Il avait une
prestance majestueuse. Son air sévère, sa haute stature ne laissait aucunement
la possibilité de discuter ses ordres. Présentant sa carte de police à la
fonctionnaire qui se trouvait devant lui, il exigea :
« J'ai
besoin de compulser toutes les fiches des personnes nées sous X pendant l'année
mille neuf cent soixante-quinze ! »
La vieille
demoiselle scruta avec attention le document qui contenait toutes les
informations décrivant les importantes fonctions de son interlocuteur.
Puis, elle
le pria de la suivre.
Une
trentaine de fichiers se trouvaient maintenant devant lui.
Il compulsa
les documents avec attention et trouva avec une large satisfaction les
informations qu’il recherchait.
Il en demanda une photocopie, remercia l'employée et partit.
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La place de
la visitation s'était fait faire une beauté.
Il y a trois
années de ça, la mairie de Gex avait eu l'excellente idée de donner à cet
endroit une touche plus moderne et surtout plus agréable.
Le samedi,
Ernest Puppa aimait venir s’asseoir sur l’un des bancs qui bordaient le
pourtour de la place, Et regardait les enfants s'amuser au jeu de l'oie géant
qui y avait été dallé.
Il adorait
observer les habitants du bourg qui tous venaient faire un petit tour au marché
qui se tenait le long de la rue des terreaux.
Le mois de
mai semblait cette année avoir pris un départ resplendissant.
Le soleil
avait jusqu'à présent été constamment au rendez-vous et la nature remerciait ce
don du ciel en se parant de couleurs chamarrées des plus diverses.
Ernest,
comme chacun, avait ses petites habitudes qui le rendait heureux.
Par exemple,
ce soir, Ernest irait jouer au billard avec Charles, la personne qu'il estimait
être son meilleur ami.
Très régulièrement
il se retrouvait dans un bistrot de la ville pour des parties acharnées, mais
jouées dans la meilleure fraternité autour d'une table à six trous. Ensuite
devant un verre ils refaisaient le monde, philosophant sur des sujets divers et
variés dans une bonne humeur fraternelle…
La petite
fontaine carrée qui se trouvait à ses côtés se mit à tousser le tirant de sa
rêverie matinale. Il lui sembla que quelqu'un l'appelait :
« Ernest
t'as vu ça ?
Levant la
tête, il aperçut Bernard, le pâtissier, qui confectionnait avec soin et bon
goût les gâteaux que l'on servait dans le salon de thé qui animait la place.
Penché à la
rambarde, il regardait en direction de Puppa, lui montrant du doigt le jeu de
l'oie qui se trouvait à dix mètres de lui, en contrebas.
Intrigué,
Ernest alla voir quel mystère semblait mécontenter son interlocuteur.
-Gex est
plein de voyous ! Dégrader par plaisir, c'est tout ce qu'ils savent faire !
Effectivement
la moitié de l'image vingt-trois était recouverte de traces rouges. Ernest se
pencha sur celle défigurée, posa un doigt circonspect sur la tâche et l'amena
vers son nez.
-C'est de la
peinture ! Répliqua-t-il à son copain qui se trouvait à présent à ses côtés.
Armé d'une
éponge et d'un seau d'eau, à quatre pattes, il s'activa rapidement à réparer
les dégâts. Un litre de térébenthine fut nécessaire pour qu’il puisse accomplir
cette tâche et effacer les dernières traces restantes.
L'illustration
de cette case représentant un tracteur réapparut dans toute sa splendeur.
-Que
j’prenne les gosses à refaire çà, j'leur casse la tête !
Puppa
s'amusa de la remarque.
-Tu connais
les petits vandales ?
-Non mais
j'me doute bien de qui il s'agit. Y'a un p'tit groupe de gamin qui semble
désœuvré et qui le soir venu, s'approprie souvent la place ! Même qu'ils
dérangent les clients avec leurs cris et jeux stupides.
Pas méchants
ces enfants, Puppa les connaissaient bien, il faudra qu'il leur parle à
l'occasion, question d'éviter un incident de voisinage regrettable.
Il prit
congé de Bernard, lui promettant de mettre de l'ordre dans ce désagrément.
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Le jour
venait à peine de se lever qu'Alphonse se préparait déjà à quitter la ferme
familiale pour se rendre sur ses terres.
Le jour du labour était venu.
Assis sur
son gros tracteur, il accomplit, en un temps record, les six kilomètres qui le
séparaient de son labeur.
Enfin, si
l'on peut considérer trente minutes comme un exploit.
Effectivement,
considérant son énorme véhicule on pouvait estimer que la vitesse était
impressionnante.
Arrivé à destination il planta le socle de la charrue profondément dans la chair
de son pré et débuta son ouvrage.
Il lui faudrait deux bonnes heures pour accomplir le labour.
Ensuite une
dure journée se présenterait devant lui.
Il devait
s'occuper des bêtes, aller chercher les semis chez les Duvillard, ensemencer
ses champs…
Le courage,
il en avait. Il adorait son métier et les propositions alléchantes de plusieurs
promoteurs immobiliers ne lui feraient jamais vendre ses propriétés.
Cependant ce
n’était pas le cas de sa sœur avec qui il partageait l'usufruit de
l'exploitation. Elle ne nourrissait aucunement cette même ambition de travail
mal payé et éreintant.
Celle-là,
y'a qu'le fric qui compte ! Avait-il confié à ses amis proches.
Son attelage
longea un petit bois dont il était également propriétaire.
Plongé dans ses pensées, il ne vit qu’au dernier moment la personne qui, sortit
des fourrés et se planta pile en face de lui.
Il arrêta
brusquement sa machine.
Alphonse
connaissait bien cette personne.
« Eh salut
qu'est-ce que tu fais ici, c’n’est pas ton heure habituelle pour ramasser des
champignons ! »
D'un signe
de la main Alphonse fut invité à descendre de son engin.
Arrivé à la hauteur de son interlocuteur, il
lui demanda qu’elle était son problème.
La réponse fut donnée d’un signe de la tête pour lui pointer l'une des roues de
son véhicule.
Alphonse
intrigué, tourna sur lui-même pour comprendre le problème.
Il ne vit
rien d’anormal et s’apprêta à se retourner quand, un violent coup le frappa à
la tête.
Inanimé il tomba lourdement sur le sol.
L'agresseur
après avoir revêtu une paire de gants monta calmement sur le tracteur qui
tournai au ralenti.
Tranquillement
il lâcha le frein et appuya lentement sur l’accélérateur.
La machine
s'ébranla lentement en direction de la victime allongée sur la terre meuble.
L'une des
roues passa sur son dos qui émit un craquement sinistre.
Sans prendre
la peine d'arrêter l'avance du véhicule, l'assassin sauta prestement sur le sol
fraîchement labouré et tout en effaçant soigneusement ses traces, retrouva le
mystère de la forêt.
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La soirée
s'était déroulée, agréablement. Ernest avait perdu toutes les parties de
billards.
Il en avait l'habitude.
Son ami Charles était impérial à ce jeu, mais malgré la différence de leurs niveaux
d'habilité qui les séparait, ils aimaient ses soirées entre copains.
Puppa avait
tout de même remarqué un changement dans l'attitude de son ami.
Il n'avait cette fois pas fait "exprès" de perdre quelques matchs.
Ses
victoires avaient été totales, sans ce petit brin de pitié qu'il lui concédait
à l'habitude.
Tard dans la
nuit nos deux compères se retrouvèrent attablés devant un verre. Charles semblait
ne rien avoir à dire.
Silencieux, il regardait un couple qui dansait langoureusement dans un coin de
la salle.
Ernest ne comprenait pas ce mutisme inaccoutumé. Il fixait l'inattention de son
ami, scrutant son visage dans les moindres détails.
Charles arborait une immense barbe noire, des cheveux bouclés, de larges
sourcils sous lesquels, deux yeux profondément enfoncés dans leurs orbites
brillaient d'une intelligence peu commune.
Ernest le
connaissait depuis déjà cinq ans. Célibataire comme lui, il excellait dans son
métier d'informaticien qui représentait pour lui non seulement un moyen de
gagner sa vie, mais surtout une passion qui le retenait souvent de longues
heures sur son lieu de travail. Il possédait une culture générale
impressionnante et une façon de penser sortant des sentiers battus.
Ernest
adorait amorcer avec lui une discussion conflictuelle, celle-ci animait à coup
sûr une conversation attrayante.
Mais ce soir
les élucubrations intellectuelles n'était pas au rendez-vous !
Puppa tenta
d'entamer sans succès une conversation.
Intrigué, il
lui demanda :
« As-tu des
problèmes ?
Charles
tourna la tête, le regarda droit dans les yeux et répondit.
-Oui,
Ernest, un gros problème ! Gardant un instant le silence, il reprit soudain. Je
ne me sens pas le courage ce soir de t'en parler. Un secret me ronge. Un
conflit qui pèse de plus en plus sur ma conscience.
-Dis-moi
tout, je peux certainement t'aider !
-Tu détiens
la solution… Mais non ! Pas ce soir. Je ne me sens pas la force de te faire cet
aveu.
Puppa fit
une moue interrogative.
Il
s’apprêtait à le réconforté de ses conseils, quand Charles, se leva
brusquement, et lui jeta un regard gêné.
-Je dois y
aller, excuses-moi ! »
Il quitta sa
compagnie, franchissant à vive allure les dix mètres qui le séparaient de la
sortie.
Puppa
n'avait rien compris, l'étrange attitude de son copain, son départ précipité l'avaient
laissé sans voix.
Dans un état
second, il retourna à son bercail au volant de sa petite voiture qu'il
conduisit d'une façon complètement machinale...
--------------------------------------------
Adrien
Potard, à la corpulence majestueuse s'engouffra dans la pièce où Puppa
savourait sa pause, sirotant lentement un café qui dégageait une odeur
alléchante et tonique.
« Ernest !
Ce n’est pas le moment de rêver, accompagnes les gendarmes à la ferme des
Artémice, paraît que le fermier s'est tué avec son tracteur ! ».
Puppa
détestait son patron.
Cet imposant
personnage régnait sur la brigade scientifique depuis maintenant deux ans. Genre
"m'as-tu vu", il roulait les mécaniques donnant ses ordres
incontestés et s'appropriant unilatéralement les honneurs que lui valaient les
brillants résultats de ses inspecteurs de police.
Ernest était
sans conteste son meilleur élément, et les solutions qu'il ne manquait jamais
de découvrir lors de ses enquêtes le rendaient jaloux. Il semblait depuis
quelques temps décidés à lui gâcher la vie en lui confiant des investigations
sans intérêts.
Et puis il
avait cette manie de se faire lire toutes les notes de services par sa
secrétaire, comme s'il voulait montrer un peu plus l'écart qu'il estimait poser
entre lui-même et ses subalternes.
« Ok patron
! » Bougonna Ernest agacé.
Une petite
demi-heure plus tard il se retrouvait dans le champ où le cadavre d'Alphonse
gisait dans un piteux état.
Les
gendarmes commencèrent leurs investigations relevant la position du corps et
les évidences de ce qui semblait être un terrible concours de circonstances.
Le tracteur s'était arrêté cent mètres plus loin contre un arbre et son moteur
tournait toujours.
«
Mademoiselle Artémice à découvert le corps de son frère ce matin ! Elle s'est
inquiétée de son absence prolongée et a fait le tour de toutes ses propriétés
pour enfin découvrir ce triste spectacle !
-Mais quand
est-il mort ! Demanda Puppa grimaçant devant l'odeur fétide qui se dégageait
déjà du corps.
-Certainement
hier matin !
-Et il lui a
fallu une journée avant de s'inquiéter ?
La sœur du
défunt qui se trouvait à ses côtés prit la parole.
Elle ne
semblait pas vraiment peinée par ce triste accident et son regard sec glaça le
sang de Puppa.
-Mon frère
et moi, nous ne nous entendons pas vraiment bien, nous vivons sous le même toit
par obligation, mais dans ailes opposées, ce qui nous permet de ne pas nous
croiser souvent ! Avoua-t-elle.
Puppa jaugea
la femme d'un regard critique. Il n'aimait pas vraiment le ton de sa voix et sa
froideur devant la mort d'un proche.
Petite
brunette d'une trentaine d'années, elle ne semblait prendre aucun intérêt dans
son apparence qui dégageait une négligence navrante. La tonalité, les
expressions de son visage démontraient l’évidence d’une certaine affliction
pour la vie.
Elle reprit.
-S'était un
véritable imbécile, il trimait sur ses champs du matin au soir, alors que la
vente d'une seule de nos parcelles nous aurait rendu riches ! »
Puppa sourit
à la vérité de ses propos.
En effet la
proximité du Pays de Gex avec Genève avait depuis longtemps fait flamber le
prix du mètre carré.
Peu
intéressé par l’affaire, il laissa le gendarme continuer les questions
habituelles et suivit les traces du tracteur.
Son regard
se posa sur la marque d’un pas fraichement.
Il se
rapprocha pour observer de plus près cet indice important.
Fixant
intensément l'empreinte, il remarqua qu'une succession de celles-ci se
dirigeait en direction du champ et qu'on avait essayé de les masquer en les
recouvrant de terre.
Un sourire marqua son visage.
En retournant près de la scène du crime, il pensa tout haut :
« Un meurtre
! ».
Ces compères
enquêteurs le regardèrent l'air surpris.
-Eh bien oui
! » Dit-il.
Et son imagination débordante décrivit la totalité de l'action.
On découvrit
rapidement que ses propos relevaient d'une exactitude surprenante.
La marque d'un choc sur la tête de la victime, les traces de pas à proximité qui
se continuaient dans les profondeurs de la forêt.
Plus de doute, il jubilait, enfin un crime intéressant à résoudre.
La suspecte numéro un, brillait par son évidence.
Mademoiselle Artémice !
Elle fut invitée à le suivre au commissariat pour justifier de son emploi du
temps.
--------------------------------------------------
« Bernard au téléphone !
Puppa prit le combiné.
Bernard qui ? S’interrogea-t-il.
-Ernest, salut ! On a encore dégradé le jeu de l'oie ! Fais quelque chose où je
vais massacrer un de ces petits "conards".
Puppa reconnut immédiatement l'identité de son interlocuteur.
-Fais pas de bêtise j’arrive.
Heureusement qu’Ernest rappliqua rapidement sur les lieux car son copain avait
déjà pris à parti un groupe de jeunes les insultant copieusement de tous les
noms d'oiseaux qu'il connaissait.
Il s'interposa à l'instant où une
bagarre rangée allait commencer.
« Eh ! Arrêtez ça tout de suite. Il repoussa Bernard d'une main ferme. T'es
devenu fou ou quoi !
-C'est eux qu'on fait cette cochonnerie ! Dit-il en montrant le jeu
nouvellement souillé.
-On n’y est pour rien ! Repris Hussein, un gamin faisant parti du groupe des
jeunes.
Le discours très ferme de Puppa calma rapidement les esprits.
Ceci étonna d'ailleurs notre inspecteur qui venait soudainement de se découvrir
une âme autoritaire.
Les gamins expliquèrent leur alibi. Le soir précédent, ils avaient eu une
soirée au cinéma de Gex et étaient ensuite rentrés immédiatement chez eux vu le
temps exécrable que le ciel dispensait.
« Et toi Bernard, tu les as vus faire ?
-Non ! Répliqua-t-il l'air penaud. Mais ces bons à rien, j'les connais comme ma
poche !
-Fais attention comment tu nous traites ! Répliqua l'un des mômes.
Puppa regarda le parcours du jeu de
l’oie
Le numéro trente qu'il se rappelait
être l'image d'un rugbyman était à moitié recouverte d'une tâche disgracieuse.
Il se pencha pour analyser la substance d’un rouge visqueux.
-C'est du sang !
D'un seul mouvement tous les marmots prirent la fuite.
-J't'avais bien dit qu's'étaient eux ! Affirma Bernard fièrement.
Puppa secoua la tête l'air perplexe.
-Je vais voir ce que l'on peut faire !
Puis il se retourna vers Bernard et lui conseilla de ne pas intervenir. Qu'il
savait comment attraper le coupable !
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L'endroit sentait la sueur. Accroché
à des cintres, une succession de vêtements hétéroclites attendaient leurs
propriétaires.
Au loin on entendait des cris d'encouragement.
« Fais la passe ! Allez, allez, plus vite ! »
La personne qui se trouvait en cet endroit qui pourtant aurait dû être désert
semblait déterminée.
Sa main plongea dans un sac, en sortit une bouteille en plastique, la décapsula
et y versa une poudre blanchâtre qu’il mélangea au liquide qui la remplissait.
Après avoir activement secoué l'ensemble, elle remit le tout en place et
s'éclipsa aussi rapidement qu'elle était entrée...
Au stade de Chauvilly, l'équipe première Gessienne recevait celle de Belley.
Quelques rares spectateurs assistaient au spectacle.
Jean-Richard ressentit une petite fatigue et comme à son habitude, il se
dirigea vers les vestiaires en prenant comme excuse la nécessité de devoir
accomplir un besoin naturel.
Ce grand gaillard de prêt de deux mètres, fort comme un rock brillait comme
pilier dans l'équipe. Avocat de son métier il s'occupait principalement de ce
qu'il aimait appeler lui-même "les bonnes relations Franco-Suisse".
En fait, et ce n'était un secret pour personne, il s'était spécialisé dans la
création de fausses sociétés sur les îles Caïmans. Traitant plus
particulièrement avec des personnages très louches et très riches, dont la
fortune provenait d'origines douteuses et indéterminées.
Lors de ses moments oisifs, il adorait venir dépenser son trop plein d'énergie
sur le stade. Il possédait un petit secret concernant sa forme exceptionnelle.
Elle se présentait sous la forme d'un breuvage à base de vitamine C, de caféine
et d’énergisant divers, rien de bien légal en vérité, mais les contrôles
antidopage étaient inexistants à son niveau de compétition.
Comme à l'accoutumance, il s'assura de la parfaite tranquillité des vestiaires
pour écluser son breuvage interdit, il s'assit sur un banc pour profiter de sa
solitude pour retrouver ce moment de motivation qui lui paraissait
indispensable pour pouvoir briller dans son équipe.
Soudain sa tête se mit à tourner, une sensation oppressante submergea sa
poitrine, son souffle devint court, un flot de sueur inonda son visage, ses
yeux chavirèrent, son esprit sombra dans l'inconscience.
Quelques minutes plus tard, Jean-Richard, ne faisait plus parti de notre monde.
--------------------------------------------------
Ernest frappa doucement à la porte
de son patron.
« Oui ! Grogna-t-il d'un ton désagréable.
Puppa, à petits pas mesurés, pénétra dans l'antre de son chef.
Assis sur un large fauteuil aux accoudoirs immenses, il trônait devant un
monumental bureau qui convenait parfaitement à son orgueilleux caractère.
Armé d'un stylo plume, il griffonnait ses pensées sur le rebord de son fameux
cahier de notes qui le suivait de partout.
Tout le monde se demandait bien quels secrets il pouvait bien y cacher.
C’était d'ailleurs le sujet de plaisanterie de la brigade. Chacun faisant des
supputations délirantes sur le contenu de ses écrits.
-Monsieur, j'aimerai vous entretenir sur un petit problème qui perturbe la vie
du centre-ville !
Adrien Potard Connaissait l'intelligence de Puppa et sa sagacité singulière. Il
supportait d'ailleurs ce fait avec la plus grande difficulté. Mais il avait
depuis longtemps compris qu'une écoute attentive des propos de son subalterne
lui servirait parfaitement pour briller devant sa hiérarchie.
-Qui y va-t-il Ernest ?
-Des vandales prennent un malin plaisir à esquinter le jeu de l'oie qui se
trouve place de la visitation, et j'ai bien peur que ceci déclenche de
malencontreux incidents de voisinage si l'on n’intervient pas rapidement pour
trouver le coupable.
-Je ne comprends pas !
-Eh bien oui, on déverse différents liquides sur les cases du jeu de l’oie dans
le but évident de dénaturer l'ensemble, les gens sont persuadés que certains
jeunes turbulents sont les coupables.
Mais je n'en suis pas certain. J'ai donc une idée qui nous permettrait de
découvrir le fautif, c'est tout simple. Placer une caméra très discrète qui
surveillera en permanence le lieu. Pourriez-vous m'obtenir ce petit système
ainsi que l'accord de la mairie ?
Adrien réfléchit un instant, pensant que si Puppa le demandait, c'est que cela
devait être forcément nécessaire, de plus cette petite initiative montrerait
son intérêt pour la vie communale.
-Ok ! Dit-il, je m'en occupe ! »
Puppa heureux de l’aboutissant positif de sa requête, remercia monsieur Potard et
retourna à ses occupations.
Cette nouvelle lui redonnait du baume au cœur car il se sentait
particulièrement déprimé, contrarié, agacé.
Son copain Charles ne lui avait donné récemment aucune nouvelle et les messages
qu'il avait laissés sur son répondeur étaient restés sans réponse. De plus
l'enquête sur l'assassinat du fermier patinait dans le vide, sa sœur n'était pas
la coupable. Il en était maintenant certain. Toutes les déclarations sur son alibi s’étaient
avérées parfaitement exactes. La piste des promoteurs véreux et malveillants ne
l'inspirait guère…
« Il a été empoisonné !
L'inspecteur Purbon chargé de l'enquête sur le rugbyman étrangement décédé,
muni d’une missive en provenance du laboratoire d'analyse, montra le résultat à
Puppa. Une ligne écrite en caractère gras soulignait la gravité du produit
mortel.
Cyanure !
-T'as une piste !
-Non, pas pour le moment, mais vu le boulot louche qui occupait la victime,
j'ai bien peur de me trouver devant un long et dur labeur.
Bon ! Je vais annoncer la nouvelle au chef, il sera certainement choqué
d'apprendre ça.
-Il connaissait la victime ?
-Oui, un peu, il est trésorier du club de rugby ! ».
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La petite caméra avait été placée
dans un angle permettant une vue parfaite du jeu de l'oie. Un enregistreur
tournait jour et nuit espionnant en secret tous les mouvements qui animaient la
place.
Une semaine entière s'était écoulée sans que le moindre incident intervienne. A
croire que le coupable était au courant du flicage.
Ce jour de marché, Puppa assit à sa place habituelle regardait une kyrielle
d’enfants sautiller à cloche pied autour du jeu maintenant si parfaitement gardé.
Une petite fille, jolie comme un cœur, rejoint le groupe.
Ernest sourit en regardant cette jolie petite "poupée" aux cheveux
clairs comme le jour qui éclata de rires en retrouvant ses copines.
Ce que Puppa ne remarqua c'était un petit ballon qu'elle tenait dans la main, soudain,
elle le brandit serré dans sa minuscule petite menotte et le lança sur le
parterre. Toutes les fillettes reculèrent d'un pas et hurlèrent leur dégoût
:
« C'est sale ! Dit l'une.
-Beurk ! » Dit l'autre.
Une tâche rouge venait de recouvrir la case numéro cinquante-neuf, cachant
ainsi la figurine montrant une cavalière.
La mère de la petite coquine occupée à papoter avec une amie se rendit enfin compte que
sa gamine avait fait une bêtise et accourue suivit bientôt par Ernest qui
demanda :
« Mais, pourquoi as-tu fait ça ?
-C'est un monsieur qui m'a demandé de lancer son ballon sur l'image avec le
cheval, il m'a dit que c'était rigolo !
-Quel monsieur ?
-J'sais pas !
Nulles autres informations ne purent être extirpées de l'enfant qui repartit
tranquillement accrochée à la main de sa maman.
Bernard qui avait également assisté à la scène s'amusa de l'histoire.
-Il semble que ton système vidéo n'est un secret pour personne !
Puppa acquiesça de la tête. Il trouvait
la plaisanterie douteuse.
On voulait se moquer de lui ? Certainement un petit plaisantin qui voulait
le tester.
-On laisse la caméra à sa place, on ne sait jamais, de plus on a l'autorisation
de surveillance pour un mois. Si jamais tu vois quelque chose, n'hésite pas à
m'appeler ! »
Puppa perplexe prit congé de son ami.
En tous cas la culpabilité des jeunes lui sembla totalement écartée.
Quoi que...
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Madame Potard était une cavalière
émérite. Elle adorait le cheval et son plus grand bonheur résidait dans de
longues promenades sur le dos de son coursier préféré. Adrien avait dans le
passé pratiqué l'équitation, accompagnant sa femme dans ses randonnées
habituelles, ceci, jusqu'à ce fameux jour où une mauvaise chute l'avait laissé
pendant une semaine dans un coma profond. Il en était ressorti avec de
profondes séquelles qu'il avait, avec difficultés, réussies à surmonter.
Sa femme accomplissait souvent de longs périples chevalins avec la compagnie
des membres de son club équestre.
Lui, restait seul, pas si mécontent de son sort.
Monsieur Potard était un invétéré coureur de jupon et depuis peu il avait
rencontré une jolie demoiselle qui flattait le déclin de sa cinquantaine et lui
faisait oublier les profondes rides qui, sournoisement, avaient zébré son
front.
Ce matin, son épouse l'avait abandonné une fois de plus à ses infidélités, ceci
pour longer en solitaire la chaîne du Jura.
Une promenade qui lui était familière pour l'avoir parcourue des dizaines de
fois. Elle connaissait sur le bout des doigts ces petits sentiers qui
l'emmenaient jusqu'à Bellegarde. Les couleurs de la belle saison l’enchantaient
et pour rien au monde elle aurait dérogé à cette balade.
Le soleil était au rendez-vous et le galop de son coursier l'emplissait d'un
bonheur sans partage.
Calmant l'ardeur de sa monture, elle s'engagea dans un petit chemin qu'elle
savait particulièrement étroit et sinueux. Celui-ci la conduisit sur son aire
de pique-nique favori.
En effet, elle avait repéré ce petit coin de paradis où une petite trouée dans
les arbres lui permettait de savourer sa collation tout en admirant la chaîne
des Alpes qui se dessinait dans le lointain.
Mais elle ne savait pas qu'aujourd'hui, la mort serait au rendez-vous.
Assise tranquillement sur un rocher, les yeux perdus dans le spectacle des
neiges éternelles, elle ne remarqua pas la nervosité subite de son destrier.
C’est au dernier moment qu’un craquement sinistre d'une branche que l'on casse
l'appela à la réalité.
Malheureusement pour elle il était trop tard.
Le coup porté sur le sommet de son crâne fut d'une violence inouïe. Son
canasson effrayé dans un hennissement lugubre s’enfuit à grandes enjambées.
Pour elle cela n’avait plus vraiment d’importance.
Sa dernière étincelle de vie venait subitement de la quitter.
Le criminel, l'empoigna sous les bras et la tira difficilement jusqu’au milieu
du chemin, laissa près d'elle le branchage mortel et après avoir calmement
effacé toutes traces de sa présence, rangea avec soin ses deux gants de cuir
dans son veston.
C’est à cet instant qu’il commit probablement sa première faute. Un petit
paquet d'allumette qu'il possédait, s'échappa insidieusement de sa poche et
vint sans bruit rejoindre la caillasse…
--------------------------------------------------
« Ernest !
-Oui ! C'est toi Charles ? J'étais inquiet, sans nouvelle...
-Il faut que je te vois !
-Bien sûre, mais qui y'va-t-il ?
-Je ne peux rien te dire au téléphone... J'ai beaucoup réfléchi, je ne voulais
rien t'avouer, mais c'est trop dur...
-Je viens chez toi !
-Non, il est préférable que l'on se retrouve dans un endroit public !
-Pas de problème !
-Ce soir vingt heures, au PMU de Gex ! »
Ernest n'eut même pas le temps de confirmer la rencontre que le Bip du
téléphone raccroché retentit à son oreille.
Plongé dans une profonde rêverie, il chercha à imaginer la terrible faute
qu'avait pu commettre son pote. Meurtre, vol, maladie, toute son imagination de
détective hors pair turbina à la recherche de l'improbable faute.
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La consternation régnait ce matin au
commissariat. Tout le monde parlait de la mort accidentelle de madame Potard.
Son mari effondré, s'était rendu immédiatement sur l'emplacement du
décès.
Une affliction profonde semblait l'avoir submergé. Accompagné de l'inspecteur
Purbon, il se tenait penché sur le corps sans vie de sa femme. Ressassant ses
années de bonheurs qu'il avait si bêtement laissées passer. Au-dessus de lui,
l'arbre coupable lui dispensait une ombre rafraîchissante.
« Elle appréciait tellement ses ballades. Une seule petite faute d'inattention,
et voilà, une vie envolée à jamais ! »
De son côté Purbon, observait avec attention la scène, s'imaginant en détail le
chemin qui avait conduit madame Potard jusqu'à la collision.
Pour lui quelque chose ne collait pas. La branche cassée ne se trouvait
manifestement pas à une hauteur suffisante pour heurter le crâne d'une
cavalière.
Puis il découvrit la petite boîte d'allumette, dont le parfait état témoignait
de sa présence récente.
« Regardez ! S’exclama-t-il. Quelqu'un accompagnait-il votre femme ?
Potard regarda son adjoint d'un air étonné.
-Je ne crois pas !
-Regardez ça ! »
Montrant la pochette d'allumettes, il pointa sur le logo qui provenait d'un bar
Gay très connu de la région.
Les investigations qui suivirent prouvèrent avec simplicité le déroulement de
l'homicide.
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Une semaine était passée depuis le terrible drame qui avait endeuillé le milieu
policier du Pays de Gex. L'enterrement de madame Potard fut particulièrement
émouvant. Le discourt que fit son mari ne permît aucun doute sur les moyens qui
seraient mis en œuvre pour mettre le criminel sous les verrous.
Ernest ne fut qu'à moitié présent à la cérémonie. Son copain Charles n'était
pas venu à la rencontre qu'ils s'étaient fixée et depuis il ne l'avait pas
revu.
Puppa était triste, d’une tristesse mêlée d'inquiétude, l’énigme de son copain
lui semblait un véritable casse-tête et plusieurs fois il s'était réveillé en
pleine nuit avec des images de son amis saturant son esprit.
Puppa avait cette particularité d'obtenir la plupart des solutions de ses
enquêtes pendant son sommeil. C'était comme si tous les indices qu'il avait
emmagasinés pendant la journée prenaient leurs places respectives reconstituant
ainsi le déroulement de l'action.
Mais, pour son ami Charles aucun cauchemar rationnel n’avait illuminé son
esprit fertile…
Depuis ce terrible drame, Potard était devenu terriblement nerveux. Ne comprenant
pas pourquoi l'enquête n'avançait pas assez vite. Il traitait tous ses
collaborateurs de propos injurieux et l'ambiance du commissariat était devenue
malsaine. Par rage il avait même détruit l'appareil qui permettait la réception
de l'image de surveillance du jeu de l'oie.
Puppa en avait été navré.
« Vous feriez mieux de vous occuper d'affaires plus sérieuses ! » Avait-il
rétorqué.
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Ce soir Puppa assistait à une petite soirée musicale à l'église de Gex. Une
sorte de joute entre deux excellents guitaristes locaux. Ernest connaissait
particulièrement l'un d'eux. Julien Toine, un garçon d'une intelligence rare
dont la force d'esprit subjuguait son entourage. Pourtant ce brillant
personnage avait su rester très simple, ne laissant aucunement paraître la
supériorité intellectuelle qui l'animait incontestablement. Ernest allait
souvent le voir dans sa petite maison de village qu'il partageait avec son
adorable compagne. Les propos enrichissant que lui dispensait ce singulier
personnage emplissaient Ernest de bonheur. Et à la fin de leurs soirées, Julien
ne pouvait s'empêcher de lui interpréter quelques airs venant tout droit de la
Renaissance, période que notre musicien affectionnait tout
particulièrement.
La soirée fut couronnée d'un succès mérité. Tout l'auditoire se retrouva avec
les deux mélomanes autour d'un buffet alléchant.
A la grande surprise de Puppa son redoutable chef était présent, entouré de
trois notables. Il parlait haut et fort, comme il en avait l'habitude. Son
besoin de briller en public le poussait à s'imposer ainsi, déballant son savoir
de propos emphatiques avec la ferme intention d'en mettre "plein la
vue" aux personnes qui l'écoutaient. Tous les sujets étaient passés en
revue et ses affirmations catégoriques ne laissaient que peu de place à des
réparties contradictoires.
Julien ne l'appréciait guère. Ils s'étaient, dans le passé, méchamment
accrochés à la sortie du magasin de musique qui se trouvait rue du commerce.
Puppa avait pu observer la scène de la fenêtre de son appartement, les deux
hommes en étaient presque venus aux mains, et seul l'intervention judicieuse du
propriétaire de l'échoppe permit d'éviter le grabuge.
Quel était la raison de cette incartade ?
Ernest ne le savait pas.
Interrogé, Julien lui avait simplement répondu que ce rustaud était arrogant et
odieux.
Voyant Julien non loin de lui, Potard arrêta net son monologue et l'interpella,
lui demandant son opinion sur la musique contemporaine. Étonnement, il se prêta
à ce jeu de questions, réponses que lui imposait son interlocuteur. Ne pouvant
évidemment pas le prendre à défaut sur le sujet musical, Potard détourna la
conversation sur l'art en général. Julien commença rapidement à se lasser de
cet allé et retour infatué, d’autant plus qu'ils étaient devenus le centre
d'intérêt de la salle. Soudain la conversation tourna court.
Une réponse inattendue sortit de la bouche de Julien :
« Vous savez, je n'en sais rien. Moi, je ne suis pas comme vous un intellectuel
!
-Qu'est-ce qu'un intellectuel ? Demanda Potard.
-C'est quelqu'un qui s'intéresse à ce que font les autres.
-Ce n'est pas votre cas ?
-Non, moi je fais partie de ceux qui font les choses ! » Puis il tourna les
talons Laissant Potard ruminer, la mine déconfite, l’allusion insultante de son allocutaire.
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Une fois de
plus, le peintre avait fait sa sale besogne. Le numéro cinquante-deux, une clef
de sol, avait à moitié été recouverte par une substance grasse et rougeâtre.
Bernard se frottait les mains pensant que le mauvais gaillard allait bientôt se
faire prendre.
« Un petit coup d'œil à l'enregistrement et tu le coffres ! Dit-il à Puppa.
Ernest resta muet quelques instants puis répondit.
-Le problème, c’est que le système ne fonctionne plus ! »
Tout en formulant cette absurdité, il se forgeait la certitude que quelqu'un de
son entourage lui jouait un mauvais tour. Mais il ne maîtrisait pas le pourquoi
de ce divertissement idiot.
De toute façon il n'en avait cure. Hier soir, après le concert, il avait
rencontré Charles. Son ami l'attendait à quelques pas de l'entrée de son
appartement. Refusant d'y monter, il l'avait suivi pour boire un café dans un
petit établissement du coin.
Assis dans un coin de la salle, un peu à l'écart. Les deux hommes se faisaient
face. Charles semblait terriblement triste. Son regard fuyait celui de Puppa
comme s'il avait peur que ses yeux ne dévoilent de terribles secrets. Ernest
décontenancé formula des propos sans importances, essayant quelques touches de
plaisanteries pour détendre l'atmosphère.
Charles, commença ainsi la conversation :
« De tous mes amis, tu es celui pour qui je ressens le plus d'affinité...
Les mots semblaient s'égrenés avec la plus grande difficulté. Il
continua.
-Depuis quelques mois, je ressens pour toi une inclination qui me trouble. Un
désir qui me submerge.
Puppa n'osait à peine comprendre ce qu'il entendait par trouble. Son visage se
tordit d'un rictus déplaisant.
-Je croyais avoir vaincu depuis longtemps ces pulsions illégitimes... Te
souviens-tu de Chloé ?
Puppa se remémora cette adorable jeune personne qui avait pendant cinq années
partagé la vie de Charles et avec qui il avait subitement rompu.
-Je n'ai pas continué ma relation avec elle. Reprit-il. Par amour pour toi !
Ernest sentit son visage se couvrir de moiteur. Avait-il rougi ou bien pâli, il
ne le savait pas. Mais, un profond dégoût avait définitivement pris possession
de son corps. Pendant un furtif instant, son imagination l'avait conduit tout
droit dans les bras de Charles et ceci lui donnait la nausée. La simple proximité
de Charles l’écœurait à présent. Ses mains crispées, il répliqua.
-Mais je ne suis pas Homosexuel !
Charles comprit immédiatement que ses derniers instants d'amitié venaient de
s'envoler.
-Tu me répugnes ! Voulu ajouter Puppa. Mais son intelligence lui suggéra de ne
pas heurter Charles qui paraissait en cet instant terriblement vulnérable. Il
lui expliqua calmement son aversion naturelle pour ce genre de pratique. Qu'il
n'avait aucune chance avec lui et que, peut-être, il devrait s'éloigner l'un de
l'autre pendant un mois ou deux.
Pour Puppa, tout semblait être dit. Il se leva de sa chaise.
- Je crois qu’il vaut mieux que je m’en aille.
Charles lui emboîta le pas. Peut-être espérait-il que son ami change d’avis.
Ils marchèrent côte à côte dans un silence de mort.
Arriver devant sa voiture. Charles murmura.
-Je t'appellerai demain !
-Non, ce n'est pas la peine ! » Pensa Ernest en hochant la tête…
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Attablé à
son bureau, Puppa tapotait sur son clavier d'ordinateur. Il essayait ainsi de
remettre ses idées en place. Cette nuit il avait très mal dormi, se retournant
sans cesse, agité pas un sommeil qu'il n'arrivait pas à rejoindre. Le
comportement de Charles, il le ressentait comme une trahison. Jamais, jamais il
ne lui pardonnerait.
Potard s'arrêta prêt de lui.
« Ernest, à partir de maintenant, vous êtes responsable de l'enquête concernant
la mort de ma femme ! Il me semble que le milieu homosexuel vous est très
familier ! » Chuchota-t-il, un rictus de moquerie dessiné sur ses lèvres.
Potard connaissait-il Charles ?
Comment était-il au courant de ses penchants bizarres ?
Puppa resta muet d'interrogations. De toutes façons Potard n'attendait pas
vraiment une réponse, il avait continué son chemin disparaissant aussi vite
qu'il était apparu.
Et si Charles était un assassin ?
Et si pour quelques étranges raisons il avait supprimé madame Potard ?
Mais non, impossible !
Ernest se souvenait d’une conversation qu’il avait eue avec lui concernant son
problème d'allergie aux poils d'animaux. Chiens, chats, chevaux avaient le
pouvoir de l'étouffer en quelques secondes.
A cet instant l'analogie qui aurait dû depuis longtemps lui être évidente,
s'imposa clairement à sa pensée.
« Le jeu de l'oie ! Dit-il d'une voix forte.
Purbon qui présentement venait le voir, répondit.
-Qu'est-ce qu'il y a encore avec ce jeu de l'oie ?
-Eh bien oui, la marque sur le tracteur est arrivée le jour avant la mort du
fermier et puis il y a eu celle du rugbyman, puis, de la cavalière !
-Tu veux dire qu'un tueur en série...
-Oui, c'est évident par ce petit stratagème, il veut nous donner la piste de sa
prochaine victime. N'as-tu pas remarqué que le décès de toutes les victimes
était maladroitement maquillé en accident, comme si le criminel voulait jouer
avec notre intelligence, nous tester ! »
D’un seul coup la morosité de Puppa avait disparu, cédant place à sa
clairvoyance d'inspecteur de génie.
Il allait le trouver ce fumier !
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La
découverte de Puppa s'était répandue telle une traînée de poudre.
Potard s'était soudainement rapproché de lui.
Il avait compris que Puppa suivait la bonne piste et avait décidé de faire tout
son possible pour aider son subalterne.
Il lui avait trouvé un remplaçant pour gérer des affaires sans importance.
Son collègue Purbon fut donc son remplaçant pour des affaires faciles, tel ce
vieux monsieur Juvon qui s'était fait cambrioler et attaquer pendant la nuit.
Un pauvre gars dont la mauvaise vue handicapante ne lui permettait pas de
sortir très souvent de chez lui.
Il était donc allé avec l'un de ses gendarmes constater le délit. Le
pauvre homme avait reçu un coup sur la tête heureusement sans gravité.
Purbon l'avait déjà rencontré dans le passé
en tant que bénévole aidant les
personnes âgées, c'était peut-être
également la raison qui l'avait décidé à
intervenir personnellement sur la scène du délit. En
fait, le malheureux avait
oublié de fermer sa porte à clef et la malchance aidant,
un vagabond avait
profité de l'aubaine pour entrer chez lui par effraction et lui
voler ses
économies.
Ensuite il avait retrouvé Puppa sur la place de la Visitation.
Le maniaque venait encore de frapper, enfin plutôt, venait de peindre la clef
de sol à moitié recouverte d'un enduit rouge et ceci lui glaça le dos.
« Il faut surveiller tous les musiciens ! Suggéra-t-il à Ernest. L'un d'eux va
se faire tuer, c'est sûr ! »
Puppa prit en charge l'organisation de cet état d'urgence.
Un policier prit même place dans son appartement pour surveiller le magasin de
musique de la rue du commerce.
Mais ce n’était pas la bonne piste.
Le criminel frappa cette fois d'une façon particulièrement inattendue.
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Puppa
conduisait lentement, excessivement respectueux des indications routières, il
ne ressentait pas ce besoin de puissance et domination que la conduite à grande
vitesse apportait.
Ceci exaspérait Potard qui se tenait à ses côtés.
« Allez Ernest ! Plus vite.
Puppa maugréa et appuya un tantinet sur l'accélérateur.
-Vous dites qu'il s'agit d'un meurtre maquillé en suicide ?
-Oui, Ernest ! Bon, je n'en suis pas certain, mais quand on m'a téléphoné en
m'affirmant que la victime s'était pendue avec une corde de guitare. J'ai
immédiatement fait l'analogie avec la note de musique du jeu de l'oie.
Puppa cogita en silence.
-Pas si bête ce chef, Il est vrai que depuis la mort de sa moitié, il se
sentait particulièrement impliqué dans tous les évènements qui pourraient
mettre à jour le coupable.
-Le pauvre homme. Un mal voyant. Et dire que je lui ai rendu visite la semaine
dernière avant que Purbon prenne ma place pour cette enquête !
-Vous le connaissiez ?
-Un peu. Son appartement avait reçu la visite d'un cambrioleur, le pauvre
vieux. Il n'y avait pas grand-chose à prendre chez lui, un peu d'argent. Et
pour çà il avait reçu un bon coup sur la tête ! »
Arrivé sur place. Ils assistèrent au triste spectacle du corps que l'on
décrochait de son funeste échafaud.
Sur un petit meuble une radio diffusait une musique familière aux oreilles de
Puppa.
« La radio était-elle en marche quand vous êtes arrivé ? Demanda-t-il à l'un
des officiers de police qui étaient arrivé en premier sur la scène.
-Oui, avec ce morceau qui semble jouer en boucle !
Puppa commença immédiatement ses fouilles minutieuses, recherchant le détail
qui lui désignerait une piste essentielle. L'analogie qui lui permettrait de
trouver le lien entre ces quatre terribles affaires.
Potard assis à la table restait les yeux dans le vague.
Ernest en regardant par-dessus son épaule remarqua un numéro de téléphone qui
avait été écrit sur le coin droit de la nappe.
-Vous avez vu ça ? Dit-il pointant du doigt la succession de chiffres.
-Non ! Dit Potard d'un ton inattentif. Puis se levant, les yeux dirigés sur le
plancher, il se mit à le scruter avec minutie.
Ernest sourit de ce singulier comportement. Comment pourrait-il découvrir
quelque chose sur le sol alors qu'il n'avait même pas remarqué un sérieux
indice qui se trouvait sous son nez ! Se gantant les mains, Puppa prit le
combiné téléphonique et entreprit de composer le numéro.
« Bonjour, vous êtes bien au cabinet d'ophtalmologie du Docteur Blouti, nous
sommes fermés tous les lundis mais veuillez...
-C'aurait été trop facile ! Ce genre d'indice ne marche que dans les films
! Dit Puppa à son collègue qui venait d'arriver. Il raccrocha le téléphone et
expliqua brièvement la situation à Purbon. Ensemble, ils entreprirent de
continuer leurs fouilles dans les pièces adjacentes.
Leurs recherches s'avérant totalement infructueuses, ils décidèrent d'emboîter
le pas à leur chef qui venait de partir.
Au moment de franchir le pas de la porte, Puppa s'immobilisa et murmura :
« Los seys libros del delphine de musica !
-Tu parles espagnol ? Lui demanda Purbon.
-Non, pas vraiment ! » Répondit-il la tête plongée dans ses pensées.
Ceci énervait son collègue au plus haut point. Puppa avait ce don exceptionnel
de s'attacher à des détails que lui seul pouvait discerner, et, au lieu de les
divulguer sur-le-champ, il les gardait profondément cachés dans son entendement
solitaire, ne divulguant qu'au dernier moment l'éclatante vérité.
Pourtant cette fois, Puppa n'avait aucune envie de dévoiler quoi que ce soit.
L'information qu'il venait de découvrir l'indisposait excessivement.
Non !
Ce ne pouvait pas être possible. Le suspect qui venait de s'imposer à ces yeux,
il l'appréciait particulièrement, le considérait comme un ami. Pourquoi
aurait-il fait cela ?
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Puppa
restait là. Planté devant la jolie porte sculptée qui protégeait la demeure de
son ami Julien Toine. D'une des fenêtres légèrement entrouvertes glissaient
quelques notes qui se succédaient habilement. Le compositeur de cet air
mélodieux il le connaissait particulièrement bien, Julien lui avait compté sa
vie et expliqué les subtilités de ses compositions.
« Luis de Narvaez ! » Murmura Ernest entre ses dents.
A l'instant où il voulut appuyer sur la sonnette, son regard aguerri remarqua
de nombreuses traces de peintures rouges qui teintaient légèrement son pourtour.
Ses soupçons seraient-ils fondés ?
Que dirait-il à son ami ?
Il ressassait dans sa tête la suite des évènements.
Paulette lui ouvrira la porte.
Tout sourire, elle manifestera le plaisir de le voir en l'embrassant sur les
deux joues , l'invitera à la suivre, ajoutera que Julien sera ravi de le voir.
Mais cette fois sa visite serait de mauvais augures.
Puppa espérait profondément qu'il se trompait. Que ses conclusions étaient trop
hâtives...
« Alors Ernest qu'attends-tu à ma porte, entres !
Puppa n'avait pas entendu Paulette arrivée. Derrière lui depuis secondes déjà,
de retour de l'école, elle tenait son petit Vincent par la main et l'observait
avec amusement.
-Paulette! Quelle surprise ! Répondit Puppa l'air gêné.
-J'habite là mon cher ! Julien ne t'a peut-être pas entendu sonner, il prépare
son prochain concert avec tant d'acharnement !
-Euh ! Je reviendrai plus tard, je ne veux pas le déranger. J'ai essayé de le
joindre hier soir au conservatoire sans succès ! Mentit Puppa.
-Pourtant il y est resté très tard dans la nuit ! Mais entres ! Il sera heureux
de te voir !
Effectivement Julien fut enchanté de la présence de Puppa.
-Que me vaut le plaisir de te voir !
-Rien de bien réjouissant, j'en ai peur...
Puppa venait de pâlir, un frisson d'inquiétude parcouru son échine. Il réalisa
qu'il allait bientôt perdre son deuxième ami. Mais l'indice qu'il avait
découvert, tendait son doigt accusateur en direction de Julien.
-Qui y'a t'il mon ami, tu as un problème !
-Un homme est mort, cette nuit, accroché au bout d'une corde de guitare.
-Pauvre homme ! S'exclama Paulette.
-Sur sa radio, un disque compact jouait en boucle l'œuvre que tu affectionnes
particulièrement, celle de Luis de Narvaez !
-Et tu crois que j'ai fait le coup ? Grogna Julien furieux.
-Non ! Ajouta Puppa d'une voix miséricordieuse, semblant quémander le pardon de
son acolyte. Mais comprends-moi, il faut que je m'assure de ton innocence,
c'est mon métier !
Paulette restait dans son coin, les bras ballants, scrutant les réactions de
son mari.
-Ce n'est pas toi ? Lui demanda-t-elle. Dis-lui que ce n'est pas toi !
-Non mais tu es folle ! J'étais au conservatoire de musique de Genève la
nuit dernière !
-Si tu as un témoin qui peut confirmer tes affirmations, en précisant ta
présence entre minuit et une heure du matin, il n'y aura aucun problème ! Reprit
Puppa soulagé.
-En fait ! Continua Julien j'ai bien peur d'être resté seul dans le bâtiment,
le gardien m'avait fourni une clef pour pouvoir m'éclipser suivant mon bon
vouloir ! »
Cette affirmation, ne présageait rien de bon. Puppa extrêmement embarrassé,
demanda à Julien de bien vouloir le suivre.
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Les
investigations qui suivirent accusèrent Julien. Tout d'abord les traces de
peinture suspicieuse sur sa porte d'entrée n'avaient aucune raison d'être ici,
la peinture rouge n'étant pas utilisée dans sa maison. Mais d’autres preuves
irréfutables furent trouvées. Sur l'un de ses pantalons, des cheveux provenant
de madame Potard. Dans son placard à chaussure, un peu de terre de chez
Alphonse. Et une petite fiole contenant du cyanure, perdue au plus profond
d'une poche de son survêtement.
Ces funestes
découvertes furent faites en la présence de Potard qui faillit défaillir en
pensant à l'effroyable mort de sa moitié. Il jura qu’il s'assurerait que le
coupable passe le restant de ses jours en prison.
« Il n'y a aucune possibilité de se tromper sur sa culpabilité ! » Ajouta
l'inspecteur Purbon, devant la femme de Julien qui jurait comme alibi d'avoir
passé toutes les journées meurtrières en compagnie de son époux…
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Six mois s’était
écoulé depuis la résolution de cette sale affaire.
Puppa ne l'avait pas vraiment oubliée.
Assis sur son banc place de la Visitation, il regardait une kyrielle de bambins
faire tourner la roue chiffrée qui faisait office de dé et leur indiquaient la
place où aller sur le jeu de l'oie. Le ciel était d'un bleu d'azur et le soleil
brillait de mille feux.
Mais, le marché animé n'intéressait nullement la passivité d'Ernest.
Il songeait à ce dernier coup de téléphone de Charles qui souhaitait le revoir
en ami, et lui assurait une relation de franche camaraderie.
Ernest ne lui avait même pas répondu, s'évertuant par des onomatopées à
briser au plus vite cette conversation qu'il ne souhaitait pas, qu'il ne
désirait pas.
Depuis cet appel, Ernest avait été averti que Charles avait quitté le pays de
Gex.
Il en éprouvait de la tristesse, pas vraiment due à la fuite de son ex-copain,
mais plutôt d'avoir rompu tous contacts avec lui.
Et puis, il y avait également son deuxième copain, Julien. Sa famille brisée,
sa carrière de musicien perdue pour toujours.
Il se souvint de sa façon de clamer son innocence :
« Je n'ai rien fait !». Avait-il hurlé en écoutant le verdict implacable
de son procès...
Mademoiselle Artémice passa devant lui. Elle avait liquidé la totalité de sa
propriété familiale et menait maintenant grand train de vie. Le pactole qu'elle
avait encaissé pour ces ventes lui avait rapporté disait-on au moins Six
millions d'Euros. Il parait qu'il y avait eu, malgré tout, un Hic, dans
l'héritage familial, une obscure demi-sœur s'était présentée au dernier moment
devant le notaire, prouvant son appartenance incontestée à cette famille et
exigeant sa part du gâteau.
« Regardez là comme elle se pavane ! Bougonna notre inspecteur, et dire qu'elle
n'a même pas son certificat d'étude. Une nulle en classe se rappelait Puppa qui
l'avait autrefois connue à l’école primaire !
Pour le rugbyman, sa famille demandait toujours la vérité sur sa mort, refusant
la culpabilité probable de Julien. La police continuait donc une investigation
à son sujet mais ceci sans résultat probant.
Potard avait beaucoup changé depuis le décès de sa moitié, il semblait l'avoir
vite oubliée dans les bras d'une jolie petite demoiselle qui dénotait
singulièrement avec son âge et sa corpulence. Mais il lui fichait la paix
maintenant.
Avait-il enfin accepté sa perspicacité singulière, Puppa le croyait et en
ressentait un certain soulagement...
-Eh, le rêveur, On l'a eu ce salopard ! »
Bernard tout sourire, du haut de sa terrasse, constatait le bienfondé de
l'arrestation. Nulle détérioration n'avait plus été enregistrée sur le jeu de
l'oie et ceci ajoutait une pierre supplémentaire sur les fondements de la
responsabilité totale de Julien.
Puppa dispensa un maigre rictus à l'adresse de son copain. Il allait lui faire
part de sa tristesse quand une idée soudain germa dans son esprit.
La logique des crimes ne semblait pas avoir été totalement respectée.
Pourquoi, julien se serait-il si évidemment accabler en laissant cette musique
accusatrice chez sa dernière victime ?
De plus il n'avait pas du tout le profil d'un tueur en série. Donné la mort par
plaisir, cela ne pouvait être que l'acte d'un maniaque, certainement pas celui
d'une personne ayant son intelligence et sa délicatesse.
Et cette boîte d'allumette semblant montrer à Puppa le chemin de Charles ?
Remettant en ordre toutes les pièces de ce qu'il considérait comme un puzzle,
Ernest découvrit enfin le détail évident sur lequel il était passé.
Le visage blême, le souffle coupé par sa découverte, il se leva brusquement et
se rua en direction de son logis, renversant presque, à son passage, Bernard
qui se sentant l'âme de converser venait de s'approcher de
lui.
Son premier geste en entrant dans son appartement fut d'empoigner le téléphone.
« Allô ! Docteur Caverli, pouvez-vous me recevoir tout de suite ?
-Je parts manger, ça ne peut pas attendre cet après-midi ?
-Non c'est très grave ! Reprit Puppa.
-OK, je vous attends ! »
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La salle
d'attente était vide, Puppa pénétra donc dans le cabinet du docteur l'air très
anxieux.
« Ça n'a pas l'air d'aller bien fort Ernest, encore ce fameux mal de dos ?
-Non, docteur, j'ai besoin d’informations sur une maladie rare !
Caverli s'amusa de sa question. Il connaissant parfaitement l'habitude qu'avait
Puppa de trouver des solutions particulièrement inaccoutumées pour résoudre des
énigmes éminemment ardues.
Qu'avait-il maintenant en tête ?
-Eh bien voilà, docteur, j'ai entendu parler de l'héminégligence ! Est-ce une
véritable maladie ?
Le médecin sortit un énorme livre de sa bibliothèque, consulta quelques notes
qui marquaient l'une de ses pages.
-Eh bien justement j'ai l'un de mes patients qui est atteint par ce problème,
je ne le suis pas directement mais...
Puppa se leva de sa chaise.
-Merci docteur ! Combien vous dois-je ?
-Mais !!! Rien ! »
Puppa lui serra la main, et en lui lançant une dernière salutation, s'évapora
du cabinet
« Curieux bonhomme ce Puppa ! » Rumina Caverli dépité par son départ hatif.
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« Et dire
que par ma faute un innocent est en train de pourrir dans un cachot ! Puppa
parlait dans son sommeil tourmenté.
Ses cauchemars étaient hantés par la conviction de la culpabilité d'un immonde
individu, d'un homme qu'il connaissait bien et qui l'avait conduit sur une fausse
piste. Il le voyait rodé autour de lui, le regardant d'un air narquois semblant
dire "Je t'ai bien eu !"
Puppa ne comprenait pas les raisons qui avaient guidé la main meurtrière de cet
horrible personnage. Le pire c'est qu'il ne pensait pas pouvoir le confondre.
Et puis, qui le croirait ? ».
Dès cinq heures du matin il était debout en route pour son lieu de travail.
Le commissariat était pratiquement désert en cette heure matinale. Seul un
officier de service l'air bien fatigué baillait à sans décrocher la mâchoire.
« Vous pouvez rentrer chez vous, je prends la relève ! »
L'homme ne se le fit pas dire deux fois et après un "Merci" endormi,
il partit le pas chancelant.
Sans attendre Puppa se dirigea vers la pièce qui lui confirmerait ses craintes.
Il crocheta la serrure en sachant parfaitement que rien ne lui résistait.
Devant lui se trouvait le bureau de Potard.
Ce qu'il n'avait jamais observé jusqu'ici se révéla avec justesse à ses yeux.
Seul le côté droit de sa place de travail était recouvert des paperasses
habituelles, l'autre côté ne comportait absolument rien.
Il consulta le fameux cahier de notes de son chef et l'évidence brilla encore
plus précisément à ses yeux.
Seul le côté droit de chaque feuillet était couvert de sa griffe.
Une succession de phrases soulignées drainèrent son attention.
"Prouver l'identité de Florence" puis "Puppa serait-il
homo?".
Il remarqua également un petit article de magazine soigneusement collé sur
l'une des pages.
Celui-ci décrivait Julien Toine de façon dithyrambique. Le décrivant comme un
musicien prodigieux, un esthète hors du commun et un travailleur invétéré, sous
l'article, trois mots étaient nerveusement griffonnés "Amis de
EP".
Puppa se remémora tous les détails concernant ce chef qu'il détestait
maintenant.
Le numéro qu'il n'avait pas aperçu sur la table de Juvon.
Les traces de peinture recouvrant essentiellement une partie des images du jeu
de l'oie.
La manière dont avait été recouverte l'image lorsque le jeu était sous
surveillance. Sa façon subite de s'intéresser à des broutilles tel le vol chez
Juvon, alors qu'à l'habitude il se bornait uniquement à des tâches beaucoup
plus nobles.
Il était présent chez Julien quand on avait trouvé les cheveux de sa femme.
Quoi de plus aisé que de les avoir déposés lui-même !
Ernest se trouvait devant un véritable casse-tête.
Comment allait-il prouver ses soupçons et étaler ses évidences ?
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Puppa, après
avoir cogité et enquêté toute la journée, l'esprit emplit de certitudes.
Il retrouva ses pénates avec l’assurance de la culpabilité de Potard.
Il s'endormit et se retrouva plongé dans un rêve tourmenté et révélateur.
Potard malgré les apparences détestait sa femme. Certainement depuis ce
terrible accident de cheval qui lui avait imposé des lésions cérébrales le
diminuant, lui "l'être supérieur" d'une tare difficile à surmonter.
Il lui était effectivement devenu impossible de discerner la moitié gauche des
choses.
Plus tard, dans le cours de sa vie, Il avait rencontré une jolie
fille de 26
ans, dont il s'était entiché. Abandonnée
dès sa naissance, la demoiselle
voulant connaître sa véritable identité avait
demandé à son influent amoureux d’obtenir les
informations auprès de services concernés, ce qu'il fit,
dévoilant ainsi sa
filiation avec les Artémices. Potard étudia avec
attention le cas d’Alphonse et
comprit rapidement que sa disparition permettrait de dégager
pour sa chérie, un
colossal magot.
Mais comment les faire disparaitre sans amener de nombreux soupçons auprès de
ses services.
Il décida de se transformer en tueur en série.
Tout ce labeur néfaste lui permettrait ainsi de faire d'une pierre deux coups,
supprimer son épouse, et refaire sa vie avec sa jeune et riche maîtresse.
Détestant particulièrement Puppa, il décida de l'entraîner dans sa folie
meurtrière. Jalonnant son parcours de fausses preuves et d'indices déroutant.
Il voulait ainsi, absolument faire
coffrer l'un des amis de Puppa.
D'abord, il essaya d'accabler Charles dont l'amitié avec Ernest était connue et
dont l'une de ses discrètes petites enquêtes lui avait révélé l'homosexualité.
Mais il changea d'avis.
Et il choisit plutôt Julien, cet homme qu'il détestait,
payerait pour son insolence.
Pour lui, la mort du rugbyman était sans importance, "Un abject personnage
qu'il était bon de supprimer" avait-il pensé.
L'aveugle était une cible très facile à anéantir en toute quiétude, sa première
visite chez lui, lui permit de subtiliser la clef de sa porte d'entrée et ainsi
de revenir accomplir sa sale besogne en toute sérénité. La corde de guitare et
le morceau de musique de Narvaez que Julien avait acheté en sa présence chez
"Chorus Musique" seraient la passerelle évidente qui guiderait Puppa
chez son bien aimé copain.
C’est enfin lui qui laissa les empreintes de peinture sur l'encadrement de la
porte et sa présence opportune durant la fouille lui autorisa, avec la plus
grande facilité, de jalonner les lieux de nombreux signes irréfutables.
Le lendemain Ernest ne prit aucun détour pour diffuser sa découverte.
Il prit le chemin direct qui l'emmena dans le bureau du procureur.
Etant donné l'importance des faits qu'il révéla et l'argumentation qu'il sut
imposer. Potard fut rapidement confondu et mis sous les verrous.
Tous les faits accablants avancés par Puppa sur son dangereux chef furent
facilement vérifiés.
La recherche d'identité de l'orpheline par Potard, les traces de pas relevés
dans le champ, identiques aux siennes, le cyanure dérobé dans les locaux de la
police scientifique, La maladie qui accablait son cerveau.
Tout attesta du bien fondé de ses propos.
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Ernest ressentit un profond soulagement d’avoir trouvé la solution de ces
énigmes et d’avoir innocenté soin ami.
Allongé sur son sofa, il ressassait tous les détails de l’enquête.
Malheureusement, ce drame lui avait fait perdre son grand ami Julien, qui avait
quitté immédiatement la région après sa libération en refusant complètement les
excuses bien-fondés d'Ernest…
Soudain le téléphone se mit à sonner.
« Qui vient me déranger à cette heure-ci !
-Allô !
-Ernest !
-Oui !
-C'est Charles ! »
Sans un mot, lentement, Ernest raccrocha son combiné
téléphonique...
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