|
||
Le dragueur |
19/06/2019 |
|
Il
faisait très chaud, le soleil haut dans le ciel brillait de
mille feux. De son petit studio, Alain pouvait distinguer la mer qui
aujourd'hui ne laissait apparaître aucune ride. Un petit
déjeuner frugal et il retrouva son endroit
préféré. La salle de bain. Comment
décrire notre homme ? Un mètre quatre vingt cinq, une
musculature d'athlète, une gueule d'ange, un regard bleu azur
souligné par d'épais sourcils, des cheveux noirs
soigneusement rangés sur l'ovale de son crâne. Enfin! Vous
pouvez discerner le personnage, Alain était sans conteste un
esthète à qui aucune femme ne pouvait résister. Et
cela tombait bien! Je dirai même très bien, car la
principale ou peut être la seule passion de cet individu
était de collectionner de multiples conquêtes. Alain
travaillait à Genève où il menait d'une main de
maître une entreprise de placements financiers. Chaque
été, il prenait une quinzaine de jours de vacances au Cap
d'Agde dans le seul but d'ajouter à son tableau de chasse une
multitude de "Demoiselles". Il se considérait comme un dragueur de jour! Mais,
qu'est ce qu'un "Dragueur de jour!" Et bien, c'est une personne qui
préfère la difficulté, le challenge. Les
boîtes de nuit, à son goût, ne lui procuraient que
des proies beaucoup trop faciles. Des conquêtes banales,
où l'alcool, la pénombre et l'ambiance aidant, le peu
d'effort qu'il avait à déployer était pour lui,
sans grand intérêt. Par
contre, en plein jour, la difficulté était tout autre.
Surtout sur une immense plage comme celle de "Richelieu" qui
démarrait du port pour se continuer sur des kilomètres en
direction du Grau d'Agde. Sa technique semblait très simple. Tout d'abord, vers onze heures, il se pointait aux abords du rivage. Là,
commençait le repérage qui consistait en une petite
demi-heure de promenade lui permettant de localiser quelques jolies
femmes seules qu'il pourrait conquérir sans trop de mal. Son
élue trouvée, il s'asseyait à une bonne centaine
de mètres d'elle et observait son attitude avec attention. Il
fallait bien entendu qu'il s'assure qu'elle était seule et en
mal de compagnie. Sa
longue expérience lui avait permis de remarquer des
détails importants qui lui assureraient une réussite
évidente. Si la
personne était profondément plongée dans une
lecture ou qu'elle regardait souvent en direction de la terre. Il fallait laisser tomber ! Par
contre, si son magazine ne semblait pas vraiment la passionner et
qu'elle quittait sa serviette pour de longues baignades ou promenades. La partie était pratiquement gagnée. Ensuite
ce n'était qu'une question de détails, une approche que
son intelligence et son physique épaulaient. Aujourd'hui
notre séducteur était en pleine forme. Il quitta son
appartement et descendit les escaliers quatre à quatre. Sa partie de chasse allait commencer. ----------------------------------------------- Il
était couché dans son lit souffrant
énormément. Il ne pourrait certainement pas s'en sortir,
il le savait. Pourtant, il avait lutté de toutes ses forces,
mais le traitement n'avait pas vraiment agi et de multiples infections
continuaient à l'affaiblir inexorablement. Deux ans maintenant
qu'il avait attrapé cette saloperie, qu'il endurait ce mal
profondément dans sa chair et dans sa tête. Il
n'avait pu éviter cette hospitalisation qui, il le savait,
resterait son dernier domicile. De toute façon, il avait
dû tout laisser tomber, son travail, ses habitudes, ses amis.
Seul Ernest Puppa était resté son fidèle copain et
lui rendait visite aussi souvent qu'il le pouvait. Il
s'était toujours demandé ce qui avait lié entre
eux des liens aussi forts, aussi solides. Son ancienne vie de luxe et
de débauche n'avait rien en commun avec le tranquille confort
qui berçait celle d'Ernest, inspecteur dans la police
scientifique du pays de Gex. Justement, la porte de sa chambre venait de s'entrouvrir. Il attendait son copain, dernière personne à pouvoir lui apporter un peu de bonheur et de réconfort. Pourtant
ce n'était pas Ernest qui lentement se retrouva devant lui. Mais
une femme, une inconnue, d'une maigreur épouvantable, qui
accrochée à son goutte-à-goutte le regardait
maintenant avec des yeux emplis de haines. Qui était-elle? Rien
dans ce physique lamentable ne lui rappelait l'une de ses
connaissances. Toute sa personne lui suggérait de la
pitié. Des
cheveux blonds poisseux qui coulaient sur une chemise de nuit jaune
verte, des rides qui lui sillonnaient profondément le visage et
ses yeux qui exorbités semblaient vouloir s'esquiver de leurs
orbites décharnées. « Te souviens-tu de moi ? Demanda t'elle d'une voix chevrotante. Lui, ne répondit rien. Se trouvait-il devant sa propre mort? Etait ce elle qui l'appelait ? -Tu m'as tellement fait souffrir ! Continua t'elle. Non ! Il était bien en présence d'un être de chair, d'une personne qui semblait le détester. -Souviens-toi
de tes affirmations, sur ton amour éternel, de la promesse
de me choyer jusqu'à la fin de tes jours. Quel était son nom ? Cette rengaine, il l'avait formulé à tant de femmes, était-ce l'une d'elles ? -Nos projets d'une vie commune. La maison que nous partagerions ensemble ! Ces
dix dernières années défilaient à grande
vitesse dans son esprit embrumé. La solution devait être
cachée parmi ses nombreuses rencontres sans lendemain. Elle
se rapprocha de lui. Difficilement, elle lui tendit quelque chose qui
se trouvait accrochée entre ses doigts squelettiques. -Hélène
! Articula t'il. De pénibles souvenirs se bousculèrent
dans son esprit, il se mit à pleurer... --------------------------------------------- Alain
avait déjà repéré une dizaine
de femmes qui aiguisaient sa convoitise. L'une d'entre elles lui
convenait à la perfection. Une trentaine d'année, des
longs cheveux blonds, un corps qui avait atteint une maturité
délicieuse. Exactement son idéal qu'il lui fallait
absolument posséder. Il se
posta à huit encablures de la mignonne et l'observa
attentivement, question de s'assurer qu'elle remplissait ses
critères de réussites ? La
chance était avec lui ! Il en était maintenant certain,
elle était en vacances, évidemment seule, et paraissait
s'ennuyer de son isolement. « Cette beauté, n'attend qu'un beau mâle comme moi ! » Pensa t'il orgueilleusement. Il
attendit une dizaine de minutes que la belle quitte sa serviette pour
une énième petite baignade, et, le moment venu, il
profita de l'occasion pour aller poser sa serviette non loin de son
emplacement. Ceci étant fait, il sortit un bouquin de son sac de
plage et étendu de tout son long se plongea dans la lecture de
ce dernier roman à la mode. Viingt courtes minutes plus tard, la belle revint de sa baignade. Sans
ne rien faire paraître, elle jeta un rapide et discret coup
d'œil dans la direction de notre adonis et sembla
apprécier ce qu'elle voyait. Après s'être
rapidement séchée, elle se badigeonna de lotion
solaire et, sans le moindre regard pour notre "chasseur", elle reprit
le cours de son magazine. Elle
était vraiment magnifique. Cachée derrière ses
lunettes de soleil, Alain tout en faisant semblant de lire observait,
scrutait, disséquait les détails du physique de sa future
partenaire. Les
traits de son visage esquissaient une pureté délicate.
Ses yeux, sa bouche, son nez, ses cheveux qui croulaient sur sa
cambrure délicieuse formaient une intégralité
angelique. Ses jambes, ses bras, sa poitrine parfaitement galbée
composaient une proportionnalité irréprochable. Il n'en pouvait déjà plus d'attendre, le moment de l'approche était venu ! « Ce magazine semble très intéressant ! Ose t'il. La belle tourne la tête dans sa direction. -Pardon ! -Je disais, votre lecture a l'air passionnante... » Elle esquisse un petit sourire, son corps se tourne légèrement dans sa direction. La partie est gagnée. Accroupi,
à ses côtés, il engage la conversation. Tout
d'abord jalonnée de banalités, quelques questions qui
semblent anodines lui permirent très rapidement de cerner la
personnalité de Céline. Oui, elle s'appele Céline, est en vacances depuis maintenant trois jours, habite le Nord de C'est
fou tous les petits détails que l'on peut connaître en
quelques minutes. L'esprit brillant de notre ami synthétise
rapidement toutes ses informations. Cela lui permette de se mettre en
harmonie intellectuelle avec son interlocutrice et de lui faire croire
à des similitudes d'intérêts, des points communs
qui leur permettent de se créer rapidement une certaine
affinité. Alain
a particulièrement bien réussi sa rencontre. Pour une
fois, il n'est pas tombé sur l'une de ses cruches, une jolie
fille dont la cervelle ne dépasse pas la grosseur d'un petit
pois et qui le soûle de propos insipides. Non, au contraire,
Céline est animée d'une merveilleuse connaissance de la
vie, d'une compréhension des choses peu commune, d'une culture
vaste et éclectique. Notre
ami d'habitude si bavard reste à côté d'elle
à la regarder, à l'écouter, comme subjugué
par cette alliance de beauté et d'intelligence. Toutes
ses questions reçoivent une explication qui l'enchante. Pour une
fois, c'est lui qui ressent cette impression de communion, cette osmose
qui, entre deux être, peu paraître comme de "l'amour". Ce mot prononcé dans son intime conviction, le fait tressaillir. « Moi ! Amoureux, jamais ! » Pense t'il. Céline
remarque cet imperceptible sursaut, mais n'en fait rien paraître.
Elle semble heureuse de se raconter, d'étaler sa perfection
devant cet homme dont elle a immédiatement perçu la peu
commune intelligence. Avec
un magnifique sourire, elle s'intéresse à lui. Non
seulement sur des questions coutumières, mais également
concernant ses convictions politiques, religieuses. Jean se laisse
envoûter par son charme intellectuel, se dévoilant plus
qu'il ne l'avait jamais fait. L'après midi, touche à sa fin. Seuls sur la plage, ils semblent ne plus devoir se quitter. « Es-tu
libres ce soir ? Je connais dans la vieille ville d'Agde, un
merveilleux petit restaurant qui j'en suis certain t'enchantera. Elle accepte. Resplendissante de beauté dans ce petit ensemble de plage qu'elle vient si gracieusement d'enfiler. -Rendez-vous dans une heure, place du mail de Rochelongue ! Dit-elle avant de disparaître de sa vue... ------------------------------------ Pourquoi pleurait-il ? Peut-être,
le souvenir du temps passé ou l’apparence physique de
cette ancienne conquête qui lui rappelait la venue prochaine de
sa fin ! La
photo qu’elle lui avait tendue était la terrible preuve de
sa décrépitude. Elle et lui tendrement enlacés.
Dans toute la splendeur de leur pleine jeunesse. Cette photo devait
avoir huit ans, il savait même qui l’avait prise.
Ernest ! Et
puis des tas de souvenirs revinrent à son esprit. Les yeux
fermés il se remémora cette période de sa vie. Hélène
était pour lui une conquête comme les autres, elle
n’était pas particulièrement belle ou intelligente,
mais peut être gentille, oui ! Gentille ! C’est
le mot intégralement adéquat qui la caractérisait.
Leur idylle avait duré deux mois, peut-être trois. Elle semblait s’être profondément éprise de lui, mais Alain ne l’aimait pas. Puis, il se souvint de leur rupture. Il
marchait côte à côte dans les rues de Genève,
c’était le soir ou bien non, l’après
midi ! « Alain, tu m’as dit que tu m’aimais, que tu aimerais construire ta vie avec moi ! Il avait frissonné. Pourquoi se sentait-il toujours obligé de dire des bêtises à ses aventures ! -Et bien Jean, j’y ai bien réfléchi. Maintenant, je suis prête à vivre avec toi ! Il
avait immédiatement réagi, crûment, brutalement.
Passant de l’agréable gentleman au goujat infect. -
Mais je ne t’aime pas, pour moi tu n’es qu’un passe
temps, un moyen d’assouvir mes phantasmes, un simple ajout
à mon tableau de chasse ! Elle
s’arrêta net, le regarda droit dans les yeux voulant croire
à une plaisanterie. Elle comprit sa stupidité, sa
naïveté devant ce pauvre type qui en fait
n’éprouvait rien pour elle et qui la regardait avec un
petit sourire narquois. Sans un mot, elle se retourna et disparut au coin d’une rue. Il ne la revit jamais. Et puis, il y eut cette conversation avec son copain Ernest. Il l’avait copieusement rudoyé : « On
ne traite pas les gens de cette façon ! Lui avait-il
affirmé le soir même devant son aveu de rupture.
Hélène est une gentille fille, elle ne mérite pas
ton mépris. Ces pratiques abjectes te rattraperont un jour ! Puis il l’avait boudé quelques temps, pour lui prouver le mal qu’une rupture brutale pouvait provoquer. Il avait tout compris. Il était temps pour lui de demander pardon, de réparer ces ignominies passées. Il ouvrit les yeux. « Hélène je… Mais Hélène n’était plus là. Seule cette photo, preuve de sa présence restait serrée dans sa main moite… Ernest avançait tranquillement dans le long couloir d’hôpital. Plongé
dans ses pensées, il ne remarqua même pas cette femme
décharnée, à la démarche laborieuse qui le
fixa intensément en le croisant dans cet étroit corridor. La
porte de la chambre de son ami était restée entrouverte.
La poussant lentement, il en franchit le seuil à pas
feutrés. Alain
ne dormait pas, assis dans son lit les yeux exorbités il fixait
intensément l’image qui tremblait dans sa main. Ernest sa racla la gorge. Alain sortant de sa rêverie, vit son ami. « Ernest regarde ça ! Dit-il d’une voix essoufflée. Ernest la regarda avec tristesse. Certainement pas les mêmes que ceux de Jean. Et
puis, il y a deux ans, il y eut ce fameux jour où il lui
annonça sa séropositivité qui s’était
insinué en lui. Pourtant il avait été prudent, très prudent même. Jamais un rapport sans préservatif ! Son état de santé se dégrada rapidement, les traitements semblant pour lui inefficaces… Il posa la photo sur le rebord de sa tablette. -Je suis de plus en plus faible ! Dit-il. Mes jours sont maintenant comptés ! Ernest le regarda. Ne sachant réagir contre cette adversité. -Tu ne peux pas dire ça, sois fort, lutte pour survivre ! Alain
ne répondit rien. Son visage émacié, ses yeux
vitreux qui ne semblaient ne plus vouloir garder cette étincelle
d’espoir se refermèrent. Ernest resta de longs moments aux côtés de son copain endormi. -Je te laisse, mon ami ! Se décida t’il à chuchoter, je reviendrai demain… ------------------------------------------- Le mail de Rochelongue était bondé. Comment allait-il la retrouver dans cette foule compacte ? Il
arpenta l’endroit de long en large, espérant ainsi
retrouver Céline. Il se demandait si son visage était
vraiment bien ancré dans son esprit. Après
une petite demi-heure de recherches infructueuses, il décida de
s‘asseoir sur le muret qui entourait une scène où
des musiciens diffusaient des sonorités psychédéliques. Le cherchait-elle aussi ? Tout
son être se mit à divaguer prit par la mélodie qui
lentement le submergeait de fréquences inconnues. « Alain, excusez-moi, je suis en retard ! Elle
était là, à côté de lui, belle
à couper le souffle, perchée sur des talons aux
dimensions extravagantes, moulée dans une petite robe couleur or
qui accentuait son bronzage, les cheveux croulant sur ses
épaules dénudées, un petit sac suspendu à
son épaule nonchalante. -Je croyais que vous ne viendrez plus ! Bredouilla t’il. Elle
ne répondit rien, le fixant de ses yeux bleu azur, rejetant
d’un léger mouvement de tête une mèche
rebelle. Il
lui prit la main, la porta à ses lèvres. Une odeur
envoûtante caressa ses narines, ses ongles délicatement
peints aux couleurs de la mer soulignaient la finesse de chacun de ses
doigts. Il la regarda dans les yeux ou plutôt se noya dans la
profondeur de ses iris. Sa bouche pulpeuse articula quelques syllabes
qu’il subodora comme étant des mots d’amours. -Où m’emmenez-vous ? Reprenant le cours de la réalité, il l’invita à le suivre. Ils
traversèrent la place, marchant côte à côte,
Alain percevait le regard envieux de tous les hommes qui les
croisaient. Le
restaurant était situé non loin de la cathédrale,
forteresse du passé qui veillait sur cette cité antique. Assis
dans un coin tranquille, Jean éprouvait une certaine
béatitude qu’il avait depuis toujours pensée
étrangère à sa personne. Serait-ce elle, son futur, sa destinée ? L’intonation
de sa voix semblait plus douce, ornée de miel. La lumière
tamisée lui ajoutait de la tendresse, du mystère. Représentait-elle la perfection, sa perfection ? L’élégance de son nez, la légèreté de ses sourcils, le galbe de ses pommettes. Etait-elle vraiment une réalité, la réalisation de ses rêves ? Son cou élancé, la profondeur de son corsage. Il appréciait maintenant la plénitude de l’existence de cette compagne. Le dîner se déroula dans la perfection d’une communion harmonieuse. Etrangement, elle avait admirablement cerné sa personnalité. Lui
ne la discernait pas vraiment, elle le subjuguait,
l’envoûtait, ne laissait aucune place à un jugement
critique, un détail négatif. Flânant dans les ruelles sombres de la ville maintenant endormie,
étroitement serrés l’un contre l’autre,
savourant la douceur de la nuit, appréciant le désir qui
les envahissait, ils décidèrent d’une égale
évidence de finir la nuit ensemble, de prolonger,
compléter l’harmonie qui les enfiévrait... Tous
deux enlacés, ils se préparaient à leur union
charnelle, échangeant de longs baisers aux amplitudes
colorées. « Donnes-moi un instant mon chéri ! Dit-elle. En se séparant de lui tendrement. Pour le faire patienter, elle lui servit un verre d’un liquide aux senteurs délicieuses. Avant de disparaître dans la salle de bain, elle ajouta. -J’appelle cette boisson, le breuvage de l’amour. Alain
assis entre les bras d’un large fauteuil de velours
appréciait cette boisson inconnue rêvant aux moments de
délices qui l’attendaient. Quelques
minutes venaient à peine de s’écouler qu’une
certaine torpeur sembla soudain vouloir l’envahir.
L’alcool, oui certainement cet alcool qu’il avait pourtant
consommé avec pondération semblait lui conquérir
le crâne, inondé son cerveau. Combien
de temps avait-il dormi, que s’était-il passé. Le
visage enfoncé dans un ample coussin, la bouche
empâtée, il laissa ses yeux parcourir son champ de vision.
Son regard plongea vers le sol où il remarqua un
préservatif souillé, il identifia cela comme la preuve
d’une nuit qui avait certainement dû être performante
et agitée. Il se souvint de Céline. Il se hissa sur ses bras, puis doucement se retourna pour admirer sa partenaire… ------------------------------------------------ Ernest
cheminait dans ce long couloir de l’hôpital qui le menait
vers la sortie. Son optimisme lui laissait espérer une
amélioration dans l’état de santé de son
copain. Avait-il vraiment une chance de s’en sortir ? Il ne
le savait vraiment pas. Lui-même
ne connaissait rien à la médecine, la maladie, il
l’avait jusqu’à présent refusée,
ignorée. Mais voir le terrifiant état de Jean lui fit
penser, qu’un jour qu’il souhaitait le plus lointain
possible, l’aboutissement de la vie taperait à sa porte. Passant
devant la petite salle d’attente attenante au service auquel
était rattaché son ami, il aperçut sur la table
une revue parlant d’une découverte archéologique
récente faite dans une région du sud de Il vit dans ce sujet un bon moyen, pour lui, de se changer les idées. Il décida donc de s'arrêter un instant, histoire de parcourir les quelques pages qui, il en était certain, l’intéresseraient. Comme à son habitude, la revue fermement tenue dans les mains, il s’immergea complètement dans sa lecture. Eloigné d’une dizaine de mètres de lui, une infirmière discutait avec deux dames. « Je vous demanderai d’attendre dix minutes, nous sommes en train de donner ses soins à votre fille. Les
deux femmes d’une cinquantaine d’années
intégrèrent donc la petite salle où se trouvait
notre ami l’inspecteur et prirent place à
côté de lui. -Mais comment ta fille a t’elle attrapé le sida ? Demanda l’une. -Hélène !
Dit-elle. Ma pauvre petite Hélène avait eu, il y a
quelques années de cela, une terrible déception
amoureuse ! Commença t’elle a raconter. -Un
sale type, il s’appelait Alain ! Je ne connais même
pas son nom de famille, en fait, je n’ai jamais vraiment su
beaucoup de choses de lui. Hélène m’avait dit
qu’il était riche. Dans la finance. Ma fille
n’était pour lui, semble-t-il, qu’un amusement, rien
de plus. Mais au contraire, pour Hélène, elle le
considérait comme l’amour de sa vie ! Son premier et
unique amour ! M’avait-elle confiée. Après quelques instants, elle continua : « Et
depuis ce fut la descente en enfers. Une succession de traitement
qu’elle supporte de moins en moins… La narratrice se mit à pleurer. -Elle va bientôt mourir ! » Affirme t’elle en sanglotant. Puppa
avait malgré lui assisté à cette conversation. Le
rapport entre son ami Alain et la triste histoire de cette
Hélène éclairait de son évidence son esprit
cartésien. Quel terrible hasard de l’existence ! Deux chemins qui se croisent, se séparent et se terminent dans un même et horrible dénouement. Ernest n’avait plus vraiment la tête à continuer sa lecture. Il leva les yeux de son
magazine. Il ressentait l’urgence de s’assurer que cette
Hélène dont-on parlait, faisait bien parti de ses
connaissances. Rapidement. Discrètement. Il jeta un coup d’œil sur la femme en pleurs. Il ne s’était pas trompé ! La ressemblance, traits pour traits de son visage cadrait irréfutablement avec son souvenir d’Hélène…
Il
dormit terriblement mal cette nuit là, les rires, les pleurs de
son ami se bousculaient, s’entrechoquaient violemment dans sa
tête. Il l’entendit parler, le supplier de venir le réconforter une dernière fois. Demain son pauvre copain ne sera plus de ce monde… -------------------------------------------- Ernest arriva à l’hôpital beaucoup plus tôt qu’à l’habitude. La
première chose qu’il rencontra, c’était
l’affligeante image de la mère
d’Hélène qui complètement effondrée
recevait la compassion du médecin de service. « J’aurai
dû être à ses côtés pour la soutenir
durant ses derniers instants ! Sanglota-t-elle. -Ne
vous sentez pas coupable, personne n’aurait pu prévoir sa
fin si soudaine. Elle s’est éteinte avec son portable
à la main, un étrange sourire dessiné sur ses
lèvres, un peu comme si sa dernière conversation
téléphonique lui avait apporté un certain
soulagement, un accomplissement d’importance ! La pauvre femme porta un regard interrogatif sur son interlocuteur. Comprenant cette expression il continua : «
Je ne sais pas à qui elle téléphonait,
peut-être à son amoureux, quelqu’un qui l’a
soulagée en tout cas, l’a aidée à
mourir… » Ernest continua son chemin. Alain n’allait pas très mien, il se sentait vraiment très mal. Le cauchemar de Puppa semblait s’avérer exact. « Mon ami, c’est moi Ernest, peux-tu m’entendre ? Alain entrouvrit les yeux, une larme céda et suivit lentement la courbe de son visage. Il se pencha, essayant de comprendre ce qu’il croyait être une dernière volonté, un dernier souhait. -Hélène, c’est-elle qui m’a tué ! Saisit-il. Un frisson parcourut son échine. Ces paroles furent justement, les derniers qu’il prononça. Lentement
il ferma les yeux, soumit une légère pression sur les
doigts de son copain,Ernest comme dernier signe d’adieu. ------------------------------ Lecteurs
de cette courte anale, mon histoire pourrait ici se terminer, vous
abandonnant dans une expectative malsaine, vous laissant supputer sur
les évènements qui auraient pu provoquer cette triste fin. Et bien non, je n’aurai pas le cœur de vous soumettre à une telle torture. Puppa,
mon pauvre inspecteur, quant à lui, ne put jamais
résoudre cette énigme. Il crut ou du moins espéra que la disparition de son ami n’était due qu’à la fatalité. Ce n’était malheureusement pas le cas ! Souvenez-vous
de cette heureuse rencontre de vacances, de cette journée de
rêve qu’avait passé l’acteur de cette histoire. Céline,
la sublime, la parfaite Céline n’était en fait
qu’un leurre, l’appât irrésistible qui devait
l’amener vers une mort certaine. En fait, cette fameuse Céline avait été engagée par Hélène ! Je
vois déjà de la surprise se dessiner sur votre
visage, vous demandant qu’elle idée macabre se
trouvait derrière ce recrutement. Hélène
atteinte par cette terrible maladie qu’est le sida avait
trouvé la vengeance ultime. Celle qui supprimerait et ferait
souffrir l’homme qu’elle estimait être la cause de
son malheur. Dans
la chambre qui devait recevoir la sublimation de leur rencontre.
Céline offrit à Alain une boisson mélangée
à un somnifère particulièrement insidieux, le
laissant dans un état d’inconscience actif. Cette
nuit il ne fit nullement l’amour à sa magnifique
conquête, comme il le crut, mais à Hélène
qui prit la place de la belle et le soumis à l’acte sans
protection. Le préservatif laissé sur le sol
n’étant là seulement pour l’induire en erreur. Le
pauvre homme ne comprit toute cette étrange histoire
qu’aux derniers instants de sa vie, durant ce dernier appel
téléphonique où Hélène, triomphante,
lui expliqua tous les détails de sa vengeance… En conclusion, chers lecteurs, je n’ai qu’un seul et unique souhait à vous demander ! Si un jour. Dans les rues de notre joli pays de Gex, vous rencontrez par hasard notre cher inspecteur Ernest Puppa. Ne lui
dévoilez jamais la finalité de cette intrigue, au
contraire, saluez le bien bas et s’il vous plait, accordez-lui la
pitié de votre silence. Ecrivez moi ! viagex@viagex.com |