L'hiver s'était tranquillement installé sur le pays de
Gex, le froid avait lentement engourdi les esprits les plus actifs. La
neige n'avait pas encore daigné faire son apparition, mais cet oubli
serait certainement bientôt comblé. Trudy, une jolie américaine, armée d'une ponceuse
s'appliquait à marquer une tige métallique d'une trentaine de millimètres
de diamètre, d'arabesques des plus diverses. Dressé rectiligne devant
une cheminée qui diffusait une chaleur excessive, l'objet s'ornait
tranquillement du galbe que la sculpteur voulait lui infliger. Malgré ce travail particulièrement délicat notre
artiste n'avait pas vraiment la tête à son travail, ses pensés
restaient focalisés sur un sujet bien différent. L'image d'Ernest Puppa
agrémentait complètement son esprit. Il n'était pas vraiment beau, un
peu timide, certainement très réservé, mais ce qui l'intéressait chez
lui, c'était son intelligence discrète, sa façon de voir les choses
comme personne ne le pouvait. Etait-elle amoureuse ? Certainement oui.
Pourtant elle paraissait déjà comblée par l'amour. Mariée depuis
maintenant cinq ans à Robert Brake un richissime banquier qui lui
laissait une liberté totale. Il lui avait même fait construire ce
magnifique atelier un peu à l'égard de leur demeure pour lui permettre
l'isolement indispensable à son occupation créative. Elle trompait par
ailleurs régulièrement son mari avec un apollon, un culturiste qui avait
pendant de longues semaines posées pour la composition de ce qu'elle
aimait appeler son oeuvre magistrale. Mais cette vie ne lui plaisait plus, son mari qui la
couvrait de cadeaux, son amant splendide, ne remplissaient plus la fadeur
de la vie. Le besoin d'autre chose, de quelqu'un d'exceptionnel s'était
imposé naturellement à elle. Puppa paraissait le compagnon idéal qui
pourrait lui faire oublier le temps qui passe. Un jet d'étincelles se rua sur le sol. Elle regarda sa
nouvelle création, ses mains avaient accompli avec fidélité
l'impression qu'elle voulait voir se dégager de ce pédoncule de métal. « Comment se débarrasser de ses deux hommes ? »
Se demanda t'elle. Le divorce, la fuite. Aller voir Ernest, lui crier son
amour, le besoin de sa présence à ses côtés. Mais quelle serait sa réaction
? Son rêve n'était certainement pas partagé ! Pourtant elle intéressait Ernest, la blondeur de ses
cheveux, son joli minois, l'éclat de ses propos correspondaient
certainement à son goût du féminin. L'inspecteur Puppa faisait parti du
cercle d'ami de son couple. Il en était de même pour son "musclor"
qui accompagné de sa propre moitié squattaient les nombreuses soirées
que son richissime époux organisaient fréquemment. Son ouvrage était terminé. Planté sur un socle en
bois, l'objet lui suggérait l'absolutisme de sa forme. Elle le regarda fixement. « Tu seras parfait dans ma maison de campagne ! »
Lui susurra t'elle. Etait-ce la présence de cette chose étrange devant ses
yeux ou la chaleur de l'endroit. Le fait est qu'une idée maléfique
combla son être. Un sourire malsain se dessina sur son visage angevin.
Elle repoussa d'un doigt alerte une mèche de cheveux qui s'était
malencontreusement collé sur son front maintenant mouillé de sueur.
Ernest serait prochainement sienne... -------------------------------------------------- Une odeur animale accablait la salle de gymnastique. Léon s'éreintait sur sa machine de torture. Les cent
cinquante kilos d'acier se promenaient au-dessus de sa tête dans un
mouvement de va et vient. Ses muscles puissants se jouaient de cette masse
inerte. Un cri de joie ou bien de douleur jaillit du plus
profond de sa gorge lorsque soudain il lâcha les poids qui s'écrasèrent
sur le sol. Campé devant un immense miroir, il admirait sa
sculpturale musculature. Il lui avait fallu dix ans pour obtenir ce
splendide résultat. L'année dernière l'entraînement intense qu'il s'était
imposé avait porté ses fruits. Un titre de champion d'Europe toute catégorie
avait couronné ses efforts. Sa force hors du commun lui permettait des exploits
physiques incroyables. Il était capable de déchirer un annuaire téléphonique
de ses mains nues et ceci sans le moindre problème. « Tu es parfait mon chéri ! » A ses côtés, Jacqueline, sa femme, qui elle-même
s'adonnait au culturisme, admirait l'imposante prestance de son homme.
Leur rencontre, il l'avait faite au cours d'une compétition qui s'était
déroulé à Lyon. Rapidement, leur passion commune du culturisme les
avait unis pour le meilleur et pour le pire. Depuis cet heureux jour, la
petite salle de fitness de Saint-Genis était comblée de leurs présences
assidues. « J'espère que tu n'as pas oublié notre
invitation à passer ce week-end chez les Brakes ? Jacqueline grimaça légèrement. -Non, bien sûre que non ! » Répondit-elle
l'air absente. En fait, elle ne tenait pas à cette petite visite, elle
connaissait la liaison de son mari avec la jolie Trudy. Bien
entendu, ils formaient un couple libre. "T"as qu'à faire la même
chose!" Lui avait-il dit lors de l'une de leurs disputes. Mais elle
préférait lui rester fidèle. Jacqueline retourna à son entraînement. Séance de
footing sur place ! Elle mit la machine en route et débuta le déroulement
des kilomètres fictifs. Léon continuait, dans le miroir, à considérer ses
poses avec un oeil critique. « Il faut que j'améliore celle ci, si je veux être
parfait ! » Quand tout à coup un cri retentit ! Jacqueline venait
d'accomplir une mauvaise chute et tenait sa cheville qui semblait
terriblement la faire souffrir. Léon la conduisit rapidement chez le médecin. « Rien de bien grave ! Dit-il. Evitez de poser le
pied parterre pendant quelques jours et tout rentrera dans l'ordre! -Tu avertiras les Brakes qu'il ne me sera pas possible
d'aller les voir ! -Ok j'annule le rendez-vous ! -Non, ne te sacrifie par pour moi mon chéri, tu peux y
aller seul. Un peu de repos en compagnie de bons bouquins me fera du bien
! » Léon, tout sourire, n'éprouva aucun mal à être
convaincu. Il adorait les petites fêtes organisées par ses richissimes
amis, il n'avait pas vu Trudy depuis quelques temps et l'idée de leur
prochaine rencontre l'enchantait. -------------------------------------------- « Allez, avance ! » Ernest Puppa houspillait son véhicule qui avait bien du
mal à gravir les pentes de la route de la Faucille. Il allait rejoindre
les Brakes qui l'avait invité pour cette fin de semaine dans leur
magnifique villa qu'ils possédaient au Rousse. Il faisait terriblement
froid, une température largement en dessous de zéro. Il neigeait
faiblement et toute la montagne s'ornait lentement de sa parure couleur
ivoire. Au sommet du Mont-rond, telle une fusée, la tour de télévision
pointait fièrement en direction des cieux. Le tournant de la fontaine Napoléon semblait ne
pas vouloir se terminer. Donnant de grands coups de reins, Ernest aidait
aussi bien qu'il le pouvait sa petite Ford fiesta qui protestait devant ce
mur infranchissable. « Faut qu'je change de véhicule ! A peine quinze
ans et déjà des tas de problèmes! On construit plus aussi costaud
qu'avant ! » Exagéra notre anxieux conducteur. Trudy lui avait passé un coup de fil pour cette
invitation de dernière minute. Sa voix lui avait semblé bien étrange.
Un ton inhabituel, une modulation mielleuse! S'était-il dit. Comme si son
amie voulait lui faire passer un message "ardent» ! Un rendez-vous
galant, s'était l'impression qui lui restait de ce bref appel. Il avait
accepté avec joie, s'était enquis de la santé de Robert. « Il va bien ! » Lui avait-elle répondu,
puis elle avait promptement raccroché sur ce dernier mot,
"Bisous". Puppa fut rapidement rappelé à la réalité
environnante. Son véhicule arrivé au sommet du col, certainement heureux
de son effort, venait d'accomplir une effrayante embardée. « Eh ! Ma vieille, du calme. T'es plus toute
jeune pour faire des choses comme ça ! » La chaussée était devenue glissante, et c'est avec
prudence que notre ami continua son chemin montagneux. Arrivé au Rousse, il ne lui restait plus qu'à trouver
la demeure de ses amis. Son sens de l'orientation incertain lui donna du
fil à retordre. Quelques trente minutes plus tard, incapable de trouver
par ses propres moyens le lieu recherché. Il prit la salutaire décision
de demander son chemin et s'arrêta devant la petite boulangerie qu'il
croisait pour la troisième fois et pénétra dans la boutique. « S'il vous plaît ! Puis Puppa surpris enraya sa
question. Devant lui, la mine réjouie de Trudy le regardait. -Ernest, tu tombes bien, j'achète un pain et tu m'emmènes
à la maison. Trudy le prit par le bras, le serra d'une façon exagérée,
prit sa main dans la sienne et l'escorta à l'extérieur de l'échoppe. Un
gros baisé atterrit sur sa joue. -Je suis si heureuse de te voir ! -Moi aussi! Répondit Ernest dérouté par l'immodération
affectueuse de son amie. » Ils s'engouffrèrent tous deux dans sa voiture. Et Puppa
amusé parcourut en trois petites minutes la courte distance qui les séparait
de l'endroit qu'il croyait impossible à débusquer. La villa était immense. Un grand jardin orné de
quelques sapins encerclait l'endroit. Une énorme cheminée crachait une
fumée blanche qui inondait l'atmosphère glacée d'une succession de
volutes blanchâtres. « Viens Ernest ! » Trudy le précédait de quelques pas. Sa petite valise
accrochée à la main, il la suivait lentement sur le macadam verglacé,
essayant d'éviter une glissade qui pourrait s'avérer douloureuse. Ses
yeux s'étaient portés sur son hôtesse. Malgré l'opulent manteau qui la
recouvrait, il venait de prendre conscience de sa beauté aguichante. Elle
se déplaçait avec légèreté, sa blondeur planant dans un mouvement
ondulatoire irréel. La porte s'ouvrit devant eux. « Bonjour mon ami ! » Robert les bras tendus, le prit par les épaules et lui
témoigna le bonheur de le voir. Ernest était également enchanté de
revoir son copain et s'empressa de le remercier pour l'agréable
invitation. ------------------------------------------- C'est dans le magnifique salon que les trois hommes se
retrouvèrent. Robert et Ernest étaient amis depuis leur plus tendre
enfance. Gex, dans un passé déjà lointain, avait été le berceau de
leurs pleurs, de leurs premiers mots d'enfants, de leur scolarité partagée,
de leurs espiègleries de garnements. « Je ne te présente pas Léon ! Commenta Robert. -Exact, nous nous sommes déjà rencontré à l'une de
tes réceptions ! » Puppa tendit la main au culturiste, qui lui broya les
doigts de sa poigne de sportif. Il régnait en ce lieu une chaleur estivale. Le foyer de
la cheminée où se consumaient quatre énormes bûches diffusait une température
exagérée. Trudy s'était éclipsée quelques instants, histoire de se
faire belle. Les trois hommes confortablement installés dans d'immenses
fauteuils sirotaient un nectar liquoreux, dernière trouvaille que leur hôte
voulait absolument leur faire goûter. -Je ne savais pas que tu possédais une maison dans le
Jura ! Signala Puppa. -En vérité c'est une nouvelle acquisition ! Nous avons
fait cet achat pour nous échapper du stress quotidien. Et mes chers amis,
vous êtes nos tous premiers invités. Quel dommage que votre femme n'est
pas pu se joindre à nous ! Ajouta Robert en direction de Léon. C'est
gentil de votre part de l'avoir abandonné pour nous rendre visite. -C'est un plaisir d'être avec vous. Jacqueline me
demande de l'excuser, mais son handicap passager ne lui aurait pas permis
d'être une invitée bien agréable pour... Léon coupa brutalement sa phrase, son regard déconcerté
pointant dans une direction que tous suivirent. Les trois hommes se levèrent
d'un même trait. Dans le salon venait de pénétrer Trudy, habillée
d'une magnifique robe du soir. Elle resplendissait, d'une beauté que
Puppa n'avait jusqu'à présent jamais soupçonnée. -Tu es ravissante ma chérie ! Les deux invités, le souffle coupé gardèrent un
silence approbateur. Trudy tout sourire se dirigea vers Ernest qu'elle
prit par la main. -Viens voir ma dernière création ! Tel un enfant, notre ami suivit la belle jusqu'au devant
de la cheminée. A quelques centimètres du foyer reposait cette étrange
barre de fer sculptée qui reflétait le larmoiement des flammes. -Je l'ai appelée "Shape memory" ! »
Dit-elle avec son accent New-Yorkais. Puppa n'appréciait pas vraiment l'art moderne. D'une
culture plus classique, il préférait les sculptures plus
conventionnelles. Mais par souci de ne pas blesser l'artiste, il la félicita
en soulignant la majesté des courbes et l'imaginatif intrinsèque qu'un
tel objet pouvait susciter. Elle sembla particulièrement apprécier ce
compliment, ajoutant que son avis était pour elle d'une grande
importance. Bientôt rejoints par son mari et Léon, la visite de la
demeure se poursuivit. Elle fut accompagnée d'onomatopées de ravissement
devant les agencements judicieux et de bons goûts qui parsemaient
l'endroit. La soirée se déroula merveilleusement dans les rires
et la bonne humeur. Puppa remarqua tout de même que Léon semblait
quelque peu contrarié. Et puis il avait toujours cette curieuse impression que
Trudy lui donnait! Etait-ce le Bordeau éclusé à l'excès ? Tard dans la nuit, tous se séparèrent pour retrouver
leurs pénates. Leurs chambrées situées au deuxième étage exprimaient
une quiétude agréable. Un petit couloir menait à chacune d'elles. Ernest était particulièrement fatigué, il rejoignit
rapidement son lit et sombra dans un profond sommeil. ---------------------------------------------- Trois heures du matin. Le silence absolu marquait
l'assoupissement de tous les convives. Pourtant dans le salon, assis confortablement sur le
grand canapé, Robert conversait avec son insomnie. Pour lui cette
incongruité était une habitude navrante. Le poids de ses obligations
professionnelles ainsi qu'une certaine hyper-activité ne lui permettaient
que quelques heures de sommeil. Un grand livre à la main, il semblait plongé
dans l'histoire qui lui était contée. Seul quelques craquements
provenant de la cheminée qu'il avait rechargée troublait la tranquillité
ambiante. Pourtant, il n'était pas seul. Sans un bruit, dans son dos, sur la pointe des pieds,
quelqu'un s'approchait lentement. Ses deux mains pointant vers le plafond
tenaient vigoureusement un gourdin menaçant. Son visage affichait une détermination
terrifiante. Le coup s'abattit, heurtant violemment le crâne de la
victime qui sombra immédiatement dans l'inconscience... -------------------------------------------- Le parfum sucré de la belle comblait ses narines.
Enfin, il avait trouvé l'amour. La femme que tout son être avait
vainement recherchée marchait maintenant gracieusement devant lui. Le
printemps nouvellement arrivé décorait la nature de couleurs chamarrées.
Tous deux avançaient lentement sur un petit chemin délicieusement ombragé.
Ernest la regardait avec un regard exprimant la tendresse de ses
sentiments. Il la trouvait si belle, ses cheveux d'or croulant sur ses épaules,
ses épaules menues soulignant la grâce de toute sa personne. Elle se mit à chanter. Le cœur de Puppa se mit à battre violemment. L'intonation de cette jolie voix lui glaçait les os.
Comment avait-il pu faire cela ? Il n'avait pas le droit. Mais ce n'était
peut être pas elle. Il lui fallait une confirmation, une négation de sa
faute! Dans un langage que seul il pouvait comprendre. Il la
pria de se retourner, de lui affirmer que ce n'était pas elle, qu'il y
avait une erreur. Qu'il n'avait aucunement trahi son ami ! Puis, comme dans un film au ralenti, elle pivota pour
lui faire face. Il blêmit. « Non ! Comment avons-nous pu ? » --------------------------------------------- « Ernest ! Tu dors. Couvert de sueur, prêt de la suffocation, Puppa ouvrit
largement sa bouche. Ses yeux écarquillés ne comprenaient pas la
situation. Assis au milieu d'un lit qu'il ne reconnaissait pas il fixait
étrangement la silhouette de Trudy qui se dessinait devant lui. -Je t'ai réveillé, excuses-moi ! » La jolie personne, habillée d'une chemise de nuit qui
esquissait discrètement ses formes, se rapprocha de lui. « Je ne peux pas dormir et... Et il fallait que je
te parle. Reprenant enfin ses esprits, Ernest jeta un rapide coup
d'œil à sa montre qui marquait trois heures quinze. -Mais tu as vu l'heure ? Dans ma chambre ! Ton mari va
croire des choses ! -Non, Ernest, il est insomniaque et il doit comme à
l'accoutumé lire dans le salon! Moi non plus je ne pouvais pas dormir
et... Elle semblait gênée par les confidences qu'elle apprêtait
à révéler. Après une brève pause. Se rapprochant de Puppa qui
toujours dans son lit ne comprenait pas vraiment la situation, elle
continua. -Il faut que je t'avoue quelque chose qui me tourmente
depuis très longtemps. J'aime mon mari, enfin, un peu je crois. Pourtant
j'ai un amant, le fort à bras qui à passé la soirée avec nous. Puppa eut l'air très surpris. Elle enchaîna. -C'est amant, j'en ai par-dessus la tête. Pour moi ce
n'était qu'un "divertissement", une façon de combler ma vie et
mon ennuie durant les absences que le travail de Robert m'infligeait. Mais
cet homme s'est attaché à moi, il est même devenu jaloux de mon époux,
me confiant récemment qu'il faudrait le faire disparaître. -As-tu parlé de cela à Robert ? -Bien sûre que non, de plus il le considère comme un
vrai ami. Il l'a lui-même invité pour la petite réunion de ce week-end! Puppa qui était maintenant totalement réveillé réfléchit
quelques instants sur l'étrangeté de la situation. -Et tu veux que j'intervienne auprès de Robert ? » -Je ne sais pas. Je me sens perdue, désorientée. Une
impression de vide s'est dessinée autour de moi. Robert, je crois, ne
m'aime plus, où du moins ne me porte plus l'attention minimum. Il vit
avec son travail, ses habitudes, les nombreuses réceptions que nous
organisons ne sont là que pour combler notre cassure... Ernest ne se serait jamais douté de ce problème. Pour
lui Trudy et son ami Robert formaient un couple idéal, parfaitement uni.
Il garda un silence qui démontrait la stupéfaction qui le submergeait.
Puis Trudy le regarda dans les yeux, d'un regard qui le fit chavirer. Son
rêve revint brutalement à son esprit. C'était elle qui l'accompagnait
dans ce délire nocturne... « Ernest, je suis amoureuse de toi ! » Rêvait-il encore, il se pinça la cuisse. La douleur générée
ne permettait aucun doute de la réalité de la situation. Elle s'avança
encore un peu plus prêt de lui, elle voulait l'embrasser. Il fournit un
immense effort pour ne pas accéder à son attirance et usant d'une
prestesse dont il ne se serait jamais senti capable, il sauta de son lit. « Mais Trudy, que se passe t'il. Je ne... » Elle fondit en larmes et s'écroula sur le lit.
Ernest ne savait que faire, son inexpérience de la gent féminine, sa
timidité ne lui offraient aucune solution. Il n'osait pas aller la réconforter,
la toucher, il n'était qu'un homme après tout. Il voulait éviter tous
contacts physiques pensant que dans ce cas, ses pulsions ne pourraient
certainement pas être maîtrisées. Il resta donc à bonne distance de sa
surprenante passionnée et formula quelques propos moralisateurs : « Je ne comprends pas, nous avons toujours été
amis... Je t'aime également... Mais comme une amie... Et puis ton mari
est mon meilleur copain... Il est tellement mieux que moi... Vous allez si
bien ensemble... Les mots adéquats ne voulaient aucunement sortir
de sa bouche et ses paroles ne lui paraissaient qu'insipides. Trudy doucement se releva, regarda Ernest tristement. -Excuses-moi Ernest, mais ! De grosses larmes glissaient
sur ses joues. Mais, je ne pouvais plus garder ces sentiments pour moi. Puppa s'installa sur le fauteuil qui occupait un coin de
la pièce. Il regarda son admiratrice avec application, alors qu'elle
continuait son monologue. Il la trouvait diablement belle. Même sa
tristesse ne parvenait pas à l'enlaidir. Il repensa à son rêve, était-il
prémonitoire ? -Il faut que tu retournes dans ta chambre, ta présence
avec moi ici n'est pas convenable. Robert ne mérite aucune traîtrise ! » Elle ne répondit pas, fixant de son regard le sol
recouvert d'un plancher de chêne. Brusquement elle se redressa et
s'enfuit en lâchant un dernier sanglot. Seul dans sa chambre. Ernest retourna se coucher. Le
sommeil eut beaucoup de mal à le rattraper, une confusion intense
bousculait son esprit. Quatre coups retentirent à l'horloge de la maisonnée.
Ereinté, Puppa finit par s'endormir. ---------------------------------------------- « Ernest ! » Une main décidée, secouait vivement notre inspecteur.
Difficilement, il écarta ses paupières et perçant le brouillard de son
esprit, il entrevit son collègue l'inspecteur Purbon. « Non ! Ce rêve était définitivement trop
absurde. -Vas-t'en ! Maugréa t'il. -Ernest réveille toi, ton copain a été assassiné ! -Qu'est ce que tu fais là! Qu'est ce que tu racontes!
Les yeux écarquillés, Puppa ne comprenait pas les propos de son collègue. -Oui, cette nuit, on l'a frappé à la tête, puis étranglé
! -Comment, quand ? -Cette nuit! T'as entendu quelque chose ? En pyjama, Ernest suivit son collègue qui lui expliqua
que la femme de ménage l'avait trouvé mort une barre de fer entourée
autour de sa gorge. -C'est quelqu'un qui est dans la maison ! Précisa t'il.
Car excepté les traces de pas fait par la bonne, il n'y en a aucune autre
autour de la propriété et le gars qu'à fait ça doit être bigrement
costaud! » Précisa t'il. Ernest arriva dans le salon. La fenêtre y était grande
ouverte et un froid désagréable lui glaça les os. Trudy, immédiatement,
se jeta dans ses bras. « On l'a tué ! » Puppa ne réussit pas à retenir ses larmes. Ils restèrent ainsi, tous deux enlacés pendant de
longues minutes. Retrouvant sa composition d'une manière étonnante, il
repoussa gentiment Trudy. Effaçant ses larmes d'un revers de la main, il
se dirigea auprès de la victime. Son pauvre ami se tenait la tête renversée en arrière,
son cou étroitement enserré par une pièce en fer. « Mais c'est la sculpture de Trudy ! Remarqua
t'il. Donnes-moi deux chiffons ! » Demanda t'il à son collègue
policier. Il entoura les deux extrémités de l'objet du délit et
tirant de toutes ses forces essaya de le détortillé de la gorge de
Robert. Mais malgré tous ces efforts le métal ne se déforma pas d'un
pouce. Seul un être d'une force peu commune avait pu faire ça. A cet
instant, en débardeur, Léon pénétra dans la pièce... ---------------------------------------- Quelques courtes secondes furent nécessaires pour que
Purbon enserre les poignets du culturiste. « Vous êtes en état d'arrestation ! »
Dit-il d'une voix grave. Puppa, se retourna graduellement. Fixant bizarrement
chaque personnage que son champ de vision rencontrait. La pauvre femme de ménage prostrée qui regardait dans
le vide. La belle Trudy qui singulièrement lui fit battre le cœur,
puis Purbon et un officier de gendarmerie qui sévèrement retenaient le
coupable. Enfin Léon qui ayant l'air de ne rien comprendre clamait son
innocence. Comme à l'habitude Puppa se rendit compte de
l'inexactitude de la conclusion de son confrère ! Un détail d'une
importance capitale s'affichait dans son esprit. Pourtant lui-même ne
pouvait pas y croire. Comment avait t'elle eu le courage de perpétrer cet
acte immonde ! Il la savait d'une intelligence hors du commun, mais son scénario
lui semblait tout simplement diabolique. Purbon connaissant parfaitement Ernest, il remarqua ses
interrogations silencieuses. « Ne me dit pas que je me suis trompé ? Susurra
t’il entre ses lèvres Suivant un profond soupire, il répondit. -Je suis certain que ce n'est pas lui le coupable ! » ---------------------------------------------- Ernest, comme à son habitude, n’ajouta pas un mot.
Tristement il s’éloigna du chevet de son ami et sortit de la pièce. « Où vas-tu ! » S’exclama Purbon. Seul le silence répondit à son interrogation. Pour la solution de cette énigme cliquez ici
|