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Carlos et le secret du curé Chambole |
03/03/2014 |
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Carlos et le mystère du curé Chambole Connaissez-vous le mystère du curé Béranger Saunière de Rennes le château ? Eh bien, une histoire similaire s’est déroulée à Gex vers la fin du dix-neuvième siècle ! Peu de gens la connaissent et son mystère vient très récemment d’être élucidé ! Voici comment tout a commencé… ------------------------------- Ernest Puppa restait pensif, il venait de quitter Carlos et méditait sur ses propos. Etrange personnage que ce Carlos, tout en interrogation sur le sens de la vie et submergé d’une naïveté déconcertante. Tout à coup quelqu’un sonna à la porte. Ernest alla ouvrir, se demandant qui pouvait bien venir le voir à cette heure-ci. Un rapide regard dans l’œilleton le renseigna sur son interrogation. Deux tours de clefs et il accueillit son visiteur avec surprise. « Père Trambère, que me vaut cet honneur ! Puppa n’était pas vraiment un bon croyant, ne fréquentant que rarement l’église malgré sa confession catholique. Quel devait donc être la raison de la visite de monsieur le Curé. Ernest ne le connaissait pas bien. Il ne l’avait rencontré que quelques rares fois, le trouvait sympathique et admirait sa foie authentique et sans nuage. Son minois rayonnait de bonheur, de discernement et était le témoignage indiscutable de l'épanouissement qu'il avait trouvé dans son choix sacerdotal. Pourtant, aujourd’hui, son visage semblait triste, avec un petit soupçon d’angoisse qui plissait en parti son front dégarni. -Puis-je entrer, j’ai un service à vous demander ! Dit-il gravement. Ernest l’invita à venir prendre un petit apéritif dans son salon. Père Trambère le suivit de son pas léger et s'assit sur l’un des fauteuils, repliant d’un geste ample les replis de sa robe. Puppa lui offrit un apéritif. Un verre de Muscat qu'il remplit à ras bord. -Oh, non, juste un fond ! Dit-il, dans une protestation d'usage. Assis l’un en face de l’autre, Puppa attendait impatiemment la demande du curé. Mais il gardait le silence semblant ne pas vouloir commencer la conversation, il se bornait à regarder avec attention tous les bibelots qui décoraient l’endroit. Puppa étonné de ce comportement étrange, décida de l ‘interroger sur la raison de sa visite : -Alors, monsieur le Curé, que puis-je faire pour vous ? Le père Trambère leva les yeux vers son interlocuteur et après un instant de réflexion, l’air gêné, amorça sa réponse : -J’ai été victime d’un vol, la nuit dernière ! Puppa sembla surpris de cette révélation. -Pourquoi n’allez-vous pas directement à la gendarmerie ? Vous savez, je ne m’occupe pas de ce genre d’affaire. -Oui, mais ! Reprit le prêtre, en proie à une émotion discernable qui faisait hoqueter sa voix. Ce n’est pas un vol ordinaire. On m’a dérobé quelque chose qui m’est très précieux. Et qui. Jusqu’à ce jour. Je le croyais. N’était connu que par moi-même ! Ernest regarda fixement le curé. L’affaire commençait à l’intéresser. Le curé continua : -J’ai une petite bibliothèque avec quelques archives de la paroisse, je m’en occupe soigneusement, leur lecture est pour moi une passion. Il y a une dizaine d’années de cela, j’ai mis la main sur des feuillets particulièrement curieux. Ils énuméraient des dépenses et dons somptueux qu’avaient fait l’un de mes prédécesseurs. Le curé Chambole ! Il arrêta ses explications et jeta un regard inquiet sur l’inspecteur. Il voulait simplement vérifier que le nom de son prédécesseur lui était bien inconnu et à la mine déconcertée de Puppa, il comprit immédiatement que cela était le cas. Il enchaîna : -J’ai donc pendant plus d’une année fouillé la cure de fond en comble, pour découvrir un nombre conséquent de documents relatant son histoire, d’anciennes coupures de presse, des cahiers de notes, des indices troublants qui étaient parsemés dans les greniers. -En quelle année était-il curé de la paroisse ? -De mille huit cent cinquante-deux à mille neuf cent douze ! D’après mes recherches, il était originaire de Bretagne, né en mille huit cent douze et mort en nos murs. C’était un curé d’origine très modeste qui est devenu soudainement très riche sans une véritable explication ! Trambère fit une pause, puis reprit. -Enfin si ! Il a affirmé avoir reçu un héritage d’un oncle qui vivait en Amérique. Il semble que c’est la raison pour laquelle son histoire n’a pas laissé de trace, les gens ont juste constaté ses dépenses et ses bienfaits, car il n’a pas utilisé son argent essentiellement pour son simple plaisir, mais il a considérablement aidé les pauvres. Pourtant son histoire à l’époque avait intrigué de nombreuses personnes. J’ai retrouvé une quantité d’archives témoignant de cette étrange affaire. Puppa était resté immobile, les mystères, il adorait. Il voulait tout savoir et urgea le curé de continuer son histoire. Le père Trambère prit une longue inspiration et commença sa narration : « Nous sommes le douze mai mille huit cent soixante… » ------------------------------------------ « Monsieur le curé. Monsieur le curé ! C’était le petit Jeannot, haut comme trois pommes qui courait à toutes jambes en direction du petit appartement paroissial. Le curé Chambole, un gaillard de plus d’un mètre quatre-vingt-dix apparut sur son palier. -Qui y’a t’il petit ? Demanda-t-il de sa forte voix. -C’est le maçon, il m’a dit que vous deviez venir tout de suite ! » Chambole retroussa les manches de sa grande robe noire, réajusta sa ceinture et sans demander la moindre explication emboîta le pas du petit garçon. Sa démarche attestait d’une parfaite assurance. Il passa une main dans ses cheveux grisonnant se servant de ce moyen pour chasser les quelques gouttes de sueur que la lourde et brusque chaleur de cette journée d’été avait provoquées. Il monta calmement les marches de l’église et pénétra dans son antre inquiet de la raison pour laquelle on l’avait quémandé. L’endroit était recouvert de poussière, les travaux de construction de la nouvelle église arrivaient à sa fin et seule l’aile nord restait inachevée. La première chose qu’il aperçut, ce fut Edmond le maçon, qui tout en le voyant dirigea son doigt vers un endroit précis du sol. Chambole ne voyait rien d’où il était, mais apercevant le visage intrigué de l’artisan, il hâta son pas dans sa direction. Dans les gravats, encore partiellement enterré dans le sol, on pouvait apercevoir un petit coffre aux ferrures rouillées et cadenassées d’un gros anneau en fer forgé. « J’ai commencé à le dégager ! Dit Edmond. Mais, je préfère finir ma tâche en votre présence ! Le petit Jeannot, à quatre pattes, époussetait la découverte. De son doigt, il tapota vivement les parties boisées du coffre. -Il y a quelque chose à l’intérieur ! Affirma-t-il en entendant le bruit sourd que son action lui renvoyait. -Et bien, allez-y ! Ordonna le curé en regardant Edmond. Enlevez-moi ça de là ! » Avec beaucoup de précautions, le maçon, aidé de sa pioche, exécuta l’ordre en quelques longues minutes. Il s’empara du coffre et, toujours agenouillé, le présenta, un peu comme une précieuse offrande au curé qui se tenait à ses côtés. Les doigts un peu fébriles, il s ‘empara du présent et le secoua légèrement. Quelque chose glissa à l’intérieur. Il prit le fermoir et le tira de toutes ses forces. Mais, il ne céda pas. Edmond connaissait la solution, il alla prendre une scie et demanda au curé de le laisser faire. Armé de son outil, il ne fit que peu d’efforts pour arriver à ses fins. Le cadenas céda et tomba sur le sol. Le curé posa le coffre sur un tréteau de chantier et devant l’ouvrier et le petit garçon, ouvrit lentement la découverte. L’intérieur était très poussiéreux, au moins un centimètre d’une fine couche de ce qui ressemblait à de la cendre en tapissait le fond. Se cachant sous celle-ci, on pouvait apercevoir des rouleaux de parchemins en peau de vache brunie et durcie par les nombreuses années de leurs origines. Le curé en prit un soigneusement et le déroula lentement. Lorgnant par-dessus son épaule, Edmond les yeux écarquillés observait la calligraphie avec étonnement, Jeannot trop petit pour avoir une vue de la découverte, lui tirait le pantalon quémandant ainsi les explications qui y étaient écrites. Edmond ne répondit rien. Le pauvre ne savait lire. « C’est quoi ? Demanda-t-il au curé. Chambole marmonnant à voix basse, relut plusieurs fois le texte qui y était inscrit. Mais il semblait ne rien y comprendre. -Et bien. Dit-il. Tout cela est bien étrange ! Il ne dévoila rien aux deux acolytes mais l’air pensif, emporta la trouvaille sous son bras. Jeannot interrogea le maçon : -T’as vu quoi ? -Ben ! J’sais pas, il n’y avait pas grand-chose sur ce morceau de papier, des gribouillis, c'est tout ce que j'ai vu! -C’est tout ? -Ben oui, -Y'avait peut-être de l'or, des bijoux dans le coffre! - Bein non pas d’or, pas de bijoux ! Le gamin sembla déçu de la réponse et haussant les épaules retourna à ses oisives occupations. Arrivé dans sa cuisine, le curé Chambole prit soigneusement l’un des documents, puis le plaqua sur sa table et le maintint ainsi à l’aide de quatre bouteilles de vin qu’il posa sur ses quatre coins. Il compulsa mainte fois l’écrit. Si ce qui y était relaté était réel, il allait bientôt être en possession d’une fortune colossale. Après quelques longues minutes de rêves éveillés, pensant au bien qu’une telle découverte pourrait amener à sa communauté, il rangea le tout dans un placard et le ferma à double tour. Il était l’heure pour lui d’aller diriger l’office d’un enterrement, celui de monsieur Loubère. -----------------------------------------
Le curé bénit la tombe
du défunt et conclut sa rapide homélie par ces derniers mots : « Au nom de toute la communauté de Gex, de l’église et de
moi-même, nous vous remercions cher monsieur Loubère pour le si
généreux don du terrain qui a permis la construction de notre nouvelle église ! » En effet, monsieur Loubère n’avait pas de
famille pour le succéder, même pas un lointain cousin. Il avait donc décidé de son vivant
d’attribuer une partie de ses biens à la commune et ceci pour des tâches bien précises. L’une d’entre elle était d’offrir un
emplacement privilégié pour bâtir le nouveau lieu de culte.
Son prêche terminé, Chambole se
dirigea vers la petite communauté endeuillée et échangea quelques mots élogieux sur l’exemplarité du défunt. « Vous venez chez nous pour dîner ! Lui
intima une grosse dame. -Non, ce soir, je ne peux
pas. » Répondit étrangement Chambole. Je dis étrangement car
c’est bien l’impression qu’il donna aux personnes qui avaient assisté à l’enterrement et qui le connaissaient particulièrement bien. Tous avaient remarqué sa façon
inhabituelle de mener les funérailles. Il avait raccourci la durée de la messe,
esquissé un sermon insignifiant. Puis au cimetière avait rendu
les derniers hommages d’une façon particulièrement désinvolte, regardant à droite, à gauche,
semblant chercher quelque chose du regard. Avant même d'avoir
attendu la dispersion de la foule, il s'était éclipsé de la vue de
tous les ouailles pour retrouver l’enceinte du cimetière. Chambole resta pensif. « Et si la tombe qu’il recherchait n’avait pas encore été transférée dans ce nouveau cimetière, mais au
contraire était restée à son emplacement
désaffecté? » D’un pas décidé, il parcourut
les cinq cents mètres qui le séparaient de la vieille église, la
contourna pour arriver dans l'ancien lieu d’inhumation. Chambole resta quelques
instants immobiles, le regard perdu dans ses chimères. Puis un
large sourire embellit sa figure revêche. « Tout ceci doit être vrai ! Mais qui était donc cet
homme mort à la fin du dix-huitième siècle ? Un noble
? Un grand bourgeois ? Un savant ? » Ses archives lui donneraient
certainement une partie de l'énigme. Il retrouva rapidement son
logis, décidé à découvrir les réponses à ses
nombreuses questions. Cette nuit-là, il la passa à feuilleter de
grands livres en essayant de décrypter la signification de chacun des ouvrages découverts,
reproduisant avec soin la calligraphie qui y était consignée. Il fallait
qu’il soit certain de sa découverte avant de commettre le sacrilège qu’à coup sûre il
regretterait. C’est à cette époque que les
habitants du village de Gex se rendirent compte du profond changement qui
affectait leur curé. Il était devenu
pensif, étourdi et chaque nuit, pendant de nombreuses heures, la flamme
chancelante d'une bougie éclairait sa
chambre et diffusait une faible clarté que tous pouvait voir osciller au travers de ses
persiennes. « Monsieur le curé ? Lui demanda l’une de ses fidèles. J’ai remarqué ou du moins tout le monde a remarqué que quelque
chose semble vous inquiéter ? Si cela est le cas, peut-être je peux… Nous pouvons,
vous apporter notre aide. Le curé agita sa tête dans un
signe de négation. -Non, tout va bien ! » Répondit-il. Pourtant, dans les jours qui
suivirent, son comportement se fit de plus en plus étrange. ---------------------------- « Jeannot ! Réveille-toi, il faut que tu viennes m’aider ! » Oui ! Je ne vous l’avais pas
encore dit, mais ce petit garçon, orphelin de père et mère vivait sous le toit du curé. Notre bon prêtre qui avait
le cœur sur la main s’était fait un devoir de s’occuper de ce
charmant bambin touché dès son plus jeune âge par l'âpreté du destin. Il vivait donc avec lui, s’occupant de l’assister à la messe,
nettoyant la cure, lui préparant parfois même ses repas. Le curé, quant à lui s’évertuait à lui inculquer
une éducation dont le bambin aurait volontiers voulut se passer. Mais que lui voulait-il en pleine nuit ? Jeannot frotta ses yeux du
revers de ses deux mains, ouvrit largement la bouche en dégageant un bâillement
semblant pouvoir lui décrocher la mâchoire. Puis, regardant le curé du seul œil qu’il avait à cet instant réussi à ouvrir il
demanda : « Quoi ! Qu’est qui se passe ? -Mets tes habits et
suis-moi. Dépêche-toi ! » Conclut-il sur un ton autoritaire qui marquait ainsi
sa volonté de ne supporter aucune rouspétance. Notre pauvre petit Jeannot, à peine réveillé se traîna derrière la marche
volontaire du curé. Ils passèrent devant ce qu’il appelait déjà la vieille église et qui devait être
effectivement abandonnée et démolie dans les semaines prochaines. La nuit était particulièrement
obscure, parfaite pour un dessein qui voulait être gardé
secret. Chambole lui tendit une
pelle qui reposait au fait du mur et lui-même s’empara d’une grosse pioche que les croque-morts utilisaient pour
creuser les tombes. Puis à tâtons, se servant plus de la connaissance qu’il avait du
lieu que de sa vision, le curé s'engagea lentement dans l'allée gravillonnée, l'enfant le
suivait tant bien que mal, s’agrippant d’une main au revers de sa soutane. Il devait faire très attention de
ne pas tomber dans les trous béants des tombes qui venaient d’être récemment déplacées. Puis soudain il s’arrêta net devant
l’une de celles qui était restée intacte. « Tu pourrais faire attention ! » Grommela le
curé qui l’aida à se relever. Puis, ne se souciant pas de l’accroc fait à sa soutane,
il sortit une bougie de l’une de ses poches et après plusieurs
craquements infructueux d'allumettes, il finit par l’enflammer. Il approcha la faible clarté au plus près de la pierre
tombale où une homélie apparaissait toujours clairement et la lut à voix haute : « Ici repose Albert de Noiseule, né le douze août mille sept
cent cinquante-sept et mort dans sa cinquantième année le six
juillet mille huit cent sept ! » « C’est bien l’endroit où il faut creuser ! -Creuser ! S’étonna Jeannot
qui ne comprenait rien à l'histoire. -Oui ! Affirma le curé qui commença immédiatement à donner son
premier coup de pioche, et toi, Jeannot, pour l'instant tu tiens la bougie bien
haute! Une forme spectrale se mit à danser sur le
sol accompagnant de ses fluctuations machiavéliques la
besogne du curé. D'une main tremblante,
Jeannot laissa tomber quelques gouttes de cire sur la stèle et y colla
sa chandelle. Un squelette apparu coiffé d’un haut de
forme en soie noire et de guenilles souillés par le temps. Il semblait leur sourire de sa mâchoire décrochée. -Un trésor ! S’étonna
Jeannot, qui soudainement intéressé par cette affirmation avait oublié sa peur et mirait
maintenant pleinement la dépouille mortuaire. -Enfin, c’est quelque
chose que nous devons à mon avis, garder secret et qui nous permettra d’améliorer notre
vie et d’apporter du bonheur autour de nous. Tout en parlant Chambole
couché sur le sol, les mains tendues vers le mort fouillait l’une après l’autre ses
poches. Pourtant, après moult
recherches, il dut se ranger à l’évidence qu’elles ne contenaient pas ce fameux message. Souriant, Jeannot eut l’idée évidente de la
cachette. -Pourquoi ne regardez-vous
pas dans la poche intérieure de son veston ? Le curé se frappa le
front. Puis reprenant sa posture
inconfortable, il déboutonna, cette fois avec dégoût, les boutons
du veston, l'ouvrit délicatement et glissa sa main dans la doublure intérieure. Une petite feuille de papier ressortie
victorieusement coincée entre ces doigts. -Je l’ai !
Fanfaronna t’il joyeux. Jeannot eut un petit sourire
moqueur et murmura : Il commença à lire la
missive pour s'assurer de son contenu et satisfait, il la replia Le travail terminé, trempés de sueur,
les deux compères reprirent le chemin de la cure. En chemin, Jeannot se tourna
ver Chamboule et l’interrogea : « C’est vrai qu’on va avoir un trésor ? Le curé s’arrêta net, plia
les jambes pour se retrouver à la hauteur de l’enfant, prit ses deux mains entre les siennes et aidé par la faible
clarté d’un quart de lune, plongea ses deux yeux dans son
regard. -Il faut que tu me le jures.
Jamais tu ne dévoileras ce secret à personne ! » C’est alors que
l’enfant prit conscience de l’importance de la mission qui lui était confiée. Cet homme
qui avait été pour lui d’une grande bonté, lui demandait maintenant de partager quelque chose d’unique. « Je le jure ! » Dit-il solennellement. Le curé se releva
sans ajouter un seul mot. L’enfant comprit que pour toujours leurs destins seraient étroitement liés et il s’enorgueillit de la confiance inconditionnelle que Chambole venait de lui accorder… -------------------------
Puppa, écoutait l’histoire avec
intérêt, son esprit inquisiteur s’était incrusté dans cet étrange scénario et se posait déjà des tas de
questions. « Non répondit le curé. Enfin je ne le sais pas vraiment. Ce monsieur Loubère connaissait peut-être la présence du trésor. Car le
fait d’avoir légué sa grange à la paroisse est d’une grande importance. Mais ! A mon avis, il s’agit-il d’une coïncidence
divine! Puppa ne répondit rien à cette allégation, qui,
pour lui, n'était qu'une réflexion ecclésiastique naïve. Pourtant il évita de suggérer la moindre contradiction sur ce sujet et demanda : -Est-ce que cet Albert de
Noiseule était de la famille de Loubère ? -Non, d’après ce que j’ai découvert dans
mes recherches, ils n’avaient aucune parenté. Le seul lien
entre eux deux et un acte de vente entre le fils de Monsieur de Noiseule et
Loubère. -Et bien justement ! répondit-il,
semblant quelque peu ennuyé… ------------------------- Chambole sortit de l'office
du notarial la mine radieuse et réjouie. Sa nouvelle possession venait d'être officialisée. Il
descendit la rue de l'horloge où Jeannot l'attendait assis sur un muret. -Alors mon père vous
l'avez? Chambole ne répondit rien,
prenant un air mystérieux et décontenancé. -Alors, vous l'avez? Répéta l'enfant
inquiet. Chambole éclata de rire
et lui montra la grosse clef qui allait leur permettre de visiter son nouveau
domaine. Jeannot la lui arracha des mains et parti en courant vers la grange
qui se trouvait au bas de la descente. Il réussit à ouvrir avec
difficulté la grande double porte en bois de chêne quand le
curé arriva. La bâtisse était faite de
pierres assemblées sommairement à la chaux, la toiture recouverte de tuiles rapiécée en de
multiples endroits par des morceaux de tôles rouillées. Deux petites lucarnes perchées à trois mètres du sol décoraient la façade. L'arrière de l'édifice était appuyé sur une
colline escarpée Ils entrèrent dans
l'endroit mystérieux et malodorant. Le curé pris soin de refermer soigneusement la porte derrière eux. Il ne
voulait pas que des yeux indiscrets accompagnent leur découverte. Une faible clarté filtrait des
lucarnes recouverte d'une vitre crasseuse et des disjonctions de la toiture.
Des trais de lumière rebondissaient sur le nuage de poussière qui venait
d'être dérangé par leurs entrées soudaines. Leurs yeux s'habituèrent à la pénombre et le
spectacle qui s'étala devant eux leur sembla surprenant. Un véritable
capharnaüm de poutres métalliques et de machines agricoles en pièces détachées
envahissaient quatre-vingt-dix pour cent du local, ne laissant aucune place à la moindre
avancée. Au fond, on pouvait apercevoir un alignement de buches adossées à une paroi de
terre sèche qu'elles recouvraient sur les trois quart de sa hauteur. Chambole
pointa dans sa direction en précisant que l'entrée du tunnel, celui de l'ancien château de Gex,
devrait se trouver là. -Un tunnel M'sieur le curé, derrière les buches? -Oui mon garçon, c'est
inscrit sur le papier que nous avons trouvé sur le cadavre! Nous avons un sacré du travail
devant nous pour y accéder. À peine avait-il prononcé ses mots que
le Jeannot aidé par sa petite taille rampa sous les décombres métalliques et
se retrouva rapidement devant l'amoncellement des rondins de bois. -Je fais quoi maintenant? Chambole content de son
initiative, lui demanda de voir si les buches bougeaient. Le gamin essaya sur
une première, puis une seconde, mais elles semblaient être coincées, écrasées par le
poids qui les surplombait. Quand soudain l'une d'entre elle bougea. Jeannot la
tira vers lui, puis fit de même sur celle d'à côté. Derrière cet interstice qu'il venait d'ouvrir il ressentit
un air froid qui portait une odeur de moisi. -Y'a un tunnel ici! Dit-il
en s'apprêtant à continuer sa besogne. -Attention malheureux, tout
va s'écrouler! Gronda Chambole. Reviens ici tout de suite! ---------- Edmond, était furieux,
on lui avait volé sa scie. « Une scie presque toute neuve ! Dit-il au curé. -Vous l’avez peut-être égarée ! Suggéra-t-il. -Pour sûre non ! » Elle était sur cette
table quand je suis parti hier soir ! Chambole mima une moue
d'ignorance et ne prêtant plus la moindre attention à ses rouspétances, il se
dirigea dans la nef de l’église en regardant au ciel pour admirer et apprécier le travail
admirable qui y avait été accompli. L’édifice était maintenant pratiquement terminé et il se réjouissait car,
bientôt, l’ensemble de ses fidèles pourrait profiter de ce nouveau lieu de culte. Il s’agenouilla au
beau milieu de l’allée, joint ses deux mains dans un geste de prière, puis
murmura : « S’il vous plaît, mon Dieu, pardonnez-moi pour ce petit chapardage, c’est pour une
juste cause ! ». ---------- Le but était de se
frayer un chemin suffisamment ample pour lui permettre le passage de sa grosse carcasse.
Aidé de son fidèle Jeannot, Chambole commença à scier les
quelques barres de fer que le gamin avait marquées d’un trait rougeâtre. La voie choisi n'était pas
directe mais serpentait d'une façon erratique dans le but d'ouvrir un chemin convenable
mais discret jusqu'à l’entrée du tunnel. « Baissez le dos ! Attention à votre gauche
! Votre droite ! » En effet, Jeannot n’avait pas eu
la permission de l’aider pour les découpes, mais il était resté assis dans un coin de la bâtisse espérant pouvoir être d’une quelconque
contribution. Le curé se releva,
poussiéreux, fourbu, se tenant le dos de ses deux paumes, pestant sur la
chaleur estivale, comparant son labeur à un véritable chemin de croix. C'est alors que Jeannot se
sentit d'une grande utilité. Il lui offrit une gourde d’eau fraîche et
l'accompagna de quelques mots de réconfort : « Vous devriez me laisser vous aider ! Ajouta-t-il
timidement. -Non ! Dit-il. C’est un travail
d’homme pas de gamin. Puis regardant le chemin qu’il lui restait
à accomplir, il ajouta : -Six ou sept séances et le
tour sera joué ! » Son estimation se révéla exacte. Cette période de dur
labeur ne passa pas inaperçue à bon nombre des fidèles de la
paroisse. Ils remarquèrent l’état de fatigue de leur prêtre. Son
entrain habituel n’était plus de mise. Il se levait tard, marchait avec précaution, courbé sous son dos
endolori, supportant avec peine ses genoux qui craquaient à chacun de ses
pas. « Je deviens vieux ! » Avait-il
argumenté pour calmer les esprits intrigués et chagrins. Seul, l'homme qui l’avait aperçu creusant
dans le cimetière s’intéressa de très prêt à ces étranges comportements. Il le suivit même
clandestinement, en pleine nuit, jusqu’à la grange et, tel un espion, dans l'entrebâillement des
portes, il observa ses agissements en relatant avec applications toutes ses
observations sur un petit cahier brunâtre... Le jour tant attendu arriva.
Le curé scia le dernier morceau de fer qui lui sembla bien
entendu plus récalcitrant que les autres et posa enfin sa main sur les rondins de bois
amovibles qui lui barraient le passage. Il les enleva avec précaution tout
en prenant soin d'étayer le passage par un sommaire assemblage métallique. Un
boyau étroit se trouvait à présent devant lui. Il y pénétra lentement,
avançant à quatre pattes en poussant devant lui la lampe à pétrole. Jeannot
le suivait de près, bouillonnant de curiosité. La galerie s'élargit soudainement pour devenir une large galerie
permettant la station debout. Il se releva donc, tâta de ses
grosses mains les parois d’une terre noirâtre qui étaient
sommairement soutenues par des étais de
poutres. Affutant son regard de ses deux yeux clignés, il essaya d’apercevoir la
continuité de ce qui se trouvait devant lui. Le petit Jeannot,
beaucoup plus téméraire passa entre ses jambes pour le dépasser, lui
faucha sa lanterne et s’éloigna rapidement dans le boyau. « Pas si vite jeune homme ! Grommela-t-il. Attends-moi, ça peut être dangereux
! » Jeannot ne l’écouta pas et
continua d’un pas rapide s’enfilant sans la moindre frayeur dans le souterrain
qui s’enfonçait dans les entrailles de Gex. Chambole l’imita précautionneusement,
suivant la lumière diffuse qui se promenait devant lui, essayant de ne pas heurter de
ses épaules les cloisons qui lui semblaient bien fragiles. « J’ai trouvé ! ». En effet, quelques instants
plus tard, le cœur battant à tout rompre, il se retrouva dans la petite salle décrite en détail dans la
note retrouvée sur la dépouille de monsieur Noiseule. La richesse qu’elle lui
laissait entrevoir se trouvait bien au rendez-vous. Intérieurement,
Chambole remercia Dieu. ------------------------------------------ Ernest n’avait pas bougé d’un pouce. Il
avait écouté l’histoire dans un silence que je pourrai d’une façon ironique, qualifier
de religieuse. Il se pencha vers la
bouteille qui se trouvait devant lui et en versa une bonne rasée à son
narrateur. « Alors monsieur le curé, c’était quoi ce
trésor ? Des pièces d’or, des bijoux, de l’argenterie,
des objets de valeur datant de Léonette de Joinville ? -Si seulement je le savais !
Répondit-il. Mais rien. Rien du tout, pas la moindre note relatant la
nature du trésor. La seule chose que je sais, c’est qu’il n’en prit pas la totalité et que
certainement, un pactole fabuleux dort encore quelque part sous nos pieds ! -Mais savez-vous au moins
comment il a négocié ce trésor ? De l’argent ! Il a bien dû en avoir en échange de sa
trouvaille ! -Eh bien oui ! Voici la
suite de l’histoire ! » Reprit père Trambert. -------------------------------- Le curé Chambole
assis à sa table, la tête coincée entre ses deux paumes, semblait plongé dans une
profonde réflexion. Jeannot restait en face de lui, le regardant avec ses grands
yeux d’enfant. Il avait lu le parchemin et maintenant comprenait l’étendue de l’immense
fortune qu’ils avaient découverte. Tout en observant un silence qu’il pensait de
rigueur, il épluchait avec soin les pommes de terre qui étaient devant
lui, en s’appliquant de façon à éviter le
moindre gâchis. Chambole rompant soudain le
silence chuchota : « J’ai une connaissance sur Genève qui, je
pense, peut nous aider ! -A quoi ? Demanda Jeannot. -Et bien à transformer
notre trésor en pièces de monnaie ! Il ne sert à rien si on ne peut pas le négocier ! Expliqua-t-il. -C’est qui cette
personne ? Chambole regarda Jeannot
droit dans les yeux et se mit à lui raconter ce voyage qui l’emmena de sa
Bretagne natale jusque dans le pays de Gex... Il avait été nommé dans cette
lointaine paroisse à sa propre demande. Une raison personnelle qui lui
intimait de s’éloigner à tout prix de sa région. Le voyage en calèche s’annonçait particulièrement long et
exténuant. Une dizaine de personnes partageaient l’inconfort de
ce transport qui leur permettrait de traverser la France. Assis en face de lui
se trouvait un monsieur à l’allure impeccable engoncé dans un
costume qui semblait peu confortable. Pendant le premier jour de voyage, ils n’échangèrent pas un
seul mot, s’envoyant simplement des regards furtifs. Et c’est donc à la façon «Boule de suif » qu’il partagea
son repas avec ses compagnons de périple. Ce geste particulièrement généreux lui
attira la sympathie de tous et c’est ainsi qu’il fit connaissance avec Monsieur Robert Fleming, un
admirable chirurgien qui officiait dans un hôpital très réputé de Genève. Ils se lièrent d’amitié pendant les
longs jours que dura leur pérégrination. Ce médecin revenait d’un voyage en Angleterre, qui lui avait permis de
retrouver toute sa famille et d’échanger les dernières techniques d’opérations particulièrement pointues avec ses confrères
anglo-saxons. La frimousse de Jeannot s’égailla. « Eh bien voilà l’occasion d’aller voir votre ami ! » ------------------------------ Chambole semblait flotté dans les rues
de la vieille ville de Genève. Sa longue chasuble noire le recouvrant en totalité cachait le
rythme de ses pas et donnait cette impression de glissement sur le pavement de
la chaussée. La montée de la rue était particulièrement difficile et mettait à rude épreuve le déplacement de
sa monumentale carcasse. Monsieur Fleming possédait un
appartement sur la place de la cathédrale et c’était ici qu’il lui avait donné rendez-vous. La raison principale de son invitation
faisait suite à la réception de la missive qu'il lui avait envoyée et qu’il avait trouvée bien étrange et
intrigante. Il trouva le numéro quinze de
la place, vérifia que le nom de sa célèbre connaissance y était bien
indiqué, puis il monta lentement les trois étages qui le séparaient de la
magnifique porte en chêne qui barrait l’entrée du logement de son illustre ami. Il saisit l’enclume en fer
forgé et frappa plusieurs fois sur le battant de bois qui résonna à la cadence de
sa main. Un pas se rapprocha
rapidement et la porte s’ouvrit devant un major d’homme averti
qui pria le curé d’entrer avec un " Monsieur vous attend ! "
Des plus emprunté. D'un geste de la main et d'une déférente courbette, il l'invita à le suivre et
conclut par un. Je vous laisse patienter, je vais avertir Monsieur de votre
arrivée!". Chambole pénétra dans un
magnifique salon aux fenêtres bordées de rideaux aux couleurs pourpres. Un immense
chandelier marquait le centre de la pièce. Une bibliothèque riche de centaines de livres reliés de cuire
garnissait le pan complet de l’un des murs. Le curé profita de l'attente pour s’en approcher
et avec le contentement de l’homme cultivé qu’il était, il susurra quelques-uns des titres scientifiques
qui y étaient inscrits. « Cher curé Chambole ! S’exclama une voix derrière lui. Quel
plaisir de vous revoir ! » Il se retourna pour faire
face à Monsieur Fleming. C’était un grand
homme maigre, au visage émacié, au regard vif, à la démarche rigide et franche. Le bras tendu en direction
de son invité, il lui serra vigoureusement la main et sembla réellement
heureux de le revoir. Les deux hommes échangèrent quelques
banalités d’usage, puis monsieur Fleming le fît s’asseoir à ses côtés et sans détour engagea la conversation sur le sujet qui amenait
son hôte : « Dans votre lettre vous me parler d’une découverte
fabuleuse ! -Oui ! Répondit tout
simplement le curé. Puis il sortit de l’une de ses poches une petite boite qu’il tendit à Fleming. Puis
il continua. -Ce n’est qu’un échantillon de
ma trouvaille et j’aimerai que vous-même ou l’une de vos relations en fassent une évaluation. Fleming regarda l'échantillon
avec circonspection, faisant naviguer avec précaution la
petite boite devant ses yeux. -Mon cher Chambole, j’aimerai être éclairé sur ceci ! Puis le curé s’engagea dans
des explications longues et très détaillées. Mais, ne jugea pas nécessaire
de divulguer des informations concernant
l’emplacement de sa découverte. Fleming écouta avec
application tous les propos que le curé lui énonçait, fronçant les sourcils quand certain détails lui
semblaient d’une vérité improbable. Puis, l’objet que
Chambole avait apporté fut posé sur la table et les deux hommes le regardèrent fixement
en gardant le silence. « Je dois vous quitter ! S’excusa-t-il
soudainement. J’ai messe ce soir ! Précisa-t-il. Les deux hommes se serrèrent
cordialement la main et Fleming l’accompagna jusqu’à sa porte lui promettant de donner suite à sa requête. Pensif, il ne réintégra pas immédiatement ses
appartements mais écouta les pas de son visiteur qui cheminaient dans la descente
d'escaliers. Seul le claquement sonore de la porte principale de son immeuble
sembla le dégager de sa rêverie. Rentrant précipitamment
dans son salon, Il saisit l’objet de sa préoccupation et ordonna à son majordome
d’aller chercher sa calèche. -Je dois me rendre d’urgence à l’hôpital ! Précisa-t-il. --------------------------------- Les semaines qui suivirent
cette rencontre d’importance passèrent bercées par le quotidien auquel tout curé doit s’attendre. Avec
la simple différence que Chambole semblait avoir une étrange activité nocturne.
Accompagné de son fidèle Jeannot, ils faisaient de fréquents voyages
de la cure jusqu’à sa grange en transportant toujours le même petit sac,
vide à l’aller et plein au retour. Puis pendant les longues
heures de la nuit, on pouvait apercevoir la clarté des bougies
filtrer à travers ses persiennes. Tous ses fidèles s’interrogeaient
sur son étrange comportement. Ils avaient même interrogé Jeannot espérant lui tirer les vers du nez. Le gamin ne dévoila rien de
son secret. « Non, tout va bien ! Dit-il. On range la grange. On y a
trouvé de nombreux livres très intéressants mais
en très mauvais état et vous savez Monsieur le curé adore la lecture, alors le soir on s’occupe de les
réparer et il me lit des tas de choses drôlement
instructives ! Cette version officielle
avait été inventée d’un commun accord et semblait une explication très plausible
qui éloignerait à coup sûre la plupart des curieux. Et c’est un fait,
les gens ne s’étonnèrent plus vraiment de leurs discrètes pérégrinations. Seul peut-être monsieur
Dardame, l'homme qui, depuis l’épisode du cimetière, s’intéressait de très prêt à ces deux lurons. Puis un jour, une bonne demi-heure
avant le début de la messe une magnifique calèche s’arrêta devant l’église de Gex. Quatre personnages richement habillés en sortir.
Parmi eux ont pouvait reconnaître monsieur Fleming, puis le conte de Randaber, le
banquier Buscher et le bourgmestre Mansfeld. Ces illustres personnages prirent
place dans le fond de l’église et suscitèrent l’étonnement de la communauté des fidèles. Les commères locales
eurent beaucoup de mal à suivre l'office et échangèrent pendant
l'intégralité du sermon des chuchotements et regards interrogateurs.
Chambole par contre fît mine de ne pas s’apercevoir de
cette présence exceptionnelle. Il connaissait parfaitement
la raison de leurs venues, mais malgré la curiosité et la fierté qu’il éprouvait de pouvoir rencontrer ces notables il prit un
malin plaisir à rallonger sa messe se délectant du
prochain triomphe dont-il allait bientôt jouir. Comme à son habitude,
il serra la main de tous ses paroissiens. Puis, Fleming et ses compères qui discrètement avaient
attendu dans la pénombre du bâtiment la fin des salutations s’avancèrent vers le
curé. Celui ci mima la surprise et s’excusa de son inattention. Fleming lui chuchota
quelques mots à l’oreille, le curé fît un discret signe de déférence à l’intention des
illustres quidams et les invita à le suivre. « C’est extraordinaire ! » Ces deux mots émanant de
Fleming furent les seuls que l’on put entendre lorsqu’ils
franchirent le porche de son jardin… ------------------------------ La tête d’Ernest Puppa
foisonnait de questions. Puis il se représentait ses
quatre sommités genevoises, admirant le pactole, congratulant Chambole et lui faisant
l’offre d’une rente confortable en échange de ces nombreuses reliques médiévales. « Mais, au fait ! Demanda-t-il? Père Trambert,
comment connaissez-vous autant de détails sur tous ces évènements ? -Et bien… » -------------------------------------- Monsieur Dardame venait de
consigner sur son petit carnet les derniers détails de ses
observations. Ce soir il irait faire un tour dans la cache de Chambole et
verrait bien ce que cache tout ce mystère. Il était minuit passé quand il pénétra dans la
grange. Un simple clou tordu en forme de clef lui avait permis de forcer le
cadenas rustique qui en sécurisait l’entrée. Il alluma sa lampe tempête et observa
l’amas métallique qui lui faisait front et qui aurait rebuté par son
enchevêtrement n’importe quel visiteur. Sans qu’il s’en aperçoive, le petit
carnet, gardien de ses observations, avait quelques instants auparavant, glissé de sa poche, et, s'était retrouvé parmi les poutrelles de fer, à mi chemin de
l'entrée du tunnel. Dardame se mit à ramper avec
difficulté dans le souterrain puis atteignant le boyau plus large, il se redressa
pour cheminer avec précaution et s'enfonça dans les
entrailles de la galerie malodorante. Fît-il la découverte ? Personne ne le sut jamais ! Malheureusement pour ce
pauvre homme, nous étions le douze octobre mille huit cent soixante neuf, à une heure
douze du matin. Le jour de ce terrible tremblement de terre qui secoua la Haute
Savoie si proche et projeta son onde de choc sur le pays de Gex. Le résultat de
cette secousse fut, heureusement sans conséquence réelle pour la ville car seules quelques maisons furent
légèrement endommagées. Mais, la galerie insuffisamment étayée rendit l’âme en s’effondrant sur
elle-même. --------------------------------- Chambole, venait d’ordonner d'importants
travaux dans son logement. Sortant une liasse de billets
pour payer les ouvriers il affirma, gardant un ton grave et peiné : " J’ai hérité de mon oncle, un
homme brave et fortuné dont
je suis la seule descendance!" Il avait prit personnellement
part à l’élaboration de la réfection de sa cave,
demandant qu’elle
soit largement agrandit et qu’elle gagne du volume en s’enfilant sous son
jardin. Ses fouilles nocturnes étant, après le séisme, devenues
impossibles, il avait arrêté ses allées et venues
fatigantes et avait expliqué à Jeannot que c’était le ciel qui
avait voulu bloquer leur tunnel et que de toutes façons, il ne restait
plus vraiment grand chose à ramener. Il prit un rendez-vous avec le
maire de la commune qui très curieux le reçu sur-le-champ : « Comme
vous devez le savoir j’ai
perçu
une somme considérable
d’un
membre de ma famille récemment
décédé ! J’aimerai faire
profiter la communauté de
cet apport conséquent
d’argent
qui ne m’est
d’aucune
utilité !
» Le maire, un gros homme au
teint rougeâtre
parfaitement au courant de la bonne fortune de notre prêtre se demandait bien
quelle proposition allait lui être faite. Chambole enchaîna : « Depuis
la construction de notre nouvelle église, l’ancienne n’a maintenant plus raison d’être, j’ai donc pensé que ses fondations
pourraient être
utilisées
à bon
escient. Et je suis prêt
si vous l’acceptez
à financer
la construction d’une
école
sur son emplacement ! » Puis sortant un rouleau de
papier qu’il
avait jusque là caché dans la manche de sa
soutane, il le déplia
devant les yeux intéressés de Monsieur le
maire. La gratuité de l’enseignement devait y
être
prodigué et
l’acceptation
à titre
prioritaire des enfants les plus démunis. Le maire fut rapidement emporté dans l’enthousiasme et la générosité qui rayonnaient de
ces explications détaillées, la consultation
et l’agrément du projet furent
rapidement approuvées… ------------------------------ Comme chaque jolie dimanche
d'automne, la place de l'horloge s'animait de la présence de nombreux Gessiens.
S'était le lieu idéal pour admirer la chaine des Alpes qui se détachait
clairement dans l'azur du ciel. Deux groupes distincts
s'étaient formés. Le premier parlait de Chambole et de sa nouvelle fortune. Un
doute se détachait de la conversation. Et, si ce n'était pas un héritage qui
l'avait rendu si riche, mais plutôt la trouvaille de ce petit coffret que
l'indiscrétion d'Edmond avait révélé. Il fut supposé qu'il contenait des bijoux
très anciens, des reliques religieuses de la plus haute importance. Le regard
de la population envers leur curé avait changé, un doute sur son honnêteté. Sur
son enrichissement suspect. Bien sûre, il faisait profiter de sa richesse à sa
communauté, mais pourquoi voulait-il gérer un trésor qui ne lui appartenait
pas. Une fortune Qui aurait dû revenir intégralement à l'évêché. Le deuxième groupe parlait
de la disparition de Monsieur Dardame. Elle avait été signalée par son frère
qui sans nouvelle de lui depuis plus d'une semaine, avait forcé la porte de son
appartement pour constater son absence injustifiée. Il n'était pas parti en
voyage car toutes ses affaires étaient soigneusement restées à leur place. Il
pensait que son frère qui était un célibataire solitaire et endurci avait eu un
accident quelque part dans la forêt, s'était peut-être fait mangé par des
loups. --------------- Au début de l'hiver, un événement allait détruire irrémédiablement la vie de
Chambole. « Curé Chambole, je présume ! Dit l’un d’eux. -Oui. Répondit-il. -Nous venons vous voir à la suite de
nouvelles… Curieuses
qui sont arrivées
jusqu’à nos
oreilles. Nous représentons
l’évêché de Bourg-en-Bresse ! Puis l’autre quidam enchaîna : -Nous aimerions savoir quel
miracle vous a permis de passer de la pauvreté à une richesse
ostentatoire ? -Un héritage. Murmura t’il entre ses dents. -Je vous arrête tout de suite !
Gronda le plus grand de ses interlocuteurs. L’autre inquisiteur continua : -Nous avons vérifié cette histoire « d’héritage » et nous avons de sérieux doutes sur l'existence de votre oncle d’Amérique ! -Nous aimerions donc que vous
nous donniez quelques explications plus cohérentes ! Vociféra méchamment son acolyte. -Et bien. Cet oncle existe bel
et bien ! » Osa
une dernière
fois Chambole en rougissant. -Et ce trésor que vous avez découvert dans le
chantier de l'église? -Un simple coffre avec des
parchemins sans importances! -Nous aimerions bien les voir! Chambole montra sa découverte qu'il avait
entreposée
sur sa commode, à l'intérieur les parchemins étaient totalement décomposés, grignotés par la vermine qui les avaient mis en pièces. Mais pourquoi notre bon curé ne voulait-il rien
avouer sur sa découverte
extraordinaire ? Malgré l’interrogatoire qui se
prolongea désagréablement pendant une
bonne heure, Chambole ne dévoila rien. Cette menace s’avéra au demeurant tout à fait exacte ! ------------------------------ Chambole termina sa vie dans un
petit appartement qu’il
s’était
fait installer dans le sous-sol de son école. Les évènements, cause de sa rupture avec l’église, l’avait fait vieillir
prématurément. Il restait de
long mois enfermé dans
son logis avec comme seul visiteur, son fidèle Jeannot. Jeannot vivait maintenant à Genève où il jouissait d’une vie très confortable.
Contrairement à son
mentor, il profitait de la richesse héritée de la découverte. Le jour de la mort de Chambole,
après
son enterrement, Jeannot s’enferma dans le logis de son regretté bienfaiteur. Il alluma un feu dans la cheminée, espérant ainsi chasser le
froid et l’odeur
de moisi lancinante qui irritait ses narines. Puis, assis devant cette
immense table en chêne
qui partageait en deux la salle de lecture de Chambole, il se mit à feuilleter ses
archives. Il sortit de sa poche ce petit livret marqué « Dardame
» qu'il
avait retrouvé dans
la grange, celui ci retraçait
en détail
une partie des évènements de la quête de Chambole. Puis
il fouilla dans la bibliothèque retrouva l'intégral des manuscrits. A cet instant, il se mit à réfléchir sur la raison
effective qui avait poussé Chambole
à ne
pas dévoiler
sa découverte.
Malgré les
dizaines d’idées qui passèrent par sa tête, aucune ne lui
donna vraiment une indubitable explication. Il continua sa lecture,
compulsant avec une certaine tendresse, les dizaines de feuillets écrits de la main de
Chambole qui expliquait en détail sa magnifique découverte. Il s’apprêtait à les
glisser dans la poche intérieure
de son veston quand soudain il se souvint de son serment Et il comprit ! Il comprit qu’il devait suivre la
promesse faites, celle de ne jamais dévoiler le secret ! La cheminée s’anima brusquement d’une flamme jaunâtre et chaude, une
clarté douceâtre illumina la pièce pendant quelques
secondes. L’explication détaillée du secret de Chambole venait de s’envoler en fumée. Par contre il garda le petit carnet de Dardame et décida de le rendre à sa famille. ------------------------------
Les pistes étaient peu nombreuses et Ernest n’était pas certain de la façon d’aborder le problème, ceci, jusqu’au jour où l’on lui signala la violation d’une sépulture. Puppa avait logiquement conclu que cet acte infâme était d'une évidente concordance avec son mandat et c’est donc accompagné d'un fossoyeur, qu’il se rendit rapidement à l’endroit où avait été accomplie l’abomination. La tombe était recouverte d’un drap que son accompagnateur retira après un respectueux signe de croix. La sépulture semblait très ancienne, au fond du trou laissé béant, on pouvait apercevoir les restes d’un cercueil de bois partiellement rongé par la vermine et les restes éparpillés d’un squelette. « A qui appartient cette tombe ? Demanda Puppa. -La concession date du début du vingtième siècle, elle a été achetée pour deux cents ans précisa t’il en consultant son livret mortuaire, mais c’est étrange, la personne qui a été enterrée ici n’a pas voulu que l’on y inscrive son nom et quelqu’un a d’ailleurs effacé le patronyme qui devait figurer dans le registre de la mairie ! Puppa contourna l’excavation et jeta un coup d’œil sur la pierre tombale qui avait été renversée lors du méfait. Il espérait y trouver des indications d’importances. Malheureusement les intempéries avaient perpétré leur œuvre destructive et l’on pouvait avec peine distinguer quelques lettres d’un texte indéchiffrable. Puppa les lut en silence : « A la per…so ..e la pl… Ch… de mon exis…nce. Je n… vou.. oub…. . » La phrase était facile à comprendre mais sans grand intérêt pour son enquête, seul le dernier mot qui semblait être la signature de l’auteur du texte le fit sursauter. « Jea…ot .» « Monsieur le curé Chambole ! » S’exclama t’il le sourire aux lèvres. Puis, accompagné d’un petit geste de déférence en direction de la tombe, il ajouta devant les yeux ébahis de son guide : « Enchanté de vous rencontrer enfin ! » ------------------------------------
Ernest assis devant sa télévision se
délectait d’un pot d’olives, il avait
récemment appris qu’elles étaient
bénéfiques pour la santé et sa logique implacable
lui avait soufflé qu’il était temps pour lui
d’abandonner ses plaques de chocolat pour les remplacer par ce
fruit au goût suave.Il ne regardait pas vraiment les informations télévisées qui égrenaient encore et toujours leurs nouvelles catastrophiques. Mais Puppa pensait à cette affaire qu’il appelait « Le mystère de Chambole . » Enfin ce n’était plus vraiment pour lui un mystère car à présent il l’avait complètement résolu. Je ne parle pas de la profanation ou du vol de la cure, mais de celui qui entourait la brusque richesse de ce prêtre. Quelques détails devaient bien entendu être vérifiés et confirmer ainsi son habile déduction, mais la réponse lui semblait maintenant tellement évidente. Il s’amusa en pensant au père Trambert qui lui avait révélé la solution de l’énigme sans même le pressentir ! Pour être franc, Puppa n’avait pas tout de suite considéré l’élément important de l’histoire, mais, dans sa naïveté, Carlos lui avait chuchoté la réponse. Carlos ? Mais qui est ce Carlos qui n’est apparu qu’un bref instant au début de l’histoire? Et bien, ce n’est pas un habitant de notre beau Pays de Gex, mais Carlos Castaneda, un anthropologiste écrivain, décédé en mile neuf cent quatre vingt dix huit, qui, dans son œuvre décrivit la « non-réalité » des indiens Yaqui ! Puppa s’était passionné par ses nombreux ouvrages et se furent eux qui lui apportèrent l’indice capital qui lui fit pressentir l’évidente solution. Ce n’est qu’un simple, mais important détail de ses écrits qui l’emmena dans la voie évidente, sur ce chemin où le raisonnement vous porte d’un fragment à un autre jusqu’à l’énoncé de votre déduction. Mais enfin, sa première mission était avant tout de résoudre la mission qui lui avait été confiée. Demain, il irait faire un tour jusqu’à l’école primaire de Pertemps. L’annuaire téléphonique lui avait indiqué qu’il pourrait y trouver un indice crucial concernant le voleur profanateur de tombe. -----------------------------
Ernest avait emprunté le chemin de la Côte aux
dindes. La montée était plutôt rude, mais Puppa
aimait ce petit chemin qui lui rappelait une partie de son enfance. Il
sourit aux même arbustes de buis qu’il avait
escaladé au temps de ses culottes courtes, rêvant en leur
sommet d’avoir conquis une tour médiévale,
combattant par quelques onomatopées et gestes d’archer ses
camarades à l’imagination tout aussi prolifiques.Puis il regarda avec déférence les immenses marronniers d’Inde qui avaient cédé leur nom à ce sentier qu’il gravissait. Arrivé sur la place Pertemps, un petit attroupement bardé de banderoles criait sa colère envers quelques décisions gouvernementales. Ernest se dirigea vers Lucien, un cantonnier de la voirie qui s’évertuait à élargir une tranchée avec acharnement. « Alors Lucien, comment va ? -Plutôt difficile de creuser par cette chaleur ! Répondit-il le visage en sueur. Il se redressa, s’arque bouta en pressant de ses deux grosses mains son dos endolorit. -Qu’est ce qui se passe ici ? Lucien haussa les épaules. -C’est les profs qui se plaignent encore de leurs sorts, paraît, jamais contents ceux là, moi j’leur prêterai bien ma pioche, verrait c’que c’est d'travailler dur ! Puppa osa un petit sourire en coin, n’osant aucune réplique à cette sagace considération, puis se dirigea vers l’école ignorant la foule contestataire. -On est en grève, on ne passe pas ! Lui affirma un homme qui semblait être le meneur du groupe. Puppa sortit un insigne de sa poche et façon de marquer le coup ajouta : -Police criminel, je dois pénétrer dans l’école ! » Impressionné par sa déclaration, le bataillon calma son effervescence et recula d’un pas pour le laisser passer. Ernest se retrouva dans la cour d’école qu’il avait fréquentée étant petit. Le temps avait effacé tous souvenirs de sa présence passée. Il se tourna pour faire face au bâtiment qui, par son architecture, avait voulu garder de nombreux accents médiévaux. Un homme à la démarche assurée se dirigea à sa rencontre. « Monsieur, puis-je vous aider ? -Oui, je suis l’inspecteur Ernest Puppa et j’aimerai rencontrer une personne qui pourrait me faire visiter ce lieu. Il y a eu un vol de documents à la cure et la profanation d’une tombe au cimetière et je pense que cet endroit recèle des évidences ! Pendant une fraction de secondes, Puppa remarqua une certaine crispation émanant de son interlocuteur. L’homme baissa les yeux semblant vouloir cacher une réaction coupable. Puis reprenant le dessus il répondit. -Ca tombe bien je vis ici, je suis le concierge ! Souligna t’il. -Parfait, allons-y ! Urgea Ernest. Puppa s’asservit aux pas de son guide. C’était un petit homme d’un mètre soixante et d’une quarantaine d’année, il semblait animé d’une vigueur robuste et d’un dynamisme marqué par sa démarche rapide. En pénétrant dans l’entrée principale, il jeta un dernier coup d’œil vers les vociférations des protestataires qui venaient d’être pris à parti par des parents d’élèves. Il haussa des épaules, se détourna du spectacle et demanda : -Il y a un endroit en particulier que vous aimeriez visiter ? -Oui, le sous-sol ! Puppa remarqua encore une fois un imperceptible sursaut dans la réaction du préposé. Cet infime détail confortait sa certitude qu’il avait tapé à la bonne porte et que l’homme qui se trouvait à ses côtés n’était pas étranger à l’affaire. Puppa avait choisi le sous-sol car il pensait que c’était l’unique endroit où notre mystérieux curé Chambole avait pu laisser dans ses dernières années d’existences, un détail qui corroborerait ses déductions. Ils empruntèrent l’escalier principal. « Robert, je m’appelle Robert Dardame ! » Précisa le concierge. Puppa eut une mimique de contentement. « Voilà mon coupable, merci France Telecom ! » Pensa t’il dans son évidente déduction. Robert regarda sa montre et souligna : « D’habitude ici, à cette heure, il y a un vacarme épouvantable! Puis il précisa. C’est l’heure de la récré ! Au contraire, l’école qui devait fourmiller d’activités était totalement silencieuse et les pas des deux hommes résonnaient de l'écho de ces murs centenaires. La visite fut rapide, La chaufferie, quelques locaux de rangement, c’était à peu près tout. Pourtant Puppa remarqua une entrée dérobée que Robert avait fait mine d’ignorer. -Je voudrais rentrer ici ! Demanda Puppa en pointant de son doigt la petite porte en bois remoulu qui arborait une serrure plus que centenaire. - Y’a rien là dedans, c’est ma cave et j’n’ai pas ma clef avec moi ! -Allez la chercher ! Ordonna Puppa d’un ton qu'il voulu autoritaire et qui marquait l’inacceptation d’un quelconque refus. Tête baissée, Robert s’excusa pour un instant et s'évapora de la vue de l’inspecteur. Puppa se rapprochant de la petite porte colla son nez sur l’orifice de la serrure. Son visage s’illumina d’un rictus victorieux, il en était certain maintenant, l’odeur qu’il reniflait était la preuve que cette cave n’avait pas été remise à neuf. Cette certitude fut rapidement confirmée lorsque Robert, une énorme clef à la main, ouvrit le battant qui céda avec des grincements aigus. Au milieu de la pièce, une lampe de faible puissance jetait une lueur éparse plus qu’elle n’éclairait. On discernait avec peine un désordre indescriptible. Amoncellement de cartons, de cageots remplis de bouteilles vides, de journaux jaunis par le temps. Une épaisse poussière virevoltait à chacun de leurs pas, remplissant la pièce d’une effluve acre mêlé à un relent de moisi.. Puppa remarqua immédiatement une pelle et une pioche encore souillée de terre qui reposaient adossées à l’un des murs. « Vous aimez jardiner ? Demanda malicieusement Puppa. Robert hoqueta avec peine une réponse. -Euh, pas vraiment ! Puppa saisit la pioche et demanda : -Je vais l’emmener avec moi si cela ne vous fait rien ! Robert devînt livide. -Mais. Ma pioche ; Pourquoi faire ? -Juste pour voir si la terre qui la recouvre ne vient pas de la tombe de CHAMBOLE ! Il marqua le nom du défunt curé en regardant Robert droit dans les yeux. Le pauvre homme faillit défaillir. Malgré la lumière diffuse, Puppa remarqua son regard apeuré et la patine de son front fut brusquement parsemé de nombreuses gouttes de sueurs. Puis à la surprise de notre inspecteur, l’homme sentant ses fautes découvertes se mit à tout avouer. -Non, s’il vous plaît ne m’emprisonnez pas, je rendrais tous les documents que j’ai dérobés ! Puis se précipitant vers une petite étagère que Puppa n’avait pas encore remarquée, Robert empoigna une petite liasse de feuillets et la tendit à Puppa. -Voilà, c’est tout ce que j’ai pris ! » Retrouvant la clarté du couloir. Assis sur un banc qui se trouvait à proximité, Ernest consulta avec soin les documents qui étaient maintenant en sa possession. Chacun d’eux lui rappelait un petit bout de l’histoire racontée par le père Trambert. Robert, debout à ses côtés démontra sans le vouloir l’enthousiasme que lui inspirait cette affaire. Il connaissait tous les feuillets sur le bout des doigts. Celui là était griffonné par Chambole lui-même et décrivait sa rencontre avec Fleming. Cet autre, le désordre qu’il avait trouvé dans cette fameuse grange héritée et puis ce petit carnet trouvé prêt de l’entrée de la cache au trésor : « Il a appartenu à mon ancêtre ! Dit-il avec fierté. Mon grand-père m’avait dit que son grand oncle avait disparu sans laisser la moindre trace ! Il semblait avoir mémorisé tous les détails importants de cette étrange histoire. Ceci amusa Puppa. Il se tourna vers lui et demanda : « Et alors c’est quoi ce trésor ! De l’or, des bijoux ou peut-être des diamants ? -Et bien non ! » Répondit Robert penaud. Rien, Je n’ai pas trouvé un mot sur la nature de ce qu’il avait découvert et c’est justement ce que j’ai recherché dans sa tombe. J’espérais y trouver l’indice qu’il me manquait ! Il réfléchit quelques instants et continua. Mais en fait, je crois qu’il a vendu tout ce qu’il avait trouvé et que, peut-être, une partie du trésor restant est encore enfoui sous nos pieds dans une galerie effondrée ! Puppa se leva et regarda Robert droit dans les yeux. « Ca y est ! Se dit Robert. Je suis bon pour la tôle. Ernest mit sa main libre dans sa poche. Robert crut un instant qu’il allait en ressortir une paire de menottes. Et bien non, une simple boite de pastilles de menthe apparut pincée entre ses doigts. -Vous en voulez une ! » La gorge de Robert nouée par l’émotion hoqueta un non effarouché. Puppa tout en portant un bonbon à sa bouche, lui expliqua ses intentions : « J’ai décidé de ne pas révéler vos forfaits. Pourtant ils sont très graves ! Ajouta t’il en pesant ses mots. Mais je comprends la passion qu'a pu susciter en vous un tel mystère. Mon métier d’inspecteur de police me permet de procéder à des investigations pour résoudre ce type d’enquête. Mais je fais ceci. Contrairement à vous. En toute légalité ! Si vous me promettez de vous tenir tranquille et d’arrêter vos agissements douteux, j’oublierai vos fautes. « Puis il affirma cette dernière question. On est d’accord ? -Pas de problème ! Répondit Robert soulagé. De toute façon les restes du trésor sont définitivement perdus ! Puppa ne répondit rien, il aurait pu lui révéler la solution de l’énigme. Mais, il préféra taire ses déductions… --------------------------------------------------
Le curé Trambert affichait son plus beau sourire.« Merci inspecteur ! Mais où les avez-vous retrouvés ? -Si vous êtes d’accord, je préfère ne rien vous dire ! L’homme qui vous a dérobé ces documents et profané une tombe n’est pas vraiment un mauvais bougre mais un passionné par cette histoire de trésor, un peu comme vous ! Trambert marqua son incompréhension par un haussement de sourcils. Puppa expliqua : -Oui ! Il est tombé par hasard sur des détails de la vie de Chambole et s’est enflammé pour son mystère ! -Mais comment a t’il su que j’étais en possession de tout un dossier à son sujet ? -Tien ! C’est vrai ! Je ne lui ai pas demandé ! Il faudra que je lui pose la question ! » Par le plus étrange des hasards, la réponse lui fut apportée sur l’instant. Quand une dame traversa la pièce où ils se trouvaient et en ressortit en disant : « M’sieur le curé ! Je reviendrai jeudi ! -Bien madame Dardame, merci ! Répondit le curé, puis, se retournant vers Ernest, il expliqua : -C’est ma femme de ménage ! Puppa sourit et ajouta : -Merci madame Dardame ! » Le curé ne sembla même pas surpris par cette amusante parodie. Il réfléchit quelques instants à la première proposition de Puppa et lui confirma sa satisfaction d’avoir récupérer ses précieux dossiers et ajouta : « Vous avez raison, je ne veux pas connaître le voleur ! Puis il continua. Mais! A t’il découvert une partie du trésor ? -Non, rien du tout ! » ----------------------------------- Mon histoire s’arrête là ! Pour ne pas offenser votre intelligence, je ne me perdrai pas dans les précisions et déductions insipides qui avaient donné l’évidente vérité à notre cher inspecteur Ernest Puppa. Je pense que le nom de Carlos et les autres petits détails de cette histoire vous ont depuis longtemps permis, comme notre inspecteur, de comprendre avec aisance, la finalité de cette énigme. En conclusion, Puppa décida de ne rien révéler : « Un mystère ! Pensait t’il. Devait rester un mystère ! » La vie n’est-elle pas une succession de rêves, de buts à atteindre. Ne pas divulguer l’un d’entre eux restera profitable aux esprits rêveurs. Pourtant, avant de clore définitivement cette anale, je dois vous raconter une dernière petite histoire qui s’est déroulée au début du vingtième siècle chez nos voisins anglais. --------------------------
Nous sommes en l’an mille neuf cent vingt huit : Alexander en avait assez de son métier, ce n’était pas le fait qu’il ne le trouve pas passionnant, mais plutôt que ses recherches n’avançaient pas. Il aurait voulu devenir célèbre, reconnu par ses pères. Mais son travail acharné n’aboutissait qu’à des résultats sans conséquence ! Il songeait souvent à son grand-oncle qui avait atteint une glorieuse notoriété dans son pays d’adoption, la Suisse. Celui ci avait dirigé un hôpital à Genève et y avait fait de véritables miracles, guérissant des maladies graves avec la plus grande facilité. Puis, un jour de l’année mille huit cent soixante dix huit, il avait tout arrêté pour rentrer prendre sa retraite au pays. Avec lui, il emporta le secret de ses thérapies miraculeuses. Alexander n’avait gardé qu’un seul objet marquant son souvenir, cette petite boîte sans valeur qui ne le quittait jamais, mais représentait pour lui un témoignage de reconnaissance pour cet ancêtre qui lui avait insufflé cette passion pour son métier, la bactériologie. Assis à la table de son laboratoire, il tenait entre ses mains ce cadeau du passé. Ses doigts effleurant avec tendresse le bois vernis du petit coffret. « Si tu pouvais me procurer un peu de son génie ! » Lui susurra t-il. Son pouce décolla le fermoir, puis il fit pivoter le battant. Dernier témoignage de ce passé glorieux, une odeur de moisie attaqua ses narines. « Professeur, on vous attend ! » Une laborantine venait de lui rappeler l’heure de cette réunion hebdomadaire qui ne le passionnait pas vraiment. L’effet de surprise causé par cette invitation le fit sursauter, la petite boîte glissa de ses mains pour se renverser devant lui. Un filet d’une fine poudre qu’elle contenait finirent sa course dans l’une de ses préparations. Il referma nerveusement la boîte, la remis à sa place et prit le chemin de son rendez-vous. Il s’appelait Alexander Fleming… Note de l’auteur : Carlos Castaneda a effleuré la connaissance des indiens Yaqui à l’aide de leurs champignons hallucinogènes. Alexander Fleming a découvert par hasard la pénicilline qui fut isolée et mise sous forme de médicament dix ans plus tard. Ecrivez moi ! viagex@wanadoo.fr |