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  Elle ressemble à Marylin

29/11/2013 





Il était six heures du matin et pourtant Ernest Puppa ne dormait déjà plus. Tous les samedis, c'était la même chose, le marché de Gex prenait son essor amenant avec lui sa cohorte de nuisances sonores. Comme sa chambre donnait directement sur la rue des Terreaux, le bruit des tréteaux que l'on installe, des barrières métalliques que l'on traine, des interpellations amicales des vendeurs égaillaient sa chambrée de leurs sympathiques, mais malvenues tintamarres.
Aujourd’hui, il était particulièrement agacé  car il venait d'être extirpé d'un rêve délicieux.
 Cette nuit il venait de la passer avec la femme de ses rêves, Marilyn, la splendide Marilyn, beauté incomparable, actrice merveilleuse à la voix sublime et au sourire angélique.
Malgré son état d'éveil, il essaya de garder en lui cette ultime promenade au pays de ses songes.
Puis l'image s'effilocha, retourna dans le nimbes de son esprit.
Il se leva avec difficulté, enclencha sa tablette sous l'icône musicale et la voix de sa Marilyn  l'enveloppa de ses délicieuses volutes.
Il ouvrit enfin grand ses volets.
Le paysage grandiose et magnifique de la chaîne des Alpes déroulait, devant ses yeux, sa majesté et sa puissance avec au beau milieu du panorama, le Mont blanc à la blancheur éternelle qui se détachait entouré d'un écrin de ciel bleu clair qu'aucun nuage ne semblait vouloir anéantir.
Pourtant Ernest en habitué blasé, ne prêta aucune attention à ce spectacle envoutant. Il regarda en grimaçant les individus qui l’avaient réveillé avec cette envie de crier un certain nombre de malveillances. Bien entendu, il n'en fit rien et reprit bien vite le sourire en apercevant Albert, son maraîcher préféré.
En fait, il adorait ce marché hebdomadaire. Il aimait s'y promener, ressentir ainsi la vie de sa commune, la mixité et diversité des nombreuses nationalités qui mélangeaient la sympathie de leurs accents et rencontrer ses connaissances.

C'est vers neuf heures, après avoir déjeuné en regardant pour la centième fois son film préféré, "Les hommes préfèrent les blondes", qu'il se décida d'aller faire ses courses. L'étal d'Albert fut comme à son habitude le premier à qui il rendit visite. Mais pas de chance aujourd'hui, madame Pichonneau, la commère attitrée était là. A son arrivée, elle ne put s'empêcher de le saouler de ses racontars :
-vous savez Monsieur l'inspecteur! Oui elle l'appelle Monsieur l'inspecteur, c'est sa façon de lui faire comprendre que ses propos sont de la plus haute et de la plus incontournable importance. Je crois connaitre le petit voyou qui abîme nos parterres de fleurs...

Mais Ernest ne l'écoutait déjà plus, son regard restait figé sur ce couple qui s'approchait, la main dans la main, les cheveux au vent, auréolé d'un bonheur évident.
Son attention était particulièrement attachée au physique de la jeune femme.
Elise, madame Périque, la belle madame Périque, la resplendissante et magnifique madame Périque.
La raison de cet engouement était pour lui évident :
"Elle ressemble à Marilyn.".

-Sont beaux ses tourtereaux, continua la pipelette, en suivant le regard de Puppa. Sont mariés depuis peu ! Puis elle ajouta sa perfidie. Ah ! Ca ne durera pas longtemps!
Les Périques arrivèrent à la hauteur d'Ernest et s'arrêtèrent pour le saluer. Ils se connaissaient un peu. Monsieur Périque, lui tendit une main ferme et généreuse et le gratifia d'une banalité sur le temps splendide de cette journée d'été. Madame Périque fit de même avec une grâce et une légèreté féline qui troubla Ernest au plus haut point. Seul, l'intervention d'Albert le sauva in extremis des rougeurs de timidité qui aurait pu rendre la situation particulièrement gênante :
-Alors Ernest, j'te donne quoi aujourd'hui ?
Après avoir envoyé un petit sourire en coin à l'intention des Périque, façon de s'excuser d'interrompre brutalement leur rencontre, notre inspecteur égrena sa commande.

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L'été battait son plein. Un air chaud et humide avait conqui les rues de la petite bourgade.
Puppa détestait cette pénible touffeur.
Le weekend, il s'enfermait dans son petit logis, limitait l'entrée de la lumière et attendait le soir pour sortir. De son appartement situé en face de l'immeuble affublé du nom de ce magnifique oiseau "Le tétras", il pouvait apercevoir un autre bâtiment où nichait, au dernier étage, cette fameuse madame Périque.
Il n'était pas particulièrement voyeur, mais la beauté de cette lointaine voisine le subjuguait à un tel point, qu'il ne pouvait s'empêcher, aidé de ses petites jumelles, d'épier la terrasse de cette magnifique créature qui avait pris l'habitude de se faire rôtir au soleil, habillée simplement d'un minuscule maillot de bain.
Elle était présentement allongée lascivement sur sa chaise longue, offrant ses rondeurs au Dieu soleil.
Partiellement caché derrière ses volets mi-clos, il ajusta ses lorgnettes pour jouir au mieux du spectacle. Il n'y avait rien de malsain dans son indiscrétion, simplement une admiration contemplative, une approche de l'idéal, de l'incomparable. Bien entendu, il réalisait parfaitement l'ignominie de son acte, mais le fait de pouvoir ainsi ressentir la présence de sa Marilyn à ses côtés effaçait de son esprit toutes moralités accusatrices.
La belle souleva soudainement la tête et regarda en direction de sa véranda où son mari, sans bouger, la regardait, souriant, et semblait lui adresser des propos enchanteurs. Elle se leva, et avec une grâce inégalée se dirigea en direction de son homme. Elle l'enlaça tendrement et le gratifia d'un baiser fougueux et passionné.
Ernest détourna son regard, posa ses jumelles sur le sol et ferma ses volets. Il s'interdisait le droit à ce voyeurisme abject, ou, plus sincèrement, il jalousait la chance de cet homme, qui lui volait son rêve, sa Marylin.
Les larmes aux yeux il déclencha son système musical.
Doucement, apportant sa suavité mélodieuse, une mélopée enchanteresse combla tendrement sa solitude.
"The river of no return"

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Dans le pays de Gex les beaux jours se font rares. Le printemps, très souvent tarde à arriver et l'automne arrive beaucoup trop vite, accompagné d'un épais brouillard d'altitude provoqué par les eaux chaudes du lac Léman.
Alors quand la chaleur et le soleil nous font la grâce de leurs présences, tout le monde en profite pour se balader sur les sommets de nos beaux pâturages Jurassiens et profitent ainsi de la vue splendide que nous impose au loin la chaîne des Alpes.
C'était d'ailleurs la décision qu'avait pris les Périque, monter jusqu'au col de la Faucille, grimper la piste bleue en direction du Mont Rond et suivre les crêtes jusqu'au Colombie.
La promenade était plutôt facile et nos deux tourtereaux l'entamèrent d'un pas alerte et assuré.
Arrivés au côté de la tour de télévision, ils s'arrêtèrent pour marquer une pause et se réjouir du panorama grandiose.
Monsieur Périque semblait anormalement fatigué.
-Tu vas bien mon chéri? Je te trouve très pâle!
-Ce n'est rien, un petit coup de fatigue, je pense !
Il se frotta les joues vigoureusement, grignota une barre énergisante et retrouva rapidement son entrain.
La randonnée continua sans le moindre problème jusqu'à la rude grimpette du Grand Mont Rond.
Madame Périque avait pris un peu d'avance alors que son mari trainait à l'arrière
Quelque chose n'allait pas, son cœur résonnait dans sa poitrine. Sa tête tournait, ses jambes semblaient ne plus pouvoir le soutenir.
Une douleur fulgurante engourdie soudain son bras gauche, il cria le nom de sa femme.
Elise, dévala la pente qui les séparait, à peine était-elle arrivée à ses côtés, qu'il s'effondra inconscient...

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L'automne avait apporté ces magnifiques couleurs que Puppa appréciait tant. La foule habituelle se pressait devant l'étal de son ami Albert. Madame Pichonneau, activait sa langue de vipère, et calomniait toutes les personnes qui avaient le malheur de passer à la portée de son regard.
-Tient, les Périques ! Ils n'ont plus l'air d'être amoureux comme avant!
Effectivement, madame Périque exposait son charme avançant souriant sur la chaussée et quelques mètres derrière elle, son  mari méconnaissable, le visage blême, le souffle court la suivait avec peine.
-Il parait que depuis son incident cardiaque, il est affublé d'un Pacemaker et que la belle dame apprécie beaucoup moins son homme qui n'est plus aussi, performant! Dit-elle méchamment en ricanant.
"Quelle sale commère cette bonne femme!", pensa Puppa, jugeant sa remarque nauséabonde.
Malgré tout, en observant passer le couple, il comprit qu'une réelle cassure séparait maintenant ce ménage. La splendide épouse ne prêtait guère d'attention à son homme. Elle le laissait derrière, comme honteuse de ne plus posséder un compagnon digne de sa personne. Il l'appela lui demandant de l'attendre. Comme seule réponse elle ne lui lança qu'un court regard méprisant.
À cet instant, une étrange sensation d'apaisement envahit l'esprit d'Ernest. Cette femme qu'il avait jusque-là, divinisée, venait par son attitude singulière de perdre une partie de son aura.
Comment pouvait-elle délaisser aussi rapidement cet être aimé, montrer autant de dédain envers l'adversité causée par la maladie de son compagnon.
Arrivé chez lui, notre ami l'inspecteur, songeant à cette rencontre, jeta un regard sur l'immeuble d'en face.
Quelque chose attira son attention.
Une équipe d'ouvriers, s'activait sur le toit. Ils s'affairaient avec difficulté à ériger un pylône métallique. Il se souvint alors de l'article du journal local qui mentionnait ces travaux.
« Une compagnie de téléphonie mobile avait reçu l'autorisation de construire une antenne relais pour permettre de mieux arroser la région. »
Un jeune homme à la stature virile et élégante dispensait ses ordres...

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-Bonjour madame!
Madame Périque venait précisément d'apercevoir ce charmant jeune homme qui venait de sortir d'un local qu'elle avait toujours vu fermé. Elle le regarda, le détailla de la tête aux pieds, appréciant ses épaules larges, son visage viril et conquérant.
-On se connaît?
-Je me présente Luc Granger. Je suis le technicien en charge de surveiller l'antenne que l'on a installée sur votre toit !
Il était tout sourire et son regard inquisiteur ne cachait nullement le plaisir qu'il avait de regarder cette jolie dame. Il la détaillait de la tête aux pieds et ceci sans la moindre gêne, avec cette certitude qu'elle appréciait particulièrement cette enquête indécente. 
Il avait d'ailleurs tout à fait raison, Elise ne bougeait pas, ne tiquait pas dans une démonstration manifeste de son acceptation. Le charme de cet adonis avait réveillé en elle ses souvenirs charnels qu'elle avait mis involontairement de côté à la suite du problème de santé de son mari.
-Et vous habitez dans l'immeuble?
-Non, on m'a réservé ce local ! Dit-il montrant du doigt la porte entrebâillée. Ceci pour contrôler le bon fonctionnement de notre émetteur ! Vous voulez visiter?
A sa grande surprise, elle accepta l'invitation sans la moindre hésitation.
Elle le suivit dans le petit local exigu, sans fenêtre où seule, une petite loupiote, diffusait une lumière blafarde. Sur une longue table, un tableau de bord clignotait de ses multiples couleurs et un écran affichait une courbe qui ondulait rapidement dans une continuité hiératique. Une imprimante crépitait des informations sur un rouleau de papier qui se déversait plus bas dans une corbeille.
Il lui décrivit chaque appareil, chaque signal avec une précision qui n'intéressait pas vraiment Elise. Un émoi irrésistible s'était emparé d'elle, un désir trop longtemps inassouvi annihilait toutes attentions. Elle ne l'écoutait pas et ne voyait en lui qu'un objet de convoitise sexuelle, un fantasme qu'elle voulait sur le champ apaiser.
-J'ai une petite télécommande qui peut surveiller tout cela à distance. Puissance, direction, rapport de fonctionnement. C'est vraiment génial...
Puis il se tut. Il venait d'apercevoir le regard concupiscent de la belle, comprendre que ses yeux gourmands n'avaient rien à voir avec ses explications.
Elle ferma la porte d'un petit coup de pied alerte et se jeta brutalement dans ses bras, le gratifiant d'un baiser torride.
Luc ne se fit pas prier pour répondre à ses avances.
Leurs ébats fougueux s'estompèrent rapidement dans l'explosion de leurs satisfactions réciproques.
Sans un mot, ils réajustèrent leurs tenues, jetèrent autour d’eux un regard timide  pour s'assurer de la discrétion du hall d'entrée de l'immeuble et se séparèrent en échangeant un dernier regard qui impliquait de proches et impudiques retrouvailles.

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-Votre appartement est magnifique !
Luc regardait avec ravissement les meubles en bois précieux et les charmants bibelots qui étaient disposés d'une façon délicate et mis en valeur avec le meilleur goût.
Monsieur Périque observait le jeune homme avec intérêt.

« Quelques semaines auparavant, il avait fait sa connaissance. En rentrant d'une de ses petites promenades solitaires, mais obligées, que le cardiologue lui avait fortement conseillé pour solidifier son cœur fatiguer.
Sa promenade durait invariablement une heure trente. Elle l'emmenait du centre de Gex jusqu'à la place Pertemps, descendait le long du cimetière, continuait en direction de Vesancy. Puis il faisait demi-tour en longeant la piscine et le nouveau hall de sport qui était en construction.
Le jour de cette rencontre, se sentant fatigué, il avait écourté sa promenade et était arrivé nez à nez avec ce beau jeune homme qui sortait de son appartement. La surprise avait été réciproque et il lui avait expliqué être la personne qui s'occupait de l'antenne téléphonique du toit et que Madame Périque l'avait autorisé à accéder à son balcon pour vérifier un point de détail sur le positionnement d'un élément qu'il venait d'ajouter à l'infrastructure du pylône.
Il l'avait invité à rester boire un verre, en ne payant aucune attention à l’état de fatigue et nervosité de cette nouvelle rencontre
C’est ainsi qu’ils avaient sympathisé en l'absence de son épouse qui à travers la porte de la salle de bain lui avait affirmé qu'elle avait un terrible mal de tête et qu'après un bon bain chaud elle irait immédiatement se reposer.
.La force qu'il avait trouvé dans ce nouvel ami lui avait insufflé l'envie de vivre à nouveau, de se battre contre cet handicap qui submergeait ses pensées, annihilant  ainsi toute son énergie… ».

En cette fin d'après-midi, les deux hommes s'étaient retrouvés dans son appartement,  discutant des difficultés de la vie, des projets qu'ambitionnaient Luc.
Élise avait préféré les laisser seuls. Entre hommes.
-Ma femme ne m'aime plus comme avant, mon attaque cardiaque m'a terriblement diminué et je ne suis plus l'homme que j'étais!
-Tu crois! Luc prit un air étonné.
-Je suspecte qu'elle a un amant et reste avec moi uniquement pour mon argent !
-Tu te fais des idées, elle semble très sérieuse et attentionnée.
Monsieur Périque haussa des épaules et continua.
-Tu as peut-être raison. Mais j'ai tout de même de grands doutes sur sa fidélité, et cela m'angoisse profondément!
Luc baissa les yeux, l'air gêné. Il ne voulait pas vraiment s'engager, pour de justes raisons, dans une conversation où lui-même représentait le sournois et évident coupable. Il avait peur que son nouveau compère soir déjà au courant.
 Il décida donc de changer la conversation :
-Parlons d'autres choses! Connais-tu la technique qui permet le fonctionnement de nos portables?
-Non, pas vraiment !
-Et bien viens avec moi sur le toit, je vais tout t'expliquer...
Monsieur Périque trouva l'idée amusante et excellente, cela lui changerait certainement les idées. Nos deux acolytes se retrouvèrent rapidement sur le toit et Luc se mit à expliquer, s'aidant de grands gestes, tous les détails animant cette grande tour métallique. Monsieur Périque écoutait avec attention ce professeur improvisé, il trouvait cette compagnie vraiment très agréable, et s'amusait de se retrouver seul avec Luc sur le toit de son immeuble.
Seul, ils ne l'étaient pas vraiment.
Ernest qui venait de rentré de chez lui, un bon coup dans le nez.
Ce n’était pas vraiment son habitude de boire, mais chaque fois qu'il croisait le chemin de Monsieur Bonpertui, un veille homme sympathique et érudit, avec qui il aimait discuter du passé de la région. Il était pratiquement obligé de se poser à une table d'un bistrot local pour boire quelques verres et écouter le flots de connaissance que son ami lui prodiguait.
C'est donc légèrement étourdi par l'alcool, qu'il avait pris ses jumelles pour jeter un regard sur le Mont Blanc qui resplendissait des couleurs rosées du soleil couchant.
Sans vraiment le vouloir, il était tombé sur la conversation des deux copains. Le fort grossissement de son optique lui permettait de distinguer les expressions qui se dessinaient sur le visage des deux acolytes.
-Je me demande bien ce qu'ils peuvent se raconter? Réfléchit Ernest.
Il allait reposer ses binocles quand une bien étrange scène se déroula devant ses yeux ébahis.
Monsieur Périque, tête levée vers le ciel observait attentivement le sommet de l'antenne. Le faciès de Luc qui avait jusqu'à présent exhalé de la véhémence, soudainement se figea. Il se désintéressa subitement de son compère, fit lentement un tour sur lui-même, regarda le paysage lointain des Alpes, puis enfila ses mains dans ses poches.
Brusquement, derrière lui, monsieur Périque s'effondra sur le sol.
 Luc ne sembla pas avoir remarqué ce terrible incident qui venait de se dérouler derrière son dos et ce n'est que quelques minutes plus tard qu'il se retourna,  jeta un rapide regard et peu concerné sur son ami terrassé et se dirigea tranquillement vers les escaliers de service. Moins de dix minutes plus tard, la sirène d'une ambulance résonna dans la rue. Les ambulanciers rapidement sur les lieux, ne purent que constater la mort de l'accidenter en lui fermant les yeux tout en envoyant un triste signe de la tête à l'intention de Madame Périque.
Élise se mit à pleurer à chaudes larmes. Luc, à ses côtés la tenait par l'épaule et essayait de son mieux de la consoler.
Ernest était resté sans bouger, effaré, les yeux collés à ses jumelles en se demandant si la scène qui s'était déroulée devant lui était bien réelle.
L'esprit perdu dans une interrogation équivoque, il referma sa fenêtre, se coucha sur son lit pour rapidement s'assoupir.

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Ernest était assis à son bureau du commissariat de Gex. Il n'avait pas grand-chose à faire,  le calme régnait dans la petite bourgade et ne lui laissait pas le moindre cas intéressant à solutionner.

Il avait totalement oublié ce drame qui s'était, deux jours auparavant, déroulé devant lui. Cette nuit-là, il s'était réveillé couché sur son lit tout habillé avec un mal de crâne qui lui rappelait l'excès d'alcool qui l'avait mis dans cet état. Il ne lui restait qu’un vague souvenir de la scène qui s'était déroulée devant ses yeux, et son esprit embrumé l'avait pris tel un rêve, un peu étrange et irréel...

 Deux gendarmes pénétrèrent dans le commissariat.
-Triste cet enterrement ! Dit l'un.
-Oui, cette madame Périque semblait vraiment effondrée.
Puppa tendit l'oreille à l'audition du nom prononcé.
-Vous avez bien dit Madame Périque?
-Oui, son mari est décédé, il y a deux jours de ça, foudroyé par une crise cardiaque. Une autopsie a été faite mais on n'a rien trouvé, même son pacemaker délivrait toujours ses impulsions, son cœur était trop usé! Il est mort sur le toit de son immeuble au côté de son ami qui n'a rien pu faire.
L'inspecteur avait blêmi, il n'avait donc pas rêvé cette scène de cauchemar.
Il resta perplexe, abasourdi par cette affirmation avec cet étrange sentiment  qu'il n'avait pas été témoin d'un incident de la vie, mais plus vraisemblablement d'un meurtre.

Sa journée se passa à réfléchir à cette affaire, a supputer sur les circonstances de cette mort très bizarre.

En rentrant, perdu dans ses pensées, il croisa madame Pichonneau à laquelle il ne desservit même pas d'un salut.
-Quel impoli celui-là! S'offusqua-t’elle.
Arrivé dans sa chambre, il regarda en direction du lieu du décès.
Il n'en croyait pas ses yeux. Sur le balcon, madame Périque et le fameux Luc se tenaient tendrement enlacés.
Alors, plus aucun doute n'était possible, il avait bien été témoin d'un assassinat et le coupable certain était ce bellâtre avec la complicité évidente de son amante.
Il se remémora une fois de plus la scène qu'il avait considérée comme un mauvais rêve, essayant de comprendre tous les détails qu'il avait observés.
 Rien d’évident n’apparut dans son esprit torturé par la nécessité de comprendre. Pourtant une étincelle de génie s'entremêla au cheminement de sa réflexion.
Pourquoi n'y avait-il pas songé plus tôt ! C'était si simple, sans trace, un crime parfait, enfin presque parfait. Il sourit, regardant les deux tourtereaux enlacés.
L'idylle de ces deux amants allait très certainement  toucher à sa fin.

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-Hector, je suis certain de pouvoir démontrer que la mort de Monsieur Périque n'est pas naturelle!
Son collègue le regarda avec de grands yeux étonnés.
-Mais, de quoi parles-tu, il est mort à la suite d'un arrêt cardiaque!
Puppa dont l'excitation accédait à son comble, se planta devant lui, le regarda droit dans les yeux.
-Je t'avais raconté avoir été un témoin involontaire de sa mort. Alors j'y ai bien réfléchi et j’ai découvert un détail durant cet évènement qui n'était pas du tout visible...

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Luc se pointa au travail plus tôt qu'à l'habitude.
Le soir précédent, un coup de téléphone lui était parvenu de la  maison mère de son entreprise, qui lui signalait la visite de deux responsables qui devaient évaluer son travail en vue de décider s'ils pouvaient lui confier un secteur plus élargi qui serait bien entendu accompagné d'une rémunération beaucoup plus conséquente.
Il attendait donc, bien préparé, la venue des décideurs de son avenir. Le rendez-vous avait été donné devant l'immeuble où trônait la fameuse antenne.
Une voiture s'arrêta bientôt à l'endroit de la rencontre. Les deux hommes habillés d'un costume cravate descendirent du véhicule, le premier un petit moustachu, très alerte sembla aider son comparse un peu bedonnant qui semblait souffrant. Ils se dirigèrent directement en direction de Luc qui les attendait sur le pas de la porte.
-Monsieur Granger  je présume! 
-Oui tout à fait !
-Je suis Monsieur Herbon, et voici monsieur Simonet directeur technique de notre groupe.
Luc regarda Simonet, se demandant la raison pour laquelle un homme de son importance était venu le voir.
-Ca va aller? Demanda Herbon à son collègue qui semblait particulièrement essoufflé.
-Oui ça ira, mon pacemaker est là pour prendre soin de moi! Répondit-il.
Puis coupant court à tous épanchement sur sa santé, il continua. Monsieur Herbon et moi-même recherchons une personne qualifiée et sérieuse pour diriger d’une petite équipe pour le secteur de Grenoble. Nous avons reçu des informations très favorables à votre sujet et les résultats concernant votre excellent travail sont remontés jusqu'à la direction générale et nous sommes ici pour apprécier le vrai dire de tous ces éloges. Pourriez-vous nous faire visiter votre installation.
Luc ravi, précéda les deux hommes dans la découverte de son emménagement. La petite pièce fut rapidement examiner. Simonet demanda s'il pouvait jeter un coup d'œil au rapport d'émission. Il compulsa avec intérêt le long rouleau de papier qui égrenait des informations difficilement compréhensibles aux non-initiés. Puis tous les trois se rendirent sur le toit pour admirer l'émetteur. Après quelques minutes de visites, Simonet commença à se plaindre d'une sensation très désagréable, comme si quelque chose perturbait sa respiration, puis subitement dans un râle atroce il s'effondra. Luc affolé par le spectacle ou plus exactement horrifié à l'idée de perdre un allié de poids se précipita immédiatement vers le bouton d'arrêt d'urgence de la tour et le frappa d'un poing décidé.
Herbon le considéra avec attention.
-Pourquoi avez-vous fait cela?
-Mais ! Les micro-ondes, elles agissent sur son appareil cardiaque ! Répondit-il avec un air d'évidence.
Herbon sortit de sa poche le rouleau de données qu'il avait compulsé auparavant, décrypta les quelques informations qui lui semblaient importantes puis leva la tête en direction de Luc. Simonet quant à lui  ressuscita brusquement et se retrouva de nouveau sur ses pieds frais comme un gardon.
Herbon, d'un geste vif arracha la moustache postiche qu'il portait avec tant de finesse et expliqua avec un certain plaisir, leur habile subterfuge. Avec en préliminaire cette affirmation :
-Inspecteur Puppa ! Vous êtes en état d'arrestation.
-Mais pourquoi?
-Vous êtes l'assassin de monsieur Périque. Comme il m'a été facile de le vérifier vous avez volontairement augmenté la puissance de l'émetteur quand le pauvre homme était en train d'observer la tour ! Ce diagramme en est le témoin irréfutable!
On pouvait effectivement vérifier le pic de puissance enregistré au jour et à l'heure fatidique.
-Vous connaissiez clairement comme vous venez de nous le démontrer, le danger que provoquent les perturbations des micro-ondes à forte puissance sur les appareils électroniques. Le pacemaker du défunt a cessé de fonctionner et vous l'avez laissé mourir sans même un regard...
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Luc fut inculpé et emprisonné pour son crime. 

Mais me diriez-vous ! La belle madame Périque était-elle au courant de cet homicide, peut-être même, en était-elle l'instigatrice. En fait, cette question restera à jamais sans réponse. Puppa avait la ferme conviction que la jolie dame avait manigancé tout le drame.
Mais Luc, très amoureux de la belle nia toujours sa participation ou toute connaissance de son acte. Il jura avoir réalisé ce lugubre dessein dans l'unique but d'éliminer son rival !
 Puppa cessa donc de s'interroger sur ce dilemme. Son cœur se remit à chavirer à chacune des apparitions de la muse, puis un jour l'appartement qui se trouvait en face de sa fenêtre changea de locataire. 
-Paraît qu'elle est partie vivre aux États-Unis d'Amérique! Elle va s'y marier avec un riche propriétaire Texan!
Le visage de Puppa resta impassible, mais une profonde tristesse venait de l'envahir. Son rêve inaccessible, sa Marylin venait de le quitter une fois de plus.
Sans mot dire, il tourna le dos à Madame Pichonneau et rentra chez lui.
Quelques secondes plus tard une voix suave et mélancolique ensorcela son appartement d'une magnifique mélopée.
" The river of no return.".

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