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  Le dragueur

19/06/2019


 

Il faisait très chaud, le soleil haut dans le ciel brillait de mille feux. De son petit studio, Alain pouvait distinguer la mer qui aujourd'hui ne laissait apparaître aucune ride. Un petit déjeuner frugal et il retrouva son endroit préféré. La salle de bain.

Comment décrire notre homme ? Un mètre quatre vingt cinq, une musculature d'athlète, une gueule d'ange, un regard bleu azur souligné par d'épais sourcils, des cheveux noirs soigneusement rangés sur l'ovale de son crâne. Enfin! Vous pouvez discerner le personnage, Alain était sans conteste un esthète à qui aucune femme ne pouvait résister. Et cela tombait bien! Je dirai même très bien, car la principale ou peut être la seule passion de cet individu était de  collectionner de multiples conquêtes.

Alain travaillait à Genève où il menait d'une main de maître une entreprise de placements financiers. Chaque été, il prenait une quinzaine de jours de vacances au Cap d'Agde dans le seul but d'ajouter à son tableau de chasse une multitude de "Demoiselles".

Il se considérait comme un dragueur de jour!

Mais, qu'est ce qu'un "Dragueur de jour!" Et bien, c'est une personne qui préfère la difficulté, le challenge. Les boîtes de nuit, à son goût, ne lui procuraient que des proies beaucoup trop faciles. Des conquêtes banales, où l'alcool, la pénombre et l'ambiance aidant, le peu d'effort qu'il avait à déployer était pour lui, sans grand intérêt.

Par contre, en plein jour, la difficulté était tout autre. Surtout sur une immense plage comme celle de "Richelieu" qui démarrait du port pour se continuer sur des kilomètres en direction du Grau d'Agde. 

Sa technique semblait très simple. 

Tout d'abord, vers onze heures, il se pointait aux abords du rivage. 

Là, commençait le repérage qui consistait en une petite demi-heure de promenade lui permettant de localiser quelques jolies femmes seules qu'il pourrait conquérir sans trop de mal. 

Son élue trouvée, il s'asseyait à une bonne centaine de mètres d'elle et observait son attitude avec attention. Il fallait bien entendu qu'il s'assure qu'elle était seule et en mal de compagnie. 

Sa longue expérience lui avait permis de remarquer des détails importants qui lui assureraient une réussite évidente.

Si la personne était profondément plongée dans une lecture ou qu'elle regardait souvent en direction de la terre. 

Il fallait laisser tomber ! 

Par contre, si son magazine ne semblait pas vraiment la passionner et qu'elle quittait sa serviette pour de longues baignades ou promenades.

La partie était pratiquement gagnée. 

Ensuite ce n'était qu'une question de détails, une approche que son intelligence et son physique épaulaient.

Aujourd'hui notre séducteur était en pleine forme. Il quitta son appartement et descendit les escaliers quatre à quatre.

Sa partie de chasse allait commencer.

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Il était couché dans son lit souffrant énormément. Il ne pourrait certainement pas s'en sortir, il le savait. Pourtant, il avait lutté de toutes ses forces, mais le traitement n'avait pas vraiment agi et de multiples infections continuaient à l'affaiblir inexorablement. Deux ans maintenant qu'il avait attrapé cette saloperie, qu'il endurait ce mal profondément dans sa chair et dans sa tête.

Il n'avait pu éviter cette hospitalisation qui, il le savait, resterait son dernier domicile. De toute façon, il avait dû tout laisser tomber, son travail, ses habitudes, ses amis. Seul Ernest Puppa était resté son fidèle copain et lui rendait visite aussi souvent qu'il le pouvait. 

Il s'était toujours demandé ce qui avait lié entre eux des liens aussi forts, aussi solides. Son ancienne vie de luxe et de débauche n'avait rien en commun avec le tranquille confort qui berçait celle d'Ernest, inspecteur dans la police scientifique du pays de Gex. 

Justement, la porte de sa chambre venait de s'entrouvrir. 

Il attendait son copain, dernière personne à pouvoir lui apporter un peu de bonheur et de réconfort. 

Pourtant ce n'était pas Ernest qui lentement se retrouva devant lui. Mais une femme, une inconnue, d'une maigreur épouvantable, qui accrochée à son goutte-à-goutte le regardait maintenant avec des yeux emplis de haines. 

Qui était-elle?

Rien dans ce physique lamentable ne lui rappelait l'une de ses connaissances. Toute sa personne lui suggérait de la pitié. 

Des cheveux blonds poisseux qui coulaient sur une chemise de nuit jaune verte, des rides qui lui sillonnaient profondément le visage et ses yeux qui exorbités semblaient vouloir s'esquiver de leurs orbites décharnées.

« Te souviens-tu de moi ? Demanda t'elle d'une voix chevrotante.

Lui, ne répondit rien.

Se trouvait-il devant sa propre mort?

Etait ce elle qui l'appelait ?

-Tu m'as tellement fait souffrir ! Continua t'elle.

Non ! Il était bien en présence d'un être de chair, d'une personne qui semblait le détester.

-Souviens-toi de tes affirmations, sur ton amour éternel, de la promesse  de me choyer jusqu'à la fin de tes jours.

Quel était son nom ? 

Cette rengaine, il l'avait formulé à tant de femmes, était-ce l'une d'elles ?

-Nos projets d'une vie commune. La maison que nous partagerions ensemble ! 

Ces dix dernières années défilaient à grande vitesse dans son esprit embrumé. La solution devait être cachée parmi ses nombreuses rencontres sans lendemain.

Elle se rapprocha de lui. Difficilement, elle lui tendit quelque chose qui se trouvait accrochée entre ses doigts squelettiques. 

-Hélène ! Articula t'il. De pénibles souvenirs se bousculèrent dans son esprit, il se mit à pleurer...

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Alain avait déjà repéré une dizaine de femmes qui aiguisaient sa convoitise. L'une d'entre elles lui convenait à la perfection. Une trentaine d'année, des longs cheveux blonds, un corps qui avait atteint une maturité délicieuse. Exactement son idéal qu'il lui fallait absolument posséder. 

Il se posta à huit encablures de la mignonne et l'observa attentivement, question de s'assurer qu'elle remplissait ses critères de réussites ?

La chance était avec lui ! Il en était maintenant certain, elle était en vacances, évidemment seule, et paraissait s'ennuyer de son isolement.

« Cette beauté, n'attend qu'un beau mâle comme moi ! » Pensa t'il orgueilleusement.

Il attendit une dizaine de minutes que la belle quitte sa serviette pour une énième petite baignade, et, le moment venu, il profita de l'occasion pour aller poser sa serviette non loin de son emplacement. Ceci étant fait, il sortit un bouquin de son sac de plage et étendu de tout son long se plongea dans la lecture de ce dernier roman à la mode.

Viingt courtes minutes plus tard, la belle revint de sa baignade. 

Sans  ne rien faire paraître, elle jeta un rapide et discret coup d'œil dans la direction de notre adonis et sembla apprécier ce qu'elle voyait. Après s'être rapidement séchée,  elle se badigeonna de lotion solaire et, sans le moindre regard pour notre "chasseur", elle reprit le cours de son magazine.

Elle était vraiment magnifique. Cachée derrière ses lunettes de soleil, Alain tout en faisant semblant de lire observait, scrutait, disséquait les détails du physique de sa future partenaire.

Les traits de son visage esquissaient une pureté délicate. Ses yeux, sa bouche, son nez, ses cheveux qui croulaient sur sa cambrure délicieuse formaient une intégralité angelique. Ses jambes, ses bras, sa poitrine parfaitement galbée composaient une proportionnalité irréprochable. 

Il n'en pouvait déjà plus d'attendre, le moment de l'approche était venu !

« Ce magazine semble très intéressant ! Ose t'il.

La belle tourne la tête dans sa direction. 

-Pardon !

-Je disais, votre lecture a l'air passionnante... » 

Elle esquisse un petit sourire, son corps se tourne légèrement dans sa direction.

La partie est gagnée.

Accroupi, à ses côtés, il engage la conversation. Tout d'abord jalonnée de banalités, quelques questions qui semblent anodines lui permirent très rapidement de cerner la personnalité de Céline.

Oui, elle s'appele Céline, est en vacances depuis maintenant trois jours, habite le Nord de la France , est secrétaire dans une grande entreprise, aime le sport, le cinéma, les promenades au grand air, les romans policiers, les soirées au coin du feu, le gratin dauphinois, l'ambiance des marchés aux puces. 

C'est fou tous les petits détails que l'on peut connaître en quelques minutes. L'esprit brillant de notre ami synthétise rapidement toutes ses informations. Cela lui permette de se mettre en harmonie intellectuelle avec son interlocutrice et de lui faire croire à des similitudes d'intérêts, des points communs qui leur permettent de se créer rapidement une certaine affinité.

Alain a particulièrement bien réussi sa rencontre. Pour une fois, il n'est pas tombé sur l'une de ses cruches, une jolie fille dont la cervelle ne dépasse pas la grosseur d'un petit pois et qui le soûle de propos insipides. Non, au contraire, Céline est animée d'une merveilleuse connaissance de la vie, d'une compréhension des choses peu commune, d'une culture vaste et éclectique.

Notre ami d'habitude si bavard reste à côté d'elle à la regarder, à l'écouter, comme subjugué par cette alliance de beauté et d'intelligence.

Toutes ses questions reçoivent une explication qui l'enchante. Pour une fois, c'est lui qui ressent cette impression de communion, cette osmose qui, entre deux être, peu paraître comme de "l'amour". Ce mot prononcé dans son intime conviction, le fait tressaillir.

« Moi ! Amoureux, jamais ! » Pense t'il.

Céline remarque cet imperceptible sursaut, mais n'en fait rien paraître. Elle semble heureuse de se raconter, d'étaler sa perfection devant cet homme dont elle a immédiatement perçu la peu commune intelligence.

Avec un magnifique sourire, elle s'intéresse à lui. Non seulement sur des questions coutumières, mais également concernant ses convictions politiques, religieuses. Jean se laisse envoûter par son charme intellectuel, se dévoilant plus qu'il ne l'avait jamais fait.

L'après midi, touche à sa fin. Seuls sur la plage, ils semblent ne plus devoir se quitter.

« Es-tu libres ce soir ? Je connais dans la vieille ville d'Agde, un merveilleux petit restaurant qui j'en suis certain t'enchantera.

Elle accepte. Resplendissante de beauté dans ce petit ensemble de plage qu'elle vient si gracieusement d'enfiler.

-Rendez-vous dans une heure, place du mail de Rochelongue ! Dit-elle avant de disparaître de sa vue...

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Pourquoi pleurait-il ?

Peut-être, le souvenir du temps passé ou l’apparence physique de cette ancienne conquête qui lui rappelait la venue prochaine de sa fin !

La photo qu’elle lui avait tendue était la terrible preuve de sa décrépitude. Elle et lui tendrement enlacés. Dans toute la splendeur de leur pleine jeunesse. Cette photo devait avoir huit ans, il savait même qui l’avait prise. Ernest !

Et puis des tas de souvenirs revinrent à son esprit. Les yeux fermés il se remémora cette période de sa vie.

Hélène était pour lui une conquête comme les autres, elle n’était pas particulièrement belle ou intelligente, mais peut être gentille, oui ! Gentille ! C’est le mot intégralement adéquat qui la caractérisait. Leur idylle avait duré deux mois, peut-être trois.

Elle semblait s’être profondément éprise de lui, mais Alain ne l’aimait pas.
Pas d’amour en tous cas.
Elle avait été comme toutes les autres, un jeu, une pièce supplémentaire à sa collection.

Puis, il se souvint de leur rupture.

Il marchait côte à côte dans les rues de Genève, c’était le soir ou bien non, l’après midi !
Elle s’était tournée vers lui.

« Alain, tu m’as dit que tu m’aimais, que tu aimerais construire ta vie avec moi !

Il avait frissonné. Pourquoi se sentait-il toujours obligé de dire des bêtises à ses aventures !

-Et bien Jean, j’y ai bien réfléchi. Maintenant, je suis prête à vivre avec toi !

Il avait immédiatement réagi, crûment, brutalement. Passant de l’agréable gentleman au goujat infect.

- Mais je ne t’aime pas, pour moi tu n’es qu’un passe temps, un moyen d’assouvir mes phantasmes, un simple ajout à mon tableau de chasse !

Elle s’arrêta net, le regarda droit dans les yeux voulant croire à une plaisanterie. Elle comprit sa stupidité, sa naïveté devant ce pauvre type qui en fait n’éprouvait rien pour elle et qui la regardait avec un petit sourire narquois.

Sans un mot, elle se retourna et disparut au coin d’une rue.

Il ne la revit jamais.

Et puis, il y eut cette conversation avec son copain Ernest. 

Il l’avait copieusement rudoyé :

« On ne traite pas les gens de cette façon ! Lui avait-il affirmé le soir même devant son aveu de rupture. Hélène est une gentille fille, elle ne mérite pas ton mépris. Ces pratiques abjectes te rattraperont un jour !

Puis il l’avait boudé quelques temps, pour lui prouver le mal qu’une rupture brutale pouvait provoquer.

Il avait tout compris.

Il était temps pour lui de demander pardon, de réparer ces ignominies passées.

Il ouvrit les yeux.

« Hélène je…

Mais Hélène n’était plus là. Seule cette photo, preuve de sa présence restait serrée dans sa main moite…

Ernest avançait tranquillement dans le long couloir d’hôpital.
Quatre fois par semaine, il venait voir son ami, il savait que le réconfort de sa présence lui était indispensable. Il ressentait une profonde tristesse à la vue de cet être cher qui lentement, horriblement, inexorablement allait bientôt le quitter.

Plongé dans ses pensées, il ne remarqua même pas cette femme décharnée, à la démarche laborieuse qui le fixa intensément  en le croisant dans cet étroit corridor.

La porte de la chambre de son ami était restée entrouverte. La poussant lentement, il en franchit le seuil à pas feutrés.

Alain ne dormait pas, assis dans son lit les yeux exorbités il fixait intensément l’image qui tremblait dans sa main.

Ernest sa racla la gorge.

Alain sortant de sa rêverie, vit son ami.

« Ernest regarde ça ! Dit-il d’une voix essoufflée.

Ernest la regarda avec tristesse.
Que de souvenirs !

Certainement pas les mêmes que ceux de Jean.
Il ressentait plutôt une affliction devant la vie brisée de son ami, le revoyant en pleine santé, riant, lui racontant la passion pour son travail, l’amusement de ses amours.

Et puis, il y a deux ans, il y eut ce fameux jour où il lui annonça sa séropositivité qui s’était insinué en lui.

Quand !

Il ne le savait pas.

Pourtant il avait été prudent, très prudent même. Jamais un rapport sans préservatif !

Son état de santé se dégrada rapidement, les traitements semblant pour lui inefficaces…

Il posa la photo sur le rebord de sa tablette.

-Je suis de plus en plus faible ! Dit-il. Mes jours sont maintenant comptés !

Ernest le regarda. Ne sachant réagir contre cette adversité.

-Tu ne peux pas dire ça, sois fort, lutte pour survivre !

Alain ne répondit rien. Son visage émacié, ses yeux vitreux qui ne semblaient ne plus vouloir garder cette étincelle d’espoir se refermèrent.

Ernest resta de longs moments aux côtés de son copain endormi.

-Je te laisse, mon ami ! Se décida t’il à chuchoter, je reviendrai demain…

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 Le mail de Rochelongue était bondé. Comment allait-il la retrouver dans cette foule compacte ?

Il arpenta l’endroit de long en large, espérant ainsi retrouver Céline. Il se demandait si son visage était vraiment bien ancré dans son esprit.
Des visages, il en avait tellement connu.
Serait-il capable de la reconnaître habillée, maquillée ?

Après une petite demi-heure de recherches infructueuses, il décida de s‘asseoir sur le muret qui entourait une scène où des musiciens  diffusaient des sonorités psychédéliques.

Le cherchait-elle aussi ?
Avait-elle renoncé à leur rencontre ?

Tout son être se mit à divaguer prit par la mélodie qui lentement le submergeait de fréquences inconnues.

« Alain, excusez-moi, je suis en retard !

Elle était là, à côté de lui, belle à couper le souffle, perchée sur des talons aux dimensions extravagantes, moulée dans une petite robe couleur or qui accentuait son bronzage, les cheveux croulant sur ses épaules dénudées, un petit sac suspendu à son épaule nonchalante.

-Je croyais que vous ne viendrez plus ! Bredouilla t’il.

Elle ne répondit rien, le fixant de ses yeux bleu azur, rejetant d’un léger mouvement de tête une mèche rebelle.

Il lui prit la main, la porta à ses lèvres. Une odeur envoûtante caressa ses narines, ses ongles délicatement peints aux couleurs de la mer soulignaient la finesse de chacun de ses doigts. Il la regarda dans les yeux ou plutôt se noya dans la profondeur de ses iris. Sa bouche pulpeuse articula quelques syllabes qu’il subodora comme étant des mots d’amours.

-Où m’emmenez-vous ?

Reprenant le cours de la réalité, il l’invita à le suivre.

Ils traversèrent la place, marchant côte à côte, Alain percevait le regard envieux de tous les hommes qui les croisaient.
Elle.
Superbe, avançait avec une grâce céleste chaloupant gracieusement dans l’enfilade de ses pas.

La Mercedes d'Alain convenait parfaitement à la physionomie de sa compagne. Ils parcoururent les six kilomètres qui les séparaient du centre d’Agde échangeant simplement quelques banalités, ils semblaient tous deux intimidés par cette brusque solitude.

Le restaurant était situé non loin de la cathédrale, forteresse du passé qui veillait sur cette cité antique.

Assis dans un coin tranquille, Jean éprouvait une certaine béatitude qu’il avait depuis toujours pensée étrangère à sa personne.

Serait-ce elle, son futur, sa destinée ?

L’intonation de sa voix semblait plus douce, ornée de miel. La lumière tamisée lui ajoutait de la tendresse, du mystère.

Représentait-elle la perfection, sa perfection ?

L’élégance de son nez, la légèreté de ses sourcils, le galbe de ses pommettes.

Etait-elle vraiment une réalité, la réalisation de ses rêves ?

Son cou élancé, la profondeur de son corsage.

Il appréciait maintenant la plénitude de l’existence de cette compagne.

Le dîner se déroula  dans la perfection d’une communion harmonieuse. 

Etrangement, elle avait admirablement cerné sa personnalité.
Il crut même, un instant, qu’elle le connaissait depuis toujours, qu’elle l’avait déjà suivi sur le chemin de son existence.

Lui ne la discernait pas vraiment, elle le subjuguait, l’envoûtait, ne laissait aucune place à un jugement critique, un détail négatif.

Flânant dans les ruelles sombres de la ville maintenant endormie, étroitement serrés l’un contre l’autre, savourant la douceur de la nuit, appréciant le désir qui les envahissait, ils décidèrent d’une égale évidence de finir la nuit ensemble, de prolonger, compléter l’harmonie qui les enfiévrait...

Tous deux enlacés, ils se préparaient à leur union charnelle, échangeant de longs baisers aux amplitudes colorées.

« Donnes-moi un instant mon chéri ! Dit-elle. En se séparant de lui tendrement.

Pour le faire patienter, elle lui servit un verre d’un liquide aux senteurs délicieuses.

Avant de disparaître dans la salle de bain, elle ajouta.

-J’appelle cette boisson, le breuvage de l’amour.

Alain assis entre les bras d’un large fauteuil de velours appréciait cette boisson inconnue rêvant aux moments de délices qui l’attendaient.

Quelques minutes venaient à peine de s’écouler qu’une certaine torpeur sembla soudain vouloir l’envahir. L’alcool, oui certainement cet alcool qu’il avait pourtant consommé avec pondération semblait lui conquérir le crâne, inondé son cerveau. 

Il avait beau lutter contre ce sommeil qu’il refusait.
Rien ne fît.
Doucement, lentement il fut emporté dans une complète léthargie…

Combien de temps avait-il dormi, que s’était-il passé. Le visage enfoncé dans un ample coussin, la bouche empâtée, il laissa ses yeux parcourir son champ de vision. Son regard plongea vers le sol où il remarqua un préservatif souillé, il identifia cela comme la preuve d’une nuit qui avait certainement dû être performante et agitée.

Il se souvint de Céline.
De cette créature idéale.
La femme de tous ses rêves.
Comment la trouverait-elle au petit matin ?
La même magie se renouvellerait-elle ?

Il se hissa sur ses bras, puis doucement se retourna pour admirer sa partenaire…

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Ernest cheminait dans ce long couloir de l’hôpital qui le menait vers la sortie. Son optimisme lui laissait espérer une amélioration dans l’état de santé de son copain. Avait-il vraiment une chance de s’en sortir ? Il ne le savait vraiment pas.

Lui-même ne connaissait rien à la médecine, la maladie, il l’avait jusqu’à présent refusée, ignorée. Mais voir le terrifiant état de Jean lui fit penser, qu’un jour qu’il souhaitait le plus lointain possible, l’aboutissement de la vie taperait à sa porte.

Passant devant la petite salle d’attente attenante au service auquel était rattaché son ami, il aperçut sur la table une revue parlant d’une découverte archéologique récente faite dans une région du sud de la France qu’il connaissait particulièrement bien. C’est surtout le titre évocateur de la revue qui avait appâté son esprit inquisiteur.

Il vit dans ce sujet un bon moyen, pour lui, de se changer les idées.

Il décida donc de s'arrêter un instant, histoire de parcourir les quelques pages qui, il en était certain, l’intéresseraient.

Comme à son habitude, la revue fermement tenue dans les mains, il s’immergea complètement dans sa lecture.

Eloigné d’une dizaine de mètres de lui, une infirmière discutait avec deux dames.

« Je vous demanderai d’attendre dix minutes, nous sommes en train de donner ses soins à votre fille.

Les deux femmes d’une cinquantaine d’années intégrèrent donc la petite salle où se trouvait notre ami l’inspecteur et prirent place à côté de lui.

-Mais comment ta fille a t’elle attrapé le sida ? Demanda l’une.

-Hélène ! Dit-elle. Ma pauvre petite Hélène avait eu, il y a quelques années de cela, une terrible déception amoureuse ! Commença t’elle a raconter.

-Un sale type, il s’appelait Alain ! Je ne connais même pas son nom de famille, en fait, je n’ai jamais vraiment su beaucoup de choses de lui. Hélène m’avait dit qu’il était riche. Dans la finance. Ma fille n’était pour lui, semble-t-il, qu’un amusement, rien de plus. Mais au contraire, pour Hélène, elle le considérait comme l’amour de sa vie ! Son premier et unique amour ! M’avait-elle confiée.
Leur idylle n’a durée qu’un ou deux mois. Mais malgré la brièveté de cette liaison, ma pauvre chérie en est ressortie brisée, inconsolable. Après une profonde dépression, elle a tout fait, tout essayée pour l’oublier.
Elle, si tranquille, fragile, réservée, s’est soudainement mis à sortir tous les soirs, fréquentant toutes les boîtes de nuit de la région, changeant constamment d’amants, vivant une vie instable et débridée. Jusqu’au jour de cette mauvaise rencontre où elle a contracté la maladie ! Le souffle court, la pauvre dame n’arrivait plus parler.

Après quelques instants, elle continua :

« Et depuis ce fut la descente en enfers. Une succession de traitement qu’elle supporte de moins en moins…

La narratrice se mit à pleurer.

-Elle va bientôt mourir ! » Affirme t’elle en sanglotant.

Puppa avait malgré lui assisté à cette conversation. Le rapport entre son ami Alain et la triste histoire de cette Hélène éclairait de son évidence son esprit cartésien.
Et dire que ces deux anciens amoureux allaient en même temps aboutir à une fin identique.

Quel terrible hasard de l’existence !

Deux chemins qui se croisent, se séparent et se terminent dans un même et horrible dénouement.

Ernest n’avait plus vraiment la tête à continuer sa lecture. Il leva les yeux de  son magazine. Il ressentait l’urgence de s’assurer que cette Hélène dont-on parlait, faisait bien parti de ses connaissances.

Rapidement. Discrètement. Il jeta un coup d’œil sur la femme en pleurs.

Il ne s’était pas trompé !

La ressemblance, traits pour traits de son visage cadrait irréfutablement avec son souvenir d’Hélène…

 Il dormit terriblement mal cette nuit là, les rires, les pleurs de son ami se bousculaient, s’entrechoquaient violemment dans sa tête.

  Il l’entendit parler, le supplier de venir le réconforter une dernière fois.

  Demain son pauvre copain ne sera plus de ce monde…

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Ernest arriva à l’hôpital beaucoup plus tôt qu’à l’habitude.
Son rêve prémonitoire en tête, il avait la certitude de la mort proche de son ami.

La première chose qu’il rencontra, c’était l’affligeante image de la mère d’Hélène qui complètement effondrée recevait la compassion du médecin de service.

« J’aurai dû être à ses côtés pour la soutenir durant ses derniers instants ! Sanglota-t-elle.

-Ne vous sentez pas coupable, personne n’aurait pu prévoir sa fin si soudaine. Elle s’est éteinte avec son portable à la main, un étrange sourire dessiné sur ses lèvres, un peu comme si sa dernière conversation téléphonique lui avait apporté un certain soulagement, un accomplissement d’importance !

La pauvre femme porta un regard interrogatif sur son interlocuteur.

Comprenant cette expression il continua :

«  Je ne sais pas à qui elle téléphonait, peut-être à son amoureux, quelqu’un qui l’a soulagée en tout cas, l’a aidée à mourir… »

Ernest continua son chemin.

Alain n’allait pas très mien, il se sentait vraiment très mal. Le cauchemar de Puppa  semblait s’avérer exact.
Il lui prit la main.

« Mon ami, c’est moi Ernest, peux-tu m’entendre ?

Alain entrouvrit les yeux, une larme céda et suivit lentement la courbe de son visage.
Il remua ses lèvres et susurra quelques mots. Ernest ne comprenait pas ces propos chuchotés.

Il se pencha, essayant de comprendre ce qu’il croyait être une dernière volonté, un dernier souhait.

-Hélène, c’est-elle qui m’a tué ! Saisit-il.

Un frisson parcourut son échine.
De quoi parlait-il ?
Il devait certainement délirer, divagation de ses derniers instants.

Ces paroles furent justement, les derniers qu’il prononça.

Lentement il ferma les yeux, soumit une légère pression sur les doigts de son copain,Ernest comme dernier signe d’adieu.
Puis, il sombra dans l’inconscience éternelle…

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Lecteurs de cette courte anale, mon histoire pourrait ici se terminer, vous abandonnant dans une expectative malsaine, vous laissant supputer sur les évènements qui auraient pu provoquer cette triste fin.

Et bien non, je n’aurai pas le cœur de vous soumettre à une telle torture.

Puppa, mon pauvre inspecteur, quant à lui, ne put jamais résoudre cette énigme. Il crut ou du moins espéra  que la disparition de son ami n’était due qu’à la fatalité.

Ce n’était malheureusement pas le cas !

Souvenez-vous de cette heureuse rencontre de vacances, de cette journée de rêve qu’avait passé l’acteur de cette histoire.

Céline, la sublime, la parfaite Céline n’était en fait qu’un leurre, l’appât irrésistible qui devait l’amener vers une mort certaine.

En fait, cette fameuse Céline avait été engagée par Hélène !

Je vois déjà de la surprise se dessiner sur votre visage, vous demandant qu’elle idée macabre se trouvait derrière ce recrutement.

Hélène atteinte par cette terrible maladie qu’est le sida avait trouvé la vengeance ultime. Celle qui supprimerait et ferait souffrir l’homme qu’elle estimait être la cause de son malheur.

Dans la chambre qui devait recevoir la sublimation de leur rencontre. Céline offrit à Alain une boisson mélangée à un somnifère particulièrement insidieux, le laissant dans un état d’inconscience actif.

Cette nuit il ne fit nullement l’amour à sa magnifique conquête, comme il le crut, mais à Hélène qui prit la place de la belle et le soumis à l’acte sans protection. Le préservatif laissé sur le sol n’étant là seulement pour l’induire en erreur.

Le pauvre homme ne comprit toute cette étrange histoire qu’aux derniers instants de sa vie, durant ce dernier appel téléphonique où Hélène, triomphante, lui expliqua tous les détails de sa vengeance…

 En conclusion, chers lecteurs, je n’ai qu’un seul et unique souhait à vous demander !

Si un jour. Dans les rues de notre joli pays de Gex, vous rencontrez par hasard notre cher inspecteur Ernest Puppa.

Ne lui dévoilez jamais la finalité de cette intrigue, au contraire, saluez le bien bas et s’il vous plait, accordez-lui la pitié de votre silence.


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