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  Ô ! La belle vie

04/11/2013 


Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème

Depuis ma plus tendre enfance j'ai admiré Sacha Distel.
J'aimais son talent de musicien, sa voix de crooner, son élégance, son charme.
Il représentait pour moi, Le type d'homme que j'aurais aimé être, celui que toutes les femmes admirent et que tous les hommes jalousent.
Je voyais en lui, la jeunesse éternelle, l'immortalité.

Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème

En 2004, il devait venir à Genève pour un ultime concert. Je m'étais demandé quel âge il pouvait bien avoir et j'avais donc parcouru internet avec curiosité pour voir si le temps avait eu une emprise dévastatrice sur son visage.
Il avait vieilli, bien entendu, mais il était toujours aussi beau, élégant, avec ce sourire triomphateur et joviale. Je décidais donc d'être présent pour cet évènement exceptionnel, souhaitant ainsi retrouver un souvenir marquant et impérissable de mon enfance.
Quelques jours avant la date attendue, le spectacle fut annulé, Sacha venait de décéder.

Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème


J'ai eu énormément de chances dans la vie et je suis tout à fait conscient que ce destin heureux n'était que le fait d'un simple hasard. J'ai grandi dans une famille aisée, avec des parents normaux, une enfance sans encombre. D'une nature plutôt optimiste j'ai surfé sur mes tendres années avec facilité et allégresse. Plus tard, un travail intéressant combla mon esprit curieux. Il y eut ensuite mon mariage et de nombreux enfants qui comblèrent la continuité de mon espérance.

Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème

J'ai comme tout le monde eu des passages moins faciles, des difficultés et des affres qui m'ont fait souffrir, mais j'ai toujours pu les surmonter avec une aisance surprenante, avec le sentiment que quelque chose me protégeait, m'accompagnait, me procurait cette  aubaine du destin qui me conduisait dans la bonne direction.

 Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème

Puis, un jour j'eus cette conversation avec une amie. Nous approchions tous deux de la quarantaine et elle me fit part de son angoisse, de son inquiétude de bientôt atteindre cette décade fatidique. Elle me fit part de sa peur de vieillir, de perdre la souplesse de son corps, la pureté de son visage, de se rapprocher à grands pas de ses derniers instants.
Cette conversation me fit réfléchir, perturba mes certitudes. Mais, rapidement se noya dans les tréfonds de mon âme, me laissant inconscient de mon aboutissement inexorable.

Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème

Puis il y eut cette terrible soirée qui bouleversa ma vie.
 Passionné de tennis de table, avec deux amis, nous formions une petite équipe qui évoluait en troisième ligue. Pendant quelques années, nous écumions les salles de sport, combattant avec rage et plaisir, pour atteindre ce qui représentait pour nous le Graal ultime.
Le passage en deuxième ligue.
Un soir, il faisait très chaud dans cette salle de Meyrin. Avec l'un de mes partenaires, nous venions de perdre la partie de double. Chacun de nous prit  immédiatement notre place pour enchaîner sur la partie en simple.
Dans l'attente de mon adversaire qui se faisait un peu désiré, mon regard se posa sur mon équipier qui allait commencer sa partie. Il semblait motivé, prêt à tout pour sortir vainqueur de son match. Quand, tout à coup, il posa sa raquette sur la table et tomba frappé d'une mort subite.
Personne ne réussit à le ramener à la vie.
Sa dernière image resta figée dans mon esprit. Un regard fixe qui ne regardait plus rien, une froideur cadavérique qui ne réagissait plus à mes injonctions, il ne me restait que son simple souvenir, avec son nom gravé à jamais dans le marbre.

Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème

Alors je suis rentré chez moi effondré, je me suis couché sur mon lit, les yeux fixant la pâleur de mon plafond, triste pour cet ami perdu, pour la finitude de notre existence.
La frayeur de mort venait de m'envahir insidieusement, me submerger d'une façon que je  n'aurais jamais crue possible.
Avec grandes difficultés je réussis à m'extirper de mon angoisse.
Il me fallut changer d'activité sportive pour effacer cet horrible tragédie et graduellement, ma vie reprit son cours égailler par mon tempérament joyeux et je réussi partiellement à surmonter la terreur d'être un jour confronté à mon impitoyable destin.

Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème

Puis la cinquantaine frappa à ma porte et l'angoisse qui m'avait si difficilement quittée revint au galop. Elle me réapparut d'une façon différente à celle de mon passé.
Elle me submergeait principalement la nuit, noyant mes songes, remplaçant ma jovialité par le cauchemar de mon trépas.
J'avais férocement peur de disparaitre, de laisser cette vie qui me semblait encore agréable, intéressante, captivante.
Je me sentais anéanti.
J'avais peur de mourir!

Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème

Un nouvel évènement changea radicalement ma façon de penser.
J'étais en pleine forme.
Le soir précédent, mon dernier cours de fitness s'était déroulé à la perfection. Je me sentais merveilleusement bien, vigoureux, heureux de cette forme et entrain retrouvé.
Il était presque midi, j'étais assis devant un établi en m'activant à un travail assez simple. Un petit détail me chagrinait et il me fallait le résoudre. La solution était enfantine, pourtant je n'y arrivais pas, quelque chose m'empêchait de le faire.
 Je me sentis soudainement mal, ma tête se mit à tourner, je me suis levé, j'ai marché plusieurs pas pour soudainement m'évanouir...
J'étais allongé seul sur le carrelage de ce petit atelier, me sentant pourtant bien, calme, planant dans je ne sais quel mirage, apaisé, tranquille, serein.

"C'est ça la mort!". Me suis-je dit, c'est bien la mort...

Quand, doucement, avec une gentillesse infinie, une petite voix chuchota à mon oreille :
"Pierre, lève toi, tu n'es pas à ta place ici, il fait froid, tu dois aller te réchauffer!".

Je me suis relevé. J'ai pris place sur une chaise, posé mes deux bras sur la table et y ai lové ma tête.
Puis, j'ai appelé, hurlé le nom de ma secrétaire.

Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème

Trois heures plus tard je reçu le Stent qui me sauva d'une mort certaine. Couché sur la table d'opération, je ne ressentais aucune angoisse, aucune peur, j'étais heureux.
Je n'étais pas heureux d'être là, bien entendu!
Mais, j'avais compris le message.
Ces mots que m'avait insufflé la petite voix.
Alors que je me voyais devant l'inéluctable de mon destin, ma peur funeste avait disparue. Je n'avais plus peur de l'au- delà...

Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème


Il me fallut 6 mois pour me remettre de cet infarctus.
Mais depuis l’ instant de ma confrontation à le mort imminente, je ne vois plus ma fin comme une chose de terrible, de redoutable. Je perçois mes instants ultimes avec bienveillance, clarté, sérénité.
J'ai toujours envie de vivre, de nombreux projets tournoient sans cesse dans ma tête, mes nuits sont calmes, mes journées fécondes.
Et, chaque fois qu'une personne qui m'est chère me quitte, je ne  perçois plus sa disparition avec la même douleur, la même peine. Car, au plus profond de moi danse une petite voix qui maintenant m'accompagne de son merveilleux et indulgent message...

 Ô ! La belle vie
Sans soucis
Sans amour
Sans problème




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