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  Mantis acte 1 à 4



acte 1 :

Eh oui, une si belle histoire d’amitié qui se termine en désastre.
C’est malheureusement le fil de cette triste histoire que je dois vous narrer du fond de ma cellule.
Pourtant, je peux le clamer haut et fort.
Je ne suis pas coupable !

Je m’appelle Yvon, j’ai tout juste quarante ans.
Vous savez, ce chiffre quarante, ce chiffre terrible, que l’on ne veut pas atteindre, qui nous glace les os.
J’ai décidé, en ce premier jour de cet âge fatidique de vous narrer mon histoire.
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Mon histoire ou plutôt notre histoire, se déroule sur les bords du lac Léman. Un petit coin de terre lové entre la frontière Suisse et celle Française. Une région riche, prospère où les gens viennent en masse pour trouver travail et fortune.

Je navigue dans un petit groupe d’amis. Que j’aime retrouver et qui m’apporte un bonheur une plénitude que je ne pourrais certainement pas atteindre sans eux.

Laissez-moi vous les présenter.

Il y a d’abord Adeline.
Une jolie petite femme blonde qui est un peu notre muse.
Notre cheftaine incontestée.
Nous aimons suivre ses initiatives, copier ses activités et nous édulcorons même nos envies pour lui faire plaisir.
Physiquement, nous la trouvons tous très jolie. Son mètre soixante porte un esprit vif comme l’éclair, avec cette intelligente indéniable qui transparaît dans ses yeux malicieux.
Sa petite frimousse ne peut que plaire et son charme magique, d’une certaine façon, nous subjugue et lui permet de nous mener tous par la pointe de notre nez.
Elle vit une vie facile et aisée qui lui est autorisée par un travail à responsabilités dans le canton de Genève, travail qu’elle semble mener avec brio et dextérité.
Julien.
Ah oui Julien, mon pote de toujours. Je l’ai connu en maternel.
Vous rendez-vous compte trente-cinq ans d’amitiés, ce n’est pas rien.
C’est un beau gaillard, grand, costaud, musclé à souhait. Plein d’entrain et de vitalité.
Athlète de haut niveau, il s’était reconverti dans les finances avec succès et brille maintenant de sa carrière dans une grande société de finance Genevoise.
Julien est un bon vivant, un flambeur de première, qui aime les femmes, les belles voitures et les alcools forts qu’il confectionne lui-même.
Avec surtout cette fameuse bouteille de Génépi qui couronne la fin de chacune de ses journées.

L’alcoolisme, ce vice immonde, il le cache habilement à son entourage.
Mais secrètement il le ronge, l’angoisse, le submerge.
C’est un acte journalier, obligé et ses bitures démentielles ne sont malheureusement pas qu’occasionnelles. L’entrainant inexorablement vers une déchéance certaine.
Je lui ai fait part de mon inquiétude.
« Mais c’est important pour moi, m’avait-il dit. J’ai besoin de ça pour me vider de mes angoisses, de mes retenues, de ma timidité, de mon mal être profond ! ».

Ces amours malheureux, ces mauvais souvenirs d’enfance, il veut les oublier en faisant ce qu’il appelle « la fête », excuse facile pour se noyer dans l’alcool.
Et, quand il en boit trop, que sa tête tourne et qu’il s’écroule ses fameux soirs de mauvais week-end. Je suis là, triste témoin de sa déchéance, de son trouble et de son mal être.


Et puis il y a Claude.
Mon Claude.
Un ami tellement sympathique, qui porte en lui un souffle de bonheur, d’allégresse.
Encore un grand gaillard.
Aux yeux d’un bleu de mer de Chypre, aux dents éclatantes de santé.
Toujours prêt à nous réconforter de sa bienveillance, de cette chaleur humaine qu’il sait dégager.
Je le connais depuis une dizaine d’années. Je l’avais rencontré en même temps qu’Adeline, d’ailleurs. Lors d’une fête des vendanges à Founex.
J’étais assis à une grande table avec mon ami Julien, nous dégustions un vin capiteux et certainement euphorisant quand il arriva et s’assit au bout de notre table. Seul endroit libre qui restait sur la place.
Il était en compagnie d’Adeline, future fédératrice de notre petit groupe.
Le vin faisant ses effets nous permirent de nous rapprocher, de faire connaissances et de nous lier d’une amitié étrange et magnétique.
Je me souviens même, que le lendemain nous emmena sur un chemin du Jura pour une petite ballade bien sympathique qui fut couronnée par une tarte à la myrtille délicieusement servie dans un petit restaurant de montagne.
Cette agréable journée scella définitivement notre amitié.

Amis pour toujours !

Et puis il y a moi Yvon.
Petit bonhomme, à l’esprit trop inquisiteur, à la soif de tout.
De tout connaitre, de tout comprendre, de tout voir.
J’ai comme l’impression que ma vie est trop courte, que le temps ne me permet pas d’élargir ce champ d’activités trop immenses pour être appréciées à leurs justes valeurs.
Je suis hyperactif.
Une hyperactivité presque maladive.
Aussi bien physique, qu’intellectuelle, qui épuise mon entourage, me dénigre d’une certaine façon aux yeux de ceux qui pourraient m’apprécier.
Je suis certainement, de nous tous, celui qui a le moins bien réussi sa carrière.
Je la trouve médiocre par son apport financier.
Mais, certainement riche par la volonté qui m’oblige continuellement d’avancer pour simplement assurer ma pérennité.
Je dirige une petite entreprise, malheureusement du côté Français, là où les salaires sont minables comparés au côté Suisse où la moindre activité vous propulse dans le monde des nantis.
Voilà, en résumé, un bref aperçu de notre groupe.
Nous nous retrouvons chaque semaine autour d’une table, après une activité sportive commune qui varie suivant les saisons.
Nous avons tous une vie amoureuse un peu secrète qui n’a aucune place dans notre groupe.
Nos compagnes ou compagnons du jour semblent presque être embarrassant face à nos complicités.
Ils représentent un amour secondaire, un amour de confort, d’hygiène, qui semble sans importance par rapport à celui qui nous lie. Fraternellement entre nous les hommes, et, vous l’avez peut-être déjà compris, amoureusement avec notre muse.
Adeline est pour nous, les trois mecs, notre réel pincement de cœur.
En quelques sortes, la femme de nos rêves qui reste et doit rester inaccessible.
Car, nous le savons, la moindre relation amoureuse avec elle, briserait la coercition indispensable qui nous unit.
Alors cet attachement profond et réel qui nous lie à elle, reste platonique, flou, inconnu, entendu.
C’est comme ça que la joie reste ancrée dans notre groupe, avec toujours cette petite pointe de jalousie quand notre belle semble accorder plus d’attention à l’un d’entre nous.
Mais la rivalité s’arrête là, sans embrouilles, car le rire, la bonne humeur et la félicité d’être ensemble nous comble de ce souffle de jouvence éternelle.

Pourtant il y eut cet été, ce fameux été très chaud où nous avions tous décidé de prendre un break de vacances dans notre travail, dans nos relations de couples chancelantes, pour nous retrouver chaque jour au bord du lac Léman et nous adonner à notre nouvelle activité commune, le wakesurf !
Tout allait tellement bien, nous étions heureux. Baignés par une chaleur presque tropicale que le changement climatique nous imposait. On jouait de nos planches surfant sur la vague de notre bateau, en nous amusant de nos niveaux différents et en écoutant les conseils de ceux plus aguerris.
De nouveaux amis se greffèrent à notre petit groupe qui s’élargit avec bonheur de nouveaux sourires de nouvelles personnalités sympathiques, joyeuses, aimantes.
Nos soirées festives, certaines fois un peu trop arrosées se terminaient toujours bien. Immanquablement aidées par ma surveillance sévère d’homme qui boit peu et qui, par son côté un peu trop moraliste prend garde à ses ouailles égarées.

Ces trois semaines qui devaient s’écouler devant nous auraient dû être idéales.

Pourtant il y eut ce fameux jour. Cette fameuse rencontre qui n’aurait jamais dû se faire, jamais existée.

Ce jour où notre Adeline arriva avec…

acte 2 :

« Je vous présente Debbie ! Ma copine Debbie, Je l’ai rencontrée hier, tôt le matin, à la plage, elle est sortie de l’eau juste devant moi avec un petit sac plastique dans la main. J’ai trouvé ça tellement amusant, cet esprit écolo, elle l’a jeté à la poubelle l’air dégoutté en maugréant sur la pollution du monde ! Nous avons sympathisé !».
Elle était là, devant nous, cette charmante, cette belle. Nous coupant le souffle à nous, hommes aux regards avides aux battements de cœur incertain devant cette joliesse.
Elle nous semblait physiquement parfaite.
Imaginez, un visage d’ange avec de longs cheveux noirs qui croulaient en cascade sur ses épaules menues. Ses yeux étaient d’une beauté à mourir, d’un zéphir divin qu’elle recouvrait de ses larges paupières aux longs cils vaporeux. Son petit nez semblait frétiller de bonheur, sa bouche aux lèvres pulpeuses revendiquait un baiser, une caresse d’amour. Sa petite taille était réhaussée par des talons hauts qui galbaient un peu plus ses jambes fuselées à souhait et ses cuisses se cachaient à peine sous une petite robe aérienne et printanière.
« Alors les garçons, vous ne souhaitez pas la bienvenue à ma copine ? ».
Bien sûre.
Un secouement de tête général nous permit de refaire surface et c’est d’une voix presque rauque, certainement intimidée que nous lui souhaitâmes la bienvenue.
Les trois bises, tradition régionale, nous permirent de sceller ce premier contact.
Puis ce fut le départ pour retrouver notre bateau de wake avec Bill notre « coach » qui nous attendait pour notre séance de glisse.
Comme à l’habitude, Adeline ouvrait la marche nous houspillant de son énergie.
Mes complices la suivirent au garde à vous.
Tandis que moi, dragueur invétéré, je pris la décision de trainer à côté de la jolie Debbie.
-Vous faites quoi dans la vie ?
-Je travaille comme consultante en affaires humanitaires pour l’O.N.U. !
-Très intéressant !
Puis elle enchaina presque immédiatement.
-Je reviens d’un voyage au Nord du Laos qui m’a bouleversée…
Je marchais lentement à côté d’elle, nos yeux se rencontrèrent.
L’évidence d’intelligence fut la première chose que perçut mon esprit.

Elle se mit à me raconter son voyage, me décrivant la pauvreté, les malheurs qu’elle avait rencontrés.
Ceci dans une évidence de confidence, un peu comme si l’on se connaissait depuis toujours, comme si j’étais déjà un ami de confiance, une âme sœur.
Et moi je l’écoutais, buvais chacun de ses mots, subjugué par ses paroles, par cette sorte d’aura qui semblait à cet instant la sublimer.
-Tu viens avec nous sur le bateau ?
-Non je vais juste me poser sur le mur de la jetée et attendre votre retour.
-Je peux rester avec toi, écouter un peu plus de ton voyage ?
Elle me regarda, éclaira son minois d’un petit sourire.
-Oui, bien volontiers.
-Alors Yvon, tu te dépêches ! Cria Adeline, pressée d’attaquer sa séance sportive.
-Non les amis, allez-y sans moi. Je tiens compagnie à Debbie !

Adeline effaça une grimace de contrariété, haussa des épaules et s’enfuie sur la passerelle du bateau qui démarra presque immédiatement et s’enfila entre les pontons de l’entrée du port.

J’étais maintenant seul avec elle.

C’est l’une de mes caractéristiques particulières, chaque fois que je rencontre une femme qui me semble d’un intérêt singulier, qu’il soit physique ou intellectuel, Je me perds dans une sorte d’osmose qui me coupe de tout ce qui m’entoure.
Et je dois l’avouer, ce rapprochement que j’éprouvais pour cette belle était absolu, inquisiteur, dévastateur, me noyant littéralement dans le flot de ses paroles, dans la beauté de son regard.
Plus rien alors, ne semblait avoir pour moi, la moindre importance.
Ni ce soleil qui brulait ma peau de ses rayons trop ardents, ni la beauté des montagnes qui se détachaient au loin sous un ciel d’un bleu immense, ni les bonjours des connaissances qui passaient à mon abord.
J’étais subjugué.
Par sa conversation à mille lieux des propos « Paris Match » qui baignaient mon habitude, ébloui par l’intelligence de son corps, de son visage, des expressions qui accompagnaient chacune de ses descriptions.

Tout en l’écoutant je pensais à la chance de l’avoir en face de moi, et chose incroyable, je caressais déjà l’espoir d’une nouvelle compagne, d’une vie de bonheur, d’aventures, à côté d’elle.

-Et toi ?
Elle venait de terminer abruptement son monologue descriptif, croyant peut-être qu’il devenait rébarbatif.
Je n’entendis même pas sa question, mon esprit voguant en sa compagnie, dans le tumulte de Vientiane, sur le fil du Mékong, dans les rizières inondées.
-Et toi, que fais-tu dans la vie ? Répéta-t-elle.
Je repris conscience.
-Rien, rien de bien intéressant, j’ai une petite société dans la sous-traitance de travaux mécaniques. Ce n’est pas du tout euphorisant.
Et puis, un peu comme pour m’excuser de ma médiocrité, je partis sur un autre sujet.
-Mais j’aime aussi voyager. Je m’attache aux détails d’importances, à ceux qui me font véritablement découvrir et comprendre la vie d’ailleurs, la vie d’une civilisation différente de la nôtre…
Votre récit est passionnant, j’aimerais avoir la richesse de votre vie.

Elle sourit. Tout en me fixant de ses yeux interrogateurs, sa tête se pencha sur le côté, un peu comme si elle voulait m’apercevoir, me découvrir sous un autre angle.
J’eus l’impression de lui plaire…

Cris des mouettes qui planent. Beauté de son sourire.
Clapotis de l’eau sur la berge. Douceur de sa peau.
Tiédeur de cette brise d’été. Pulpe de ses lèvres.

Lenny arriva soudain, coupant brutalement la magie de notre rencontre.
Il semblait contrarié.
-Je suis en retard, j’ai manqué la séance, une fois de plus.
Lenny fait également parti de notre groupe. Un bel homme musclé, droit, à la posture Italienne, au regard ténébreux, au jugement adéquat. Sa relation amoureuse difficile semble être sa seule faiblesse, l’empêchant de vivre sa plénitude. Angoisse du moment qui l’éloigne souvent de nous, de nos sorties festives, de nos soirées tardives.

-Debbie ! Lui affirmais-je d’une main respectueuse.
-Oh bonjour, je suis Lenny, comment allez-vous ?
-Enchantée !

La conversation d’usage semblait difficile à démarrer. Non seulement à cause de la nervosité dans laquelle il était, mais également par le fait qu’il nous avait coupé dans un moment d’importance.
Il nous gênaient au plus haut point.
Malgré tout, je fis l’effort cordial :
-Alors Lenny, quoi de neuf ?
-Rien de spécial. Tiens regardes j’ai acheté une nouvelle planche !
Il la déballa de son enveloppe devant nos yeux qui auraient préféré son absence.
-Bel objet !
-Oui, je vais faire des miracles avec celle-ci !

Debbie détourna son regard, pour apercevoir au loin le bateau de Bill qui venait de terminer sa séance. Je suivis son exemple pour me rendre compte que quelque chose semblait clocher.
Il revenait trop vite.
Claude agitait ses bras dans ma direction pendant que Julien penché au-dessus d’Adeline avait une posture de réconfort.
Le bateau accosta à toute vitesse, cogna sur le ponton heureusement protégé.
Adeline se leva brutalement de la banquette où elle était étendue et se précipita sur le ponton. Courbée en deux, elle vomit brutalement ses entrailles, tandis que mes compères regardaient quelque chose posée sur le plancher de l’esquif.
Mon sang ne fit qu’un tour.
Quittant mon assise je me précipitai vers Adeline qui fondit en pleurs dans mes bras.
-Mais que s’est-il passé, tu vas bien ?
-Oui, oui. C’est horrible, quand je suis tombée, elle est entrée dans ma bouche !
-Mais quoi, de quoi parles-tu ?

D’un signe de la tête elle m’incita à regarder en direction de mes copains.
Je vis Bill sortir un sac d’un tiroir de son bateau, se pencher vers quelque chose. Intérêt de toutes leurs observations.
Puis il posa un chiffon sur l’objet, le ramassa de deux doigts dégouttés et l’entreposa dans ce contenant.
-Vite, il faut appeler la police !
-Mais c’est horrible !

En apercevant le sac que Bill tenait maintenant, Adeline eut un nouveau haut le cœur et, à quatre pattes, dégurgita de plus belle…


acte 3

Un petit rassemblement s’était vite formé autour de nous.
Tous agglutinés sur le passage qui menait à notre bateau.
Les deux naïades incontournables du petit port de plaisance, Catherine et Marine avaient quitté leur spot de bronzage et s’interrogeaient sur l’évènement.
Les deux costauds Robert et Ludo qui squattaient également leurs temps libres sur notre spot de wakesurf vinrent proposer leur aide.
-Mais que se passe-t-il ?
Bill nous rejoint et balança l’objet de l’effroi devant nos têtes ébahies.
Ce que nous ne reconnûmes pas tout de suite à travers la transparence du sac, prit tout à coup une tournure évidente à travers les explications de Bill :
-C’est une main, une main gauche, sans son pouce qui a été sectionnée. Quand Adeline a perdu l’équilibre elle a fait un mauvais plongeon dans le lac et en buvant la tasse, cette chose, cette main est entrée en partie dans sa bouche !
A ses mots, Adeline pleura son dégout :
-Je veux rentrer chez moi, je veux rentrer chez moi !
Julien prit les choses en main :
-Pas question que tu partes dans cet état, viens on va au restaurant pour te calmer et boire un petit remontant.
Il la prit par l’épaule et l’accompagna, chancelante jusqu’à une table.
Posé sur le muret, avec la buée qui s’effaçait du sac, le membre coupé apparut plus clairement.
La main était brunâtre, gonflée de la pourriture qui commençait à gagner sa surface.
Pas de bague autour de ses doigts.
L’ongle de l’auriculaire avait été arraché et le pouce clairement sectionné à l’aide d’un sécateur ou une lame très bien affutée car l’os était coupé proprement. Je mis ma main à côté d’elle pour me rendre compte que l’homme, oui, à mon avis il s’agissait bien d’un homme, qui devait être de grande taille ou au moins d’une morphologie athlétique, car elle était particulièrement massive et musclée.

Debbie s’approcha, posa sa main sur mon épaule, comme pour profiter de mon soutien et regarda fixement l’horreur. Elle resta stoïque, sans réactions, sans dégout, sans peur.
Alors que Marine et Catherine eurent un haut le cœur et s’enfuirent loin de la scène.
Ludo et son acolyte ne dire pas un mot en échangeant une moue interrogative.
La police qui patrouillait dans le secteur arriva rapidement sur les lieux.
Interrogèrent chacun d’entre nous, puis dispersa la foule.
-Il n’y a rien à voir. Eloignez-vous de la scène du crime !

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Deux jours plus tard, notre petit groupe partiellement remis de ses émotions se retrouva, après la session de wake, à son endroit favori de la plage.
Celui situé derrière le restaurant où une petite table ronde pouvait recevoir invariablement nos commandes d’une bouteille de vin rosé, accompagnée d’une pizza aux quatre fromages.
Nous nous étions mis en rond, assis dans de larges fauteuils en osier assez peu confortables.
La discussion s’engagea immédiatement sur le sujet scabreux ! 
-Pauvre Adeline, recevoir ça dans sa bouche, mais quelle horreur.
-J’espère qu’elle va s’en remettre !

Julien qui l’avait raccompagnée chez elle deux jours plus tôt nous confirma qu’elle allait s’en remettre, mais qu’elle préférait faire une pause pendant quelques jours pour penser à autre chose et sortir cette image de mort de sa tête.
-C’est étrange une main coupée sans pouce, certainement pour que l’on ne sache pas à qui elle appartient !
-La police n’a pas d’indices pour le moment. Elle peut avoir dérivée au fil du courant. Le cadavre se trouve peut-être très loin de Genève.
Debbie apparue sur le chemin qui allait au parking. Je lui fis signe de nous rejoindre.

-Bonsoir !

Julien eut un grand sourire et s’empressa d’aller chercher un siège qu’il posa à ses côtés.
Puis ce fut le tour de Marine, Catherine, Robert et Ludo de nous rejoindre. Il ne faisait pas vraiment parti de notre groupe, mais le fait de les côtoyer régulièrement nous avait appris à les connaitre et leurs présences parmi nous étaient totalement acceptées.

Il faut d’ailleurs que je vous parle de ces quatre personnages.

Commençons par Marine, jolie femme aux formes plantureuses à la gouaille franche et naturelle. Elle était extrêmement fière de sa poitrine refaite et volumineuse qu’elle mettait en avant sous des vêtements vaporeux. Je l’aime bien cette dame ou du moins cette nouvelle demoiselle depuis son veuvage. Elle était de retour sur le marché comme elle-même aimait souvent le souligner. Elle en était déjà à son troisième mari.
Tous décédés après quelques années de vie commune.
Trois hommes riches qui lui avaient permis une vie oisive et confortable. Elle m’avait confié trainer dans le coin pour y rencontrer le nouvel homme de sa vie. La proximité de notre plage avec l’O.N.U. était pratiquement une évidence de rencontrer des diplomates ou des fonctionnaires internationaux aux poches bien remplies.

Catherine. Ah oui la jolie Catherine dans la quarantaine, le corps élancé, la chevelure brune bouclée avec une voix un peu ensorceleuse. Elle m’avait d’ailleurs subjugué lors de notre première rencontre. J’étais resté là, devant elle à l’écouter, à essayer de comprendre sa personnalité, à me bercer de sa façon d’être, de son éloquence. Elle m’avait dit être triste de sa vie qu’elle trouvait trop commune, sans intérêt. Cela était à mon avis, certainement dû à la relation qu’elle avait avec un homme marié beaucoup plus vieux qu’elle, un Enarque qui lui faisait ressentir une certaine infériorité intellectuelle. Elle voulait rompre avec cet amant trop dominateur, mais ne savait pas comment sortir de son emprise, peut-être prendre la tangente, partir de cette région trop prospère, artificielle comme elle me l’avait soulignée.

Robert. Le grand, le costaud Robert. A la carrure de bucheron, aux avant-bras dignes d’un lutteur Turc, à la tête carrée et à la mâchoire d’acier. Il était propriétaire de plusieurs fermes situées dans le Pays de Gex. Sa fortune, car il était fortuné, il l’avait acquise en vendant des parcelles de son domaine à des sociétés immobilières.
Depuis, il passait son temps entre de nombreux voyages, des journées de farniente en bord de plage de notre joli lac Léman et des visites à ses fermes et plus particulièrement celle qui élevait des cochons d’une façon écologique. Sa fierté, où les animaux promenaient, en semi-liberté, une vie digne de ce nom.

Et enfin Ludo, le bagarreur, toujours prêt à une embrouille. Il était un jeune retraité de la légion étrangère où il avait obtenu des galons pour sa bravoure et sa hargne au combat. Son crâne chauve était zébré par de nombreuses cicatrices et sa figure balafrée par le trait d’un couteau. Il avait bourlingué sa carcasse sous toutes les contrées difficiles du globe et était toujours enclin à nous raconter ses rencontres extraordinaires. C’est d’ailleurs lui qui nous révéla ce soir-là, un indice qui nous sembla être une piste concernant la découverte de cette main mystérieuse…
« Vous savez les amis, lors de l’un de mes voyages avec la légion. J’ai rencontré ce phénomène de la main coupée sans pouce. Au nord du Laos, une secte avait l’habitude d’exécuter leurs adeptes désobéissants en faisant disparaître leurs corps et en envoyant leur main gauche sans pouce à leurs familles ! ».
L’assemblée frissonna.

Toutes sortes de plaisanteries fusèrent en commentant ses propos et, les supputations de chacun imaginèrent la résultante de ce meurtre.

Je n’étais avec eux dans cette conversation, car quelque chose me chagrinait, m’ennuyait au plus haut point.

A mon opposé du cercle de mes amis, j’avais en ligne de mire la jolie Debbie et mon ami Julien. Ils murmuraient une conversation qui semblaient les amuser. Elle souriait, semblait apprécier ses propos, et moi…
Et moi je me mis à sentir un vent de jalousie qui montait en moi, une sueur moite se mit à recouvrir mon front, et, même ma respiration commença à s’affoler.
Mais, elle me convient Debbie ! Me suis-je mis à penser. On a parlé longuement lors de notre première rencontre et j’ai eu l’impression de lui plaire énormément. On avait même échangé nos numéros de téléphone et elle m’avait soufflé, l’air coquin, qu’un prochain rendez-vous ne lui déplairait pas.
Julien lui prit la main, l’attira vers lui. Elle pencha sa tête de côté et il approcha ses lèvres de son oreille, une petite minute sembla suffisante pour lui souffler une confidence qui la fit rire puis, éloignant son visage, elle le regarda fixement dans les yeux pour lui envoyer un clin d’œil complice, une acceptation de ce secret qui semblait lui plaire.

Une seule chose maintenant burinait mon cerveau, démolir cette amitié, cet amour naissant qui devant moi venait de naître. Il fallait soit que je le combatte, soit que je l’oubli.
Car oublier était une chose commune chez moi.
J’avais des blancs dans ma vie, des jours qui semblaient s’effacer de mon esprit.
Ce phénomène était dû à un accident de voiture que j’avais eu dans ma jeunesse.
J’en étais, par chance ressorti indemne après deux mois de coma profond, mais, depuis j’étais atteint par cet étrange phénomène d’amnésie ponctuelle, un peu comme si j’avais effacé des heures de ma vie, d’activité normale, une sorte de blanc entre deux sommeils.
Et puis souvent, j’étais surpris quand on me racontait une soirée entre amis, une soirée qui m’échappait complètement avec pourtant, comme preuves, comme témoignages, de petites vidéos qui me montraient plongé dans mon délire d’homme qui aime amuser son entourage.

Je n’ai pas eu de trous de mémoire ce soir-là !

Elle est restée gravée dans mon esprit, peut-être à cause de cet amour qui semblait m’échapper, détourné par l’attention de Julien, mon meilleur ami. De cette sorte de jalousie haineuse qui m’avait pour la première fois surpris de le détester…

La soirée terminée chacun partit de son côté.

Debbie suivit par mon attention s’en alla vers la gauche, tandis que Julien prit le chemin de la droite. Mais avant de se perdre aux alentours du chemin ils se jetèrent un dernier regard et firent ce geste d’un coup de téléphone…
J’étais seul dans mon appartement ce soir-là, méditant ma déveine, rongeant mon angoisse quand mon téléphone résonna un message.
Je n’avais pas envie d’y répondre, mais une simple curiosité de connaitre sa provenance me fit empoigner l’appareil.
 A ma grande surprise le petit icone d’un visage m’étonna de son auteur.
La lecture du whatsapp fut rapide.

Puis mes clefs de voiture en poche, je fis claquer la porte de mon appartement derrière moi.


acte 4

Notre joute amoureuse m’avait semblé mémorable.
Elle reposait sur ma gauche, couchée sur le ventre. Des lueurs de nuit rebondissait sur le soyeux de sa peau. Elle me semblait encore plus belle, divinité de mon esprit, croyance de mon âme. Cette égérie tant convoitée se trouvait déjà à mes côtés.
Son parfum, plutôt léger captivait mes narines et je me dis que j’avais de la chance, une chance inespérée d’être à ses côtés ce soir-là, alors que quelques heures plus tôt mes espoirs s’étaient envolés sous mes supputations hasardeuses.
Elle ouvrit un œil, puis son second.
Eloigna de son visage deux mèches rebelles et me dit que s’était bien, que l’on referait ça souvent, que le scabreux de la situation n’avait rien d’avilissant, de dégoutant.
Je souris, c’est vrai, jamais de ma vie je n’aurai pu, même qu’un instant, imaginer faire l’amour à une femme en compagnie d’un copain.
Oui, car Julien revenant des toilettes, apparut soudain. Il se coucha à la gauche de Debbie, embrassa son dos tendrement, puis le caressa du revers de la main.
Elle frissonna et un murmure de désir s’insinua entre ses lèvres.
Elle lui fit signe d’accentuer ses caresses en m’invitant à le suivre…

Vers neuf heure le matin, l’odeur d’un café frais, de pain qui croustille me tira de ma rêverie. Assis seul sur ce grand lit, témoin de nos ébats coupables, je regardais le décor de cette chambre agrémentée de féminités délicates. Le rose discret de la tapisserie, un ameublement moderne et magnifiquement choisi, avec une petite bibliothèque sympathique et ce gros lampadaire rouge d’où filtrait une lumière tamisée qui s’effaçait dans la clarté du jour qui semblait s’enfiler à travers les persiennes.
Mon pantalon et un t-shirt enfilés, guidé par le bruit de couverts qu’on installe, j’arrivai dans la cuisine.
Ils me regardèrent m'approcher avec un grand sourire.
Julien affirma :
-Qu’est-ce qu’on a bu hier soir, purée une vraie biture !
J’acquiesçais de la tête. Il est vrai qu’une partie de la soirée s’était effacée de ma mémoire.
-Quelle fête mémorable aux Halles des îles !
Debbie posa un baiser sur mes lèvres.
-J’ai fait du café, ça te va ? 
-Oui, merci.

Halles des îles ?
On avait passé la soirée aux Halles des îles ?
Pas la moindre trace de ces moments ne revenait à ma mémoire. C’est donc là que j’étais allé les retrouver. Comment avions-nous décidé de finir la nuit ensemble.
Alors là, je ne m’en souvenais pas !

-Debbie, tu as l’habitude de ces parties à trois ?

-ça m’est arrivée quelques fois. C’est bien, j’aime ça. Un bon dérivatif à mon quotidien professionnel pas très facile !

-En tous cas, continua Julien, je veux bien renouveler l’expérience !

En fait ce n’était pas trop mon truc, par ailleurs je ne m’en souvenais de pas non plus de ce passage. Moi seul avec Debbie oui, mais sans Julien ou plutôt juste son arrivée tardive qui m’avait surprise…

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Marine venait de se réveiller.
Elle était seule. Seule et malheureuse de ce fait.
Son appartement était immense, luxueux avec un point de mire sur le jet d’eau.
Elle plongea sa main dans le petit tiroir de sa table de chevet et en tira une photo qu’elle regarda fixement.
Puis elle y posa ses lèvres.
L’image qu’elle semblait tant aimée était celle de Julien.
Il était sa prochaine « proie ».
L’homme à marier!
Elle le trouvait beau, intelligent et surtout c’était un homme riche et libre.
Il buvait trop, c’est vrai, mais était-ce vraiment un problème.
De toutes façons ses maris passaient dans sa vie à la vitesse d’une fusée.
Dans son esprit encore un peu endormi, elle décida de les passer en revu.
Charles de Cussaque. Un noble. Un grand dadais comme elle l’aimait l’appeler. Un inutile, un dandy à la colossale richesse héritée, mais qui se satisfaisait d’une cervelle de moineau.
C’est clair que celui-là ne méritait pas sa fortune.
De quoi était-il mort déjà ?
Infarctus, ah oui le jour de ses quarante ans. Bon débarras. Elle n’avait d’ailleurs reçu qu’une minuscule miette de son argent. Son testament en béton ne lui laissant que le minimum, à elle la roturière.

Jesus !
L’Espagnol. Un ibérique très chaud. Qui la trompait avec toutes ses amies. Mort dans un accident de la route, ses freins avaient lâchés dans une descente. La mauvaise surprise fut d’apprendre qu’il était complètement ruiné et vivait son train de luxe à crédit.

Puis le dernier, Michel. Celui qui lui avait laissé cet appartement. Encore une mort subite. Il avait été retrouvé noyé dans la piscine d’un couple d’amis. Triste circonstance, elle devait être à moins de trente mètres de lui quand cela était arrivé.
 Elle discutait avec sa copine, confortablement assises dans les fauteuils du salon de cette grande villa.
On n’a jamais su ce qui s’était passé.
Un malaise certainement dû à l’eau un peu froide.
Elles l’avaient retrouvé flottant sur le ventre les yeux grands ouvert.

Tout ça, c’était du passé, il ne fallait plus qu’elle y pense. Mais plutôt songer sérieusement à son futur. Tout d’abord parce qu’elle se sentait orpheline.
Il lui fallait de la compagnie pour ses sorties.
Elle voulait éradiquer cette impression de faire potiche au cours de ses soirées entre amis.
Un nouveau compagnon lui manquait vraiment.
Et puis, il fallait également qu’elle songe à son avenir financier qui n’était pas en péril pour le moment, mais, elle était consciente que son compte en banque, faute d’entrées régulières risquerait de s’amaigrir un peu trop vite.

Alors ce Julien, il ferait bien l’affaire.
Un message sonna sur son portable.
C’était un message du groupe. Une invitation pour une soirée barbecue chez Julien, début des festivités 18h ce samedi soir.
Avec cette dernière remarque.
Tout le monde doit-être présent !
Elle afficha son plus beau sourire et répondit :
« Ok pas de problème, avec plaisir, je serai des vôtres. ».

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Catherine se reposait tranquillement sur son grand fauteuil. Son petit confort qu’elle appréciait au plus haut point.
Sa tenue négligée ou du moins plutôt bohème lui seyait à merveille.
Elle avait ce côté baba cool des années soixante-dix. Ses cheveux bouclés en désordre reposaient sur un petit coussin aux tons rosés et ses yeux fixaient l’écran de son téléviseur qui pour le moment, diffusait le journal télévisé.
Elle ferma ses paupières et se mit à songer à son dernier voyage.
Elle en avait fait des périples. « Plus de cinquante Pays ! ». Comme elle aimait l’affirmer.  Souvent en compagnie de Xavier, un homme marié.
Elle voulait définitivement rompre avec lui, s’affranchir de cet avenir bouché, de son emprise trop écrasante. Mais c’était difficile. Il y avait toujours en elle, ce secret espoir qu’il quitterait sa femme pour elle, pour cet amour qu’elle lui vouait sans condition.
Mais pour lui, ils en avaient discuté souvent, il n’était pas question de rompre avec sa vie, avec sa femme qu’il n’aimait plus. Il ne voulait pas égratigner sa relation de famille, décevoir ses deux enfants qui avaient besoin de stabilité pour grandir et prospérer en compagnie de sa présence.

Il ne la voyait pas souvent, l’emmenait à quelques-unes de ces petites escapades de voyages, excuses données par ses affaires, des périples internationaux que lui imposait sa carrière d’homme brillant dont la présence dans tous les coins de la planète était indispensable pour gérer son business agroalimentaire.

Elle était pour lui une sorte de faire valoir, un bel objet que l’on montre, qui doit rester à ses côtés pour simplement l’écouter, l’admirer, l’amuser.
Pendant les périodes où il restait à Genève, elle le voyait peu, communiquait par téléphone, se retrouvait de temps en temps pour des galipettes hygiéniques.
Une véritable blessure pour elle qui aurait voulu être plus qu’un simple amusement, qui rêvait d’être l’amour unique de sa vie.
Elle était un peu inquiète. Son téléphone ne répondait plus et elle n’avait pas eu de nouvelles de lui depuis quelques temps. Depuis ce jour où il devait venir la retrouver pour l’un de leur dîner en tête à tête chez elle.
Son téléviseur l’interpella, une photo de son homme s’afficha à l’écran avec le commentaire de la présentatrice. « Monsieur Xavier Dupontère, chef d’entreprise, Genevois, grand ponte de l’industrie agro-alimentaire n’a pas donné de nouvelles à sa famille depuis maintenant quinze jours.
Il a été vu pour la dernière fois dans son bureau un vendredi soir vers 19h et depuis plus personne n’a plus eu de nouvelles de lui. La police est activement à sa recherche… ».

Catherine ouvrit grands les yeux et murmura.

«C’n’est pas vrai, il l’a fait… »



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