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  La passion du Christ de Wermeer

03/06/2020


« Allô ! Monsieur Ernest Puppa ?

- Oui, c'est lui-même.

- Salut mon ami, ici René Dupond ; on était dans la même classe au collège ; te souviens-tu de moi ? 

- René, pas croyable, mais je croyais que tu vivais aux États-Unis !

- Tout à fait ! Je suis à Genève pour quelques jours, pour affaires et j'aimerais bien te revoir !

- Avec grand plaisir !

- Je suis à l'hôtel Intercontinental. Viens m'y rejoindre ce soir pour dîner. J'aurai également comme convives Aurélien Doublon et deux autres copains... Mais, je te laisse la surprise. À vingt heures tapantes, je compte sur toi. »

La conversation terminée, Puppa reposa le téléphone et se remémora les vieux jours de sa tendre jeunesse.
Les cinq copains inséparables.
Il y avait, René et Aurélien qui habite Crozet et puis…
Il n’arrivait pas à se souvenir des deux autres.
Mais oui, Jean-Paul Berchu et Claude Rembert.
« Je me demande bien ce que sont devenus ces deux-là ? ».

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« Monsieur René Dupond, s'il vous plaît.

- Oui, Monsieur, qui dois-je annoncer ?

- Ernest Puppa dit-il d'un ton solennel, il m'a invité pour dîner. »

Le réceptionniste ouvrit un grand livre, regarda Puppa droit dans les yeux et dit :

 « Oui Monsieur, vous êtes attendu dans sa suite ! » Le réceptionniste fit un signe de la main et un groom se pressa à son service.

« Suite neuf cent douze ! Lui ordonna-t-il...

- Nous n'attendions plus que toi ! s'exclama René, un large sourire égaillant son visage. Dans la magnifique suite, Ernest aperçut quatre convives.
Un seul des personnages lui était inconnu.
Les invités s'étaient tous levés en cœur à l'arrivée de Puppa , ils semblaient manifestement très heureux de le revoir.

« Alors, comment vas-tu mon vieux ? Jean-Paul et Claude s'étaient rapprochés du nouvel arrivant.

-Quelle joie de vous revoir, ça fait si longtemps ! »

Après une brève hésitation, ils se jetèrent dans les bras les uns des autres tout en s'apostrophant des petits noms de leur enfance. Au bout d'un moment, coupant les éclats de rire que provoquaient de telles retrouvailles, René demanda le silence et ajouta, tout en regardant en direction de l'homme très distingué qui était resté à l'écart du groupe, « Il faut que je te présente un ami : monsieur Eloi Vatime, conservateur du musée des beaux-arts de Genève. C'est un cher, un très cher ami, dont le savoir en matière d'art est sans limites !».

Puppa salua solennellement cet invité de marque, lui précisant qu'il adorait flâner dans son musée et précisa que, bien qu'il ne soit qu'un béotien en matière de peinture et sculpture, il était très sensible à la beauté de ce que pouvait créer le génie humain.
Puis, notre inspecteur fut happé vers le canapé ou un chaleureux apéritif l'attendait.

 Un maître d'hôtel s'empressa d'installer un fabuleux repas dans la salle à manger attenante. René précisa à ses amis qu'il s'occuperait du service lui-même car il ne désirait aucune présence étrangère durant leur repas.

« J'ai une chose fantastique à vous montrer ! » dit-il d'un ton mystérieux.

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Après quelques verres de Bourbon éclusés avec avidité par nos invités, l'heure vint de passer aux choses sérieuses. Les six hommes assis autour de la table jubilaient d'être ainsi réunis. Puppa regarda l'un après l'autre ses comparses, essayant d'imaginer le chemin qu'ils avaient parcouru durant toutes ses années.

René était immensément riche, financier hors pair, il vivait la grande vie à New York, côtoyant les personnalités de la vie financière, artistique et politique, de la haute société américaine. Malgré sa réussite incontestée, il semblait être resté un homme très simple, attaché à ses origines.

Aurélien, lui il le connaissait bien.
Il habitait le pays de Gex, Crozet plus exactement, et turbinait dans la bijouterie de luxe. Son boulot s'émaillait de nombreux voyages aux quatre coins du globe. C'était un homme orgueilleux que Puppa n'appréciait pas particulièrement, il le fréquentait assez peu, n'aimant pas ses manières de nouveau riche.

Jean-Paul, beau gaillard d'un mètre quatre-vingt-dix était un marchand d'art qui sévissait entre Genève, New York.
Il parlait d'une voix forte et assurée, énumérant les millions que lui rapportait chacune de ses transactions.

Claude, plus timide et réservé, était un copiste reconnu. Il était célèbre pour la qualité de son travail et les grands musées nationaux s'arrachaient ses services. Il paraissait connaître particulièrement bien Monsieur Vatime, qu'il tutoyait.
On voyait bien que l'amour de la peinture unissait ces deux compères.

À table la discussion était très animée.

«  Moi, je me suis fait tout seul ! commença Aurélien. À la sueur de mon front, j'ai créé mon entreprise qui est maintenant fleurissante, deux cents millions de chiffre d'affaires et des perspectives d'avenir faramineuses. ».

René acquiesça :

«  C'est un peu la même chose pour moi. Je suis arrivé aux États-Unis sans un sou. Dix ans plus tard j'avais ma propre entreprise ! Mais, mon ami, que fais-tu de ton argent ? ». Demanda-t-il d'un air intéressé.

« Je le dépense en belles voitures et en femmes ! s’exclama le parvenu en riant.

-Et bien moi, répondit René, j'ai pris une superbe décision, je vais me lancer dans l'achat d'œuvres d’art ! »

Tous les regards se fixèrent sur lui.

« J'ai l'intention de créer ma propre petite galerie personnelle, elle sera garnie de tout ce que le monde peut nous offrir de plus beau ! ».

Aurélien resta bouche bée et rougit de la bêtise des propos qu'il avait tenu. Claude semblait amusé par l'idée, et voyait déjà dans René un mécène potentiel.
Il répliqua :
-Si tu t'intéresses à mes œuvres, contacte-moi, je te ferai un bon prix !

Monsieur Vatine, intrigué par le discours du millionnaire, lui demanda plus de précisions sur les œuvres qu'il avait l'intention d'acquérir.

« Eh bien moi, dit-il, j'ai une profonde admiration pour les grands peintres de la Renaissance ! Ma connaissance en peinture est actuellement restreinte, j'en conviens, mais  je me fais conseiller aux States par une relation qui connaît l'art de A à Z. Je suis venu à Genève, je ne peux plus vous le cacher, pour acquérir un tableau qu'un de ses amis vendait. Il m'a coûté une fortune. Mais je crois qu'il en vaut la peine !

Interloqués, les invités s'empressèrent de demander des précisions à leur copain.

« Il s'agit d'un tableau de Vermeer de Delft, inconnu à ce jour ! »

Monsieur Vatine ne put s'empêcher de demander le nom du vendeur.

« J'ai promis le secret !

-Es-tu certain de son authenticité ? demanda Claude.

-J'ai un certificat qui provient du Louvre ! Je me suis procuré ce tableau dans le plus grand secret. »

 Tous les convives n'y tenant plus, réclamèrent à l'unisson d'admirer ce chef d'œuvre. René se dirigea très lentement vers un petit buffet qui se tenait dans un coin de la pièce, il sortit une petite clef de sa poche, et dit :

« Ce modeste meuble contient une toile splendide ! Vous serez les premiers à l'admirer ! »

D'un seul mouvement tous nos amis se rassemblèrent aux côtés de leur hôte. Henri entrouvrit lentement la petite porte en bois. À l’intérieur du bahut, on apercevait maintenant un coffre. Henri engagea sa petite clef et lui fit faire deux tours. Princièrement il tira sur la poignée. Le tableau était maintenant à la vue de tout le monde.

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« Je l'ai appelé "La passion du Christ» !

Effectivement cette petite toile de quatre cents par quatre cents millimètres représentait Jésus agonisant sur la croix. À ses pieds trois femmes, les bras jetés au ciel, semblaient implorer la grâce divine.

« Splendide, on reconnaît tout à fait le style de ce grand maître flamand » osa Jean-Paul.

-On retrouve parfaitement la sensibilité luministe, coloriste et de compositeur, de ce grand Maître hollandais ! » ajouta Claude.

Puppa admirait l'œuvre, pensant à la somme folle qu'elle avait dû coûter.

Aurélien émit un sifflement admiratif.

« J'aimerais bien savoir son prix ?

-Ne pense pas à cela, mais admire plutôt la répartition des ombres et des couleurs. Ma première affaire ! Quel coup de chance ! Sans mes relations, je n'aurais jamais pu l'obtenir ! »

Monsieur Vatine resta étrangement silencieux.

« Alors, jaloux cher ami ? persifla Aurélien.

-Pas du tout, c'est une toile magnifique » dit-il d'un air étrange.

Claude semblait très heureux pour son ami. Un large sourire s'affichait sur son visage. Jean-Paul regardait son compère du coin de l'œil, semblant s'amuser de sa bonne humeur. René rayonnait de bonheur. Il décrivait en détail toutes les expressions des personnages, soulignant les jeux de lumière qui enrichissaient la toile. Notre petite réunion continua dans cette ambiance d'allégresse que nous communiquait notre ami. Sa magnifique toile affichée devant nos mines réjouies agrémenta le reste de la soirée. Puis l'heure tardive amena nos adieux et nos promesses de se revoir prochainement.

La porte refermée, René jeta un dernier coup d'œil à son acquisition, mais au moment de refermer le coffre, la clef semblait avoir disparu. Où est-elle donc tombée ? se demanda-t-il.

À quatre pattes, il rôda dans tous les recoins de la pièce, mais sa quête resta infructueuse.

Il se borna donc de prendre le double qu'il avait en sa possession, referma le coffre en se promettant de reprendre une recherche plus approfondie dès le lendemain...

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Deux jours plus tard, la sonnerie du téléphone retentit soudain dans le petit appartement d'Ernest Puppa. On était dimanche matin et notre ami qui faisait sa toilette, sortit précipitamment de sa salle de bain, la bouche pleine de dentifrice.

« Allô ! marmonna-t-il d'une façon incompréhensible, des bulles de savon s'échappant de ses lèvres entrouvertes.

-Suis-je bien chez l'inspecteur Puppa ? articula une voix affolée.

-Oui, oui ! C'est lui-même, répondit notre quidam tout en crachouillant dans sa main.

-Ah ! Quelle chance, tu es là ! C'est moi René. J'ai un grave problème : mon tableau a disparu !

-Quoi ? Ton magnifique Vermeer ?

-Oui ! » Et René lui expliqua ses soupçons : « On l'a dérobé le lendemain de notre réunion ! ».

 Il expliqua.

« Ma première clef avait disparu, j'avais d'abord cru qu'elle était tombée et qu'il serait facile de la retrouver. Mais impossible de remettre la main dessus. J'ai dû m'absenter une journée pour rencontrer quelques clients, et, quand je suis revenu, le coffre était grand ouvert et le Werner n'était plus là ! Il semblerait que quelqu'un s'est fait passer pour un valet de chambre, a pénétré dans mon appartement et a commis son forfait sans effraction.

Puis, il ajouta une affirmation qui laissa Puppa perplexe.

« Je suis certain que l'un des nôtres a commis ce délit. Comme tu es un inspecteur de police reconnu et que  j'ai entière confiance en toi, je me permets de te demander ton assistance. ».

 Ernest acquiesça. :
« Donne-moi deux jours pour y réfléchir, je te rappelle. ».

René se perdit en remerciements et lui assura qu'il était son seul recours et que son intervention éviterait de jeter la discorde dans leur cercle d'amis...

Le dimanche passa très rapidement sur l'esprit occupé de notre inspecteur, pourtant aucun indice ne se présenta à ses pensées.

« Qui a bien pu commettre ce vol ? ». Se répéta-t-il toute la journée.
Une idée lui vint à l'esprit. Notre inspecteur adorait surfer sur Internet, toujours à l'affût de sites intéressants. Un jour il était tombé sur des pages renfermant de nombreuses énigmes qu'il s'était évertué à solutionner. Intrigué par la personne qui était derrière cela, il avait fait connaissance de Julie, une charmante jeune personne qui l'avait étonné par sa gentillesse et sa clairvoyance. Il adorait échanger des idées avec elle, et à dire vrai, elle lui avait permis de résoudre par ses conseils astucieux quelques affaires criminelles difficiles.

 

Il se pencha donc sur son ordinateur et envoya le message suivant.

Chère Julie,


Je suis placé devant une énigme qui me laisse perplexe. Ton esprit vif et sagace peut certainement m'être très utile.
Un copain s'est fait voler un tableau de Vermeer de Delft « La passion du christ ». Le coupable se trouve certainement parmi les personnages que je vais te décrire. S'il te plaît, si tu as une idée, fais-moi parvenir tes commentaires.
1) Aurélien est dans la bijouterie de luxe, il est riche, sans éducation et prétentieux.
2) Jean-Paul est marchand d'art, il connaît tous les acheteurs potentiels dans le monde entier.
3) Claude est un copiste de renommée mondiale qui est capable de reproduire n'importe quelle toile.
4) Eloi Vatime est conservateur du musée de Genève, et maîtrise l'art sur le bout des doigts.

(Il énuméra également quelques détails qui ne lui avaient pas échappé durant sa fameuse soirée entre copains et termina ses propos de la façon suivante.)


Je compte sur toi, chère Julie, merci.


À plus.


Ernest.

Le jour suivant, Ernest ouvrit sa boîte aux lettres électroniques. Avec émerveillement, il commença à lire la réponse de sa charmante amie. Elle lui était arrivée comme un souffle de fraîcheur lui apportant de bonnes nouvelles.

 

Ce petit mot commençait ainsi :

Cher Ernest, la solution est pourtant très simple...

 Le tableau "La passion du Christ" est un faux. En effet, Vermeer de Delft est un grand peintre hollandais du XVIIe siècle, mais il n'a jamais peint de tableau avec un thème religieux. Toutes les toiles qui lui ont été attribuées au début du XXe siècle et qui étaient inspirées de la Bible sont des faux. Elles ont été réalisées par un faussaire du nom de Hans Van Meegeren qui a lancé la rumeur que Vermeer avait peint des sujets religieux et il a réussi à berner les plus grands spécialistes.

  René n'étant pas expert en art, il s'est facilement laissé avoir par le travail remarquable du faussaire et le faux certificat d'authenticité soi-disant délivré par le Louvre. Les invités étant pour la plupart des experts en peinture, ils étaient certainement au courant de cette célèbre supercherie et n'ont rien dit par respect pour leur hôte. C'est la raison pour laquelle ils n'ont pas trop insisté après avoir vu l'œuvre.

  On peut donc se poser une question très importante : "Pourquoi voler un faux ?"

  Et la réponse est évidente : "Parce qu'on ne sait pas qu’il est faux ! 😊".

  Le coupable est donc sans aucun doute Aurélien car il était le seul parmi les invités à ne rien connaitre en art. De plus il est très orgueilleux et certainement avare, ceci l'a poussé à commettre ce vol en espérant pouvoir le vendre à l'une de ses relations !

Je n'ai aucune preuve, mais je pense que tu peux maintenant sans hésitation faire une perquisition à son domicile et tu trouveras certainement là-bas toutes les preuves qu'il te faut, dont, bien entendu, le précieux tableau.

 

La solution était si simple, se dit Puppa, enchanté de la découverte. Il s'empressa de  rendre visite au coupable.
Il comprit tout de suite les raisons qui l’avaient poussé à perpétrer son forfait.
Tout d'abord en arrivant devant la belle villa que son copain se targuait de posséder, il s'aperçut, en fait qu’elle était en vente.
En parlant aux habitants de ce quartier résidentiel, il apprit que l'affaire d'Aurélien était en faillite et qu'il habitait maintenant chez sa mère.

La maman d'Aurélien, Puppa, la connaissait bien. Très souvent, quand il était jeune, son fiston l'invitait à passer l'après-midi chez elle. Elle leur préparait de somptueux gâteaux. Ernest frappa à la porte de cette charmante dame qu'il n'avait pas revue depuis quinze ans.
Elle lui ouvrit la porte, lui sourit.

« Ernest, quelle bonne surprise ! Puis son visage se referma.

- C'est pour Aurélien ! J'en étais certaine, ce voyage précipité, ce sentiment de culpabilité que j'ai ressenti en lui. Qu'a-t-il encore fait comme bêtise ? demanda-t-elle affolée.

- J'ai bien peur qu'il se soit emparé d'un bien qui ne lui appartient pas ! répondit tristement Puppa tout en essayant de ménager la pauvre dame.

-Il doit prendre aujourd'hui un avion pour Belize ! avoua-t-elle presque honteusement.

-Ne vous en faites pas, je vais essayer d'arranger les choses !

 

Il se retrouva une demi-heure plus tard à l'aéroport de Genève, du côté français. Aurélien attendait tranquillement que l'ordre d'embarquement soit donné. Quand il vit son copain arriver, il comprit tout de suite que son aventure touchait à sa fin. 

L'affaire fut rapidement réglée. L'inspecteur lui expliqua tranquillement, mais fermement, que le tableau n'avait aucune valeur et que pour cette raison le larcin était dénué de tout sens.
La toile fut donc rendue à son propriétaire qui ne déposa aucune plainte contre son compère de jeunesse, mais qui cependant s'engagea dans la poursuite de son mauvais conseilleur.

Plus tard, le faux Vermeer fut donné gracieusement à un prêtre de la région.

 

Si vous vous promenez dans les charmantes églises de notre beau pays de Gex, avec un peu de chance, vous reconnaîtrez peut-être ce magnifique chef d'œuvre. Il est là pour témoigner l'évidence suivante.

Toute énigme, aussi complexe soit-elle, sera toujours résolue.








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