, et avec son langage fleuri,
mes oreilles ont tout de suite sifflées, puis…
Elle s’est énervée sur un
vendeur qui paraît-il la regardait de travers. Et, ce fut la
panique, les mères
de famille s’enfuir tenant dans leurs bras leurs rejetons en
leur bouchant les
oreilles et une vieille dame, derrière moi s’est
même évanouie.
Puis, Venu me quitta grelotant d’angoisse en pleurant.
On était mardi après-midi quand je
reçu un sms de notre chère Chantal.
« B… à queue de pompe à
M… je peux pas venir ce soir »
On était tous là ce soir au cours de body combat.
Chacun avait l’air heureux et
détendu.
« Z’y va, j’vais pas jeûner
cette semaine, quand il y’a la Chantal, pour moi,
c’est toujours ramadan ! » Nous dit Meriem
vraisemblablement soulagée.
Aurélie nous dit qu’elle lui avait
provoqué deux fausses couches.
Catherine n’avait pas ses rougeurs de honte habituelles.
Venu osait aborder quelques donzelles aux formes avantageuses sans la
peur
d’être importuné par
l’apparition de notre féministe.
Olga nous dit que son cousin avait également un chat qui
s’appelait du joli nom
Russe de Boredèleakeu qui veut dire « Endroit
charmant où l’on peut se
retrouver »
Rolph pour fêter l’absence nous avait
amené des bonbons à l’ail.
César virevoltait tel un oiseau et Gaby paisiblement gravait
de son cran d’arrêt
une jolie tête de mort sur le crâne de Dominique.
Et la question que tout le monde se posait me fut proposée :
« Pierre, toi qui a toujours de bonnes idées,
qu’est-ce que l’on pourrait faire
pour que Chantal soit plus… Hummm… abordable,
présentable, enfin moins vulgaire
!
Ma première réaction fut d’aller voir
Phil qui passait par là.
« Mais non, ce n’est rien, me
répondit-il, en vérité elle
s’exprime dans un
dialecte Chinois de la région du fleuve jaune ! »
Je laissais notre pauvre ami à sa
naïveté amoureuse.
C’est deux jours plus tard qu’une idée
de génie éclaira mon esprit embrumé.
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Ce
mardi
soir, j’étais arrivé à mon
cours de body combat accompagné d’un homme que je
présentais comme un ami au nom de Gaston.
C’était un petit homme à la carrure
jovial et au teint rougeau. Il était
habillé d’un de mes short bleu foncé,
utilisait mon t-shirt Ibiza et ses
chaussettes dépareillées trempaient dans des
baskets hors du temps.
Pour vous dire la vérité, il
n’était pas mon ami mais l’exorciste
officiel du
Vatican. Il avait caché un crucifix dans les revers de son
slip et attendait
avec impatience la venue de notre Chantal pour mettre en
œuvre ses pouvoirs.
Elle arriva et, immédiatement, il se mit à
trembler. Une épaisse sueur
recouvrit son front et sa main droite s’apprêta
à empoigner son arme de guerre
quand je me mis à lui donner quelques coups de coudes en lui
disant à voix
basse :
« Mais, Monseigneur, c’n’est pas Chantal,
c’est Aurélie !
-Hummm,
me
répondit-il, tout le monde peut se tromper…
»
-Aille gade fly let allé in the
salle ! Nous
dit Dominique notre bien aimé gourou dans son
anglais si particulier, puis il se mit à beugler sa chanson
favorite qui nous
fit mal aux oreilles.
Chantal
légèrement en retard arriva en courant :
-M… ça fait C… cette P… de
circulation ! » Dit-elle dans son langage si
particulier.
Monseigneur
me regarda en articulant en silence « ça
doit-être elle. »
Il
se plaça
derrière elle et le cours commença.
La
routine
d’échauffement se passa plutôt bien,
Monseigneur suivant tant bien que mal les
mouvements qui lui étaient inconnus. Il en profita pour
surveiller notre
féministe d’un œil attentif.
Puis,
soudain, il sortit son crucifix et le porta au-dessus de sa
tête en criant :
-Vade retro Satanas !
Chantal
continua ses exercices sans sourciller, par contre ce fut
Aurélie qui réagit
violemment, ses cheveux se dressèrent sur la tête,
ses yeux sortirent presque
de leurs orbites et elle se roula à terre en criant :
- J’aime pas les enfants, ils puent, ils chialent toutes les
nuits, ils caquent
partout !
N’ayant
visiblement pas atteint son but le curé essaya de nouveau !
A
cet
instant précis, Venu, arrêtant ses
évolutions, le regard lubrique, se retourna
en direction de César en disant :
- Mon p’tit choux moi aussi, je veux bien faire des
galipettes avec toi !
Puis
ce fut
au tour de Catherine qui se précipita sur
l’estrade et commença un strip-tease
très engageant.
Meriem
enleva le voile de sa burka, vola la bouteille de vinasse
qu’avait apporté
Rolph et le gosier en l’air, lapa le nectar
démoniaque avec délectation :
- Z’y va c’est trop d’la balle ce narpi !
Olga
se mit
à fredonner cette fameuse chanson qu’elle avait
intelligemment détournée :
-Des
gros
sous, des gros sous, toujours des gros sous, des sous
première classe, des sous
d’seconde classe !
Phil
qui
nous regardait faire le nez collé sur la vitre de
séparation, nous montra d’un
air déconcerté, son bol de riz qui venait
brusquement de se transformer en une grande
assiette de spaghettis à la carbonara.
Une
auréole
se forma au-dessus de la tête de Gaby et tous ses tatouages
de têtes de mort se
changèrent en de magnifiques représentations
divines.
Puis
ce fut
la débâcle dans la salle, des têtes
pivotèrent sur leurs troncs, des donzelles
se vautrèrent sur le plancher en bavant…
Seule
notre
admirable Chantal continua ses enchainements sans coup
férir.
Le
cours fut
arrêté net par notre gourou et grand
entraîneur Dominique.
-M…
vous
faites C… avec vos C… ! Hurla Chantal !
Scrutant
notre maître incontesté avec la plus grande
attention je me demandai comment
cet être d’exception avait réussi
à échapper à l’exorcisme?
Puis,
Rolph
qui tenait encore debout, lui apporta un petit plat de chez Lenotre
avec une
bouteille de Don Pérignon qui étaient sortis
comme par magie de sa besace.
Pour
le
remercier Dominique se mit à lui chanter d’une
voix douce, mélodieuse et
enchanteresse l’une des chansons phare de Chantal Goya :
-Ce matin un lapin a tué un chasseur…
Puis, il nous dit dans un anglais aux
intonations très « British »
-Time to go home my fellow Body fighters, have
a peaceful night, God bless
you and so do I !
A
cet
instant que je compris que je venais d’être
témoin d’un désenvoutement vraiment
exceptionnel…