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Carlos et le secret du curé Chambole

 

Connaissez-vous le mystère du curé Béranger Saunière de Rennes le château ?
Et bien, une histoire similaire s’est déroulée à Gex vers la fin du dix neuvième siècle !
Peu de gens la connaissent et son mystère vient très récemment d’être élucidé !

Voici comment tout a commencé…

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Ernest Puppa restait pensif, il venait de quitter Carlos et méditait sur ses propos.
Etrange personnage que ce Carlos, tout en interrogation sur le sens de la vie et empli d’une naïveté déconcertante.
Tout à coup quelqu’un sonna à la porte.

Ernest alla ouvrir, se demandant qui pouvait bien venir le voir à cette heure ci.

Un rapide regard dans l’œilleton le renseigna sur son interrogation.

Deux tours de clefs et il accueillit son visiteur avec surprise.

« Père Trambère, que me vaut cet honneur !

Puppa n’était pas vraiment un bon croyant, ne fréquentant que rarement l’église malgré sa confession catholique.
Quel devait donc être la raison de la visite de monsieur le Curé.

Ernest ne le connaissait pas bien. Il ne l’avait rencontré que quelques rares fois, le trouvait sympathique et pensait qu’il rayonnait d’une fois sans nuage. Son sourire était celui d’une personne qui ne ressent aucun doute sur la voie qu’il a choisie.

Pourtant, aujourd’hui, son visage était grave avec un petit soupçon d’angoisse qui plissait en parti son front dégarni.

-Puis-je entrer, j’ai un service à vous demander ! Dit-il gravement.

Ernest l’invita à venir prendre un petit apéritif dans son salon. Père Trambère le suivit de son pas léger et s ‘assit sur l’un des fauteuils, repliant d’un geste ample les quelques plis de sa robe.

Puppa lui servit un copieux verre de cognac.

-Non, juste un fond ! Dit-il
Puis, il avala sa boisson d’un seul trait.
Assis l’un en face de l’autre, un silence incohérent régnait dans la pièce. Monsieur le curé semblait ne pas vouloir commencer la conversation, il se bornait à regarder avec attention tous les bibelots qui agrémentaient l’endroit. Puppa étonné de ce comportement décida de l ‘interroger sur la raison de sa visite :

-Alors, monsieur le Curé, que puis-je faire pour vous ?

Le père Trambère leva les yeux vers son interlocuteur et après un instant de réflexion, l’air gêné, amorça sa réponse :

-J’ai été victime d’un vol, la nuit dernière !

Puppa sembla surpris de cette révélation.

-Pourquoi n’allez-vous pas directement à la gendarmerie ? Vous savez, je ne m’occupe pas de ce genre d’affaire.

-Oui, mais ! Reprit le prêtre, une vive émotion faisant hoqueter sa voix. Ce n’est pas un vol ordinaire. On m’a dérobé quelque chose qui m’est très précieux. Et qui. Jusqu’à ce jour. Je le croyais. N’était connu que par moi-même ! 
Ernest regarda fixement le curé. L’affaire commençait à l’intéresser. Le curé continua :

-J’ai une petite bibliothèque avec quelques archives de la paroisse, je m’en occupe soigneusement, la lecture est pour moi une passion. Il y a une dizaine d’années de cela, j’ai mis la main sur quelques feuillets particulièrement curieux. Ils énuméraient des dépenses et dons somptueux qu’avaient fait l’un de mes prédécesseurs. Le curé Chambole !

Il arrêta ses explications et jeta un regard inquiet sur l’inspecteur. Il voulait simplement vérifier que le nom de son prédécesseur lui était bien inconnu et à la mine déconcertée de Puppa, il comprit immédiatement que cela était le cas.
Il enchaîna :

-J’ai donc pendant plus d’une année fouillé la cure de fond en comble, pour découvrir un nombre conséquent de documents relatant son histoire, d’anciennes coupures de presse, des cahiers de notes, des indices troublants parsemés dans les combles de la cure.

-En quelle année était-il curé de la paroisse ?

-De mille huit cent cinquante deux à mille huit cent soixante douze ! D’après mes recherches, il était originaire de Bretagne, né en mille huit cent douze et mort en nos murs. C’était un curé d’origine très modeste et il est devenu soudainement très riche sans une véritable explication !
Trambère fit une pause, puis reprit.

-Enfin si ! Il a affirmé avoir reçu un héritage d’un oncle qui vivait en Amérique. Il semble que c’est la raison pour laquelle son histoire n’a pas laissé de trace, les gens ont juste constaté ses dépenses et ses bienfaits, car il n’a pas dépensé son argent essentiellement pour son simple plaisir, mais il a considérablement aidé les pauvres. Pourtant son histoire à l’époque avait intrigué quelques esprits curieux. J’ai retrouvé un bon nombre d’archives témoignant de cette étrange affaire.

Puppa était resté immobile, les mystères, il adorait. Il voulait tout savoir et urgea le curé de continuer son histoire. Le père Trambère prit une longue inspiration et commença sa narration :

« Nous sommes le douze mai mille huit cent soixante… »

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 « Monsieur le curé. Monsieur le curé !

C’était le petit Jeannot, haut comme trois pommes qui courait à toutes jambes en direction du petit appartement paroissial. Le curé Chambole, un gaillard de plus d’un mètre quatre vingt dix apparut sur son palier.

-Qui y’a t’il petit ? Demanda t’il de sa forte voix.

-C’est le maçon, il m’a dit que vous deviez venir tout de suite ! »

Chambole retroussa les manches de sa grande robe noire, réajusta sa ceinture et sans demander la moindre explication emboîta le pas du petit garçon. Sa démarche attestait d’une parfaite assurance. Il passa une main dans ses cheveux grisonnant se servant de ce moyen pour chasser les quelques gouttes de sueur que la lourde et brusque chaleur de cette journée d’été avait provoquées. Il monta calmement les marches de l’église et pénétra dans son antre inquiet de la raison pour laquelle on l’avait quémandé.

L’endroit était recouvert de poussière, les travaux de construction de la nouvelle église arrivaient à sa fin et seule l’aile nord restait inachevée. La première chose qu’il aperçut, ce fut Edmond le maçon, qui tout en le voyant dirigea son doigt vers un endroit précis du sol. Chambole ne voyait rien d’où il était, mais apercevant le visage intrigué de l’artisan, hâta son pas dans sa direction. Dans les gravas, encore partiellement enterré dans le sol, on pouvait apercevoir un petit coffre aux ferrures rouillées et cadenassées d’un gros anneau en fer forgé.

« J’ai commencé à le dégager ! Dit Edmond. Mais, je préfère finir ma tâche en votre présence !

Le petit Jeannot, à quatre pattes, époussetait la découverte. De son doigt, il tapota vivement les parties boisées du coffre.

-Il y a quelques chose à l’intérieur ! Affirma t’il en entendant le bruit sourd que son action lui renvoyait.

-Et bien, allez-y ! Ordonna le curé en regardant Edmond. Enlevez-moi ça de là ! »

Avec beaucoup de précautions, le maçon, aidé de sa pioche, exécuta l’ordre en quelques longues minutes. Il s’empara du coffre et, toujours agenouillé, le présenta, un peu comme une précieuse offrande au curé qui se tenait à ses côtés. Les doigts un peu fébriles, il s ‘empara du présent et le secoua légèrement.
Quelque chose glissa à l’intérieur.
Il prit la fermeture fermement dans sa main et tira de toutes ses forces.
Elle ne céda pas.
Edmond connaissait la solution, il alla prendre une scie et demanda au curé de le laisser faire.

Armé de son outil, il ne fit que peu d’efforts pour arriver à ses fins. Le cadenas céda et tomba sur le sol.

Le curé posa le coffre sur un tréteau de chantier et devant l’ouvrier et le petit garçon, ouvrit lentement la découverte.

L’intérieur était très poussiéreux, au moins cinq centimètres d’une fine couche de ce qui ressemblait à de la cendre en tapissait le fond. Reposant sur celle-ci, on pouvait apercevoir quelques parchemins faits de peau de vache brunie et durcie par les nombreuses années de leurs origines.

Le curé en prit un soigneusement et le déroula lentement. Lorgnant par-dessus son épaule, Edmond les yeux écarquillés observait la calligraphie avec étonnement, Jeannot trop petit pour avoir une vue de la découverte, lui tirait le pantalon quémandant ainsi les explications qui y étaient écrites.
Edmond ne répondit rien. Le pauvre ne savait lire.

« C’est quoi ? Demanda t’il au curé.

Chambole marmonnant à voix basse, relut plusieurs fois le texte qui y était inscrit. Mais il semblait ne rien y comprendre.

-Et bien. Dit-il. Tout cela est bien étrange !

Il ne dévoila rien aux deux acolytes mais l’air pensif, emporta la trouvaille sous son bras.

Jeannot interrogea le maçon :

-T’as vu quoi ?

-Ben ! J’sais pas, il n’y avait pas grand chose, des vieilles feuilles de papier où y’avaient quelques mots gribouillés.

-C’est tout ?

-Ben oui, pas d’or, pas de bijoux !

Le gamin sembla déçu de la  réponse et haussant les épaules retourna à ses oisives occupations.

 Arrivé dans sa cuisine, le curé Chambole prit soigneusement l’un des documents, puis le plaqua sur sa table et le maintint ainsi à l’aide de quatre bouteilles de vin qu’il posa sur ses quatre coins.
Il compulsa mainte fois l’écrit.
Si ce qui y était relaté était réel, il allait bientôt être en possession d’une fortune colossale.

Après quelques longues minutes de rêves éveillés, pensant au bien qu’il pourrait faire avec ce trésor, il rangea le tout dans un placard et le ferma à double tour. Il était l’heure pour lui d’aller diriger l’office d’un enterrement, celui de monsieur Loubère.

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Le curé bénit la tombe du défunt et conclut sa rapide homélie par ces derniers mots :

« Au nom de toute la communauté de Gex, de l’église et de moi-même, nous vous remercions cher monsieur Loubère pour le si généreux don du terrain qui a reçu la construction de notre nouvelle église ! »

En effet, monsieur Loubère n’avait pas de famille pour le succéder, même pas un lointain cousin. Il avait donc décidé de son vivant d’attribuer une partie de ses biens à la commune et ceci pour des tâches bien précises. L’une d’entre elle était d’offrir l’emplacement du nouveau lieu de culte.
Il mourut heureux de voir son souhait exaucé.
Il eut également un second vœu concernant sa petite grange. Elle devait après sa mort revenir au curé.
Ceci, était-il un hasard ?
Car ce don fut d’une cruciale importance pour la suite de l’histoire…

Son prêche terminé, Chambole se dirigea vers la petite communauté endeuillée et échangea quelques mots élogieux sur l’exemplarité du défunt.

« Vous venez chez nous pour dîner ! Lui intima une grosse dame.

-Non, ce soir, je ne peux pas. » Répondit étrangement Chambole.

Je dis étrangement car c’est bien l’impression qu’il donna aux personnes qui avaient assisté à l’enterrement et qui le connaissaient particulièrement bien.

Tous avaient remarqué sa façon inhabituelle de mener les funérailles. Il avait raccourci la durée de la messe, esquissé un sermon insignifiant. Puis au cimetière avait rendu les derniers hommages d’une façon particulièrement désinvolte, regardant à droite, à gauche, semblant chercher quelque chose du regard.

Avant même que la foule ne se dissipe, il disparut de la vue de tous les ouailles et retrouva l’enceinte du cimetière.
Le petit Jeannot, assis sur l’un des murs l’observait de loin en se demandant ce qu’il pouvait bien chercher. Car Chambole longeait les tombes et scrutait avec attention chacune des stèles. La plus part du temps, il secouait la tête en signe de négation et continuait sa quête. D’autres fois il s’arrêtait, sortait un petit livret recouvert de cuire noir, faisait apparaître un crayon de dessous sa soutane et commençait à y griffonner quelques annotations, puis aidé de son pied dessinait une croix sur le terrain caillouteux.
Egalement, à la vue de quelques stèles un peu particulières, il hochait de la tête, se rapprochait pour entrevoir une indication peu visible, dépoussiérait celle-ci, grattait de son ongle celle-là, puis continuait son chemin l’air navré.
Toutes ses simagrées durèrent si longtemps, que même le petit Jeannot intrigué, fini par se lasser de l’observer et répondit à l’appel de l’un de ses copains.

Chambole restait pensif.

« Et si la tombe qu’il recherchait n’avait pas encore été transférée dans ce nouveau cimetière, mais au contraire était restée à son ancien emplacement ? »

D’un pas décidé, il parcourut les cinq  cents mètres qui le séparaient de l’ancienne église, la contourna pour arriver dans l’ancien lieu d’inhumation.
A peine, quelques minutes lui furent nécessaires pour découvrir ce qu’il recherchait. Le nom graver profondément dans la pierre tombale sembla soudain lui faire un signe :
 « C’est ici, je t’attendais, écoute l’inspiration de ton cœur ! »

Chambole resta quelques instants immobiles, le regard perdu dans ses chimères. Puis un large sourire embellit sa figure revêche.

« Tout ceci doit être vrai ! Mais qui était donc cet homme mort de la fin du dix huitième siècle ? Un noble ? Un grand bourgeois ? Un savant ? »

Ses archives lui donneraient certainement une partie de la réponse.

Il retrouva rapidement son logis, bien décidé de découvrir la réponse à ses questions.

Toute la nuit, il feuilleta quelques grands livres et essaya de décrypter la signification de chacun des parchemins découverts, reproduisant avec soin la calligraphie qui y était consignée. Il fallait qu’il soit certain de sa découverte avant de commettre le sacrilège qu’à coup sûre il regretterait.

C’est à cette époque que le village de Gex se rendit compte du profond changement qui affectait leur curé. Il semblait pensif, étourdi.
Chaque nuit, pendant de nombreuses heures, la lumière de quelques bougies éclairait sa chambre et  diffusait une faible clarté que tous pouvait voir osciller au travers de ses persiennes.

« Monsieur le curé ? Lui demanda l’une de ses fidèles. J’ai remarqué ou du moins tout le monde a remarqué que quelque chose semblait vous inquiéter ? Si cela est le cas, peut-être je peux… Nous pouvons, vous apporter notre aide.

Le curé agita sa tête dans un signe de négation.

-Non, tout va bien ! » Répondit-il.

Pourtant, dans les jours qui suivirent, il s’engagea dans un étrange scénario.

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« Jeannot ! Réveille-toi, il faut que tu viennes m’aider ! »

Oui ! Je ne vous l’avais pas encore dit, mais ce petit garçon, orphelin de père et mère vivait sous le toit du curé. Notre bon prêtre qui avait le cœur sur la main s’était fait un devoir de s’occuper de ce charmant bambin touché dès son plus jeune age par la dureté du destin. Il vivait donc avec lui, s’occupant de l’assister à la messe, nettoyant la cure, lui préparant parfois même ses repas. Le curé, quant à lui s’évertuait à lui inculquer une éducation dont le bambin aurait volontiers voulut se passer.

Mais que lui voulait t’il en pleine nuit ?

Jeannot frotta ses yeux du revers de ses deux mains, ouvrit largement sa bouche en dégageant un bâillement qui sembla vouloir lui décrocher la mâchoire. Puis, regardant le curé du seul œil qu’il avait à cet instant réussi à ouvrir demanda :

« Quoi ! Qu’est qui se passe ?

-Mets tes habits et suis-moi. Dépêche-toi ! » Conclut-il sur un ton autoritaire qui marquait ainsi sa volonté de ne supporter aucune rouspétance.

C’est ainsi que notre pauvre petit Jeannot, à peine réveillé se traîna derrière la marche volontaire du curé. Ils passèrent devant ce qu’il appelait déjà la vieille église et qui serait effectivement abandonnée dans quelques semaines au profit de celle qui était en phase terminale d’achèvement.
Puis, ils la contournèrent pour rejoindre l’ancien cimetière.
Chambole dans cette nuit sans lune particulièrement obscure, poussa de ses grosses mains la petite grille qui le séparait des tombes. Celle-ci se manifesta par un grincement sinistre qui fît tressaillir le bambin du haut de sa tête, jusqu’à l’extrémité de ses orteils. 

Chambole tendit une pelle à Jeannot et lui-même s’empara d’une grosse pioche que les croque-morts utilisaient pour creuser les tombes. Puis à tâtons, se servant plus de la connaissance qu’il avait du lieu que de sa vision, le curé  emmena le petiot, qui le suivit tant bien que mal en s’agrippant d’une main au revers de sa soutane. Il fallait faire très attention de ne pas tomber dans les trous béants des tombes qui venaient d’être déplacées.

Puis soudain il s’arrêta net devant l’une de celle restées intactes.
Effectivement, quelques-unes des sépultures contenaient quelques ancêtres sans descendance, ceci avait donc repoussé pour plus tard leur transfert vers leur nouveau lieu de repos.
Jeannot surpris par cette halte inopinée trébucha et en tombant déchira l’étoffe qu’il avait jusque là tenue fermement.

« Tu pourrais faire attention ! » Grommela le curé qui l’aida à se relever. Puis, ne se souciant pas de l’accroc fait dans sa soutane, il sortit une bougie de l’une de ses poches et après quelques craquements infructueux de ses allumettes, finit par l’allumer.

Il approcha la flamme chancelante au plus prêt de la pierre tombale qui lui faisait face et lut à voix haute ses inscriptions :

« Ici repose Albert de Noiseule, né le douze août mille sept cent cinquante sept et mort dans sa cinquantième année le six juillet mille huit cent sept ! »
Puis, dans un soupir il ajouta :

« C’est bien l’endroit qu’il faut creuser !

-Creuser ! S’offusqua Jeannot qui jusqu’à présent n’avait rien compris.

-Oui ! » Affirma le curé qui commençait sur l’instant à dispenser son premier coup de pioche.

Le seul travail qu’il ordonna à Jeannot était de tenir la source de lumière bien haut dans le ciel.
La forme spectrale du curé se mit à danser sur le sol.
Au loin le hululement d’une chouette glaça le dos du petit garçon. 
Après une bonne demi-heure d’efforts, la pioche heurta enfin le coffrage en bois du cercueil.

Le curé demanda au gamin de l’aider à soulever le couvercle.

La main tremblante, Jeannot laissa tomber quelques gouttes de cire sur la stèle ou il y colla sa chandelle.
Pendant ce temps, s’aidant d’une barre de fer Chambole entreprit de faire sauter l’un après l’autre les clous qui scellaient la bière. Puis les deux compères soulevèrent le couvercle qui céda sans la moindre difficulté.

Un squelette se présenta devant eux.
Coiffé d’un haut de forme et de guenilles, il semblait leur sourire de sa mâchoire partiellement décrochée.
Jeannot horrifié écrasa ses deux mains sur son visage ne laissant qu’un minuscule entrefilet pour observer le macabre spectacle.
 « Tu vois Jeannot, c’est ce monsieur qui nous a laissé le message que l’on a trouvé dans l’église. Et, si ses dires sont exacts il doit y avoir dans ses vêtements, un plan qui nous mènera tout droit à son trésor !

-Un trésor ! S’étonna Jeannot, qui soudainement intéressé par cette affirmation avait oublié la peur qu’il avait du cadavre.

-Enfin, c’est quelque chose que nous devons garder secret et  qui nous permettra d’améliorer notre vie et d’apporter du bonheur autour de nous.

Tout en parlant Chambole couché sur le sol, la main tendu vers le mort fouillait l’une après l’autre ses poches. Pourtant, après moult recherches, il dut se ranger à l’évidence qu’elles ne contenaient aucun message.
Il se releva déçu.
Se serait-il tromper ?

Souriant, Jeannot eut l’idée évidente de la cachette.

-Pourquoi ne regardez-vous pas dans la poche intérieure de son veston ?

Le curé se frappa le front.
-Bien sûre, pourquoi n’y ai-je as pensé !

Puis reprenant sa posture inconfortable, il déboutonna, cette fois avec dégoût, les quelques boutons qui entravaient le chemin de sa main et de son avant bras. Celle ci ressortit bientôt de la cache avec un bout de papier coincé dans les doigts.

-Je l’ai ! Fanfaronna t’il joyeux.

Jeannot eut un petit sourire moqueur et murmura :
-Heureusement que je suis là !
La lumière disponible n’était pas suffisante pour prendre connaissance des informations qui y étaient écrites. Le curé rangea donc le feuillet délicatement sous sa soutane, fit un signe de croix devant le cercueil avant de le refermer. Puis, relevant ses manches il prit une pelle et  reboucha le trou béant.

Le travail terminé, les deux compères reprirent le chemin de la cure.
C’est en sortant du cimetière que quelqu’un les aperçut. Un homme qui recula dans l’ombre et garda le silence devant leur passage...

En chemin, Jeannot se tourna  ver Chambole et l’interrogea :

« C’est vrai qu’on va avoir un trésor ?

Le curé s’arrêta net, plia les jambes pour se retrouver à la hauteur de l’enfant, prit ses deux mains dans les siennes et aidé par la faible clarté d’un quart de lune, plongea ses deux yeux dans son regard.

-Il faut que tu me le jures. Jamais tu dévoileras ce secret à personne ! »

C’est alors que l’enfant prit conscience de l’importance de la mission qui lui était confiée. Cet homme qui avait été pour lui d’une grande bonté, lui demandait maintenant de partager quelque chose d’unique.

« Je le jure ! » Dit-il solennellement.

Le curé se releva sans ajouter un seul mot.

L’enfant comprit que pour toujours leur destin serait lié et il s’enorgueillit de la confiance  inconditionnelle que Chambole  lui avait accordée…

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 Puppa, écoutait l’histoire avec intérêt, son esprit inquisiteur s’était insinué dans cette étrange scénario. Il se posait déjà des tas de questions.
Une première lui vint à l’esprit.

« Non répondit le curé. Enfin je ne le sais pas vraiment. Peut-être, monsieur Loubère connaissait la présence du trésor. Car le fait d’avoir légué sa grange à la paroisse est d’une grande importance. Mais ! A mon avis, il s’agit-il d’une coïncidence divine !

Puppa arbora un rictus moqueur. Ceci, n’était pour lui qu’une réflexion ecclésiastique naïve. Pourtant il ne chercha pas  à détourner la conversation sur ce sujet et demanda :

-Est-ce que cet Albert de Noiseule était de la famille de Loubère ?

-Non, d’après ce que j’ai découvert dans mes recherches, ils n’avaient aucune parenté. Le seul lien entre eux deux et un acte de vente entre le fils de Monsieur de Noiseule et Loubère.
-Alors ! Continua Puppa, parlez-moi du trésor !

-Et bien justement ! répondit-il, semblant quelque peu ennuyé…

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 Il y avait un véritable capharnaüm dans la grange.

« Un cochon ne retrouverait pas ses petits ici ! » Dit Chambole de sa grosse voix.

Jeannot se tenait à ses côtés. Comme Chambole s’était la première fois qu’il venait ici ! Ce local qui lui avait été donné par Loubère, n’était vraiment rentré en sa possession que depuis la mort de son bienfaiteur qui en avait jusqu’à son décès, gardé l’usufruit.

Chambole, aidé d’une énorme clef, avait refermé le local derrière eux. Il ne voulait, en aucune façon, que quelqu’un les dérange durant leur recherche. Une lumière suffisante filtrait à travers les parois de planches mal jointes et les quelques tuiles manquantes du toit permettaient à la clarté du soleil de jeter un spot éblouissant au beau milieu de le bâtisse.

Le bâtiment était accolé à une colline et la logique du curé lui intimait que c’était sur cet appui qu’il ferait la découverte annoncée.

Mais, ce qui se présentait devant lui était peu encourageant. Pour arriver à son but, il lui fallait vaincre sur plusieurs mètres, un amoncellement indescriptible d’outils agricoles métalliques rouillés, puis une triple rangé de bûches d’un bois desséché par un stockage ancien pour enfin atteindre un mur formé de pierres agglomérées par un liant glaiseux.
Il s’approcha lentement de l’amas, l’observant avec application, jaugeant les détails de sa besogne, imaginant les tonnes de ferrailles rouillées à déplacer, à tirer, à pousser, à ranger, il ne savait où.
Il n’entrevit qu’une solution. S’était de se faire aider par quelques ouvriers.
Pourtant, cela il ne le voulait pas, pour une raison évidente, il préférait connaître seule le lieu de son trésor.
Car, maintenant, il en était certain, ce qui se cachait derrière ce rempart désordonné représentait à coup sûre une véritable fortune.
C’est encore Jeannot, qui pourtant ne semblait pas s’intéresser ou comprendre les inquiétudes de Chambolle qui dénicha la solution.

« Regardez, Monsieur le curé ! Dit-il tendant son doigt vers le haut de la paroi.

Chambole fixa son regard en direction de l’endroit pointé.

-Et bien quoi ? Demanda t’il sur un ton d’ignorance.

-A mon avis. Répliqua le gamin. Ces quelques pierres qui manquent en haut du mur son le signe d’un éboulement.
Effectivement La caillasse que l’on pouvait apercevoir derrière l’empilage des bûches semblait s’être effondrée, découvrant ainsi la bute de terre sur laquelle elle s’appuyait. Jeannot, aidé par sa minuscule taille s’était déjà enfilé parmi les entre las ferreux et placer exactement dans la direction qu’il avait indiquée  s’apprêtait à déplacer les rondins de bois qui lui faisait face.

Chambole horrifié poussa un cri d’angoisse :
-Ne fais pas ça malheureux, tout va s’écrouler sur toi !

Pourtant la première bûche céda sans difficulté, puis la deuxième, puis une troisième et ainsi de suite pour former une ouverture permettant le passage d’un homme.

Jeannot amusé s’engagea lentement dans l’orifice qui lui faisait face, appréciant du regard la stabilité de l’édifice.

-Il semblerait que des clous tiennent le reste du tas de bois ! Remarqua t’il à l’intention du curé. Puis niché sous cette ouverture il poussa de la main quelques-uns un des cailloux éboulés. Derrière eux, il aperçut une large ouverture, une ancienne galerie qui laissa dans un filet d’air, échapper une odeur de moisie.

-C’est certainement un souterrain qui devait mener à l’ancien château de Gex ! Suggéra Chambole qui, maintenant accroupi sur ses jambes observait de loin la découverte du gamin.

Une pierre roula d’elle-même prêt de Jeannot, puis une autre céda juste devant sa tête.

-Reviens vite ! » Ordonna Chambole. Le mur va s’écrouler.

Comprenant le danger, Jeannot recula prestement, puis retrouva Chambole en suivant un chemin identique à celui qu’il avait emprunté.

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Edmond, était furieux, on lui avait volé sa scie.

« Une scie presque toute neuve ! Dit-il au curé.

-Vous l’avez peut-être égarée ! Suggéra t’il.

-Pour sûre non ! » Elle était sur cette table quand je suis parti hier soir !

Chambole haussa des épaules et se dirigea dans la nef de l’église, levant la tête pour admirer et apprécier le travail admirable qui y avait été accompli. L’édifice était pratiquement terminé et bientôt l’ensemble de ses fidèles pourrait profiter de ce nouveau lieu de culte.

Il s’agenouilla au beau milieu de l’allée, joint ses deux mains dans un geste de prière, puis murmura :

« S’il vous plaît, mon Dieu, pardonnez-moi ce petit chapardage, c’est pour un juste cause ! » Ajouta t’il avec un petit sourire aux lèvres.

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Le but était de se frayer un chemin suffisamment ample pour lui permettre le passage de sa grosse carcasse. Aidé de son fidèle Jeannot, Chambole commença à scier les quelques barres de fer que le gamin avait marquées d’un trait rougeâtre, ceci lui ouvrirait un chemin convenable et discret pour accéder à l’entrée du tunnel. La voie choisi n’était pas le plus direct, mais serpentait d’une façon incohérente. Ainsi pensait-il justement, cela n’attirerait jamais la curiosité de quelques fouineurs.
Le travail était long et pénible. Plusieurs fois il déchira sa soutane et se fit quelques entailles bénignes en laissant chaque fois échapper quelques jurons bienséants. Puis sous l’effet de la fatigue il s’arrêtait et rebroussait chemin à reculant.
Sans les conseils de Jeannot le périple inverse lui aurait été impossible.

« Baissez le dos ! Attention à votre gauche ! Votre droite ! »

En effet, Jeannot n’avait pas eu la permission de l’aider pour les découpes, mais il était resté assis dans un coin de la bâtisse espérant pouvoir être d’une quelconque contribution. Quand le curé se releva, poussiéreux, fourbu, se tenant le dos de ses deux paumes, pestant sur la chaleur estivale, comparant son labeur à un véritable chemin de croix, alors, Jeannot tout sourire lui offrait une gourde d’eau fraîche accompagnée de quelques mots de réconfort :

« Vous devriez me laisser vous aider ! Ajouta t’il timidement.

-Non ! Dit-il. C’est un travail d’homme pas de gamin.

Puis regardant le chemin qu’il lui restait à accomplir, il ajouta :

-Six ou sept séances et le tour sera joué ! »

Son estimation se révéla exacte.
A raison de deux fois par semaine, il s’évertua à compléter sa besogne. Son fidèle Jeannot s’enfilait devant lui en éclaireur et s’occupait de la lampe à pétrole qui lui permettait de voir clairement les barreaux qu’il devait sectionner.
Pendant cette période, tous les fidèles de la paroisse remarquèrent l’état de fatigue de leur prêtre. Son entrain habituel n’était plus de mise. Il se levait tard, marchait avec précaution, courbé sous son dos endolori, supportant avec peine ses genoux qui craquaient à chacun de ses pas.

« Je deviens vieux ! » Avait-il argumenté pour calmer les esprits chagrins à son égard.

Il n’y eut que cet homme qui l’avait aperçu creusant dans le cimetière qui s’intéressa de prêt à ces étranges comportements. Il le suivit même clandestinement, en pleine nuit, jusqu’à la grange et tel un espion à travers deux planches mal jointes observa ses occupations. Il relata avec applications toutes ses observations sur un petit cahier brunâtre...

Puis le jour tant attendu arriva. Le curé scia le dernier morceau de fer qui lui sembla bien entendu plus récalcitrant que les autres et posa enfin sa main sur les quelques boulets de pierre qui lui barraient le passage. A l’aide d’épaisses bûches de chêne il confectionna sommairement une arche de soutènement pour endiguer l’éboulement qui pourrait lui être fatal. Puis enfin pénétra dans l’excavation qui lui faisait face. La lampe à pétrole poussée devant lui jetait quelques lueurs morbides dans le passage qui à chaque mètre de son avance s’élargissait pour bientôt apparaître comme une large galerie permettant la station debout.

Il se releva donc, tata de ses grosses mains les parois d’une terre noirâtre sommairement soutenues par quelques étais et affûtant son regard de ses deux yeux clignés, il essaya d’apercevoir la continuité de ce qui se trouvait devant lui. Le petit Jeannot, beaucoup plus téméraire le dépassa portant lui-même une source d’éclairage  qui s’éloigna rapidement de son regard.

« Pas si vite jeune homme ! Grommela t’il. Attends-moi, ça peut-être dangereux ! »

Jeannot ne l’écoutait pas et continuait d’un pas rapide s’enfilant sans la moindre frayeur dans le boyau qui s’enfonçait dans les entrailles de Gex.

Chambole l’imita précautionneusement essayant de ne pas heurter de ses épaules les cloisons qui lui semblaient bien fragiles.
Soudain la voix de son petit compagnon arriva étouffé à ses oreilles :

« J’ai trouvé ! » Dit-elle.

En effet, quelques instants plus tard, son cœur battant à tout rompre, il se retrouva dans la petite salle décrite par la note retrouvée sur la dépouille de monsieur Noiseule.

La richesse qu’elle lui laissait entrevoir se trouvait bien au rendez-vous.

Intérieurement, Chambole remercia le seigneur :

« Merci mon dieu ! »
Puis après quelques instants d’intense méditation il ajouta :
 « Donnez-moi la force qui me permettra de partager cette découverte avec tous mes ouailles ! »

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Ernest n’avait pas bougé d’un pouce. Il avait écouté l’histoire dans un silence que je pourrai d’une façon judicieuse vous décrire de religieux.

Il se pencha vers la bouteille qui se trouvait devant eux et en versa une bonne rasée à son narrateur.

« Alors monsieur le curé, c’était quoi ce trésor ? Des pièces d’or, des bijoux, de l’argenterie, des objets de valeur datant de Léonette de Joinville ?

-Si seulement je le savais ! Répondit-il. Mais rien. Rien, pas la moindre note relatant la nature du trésor. La seul chose que je sais, c’est qu’il n’en prit pas la totalité et que certainement, un pactole fabuleux dort quelque part sous nos pieds !

-Mais savez-vous au moins comment il a négocié ce trésor ? De l’argent ! Il a bien dû en avoir en échange de sa trouvaille !

-Et bien oui ! Voici la suite de l’histoire ! » Reprit père Trambert.

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Le curé Chambole assis à sa table, la tête coincée entre ses deux paumes, semblait plongé dans une profonde réflexion. Jeannot restait en face de lui, le regardant avec ses grands yeux d’enfant. Il avait lu le parchemin et maintenant comprenait l’étendue de l’immense fortune qu’ils avaient découverte. Tout en observant un silence qu’il pensait de rigueur, il épluchait avec soin les quelques pommes de terre qui étaient devant lui, en s’appliquant de façon à éviter le moindre gâchis.

Chambole rompant soudain le silence chuchota :

« J’ai une connaissance sur Genève qui, je pense, peut nous aider !

-A quoi ? Demanda Jeannot.

-Et bien à transformer notre trésor en pièces de monnaie ! Ca sert à rien d’avoir ça si on peut pas le négocier ! Expliqua t’il.

-C’est qui cette personne ?

Chambole regarda Jeannot droit dans les yeux et se mit à lui raconter ce voyage qui l’emmena de sa Bretagne natale jusque dans le pays de Gex...

 Il avait été nommé dans cette lointaine paroisse à sa propre demande. Une raison personnelle qui lui intimait de s’éloigner à tout prix de sa région.

Le voyage en calèche s’annonçait particulièrement long et exténuant. Une dizaine de personnes partageaient l’inconfort de ce transport qui leur permettrait de traverser la France. Assis en face de lui se trouvait un monsieur à l’allure impeccable  engoncé dans un costume qui semblait peu confortable. Pendant le premier jour de voyage, ils n’échangèrent pas un seul mot, s’envoyant simplement quelques regards furtifs.
Pour Chambole ce n’était pas vraiment un problème. Le nez plongé dans son bréviaire il se délectait de la parole divine et cela lui faisait oublier le cahot du chemin caillouteux, la poussière envahissante et la chaleur suffocante de cette splendide journée d’été. Ils n’eurent droit qu’à deux arrêts dans des auberges relais. L’un pour se restaurer et l’autre pour engager leur nuitée.
Le deuxième jour l’auberge qui était sensé les recevoir pour la collation du midi avait brûlé et ils s’étaient retrouvés devant l’obligation d’accomplir le périple jusqu’à leur prochain arrêt le ventre vide. Chambole toujours prévoyant et dont les maigres ressources ne lui permettaient pas vraiment de faire ripaille dans les auberges avait avec lui emmené de quoi boire et se nourrir pendant la totalité du voyage.

Et c’est donc à la façon «Boule de suif » qu’il partagea son repas avec ses compagnons de périple. Ce geste particulièrement généreux lui attira la sympathie de tous et c’est ainsi qu’il fit connaissance avec Monsieur Robert Fleming, un admirable chirurgien qui officiait dans un  hôpital très réputé de Genève. Ils se lièrent d’amitié pendant les longs jours qui s’en suivirent. Il revenait d’un voyage en Angleterre, qui lui avait permis de retrouver toute sa famille et d’échanger quelques techniques d’opération particulièrement pointues avec quelques-uns de ses confrères anglo-saxons.
A la fin du voyage et au moment de se quitter, il lui donna son adresse puis avec sa forte intonation anglophone l’invita à venir lui faire quelques petites visites. Il lui assura qu’il pouvait compter sur son aide si un quelconque problème devait rencontrer son existence, qu’il lui présenterait ses très nombreux amis qui comptaient parmi les personnalités très influentes de Genève. Des banquiers, des hommes politiques qui étaient presque tous redevables de ses bons offices.

La frimousse de Jeannot s’égailla.

« Et bien voilà l’occasion d’aller voir votre ami ! »

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Chambole semblait flotté dans les rues de la vieille ville de Genève. Sa longue chasuble noire le recouvrant en totalité cachait le rythme de ses pas et donnait cette impression de glissement sur le pavement de la chaussée. La monté de la rue était particulièrement difficile et mettait à rude épreuve le déplacement de sa monumentale carcasse. Monsieur Fleming possédait un appartement sur la place de la cathédrale et c’était ici qu’il lui avait donné rendez-vous. La raison principale de son invitation faisait suite à la réception de la missive que lui avait envoyée notre bon curé et qu’il avait trouvée bien étrange et intrigante.

Il trouva le numéro quinze de la place, vérifia que le nom de sa célèbre connaissance  y était bien indiqué, puis il monta lentement les trois étages qui le séparaient de la magnifique porte en chêne qui barrait l’entrée du logement de son illustre ami. Il saisit l’enclume de fer forgé et frappa plusieurs fois sur le battant de bois qui résonna à la cadence de sa main.

Un pas se rapprocha rapidement et la porte s’ouvrit devant un major d’homme averti qui pria  le curé d’entrer avec un « Monsieur vous attend ! » Des plus emprunté.

Chambole pénétra dans un magnifique salon aux fenêtres bordées de rideaux aux couleurs pourpres. Un immense chandelier marquait le centre de la pièce. Une bibliothèque riche de centaines de livres reliés de cuire garnissait le pan complet de l’un des murs. Le curé dans son attente s’en approcha et avec le contentement de l’homme cultivé qu’il était, il susurra quelques-uns des titres scientifiques qui y étaient inscrit.

« Cher curé Chambole ! S’exclama une voix derrière lui. Quel plaisir de vous revoir ! »

Il se retourna pour faire face à Monsieur Fleming.

C’était un grand homme maigre, au visage émacié, au regard vif, à la démarche rigide et franche. Le bras tendu en direction de son invité, il lui serra vigoureusement la main et semblait réellement heureux de le revoir.

Les deux hommes échangèrent quelques banalités d’usage, puis monsieur Fleming le fît s’asseoir à ses côtés et sans détour engagea la conversation sur le sujet qui amenait son hôte :

« Dans votre lettre vous me parler d’une découverte fabuleuse !

-Oui ! Répondit tout simplement le curé. Puis il sortit de l’une de ses poches une petite boite qu’il tendit à Fleming. Puis il continua.

-Ce n’est qu’un échantillon de ma trouvaille et j’aimerai que vous-même ou l’une de vos relations en fasse une évaluation.

-Mon cher Chambole, j’aimerai être quelque peu éclairé sur ceci ! Dit-il en faisant naviguer l’objet devant ses yeux.
-Ce que je vous ai brièvement raconté dans ma lettre est entièrement véridique, je peux vous l’assurer par ma propre expérience ! »

Puis le curé s’engagea dans des explications longues et très détaillées. Mais, bien entendu, il ne divulgua aucune information concernant l’emplacement de sa trouvaille.

Fleming écouta avec application tous les propos que le curé voulu bien lui divulguer, fronçant les sourcils quand quelques détails lui semblaient d’une vérité improbable.
Le temps passa lentement, allongé, il est vrai par quelques judicieuses questions que Fleming ne put s’empêcher de poser.

Puis, l’objet que Chambole avait apporté fut posé sur la table et les deux hommes le regardèrent fixement en gardant le silence.
Fleming n’avait pas osé contrarier Chambole, mais pour l’instant, il doutait quelque peu de la valeur de cette trouvaille. Une petite visite à quelques-uns de ses amis de confiance pourrait certainement le conforter dans son opinion.

« Je dois vous quitter ! S’excusa t'il soudainement. J’ai messe ce soir ! Précisa t’il.

Les deux hommes se serrèrent cordialement la main et Fleming l’accompagna jusqu’à sa porte lui promettant de donner suite à sa requête.

Pensif, il ne réintégra pas immédiatement ses appartements mais écouta les pas de son visiteur qui cheminaient dans sa descente des escaliers. Seul le claquement sonore de la porte principale  de son  immeuble sembla le dégager de sa rêverie.

Rentrant précipitamment dans son salon, Il saisit l’objet de sa préoccupation et ordonna à son majordome d’aller chercher sa calèche.

-Je dois me rendre d’urgence à l’hôpital ! Précisa t’il.   

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Les semaines qui suivirent cette rencontre d’importance passèrent bercées par le quotidien auquel tout curé doit s’attendre. Avec la simple différence que Chambole semblait avoir une étrange activité nocturne. Accompagné de son fidèle Jeannot ils faisaient de fréquents voyages de sa cure jusqu’à sa grange en transportant toujours le même sac, vide à l’aller et plein au retour. Puis pendant de longues heures, on pouvait apercevoir la clarté de quelques bougies filtrer à travers ses persiennes.

Tous ses fidèles s’interrogeaient sur son étrange comportement, ils avaient même interrogé Jeannot  espérant lui tirer quelques vers du nez. Le gamin ne dévoila rien de son secret.

« Non, tout va bien ! Dit-il. On range la grange. On y a trouvé de nombreux bouquin très intéressant mais en très mauvais état et vous savez Monsieur le curé adore lire, alors le soir on s’occupe de les réparer et il me lit des tas de choses  drôlement instructives !

Cette version officielle avait été inventée d’un commun accord et semblait une explication très plausible qui éloignerait à coup sûre la plupart des curieux. Et c’est un fait les gens ne s’étonnèrent plus vraiment de leur discrète pérégrination. Seul peut-être monsieur Dardame qui, depuis l’épisode du cimetière, s’intéressait de très prêt à ses deux lurons.

Puis un jour, une bonne demi-heure avant le début de la messe une magnifique calèche s’arrêta devant l’église de Gex. Quatre personnages richement habillés en sortir. Parmi eux ont pouvait reconnaître monsieur Fleming, puis le conte de Randaber, le banquier Buscher et le bourgmestre Mansfeld. Ces illustres personnages prirent place dans le fond de l’église et suscitèrent l’étonnement de la communauté qui fréquentait habituellement ce lieu.
Puis la messe commença.

Les commères locales eurent beaucoup de mal à la suivre et échangèrent pendant le sermon des chuchotements et regards interrogateurs. Chambole par contre fît mine de ne pas  s’apercevoir de cette présence exceptionnelle.

Il connaissait parfaitement la raison de leur venue, mais malgré la curiosité et la fierté qu’il éprouvait de pouvoir rencontrer ces notables il prit un malin plaisir à rallonger sa messe se délectant du prochain triomphe dont-il allait bientôt jouir.

Comme à son habitude, il serra la main de tous ses paroissiens. Puis Fleming et ses compères qui discrètement avaient attendu dans la pénombre du bâtiment la fin des salutations s’avancèrent vers le curé. Celui ci mima la surprise et s’excusa de son inattention. Fleming lui chuchota quelques mots à l’oreille, le curé fît un discret signe de déférence à l’intention des illustres quidams et les invita à le suivre.

« C’est extraordinaire ! »

Ces deux mots émanant de Fleming furent les seuls que l’on put entendre lorsqu’ils franchirent le porche de son jardin…

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La tête d’Ernest Puppa foisonnait de questions.
Cette histoire l’intéressait
et l’intriguait de plus en plus. Les propos que le prêtre lui racontait se retrouvaient tel des images palpables navigant dans son cerveau. Il voyait clairement la physionomie de Chambole, l’imaginant suivi par Jeannot, transportant des bijoux fabuleux, des vases en or massifs. Et, l’image de Léonette qui lui souriait heureuse que son trésor soit enfin débusqué et prochainement mis au service de la communauté.

Puis il distinguait ses quatre sommités genevoises, admirant le trésor, congratulant Chambole et lui faisant l’offre d’une rente confortable en échange de quelques reliques médiévales.
Il imagina Chambole négocié avec intelligence sa découverte. Ne dévoilant qu’au goutte à gouttes  le pactole qu’il détenait.

« Mais, au fait ! Demanda Puppa. Père Trambert, comment connaissez-vous autant de détails sur tous ces évènements ?

-Et bien… »

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Monsieur Dardame venait de consigner sur son petit carnet les derniers détails de ses observations. Ce soir il irait faire un tour dans la grange de Chambole. Il verrait bien ce que cache tout ce mystère.

Il était minuit passé quand il pénétra dans la grange. Un simple clou tordu en forme de clef  lui avait permis de forcer le cadenas rustique qui en sécurisait l’entrée.

Il alluma sa lampe tempête et observa l’amas métallique qui lui faisait front et qui aurait rebuté par son enchevêtrement n’importe quel visiteur.
Ayant espionné Chambole et son comparse, il se rendit sans hésitation devant le passage qu’ils avaient si difficilement préparé, se mit à quatre pattes. Retira les deux rondins d’acier qui avaient été déposés là pour déguiser l’entrée et faisant glisser devant lui la lueur vacillante s’engagea dans ce corridor hétérogène.

Sans qu’il s’en aperçoive, le petit carnet, gardien de ses observations, glissa de sa poche et sans bruit rejoignit le sol poussiéreux.

Rapidement il se retrouva dans le souterrain.
Marchant avec précaution il s’enfonça dans son boyau étroit et malodorant.

Fît-il la découverte ?

Personne ne le sut jamais !

Malheureusement pour ce pauvre homme, nous étions le douze octobre mille huit cent soixante neuf, une heure douze du matin. Le jour de ce terrible tremblement de terre qui secoua la Haute Savoie si proche et projeta son onde de choc sur le pays de Gex. Le résultat de cette secousse fut sans conséquence réelle pour la ville de Gex. Seule quelques maisons furent légèrement endommagées, mais la galerie légèrement étayée rendit l’âme en s’effondrant sur elle-même.

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Chambole, venait d’ordonner quelques travaux dans son logement.

« J’ai hérité d’un oncle ! » Avait-il affirmé, gardant un ton grave et peiné.

 Il avait prit personnellement part à l’élaboration de la réfection de sa cave, demandant qu’elle soit largement agrandit et qu’elle gagne du volume en s’enfilant sous son jardin.

Ses fouilles nocturnes étant devenues impossibles, il avait arrêté ses allez et venues fatigantes et avait expliqué à Jeannot que c’était le ciel qui avait voulu bloquer leur tunnel parce qu’il devait avoir suffisamment de trésor en leur possession.  

Puis il prit un rendez-vous avec le maire de la commune qui très curieux le reçu sur-le-champ :

« Comme vous devez le savoir j’ai perçu une somme considérable d’un membre de ma famille récemment décédé ! J’aimerai faire profiter la communauté de cet apport conséquent d’argent qui ne m’est d’aucune utilité ! »

Le maire, un gros homme au teint rougeâtre parfaitement au courant de la bonne fortune de notre prêtre se demandait bien quelle proposition allait lui être faite.

Chambole enchaîna :

« Depuis la construction de notre nouvelle église, l’ancienne n’a maintenant plus raison d’être, j’ai donc pensé que ses fondations pourraient être utilisées à bon escient. Et je suis prêt si vous l’acceptez à financer la construction d’une école sur son emplacement ! »

Puis sortant un rouleau de papier qu’il avait jusque là caché dans la manche de sa soutane, il le déplia devant les yeux intéressés de Monsieur le maire.
Il y avait, adroitement dessiné, un bâtiment de type médiéval flanqué d’une tour à ses deux extrémités. Puis Chambole se lança dans de longues explications. Montrant d’un doigt énergique l’emplacement des classes, celui du dortoir. Décrivant en détail la cuisine, la cantine, la chapelle d’une nécessité absolue.
Puis il insista sur ce point essentiel.

La gratuité de l’enseignement qui devait y être prodigué et l’acceptation à titre prioritaire des enfants les plus démunis.

Le maire fut rapidement emporté dans l’enthousiasme et la générosité qui rayonnait de ces explications détaillées, la consultation et l’acceptation du  projet fut rapidement approuvée…

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Quelques années plus tard, un événement allait changer complètement la vie de Chambole.
Deux hommes en soutane, l’air austère et portant une grimace d’inimitié sur leur bouche, entrèrent à l’improviste dans la cure.

« Curé Chambole, je présume ! Dit l’un d’eux.

-Oui. Répondit-il.

-Nous venons vous voir à la suite de quelques nouvelles… Curieuses qui sont arrivées jusqu’à nos oreilles. Nous représentons l’évêché de Bourg-en-Bresse !

Puis l’autre quidam enchaîna :

-Nous aimerions savoir de quelle façon vous êtes passé de la pauvreté à une richesse ostentatoire ?

-Un héritage. Murmura t’il entre ses dents.

-Je vous arrête tout de suite ! Gronda le plus grand de ses interlocuteurs.

L’autre inquisiteur continua :

-Nous avons vérifié cette histoire « d’héritage » et nous savons que vous avez menti, pas le moindre oncle ou cousin d’Amérique à l’horizon !

-Nous aimerions donc que vous nous donniez quelques explications. Hum ! Plus cohérentes ! Précisa méchamment son acolyte.

-Et bien. Cet oncle existe bel et bien ! » Osa une dernière fois Chambole en rougissant. 

Pourquoi ne voulait-il pas avouer sa découverte extraordinaire ?
Peut-être par orgueil, par fierté. Ou, peut-être ne voulait-il pas partager l’histoire de sa chanceuse fortune.
Il n’en était que l’inventeur, certes, mais son appartenance légale revenait en réalité uniquement à l’état.

Malgré l’interrogatoire qui se prolongea désagréablement pendant de nombreuses heures, Chambole ne dévoila rien.
Les deux émissaires de l’évêché repartir très mécontent de ce résultat infructueux et lui promirent qu’il aurait très rapidement des nouvelles d’eux.

Cette menace s’avéra au demeurant tout à fait exacte !
Il fut convoquer à Bourg et l’évêque en personne lui signifia sa radiation de l’église pour cause de trafic de messes. Il fut même effacé des tablettes, pour que son passage comme curé de Gex ne laisse aucune trace.
Un autre nom y paraît actuellement à sa place. Un curé exceptionnel dit l’histoire ! Qui a disposé d’une très forte influence sur la commune !

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Chambole termina sa vie dans un petit appartement qu’il s’était fait installer dans le sous-sol de son école. Les évènements, cause de sa rupture avec l’église, l’avait fait vieillir prématurément. Il restait de long mois enfermé dans son logis avec comme seul visiteur, son fidèle Jeannot.

Jeannot vivait maintenant à Genève où il jouissait d’une vie très confortable. Contrairement à son mentor, il profitait de la richesse héritée de la découverte. 

Le jour de la mort de Chambole, après son enterrement, il s’enferma dans le logis de son regretté bienfaiteur.

Il alluma un feu dans la cheminée, espérant ainsi chasser le froid et l’odeur de moisi lancinante qui irritait ses narines.

Puis, assis devant cette immense table en chêne qui partageait en deux la salle de lecture de Chambole, il se mit à feuilleter ses archives. Il relut ce petit livret marqué « Dardame » qui retraçait une partie des évènements de la vie de cet homme, puis continua sur la lettre qu’il avait retrouvée sur le corps déterré de l’ancien cimetière.

A cet instant, il se mit à réfléchir sur la raison effective qui avait poussé Chambole à ne pas dévoiler sa découverte. Malgré les dizaines d’idées qui passèrent par sa tête, aucune ne lui donna vraiment une indubitable explication.

Il continua sa lecture, compulsant avec une certaine tendresse, les dizaines de feuillets écrits de la main de Chambole qui expliquait en détail sa magnifique découverte. Il s’apprêta à les glisser dans la poche intérieure de son veston quand soudain il se souvint de sa promesse.

Et il comprit !

Il comprit qu’il devait suivre la promesse faites, celle de ne jamais dévoiler le secret !

La cheminée s’anima brusquement d’une flamme jaunâtre et chaude, une clarté douceâtre illumina la pièce pendant quelques secondes.

L’explication détaillée du secret de Chambole venait de s’envoler en fumée…

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Ernest Puppa avait décidé de prendre en main l’enquête concernant le vol perpétré à la cure. Son supérieur hiérarchique n’avait pas vraiment compris la raison de sa motivation, mais connaissant l’esprit malicieux de son inspecteur il avait accepté de lui confier cette mission, pensant que quelque chose de plus profond était à coup sûre cachée derrière elle.
Les pistes étaient peu nombreuses et Ernest n’était pas certain de la façon d’aborder le problème, ceci, jusqu’au jour où l’on lui signala la violation d’une sépulture.

 Puppa avait logiquement conclu que cet acte infâme était en directe relation avec le vol de la cure et c’est donc accompagné du préposé au cimetière, qu’il se rendit rapidement à l’endroit où avait été accomplie l’abomination. La tombe était recouverte d’un drap que son accompagnateur retira après un respectueux signe de croix.

La sépulture semblait très ancienne, au fond du trou laissé béant, on pouvait apercevoir les restes d’un cercueil de bois partiellement rongé par la vermine et les restes éparpillés d’un squelette.

 « A qui appartient cette tombe ? Demanda Puppa.

-La concession date du début du vingtième siècle, elle a été achetée pour deux cents ans précisa t’il en consultant son livret mortuaire, mais c’est étrange, la personne qui a été enterrée ici n’a pas voulu que l’on y inscrive son nom et quelqu’un a d’ailleurs effacé son nom qui devait figurer dans le registre  de la mairie !

Puppa contourna l’excavation et jeta un coup d’œil sur la pierre tombale qui avait été renversée lors du méfait. Il espérait y trouver quelques indications d’importances. Malheureusement les intempéries avaient perpétré leur œuvre destructive et l’on pouvait avec peine distinguer quelques lettres d’un texte indéchiffrable. Puppa les lut en silence :

« A la  …er…so ..e la pl… Ch… de mon exis…nce.  Je n… vou.. oub…. . » La phrase était facile à comprendre mais sans grand intérêt pour son enquête, seul le dernier mot qui semblait être la signature de l’auteur du texte le fit sursauter. « Jea…ot .»

 « Monsieur le curé Chambole ! » S’exclama t’il le sourire aux lèvres. Puis, accompagné d’un petit geste de déférence en direction de la tombe, il ajouta devant les yeux ébahis de son guide :

« Enchanté de vous rencontrer enfin ! »

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Ernest assis devant sa télévision se délectait d’un pot d’olives, il avait récemment appris qu’elles étaient bénéfiques pour la santé et sa logique implacable lui avait soufflé qu’il était temps pour lui d’abandonner ses plaques de chocolat pour les remplacer par ce fruit au goût suave.

Il ne regardait pas vraiment les informations qui égrenaient encore et toujours les grèves et les conflits sociaux, anachronismes de notre époque où la bonne logique aurait plutôt voulu que l’on se serre les coudes !

Mais Puppa pensait à cette affaire qu’il appelait  « Le mystère de Chambole . »
Enfin ce n’était plus vraiment pour lui un mystère car à présent il l’avait complètement résolu. Je ne parle pas de la profanation ou du vol de la cure, mais de celui qui entourait la brusque richesse de ce prêtre.

Quelques détails devaient bien entendu être vérifiés et confirmer ainsi son habile déduction, mais la réponse lui semblait maintenant tellement évidente.

Il s’amusa en pensant au père Trambert qui lui avait révélé la solution de l’énigme sans même le pressentir !

Pour être franc, Puppa n’avait pas tout de suite considéré l’élément important de l’histoire, mais, dans sa naïveté, Carlos lui avait chuchoté la réponse.

Carlos ?

Mais qui est ce Carlos qui n’est apparu qu’un bref instant au début de l’histoire?

Et bien, ce n’est pas un personnage de l’histoire mais Carlos Castadena, un anthropologiste écrivain qui dans son œuvre décrivit la « non-réalité » des indiens Yaqui !

Puppa s’était passionné par ses nombreux ouvrages et se furent eux qui lui apportèrent l’indice capital qui lui fit pressentir l’évidente solution. Ce n’est qu’un simple petit détail de ses écrits qui l’emmena dans la voie évidente, sur ce chemin où le raisonnement vous porte d’un fragment à un autre jusqu’à l’énoncé de votre déduction.

 Mais enfin, sa première mission était avant tout de résoudre la mission qui lui était confiée.

 Demain, il irait faire un tour jusqu’à l’école primaire de Pertemps. L’annuaire téléphonique lui avait indiqué qu’il pourrait y trouver un indice crucial concernant le voleur profanateur de tombe.

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Ernest avait emprunté le chemin de la Côte aux dindes. La montée était plutôt rude, mais Puppa aimait ce petit chemin qui lui rappelait une partie de son enfance. Il sourit aux même arbustes de buis qu’il avait escaladé au temps de ses culottes courtes, rêvant en leur sommet d’avoir conquis une tour médiévale, combattant par quelques onomatopées et gestes d’archer ses camarades à l’imagination tout aussi prolifiques.

Puis il regarda avec déférence les immenses marronniers d’Inde qui avaient cédé leur nom à ce sentier qu’il cheminait.

Arrivé sur la place Pertemps, un petit attroupement bardé de banderoles criait sa colère envers quelques décisions gouvernementales.

Ernest se dirigea vers Lucien, un cantonnier de la voirie qui s’évertuait à élargir une tranchée avec acharnement.

« Alors Lucien, comment va ?

-Plutôt difficile de creuser par cette chaleur ! Répondit-il le visage en sueur. Il se redressa, s’arque bouta en pressant de ses deux grosses mains son dos endolorit.

-Qu’est ce qui se passe ici ?

Lucien haussa les épaules.

-C’est les profs qui se plaignent encore de leurs sorts, paraît, qu’ils travaillent trop dur, moi j’leur prêterai bien ma pioche, verrait c’que c’est travailler dur !

Puppa osa un petit sourire en coin, n’osant répliquer à cette sagace considération, puis il se dirigea vers l’école. Il traversa sans prendre parti, le groupe de clampins aux vociférations de couleurs rouge vives.

-On est en grève, on ne passe pas ! Lui affirma un homme qui semblait être le meneur du groupe.

Puppa sortit un insigne de sa poche et façon de marquer le coup ajouta :

-Police criminel, je dois pénétrer dans l’école ! »

Impressionné par sa déclaration, le bataillon calma son effervescence et recula d’un pas pour le laisser passer. 

Ernest se retrouva dans cette cour d’école qu’il avait fréquentée étant petit. Le temps avait effacé tous souvenirs de sa présence passée. Il se tourna pour faire face à ce bâtiment qui, par son architecture, avait voulu garder quelques accents médiévaux. Un homme à la démarche assurée se dirigea à sa rencontre.

« Monsieur, puis-je vous aider ?

-Oui, je suis l’inspecteur Ernest Puppa et j’aimerai rencontrer une personne qui pourrait me faire visiter ce lieu. Il y a eu un vol de documents à la cure et la profanation d’une tombe au cimetière et je pense que cet endroit recèle quelques évidences !

Pendant quelques fractions de secondes, Puppa remarqua une certaine crispation émanant de son interlocuteur. L’homme baissa les yeux semblant vouloir cacher quelques réactions coupables. Puis reprenant le dessus il répondit.

-Ca tombe bien je vis ici, je suis le concierge ! Souligna t’il.

-Parfait, allons-y ! Urgea Ernest.

Puppa s’asservit aux pas de son guide. C’était un petit homme d’un mètre soixante et d’une quarantaine d’année, il semblait animé d’une vigueur robuste et d’un  dynamisme marqué par sa démarche rapide. En pénétrant par l’entrée principale, il jeta un coup d’œil vers les piquets de grève qui venaient d’être pris à parti par quelques parents d’élèves excédés par la longueur sans fin de leurs agissements.
Il haussa des épaules, se détourna du spectacle et demanda :

-Il y a un endroit en particulier que vous aimeriez visiter ?

-Oui, le sous-sol !

Puppa remarqua encore une fois un imperceptible sursaut dans la réaction du concierge. Cet infime détail confortait sa certitude qu’il avait tapé à la bonne porte et que l’homme qui se trouvait à ses côtés n’était pas étranger à l’affaire. Puppa avait choisi le sous-sol car il pensait que c’était l’unique endroit où notre mystérieux curé Chambole avait pu laisser dans ses dernières années d’existence, un détail qui corroborerait à ses déductions. 

Ils empruntèrent l’escalier principal.

« Robert, je m’appelle Robert Dardame ! » Précisa le concierge.

Puppa eut une mimique de contentement.

« Voilà mon coupable, merci France Telecom ! » Pensa t’il dans son évidente déduction.

Robert regarda sa montre et souligna :

« D’habitude ici, à cette heure, il y a un vacarme épouvantable! Puis il précisa. C’est l’heure de la récré !

Au contraire, l’école qui devait fourmillée d’activités étaient totalement silencieuse et les pas des deux hommes résonnaient sous ces murs centenaires.

La visite du sous-sol fut rapide, La chaufferie, quelques locaux de rangement, c’était à peu près tout. Pourtant Puppa remarqua une petite porte dérobée que Robert avait fait mine d’ignorer.

-Je voudrais rentrer ici ! Demanda Puppa en pointant de son doigt une petite porte en bois remoulus qui arborait une serrure plus que centenaire.

- Y’a rien là dedans, c’est ma cave et j’n’ai pas ma clef avec moi !

-Allez la chercher ! Ordonna Puppa d’un ton marquant l’inacceptation d’un quelconque refus.

Tête baissée, Robert s’excusa pour un instant et disparut de la vue de l’inspecteur. Puppa se rapprochant de la petite porte colla son nez sur l’orifice de la serrure. Son visage s’illumina d’un rictus victorieux, il en était certain maintenant, l’odeur qu’il reniflait était la preuve que cette cave n’avait pas été remise à neuf. Cette certitude fut rapidement confirmée lorsque Robert, une énorme clef à la main, ouvrit le battant qui céda avec quelques grincements aigus. Une lampe de faible puissance jetait quelques lueurs éparses plus qu’elle n’éclairait. On discernait avec peine un désordre indescriptible. Amoncellement de cartons, de cageots emplis de bouteille, de journaux jaunis.
Une épaisse poussière virevoltait à chacun de leurs pas, remplissant la pièce d’un effluve acre mêlé à celle de moisi.
Puppa remarqua immédiatement une pelle et une pioche encore souillée de terre  qui reposaient adossées à l’un des murs.

« Vous aimez jardiner ? Demanda malicieusement Puppa.

Robert hoqueta avec peine une réponse.

-Euh, pas vraiment !

Puppa saisit la pioche et demanda :

-Je vais l’emmener avec moi si cela ne vous fait rien !

Robert devînt livide.

-Mais. Ma pioche ; Pourquoi faire ?

-Juste pour voir si la terre qui la recouvre ne vient pas de la tombe de CHAMBOLE ! Il marqua le nom du défunt curé en regardant Robert droit dans les yeux. Le pauvre homme faillit défaillir. Malgré la lumière diffuse, Puppa remarqua son regard apeuré et la patine de son front fut brusquement parsemé de nombreuses gouttes de sueurs.

Puis à la surprise de notre inspecteur, l’homme sentant ses fautes découvertes se mit à tout avouer.

-Non, s’il vous plaît ne m’emprisonnez pas, je rendrais tous les documents que j’ai dérobés ! Puis se précipitant vers une petite étagère que Puppa n’avait pas encore remarquée, Robert empoigna une petite liasse de feuillets et la tendit à Puppa.

-Voilà, c’est tout ce que j’ai pris ! »

Retrouvant la clarté du couloir, assis sur un banc qui se trouvait à proximité,  Ernest consulta avec soin  les documents qui étaient maintenant en sa possession. Chacun d’eux lui rappelait un petit bout de l’histoire racontée par le père Trambert.
Robert, debout à ses côtés démontra sans le vouloir l’enthousiasme que lui inspirait cette affaire. Il connaissait tous les feuillets sur le bout des doigts. Celui là était griffonné par Chambole lui-même, décrivait sa rencontre avec Fleming. Cet autre, le désordre qu’il avait trouvé dans la grange et puis ce petit carnet trouvé prêt de l’entrée de la cache au trésor :

« Il a appartenu à mon ancêtre ! Dit-il avec fierté. Mon grand-père m’avait dit qu’il avait disparu sans laisser la moindre trace !

Il semblait avoir mémorisé tous les détails importants de cette étrange histoire.
Ceci amusa Puppa. Il se tourna vers lui et demanda :

« Et alors c’est quoi ce trésor ! De l’or, des bijoux ou peut-être des diamants ?

-Et bien non ! » Répondit Robert penaud. Rien, Je n’ai pas trouvé un mot sur la nature de ce qu’il avait découvert et c’est justement ce que j’ai recherché dans sa tombe. J’espérais y trouver l’indice qu’il me manquait ! Il réfléchit quelques instants et continua. Mais en fait, je crois qu’il a vendu tout ce qu’il avait trouvé et que, peut-être, une partie du trésor restant est encore enfoui sous nos pieds dans une galerie effondrée !

Puppa se leva et regarda Robert droit dans les yeux.

« Ca y est ! Se dit Robert. Je suis bon pour la tôle.

Ernest mit sa main libre dans sa poche.

Robert crut un instant qu’il allait en ressortir une paire de menottes.

Et bien non, une simple pastille de menthe apparut pincée entre ses doigts.

-Vous en voulez une ! »

La gorge de Robert nouée par l’émotion hoqueta un non effarouché.

Puppa tout en suçant sa pastille lui expliqua ses intentions :

« J’ai décidé de ne pas révéler vos forfaits. Pourtant ils sont très graves ! Ajouta t’il en pesant ses mots. Mais je comprends la passion qu’a pu vous susciter un tel mystère. Mon métier d’inspecteur de police me permet de procéder à des investigations pour résoudre ce type d’enquête. Mais je fais ceci. Contrairement à vous. En toute légalité ! Si vous me promettez de vous tenir tranquille et d’arrêter vos agissements douteux, j’oublierai moi-même vos fautes. Puis il posa cette question. On est d’accord ?

-Pas de problème ! Répondit Robert soulagé. De toute façon les restes du trésor sont définitivement perdus !

Puppa ne répondit rien, il aurait pu lui révéler la solution de l’énigme. Mais, il préféra taire ses déductions…

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Le curé Trambert affichait son plus beau sourire.

« Merci inspecteur ! Mais où les avez-vous retrouvés ?

-Si vous êtes d’accord, je préfère ne rien vous dire ! L’homme qui vous a dérobé ces documents et profané une tombe n’est pas vraiment un mauvais bougre mais un passionné par cette histoire, comme vous !

Trambert haussa des sourcils dans une expression d’incompréhension.

Puppa expliqua :

-Oui ! Il est tombé par hasard sur quelques détails de la vie de Chambole et s’est enflammé comme vous pour son mystère !

-Mais comment a t’il su que j’étais en possession de tout un dossier à son sujet ?

-Tien ! C’est vrai ! Je ne lui ai pas demandé ! Il faudra que je lui pose la question ! »

Par le plus étrange des hasards, la réponse lui fut apportée sur l’instant. Quand une dame traversa la pièce où ils se trouvaient et en ressortit en disant :

« M’sieur le curé ! Je reviendrai jeudi !

-Bien madame Dardame, merci ! Répondit le curé, puis, se retournant vers Ernest, il expliqua :

-C’est ma femme de ménage !

Puppa sourit et ajouta :

-Merci madame Dardame ! »

Le curé ne sembla même pas surpris par cette parodie. Il réfléchit à la première proposition de Puppa et lui confirma sa satisfaction d’avoir récupérer ses précieux dossiers. Il ajouta :

« Vous avez raison, je ne veux pas connaître le voleur ! Puis après un court silence, il continua. Mais a t’il découvert une partie du trésor ?

-Non, rien du tout ! »

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Mon histoire s’arrête là !

Pour ne pas offenser votre intelligence, je ne me perdrai pas dans les quelques précisions et déductions insipides qui donnèrent l’évidente vérité à notre cher inspecteur Ernest Puppa. Je pense que le nom de Carlos et les autres petits détails de cette histoire vous ont depuis longtemps permis de comprendre la finalité de l’énigme. 

En conclusion, Puppa décida de ne rien révéler :

« Un mystère ! Pensait t’il. Doit rester un mystère ! »

La vie n’est-elle pas une succession de rêves, de buts à atteindre. Ne pas pouvoir résoudre ou reconnaître l’un d’entre eux ne peut être que profitable aux esprits rêveurs.

Pourtant, avant de clore définitivement cette anale, je dois vous raconter une dernière petite histoire qui s’est déroulée au début du vingtième siècle chez nos voisins anglais.

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 L'épilogue

 

M'sieur  Viagex