Elle ressemble à Marilyn
Il
poussa les deux persiennes qui claquèrent violemment sur le mur. Le
soleil s'engouffra dans la petite chambre et les rumeurs matinales égayèrent
la pièce. Ernest Puppa, venait de se lever. Le marché du samedi matin
emplissait déjà la rue des Terreaux. Les marchands, à grands bruits,
peu inquiets du sommeil des habitants du quartier, installaient leurs échoppes.
Au loin, le Mont Blanc élevait sa majesté au milieu d'un ciel bleu azur. Habitué
au spectacle féerique des Alpes, notre inspecteur ne prêta guère
d'attention à ce paysage de rêve. Il jeta un méchant coup d’œil aux
commerçants qui étalaient leurs marchandises et se retourna en
maugréant. -Ils
pourraient faire moins de bruit
ceux là! Sur
le mur de sa piaule on pouvait voir une immense affiche de cinéma où
l'actrice de ses songes retenait sa jupe rebelle. Un grand titre barrait
le poster, "Sept ans de réflexion". Les
quelques mètres qui le séparaient de sa cuisine furent parcourus d'un
pas mal assuré. Il s'étira plusieurs fois en baillant et se décida
enfin à préparer son café. C'était la seule boisson qui lui permettait
de remettre sa carcasse endormie en état de marche. Tout
en déjeunant, il griffonna sur un bout de papier la liste des quelques
victuailles qui lui semblaient nécessaires. Sa toilette rapidement bâclée,
il descendit quatre à quatre les marches qui le menaient directement sur
le lieu de ses achats. De nombreux étalages s'offraient à sa vue. Ernest
avait pris l'habitude d'acheter ses fruits et légumes chez l'ami Albert,
un commerçant baroudeur avec qui il avait depuis longtemps sympathisé. -Salut
mon pote! Dit-il. -Eh
Ernest, comment vas! De
nombreuses personnes attendaient déjà leur
tour, et notre inspecteur se retrouva dans la file d'attente à côté
de madame Pichonneau, une bavarde de première qu'il n'appréciait guère. -Bonjour
inspecteur! Dit-elle, il faut que je vous raconte ce que j'ai vu dans la
rue du commerce la nuit dernière! Puppa,
lui adressa un bref salut, mais ne prêta aucune attention à ses
bavardages insipides. Par contre, sa gorge se noua. Au loin, bras dessus,
bras dessous, monsieur et madame Périque arrivaient dans sa direction. Voyant
que Puppa n'écoutait pas ses propos, madame la concierge regarda également
en direction du couple. -On
peut dire qu'ils sont amoureux ces deux là! Notre
ami acquiesça de la tête. Les
jeunes mariés s'arrêtèrent justement à côté d'Ernest, ils le saluèrent
gentiment. Monsieur Périque en lui serrant la main et madame avec son
plus joli sourire. Puppa dût faire un terrible effort pour ne pas rougir
au sourire de la belle. En effet, cette jolie personne ressemblait à
Marilyn Monroe, l'actrice que Puppa adorait depuis sa plus tendre enfance.
Tout en elle lui rappelait cette actrice de légende. La blondeur de ses
cheveux, son regard d'ange, sa silhouette qu'il estimait parfaite. Il
se racla donc plusieurs fois la gorge, question de reprendre sa
composition et osa quelques mots en direction de cette jolie femme et de
son mari. -Quel
temps magnifique, on est vraiment entré de plein pied dans la période
estivale! Ne
se connaissant que très superficiellement, la conversation s'estompa
rapidement d'autant qu'Albert appela son ami. -Ernest
que puis-je
faire pour toi? Il
emplit son panier de cerises, persil, pommes de terre nouvelles et d'une
grosse salade, salua tout le monde et continua son chemin pour achever ses
achats. Ces emplettes terminées, notre inspecteur de police réintégra
son domaine. Il se sentait triste et un peu seul, sa rencontre avec les Périque
ou du moins avec madame Périque, l'avait un peu attristé. Il s'installa
devant sa télévision, mit son magnétoscope en route et retrouva l'objet
de ses désirs. Le film qu'il contemplait pour la centième fois se
nommait "Les hommes préfèrent les blondes". --------------------------------------------------- Présentement,
l'été battait son plein. ---------------------------------------------- -Élise,
ma chérie, attends-moi! ------------------------------------------- L'automne
avait apporté ces magnifiques couleurs que Puppa appréciait tant. La
foule habituelle se pressait devant l'étal de son ami Albert. Madame
Pichonneau, activait sa langue de vipère, et calomniait toutes les
personnes qui avaient le malheur de passer à la portée de son regard. -Tient,
les Périque
! Ils n'ont plus l'air d'être amoureux comme avant! Effectivement,
madame Périque exposait son charme avançant souriante sur la chaussée
et quelques mètres derrière elle, son mari méconnaissable la
suivait avec peine. -Il
parait que depuis son incident cardiaque, il est affublé d'un Pacemaker
et que la belle dame apprécie beaucoup moins son homme qui n'est plus
aussi performant qu'avant ! Dit-elle méchamment en ricanant. -Quelle
commère! Pensa notre inspecteur. Malgré
tout, en regardant passer le couple, il comprit qu'une réelle cassure séparait
maintenant ce ménage. La splendide épouse ne prêtait guère d'attention
à son mec. Elle le laissait derrière, comme honteuse de ne plus posséder
un compagnon digne d'elle. Une étrange sensation de soulagement envahit
l'esprit de Puppa. Cette femme qu'il avait jusque là divinisée,
avait par son attitude, comme perdue son aura. -Comment
peut-on délaisser aussi rapidement un être aimé, elle ferait mieux de
l'épauler dans ces instants difficiles! Rumina-t-il. Arrivé
chez lui, notre ami l'inspecteur jeta un regard sur l'immeuble d'en face.
Quelque chose attira son attention. Une équipe d'ouvriers, s'activait sur
le toit. Il se souvint alors de l'article du Gessien qui mentionnait ces
travaux. Une compagnie de téléphones portables avait reçu
l'autorisation de construire une antenne relais pour permettre de mieux
arroser la région. Un homme à la stature virile et élégante dispensait
ses ordres... ---------------------------------------------------- -Bonjour
madame! -Bonjour!
Madame
Périque venait précisément d'apercevoir ce charmant jeune homme qui
venait de sortir d'une porte qu'elle avait toujours vue fermée. Elle le
regarda de la tête aux pieds, appréciant sa carrure d'athlète. -On
se connaît? Demanda-t-elle. -Je
me présente Luc Granger. Je suis le technicien en charge de surveiller
l'antenne que l'on a installée sur votre toit ! Il
était tout sourire et son regard ne cachait pas le plaisir qu'il avait à
regarder cette jolie dame. Elise semblait également sous le charme de cet
adonis. -Et
vous habitez dans l'immeuble? -Non,
on m'a réservé ce local ! Dit-il montrant du doigt la porte entrebâillée.
Ceci pour contrôler le bon fonctionnement de notre émetteur ! Vous
voulez visiter? Ajouta-t-il. A
la surprise de Luc, madame Périque accepta l'invitation et le suivit dans
le petit local exigu. De nombreux appareils arboraient de multitudes de
petites ampoules qui clignotaient de façon hiératique. Un oscilloscope décrivait
des arabesques des plus réussis, et sur le côté une imprimante déroulait
lentement ses informations. -J'ai
une petite télécommande qui peut surveiller tout cela à distance.
Puissance, direction, rapport de fonctionnement. C'est vraiment génial ajouta-t-il
l'air ravi. Ravi,
il n'était pas le seul. Élise le regardait avec des yeux gourmands, elle
ferma la porte d'un petit coup de pied alerte et se jeta dans ses bras, le
gratifiant d'un baiser torride. Luc d'abord surpris par la soudaineté de
l'étreinte, ne se fit pas prier pour prolonger les ébats. Les
surprenants amants se séparèrent trente minutes plus tard. Un dernier
regard échangé, La jolie impudique suggéra à notre heureux personnage
de recommencer rapidement ce type d'exercice. -------------------------------------------- -Votre
appartement est magnifique ! Luc
regardait avec ravissement les meubles en bois précieux et les charmants
bibelots qui étaient disposés d'une façon délicate et mis en valeur
avec le meilleur goût. Monsieur Périque observait le jeune homme avec
intérêt. Il avait fait sa connaissance il y a quelques semaines de cela
et tout de suite ils avaient sympathisé. La force qui émanait de son
nouvel ami lui avait redonné l'envie
de vivre et de se battre contre cette maladie qui l'handicapait. Sa femme
lui avait suggéré de l'inviter
pour boire l'apéritif. En cette fin d'après midi, les deux hommes s'étaient
retrouvés, discutant des difficultés de la vie. Madame avait préféré
les laisser seuls. Entre hommes. -Ma
femme ne m'aime plus comme avant, mon attaque cardiaque m'a terriblement
diminué ! Se confia-t-il. -Tu
crois! Luc prit un air étonné. -Je
suspecte qu'elle a un amant et reste avec moi uniquement pour mon argent. -Tu
te fais des idées, elle semble très sérieuse et attentionnée. Monsieur
Périque haussa des épaules et continua. -Tu
as peut-être raison. Mais j'ai tout de même de grands doutes de sa fidélité,
et cela m'angoisse profondément! -Parlons
d'autres choses! Suggéra Luc. Connais-tu la technique qui permet le
fonctionnement de nos petits téléphones? -Non,
pas vraiment ! -Et
bien viens avec moi sur le toit, je vais tout t'expliquer... Monsieur
Périque trouva l'idée excellente, cela lui changerait les idées. Nos
deux acolytes se retrouvèrent rapidement sur le toit. Luc expliquait,
s'aidant de grands gestes, tous les détails animant cette grande tour métallique.
Écoutant les explications de ce professeur improvisé, Monsieur Périque
ne réalisait pas qu'il était observé. Et
oui ! L’inspecteur Puppa armé de ses jumelles et qui voulait jeter un
petit coup d'œil sur le Mont Blanc qui rougissait sous le soleil couchant
était tombé sur la conversation des deux copains. Le fort grossissement
de son optique lui permettait de distinguer les expressions qui se
dessinaient sur le visage des deux acolytes. -Je
me demande bien ce qu'ils peuvent se raconter? Réfléchit Ernest. Une
étrange scène se déroula alors très rapidement devant ses yeux ébahis.
Monsieur
Périque, tête levée vers le ciel observait attentivement le sommet de
l'antenne. Le faciès de Luc qui avait jusqu'à présent exhalé de
la véhémence, soudainement se figea. Subitement il se désintéressa de
son ami, fit lentement un tour sur lui-même, regarda vers les Alpes, mit
ses deux mains dans ses poches... Brusquement,
derrière lui, monsieur Périque s'effondra sur le sol. Quelques instants
plus tard. Lentement. Luc se retourna, jeta un rapide regard qui
semblait peu concerné sur son ami terrassé et se dirigea tranquillement
vers les escaliers de service. Quelques minutes plus tard, la sirène
d'une ambulance résonna dans la rue. Les infirmiers rapidement sur les
lieux, firent un triste signe de la tête à l'intention de Madame Périque.
Elle se mit à pleurer à chaudes larmes. Luc la tenait par l'épaule et
essayait de son mieux de la consoler. Puppa
effaré se demandait si la scène qui s'était déroulée devant lui était
bien réelle. Il referma sa fenêtre, se coucha sur son lit et s'assoupit. --------------------------------------------- Puppa
s'ennuyait ferme ce matin, l'évènement de la semaine dernière, il
l'avait déjà oublié. Pour lui ce n'était resté qu'un drôle de rêve
qui l'avait réveillé au beau milieu de la nuit. Il s'était retrouvé
assis sur son plumard, tout habillé, se demandant ce qu'il lui avait bien
pris de dormir avec ses fringues. Deux
gendarmes pénétrèrent dans le commissariat. -Triste
cet enterrement ! Dit l'un. -Oui,
cette madame Périque semblait vraiment effondrée. Puppa
tendit l'oreille à l'audition du nom prononcé. -Vous
avez bien dit Madame Périque? -Oui,
son mari est décédé, il y a sept jours de cela, foudroyé par une crise
cardiaque. Une autopsie a été faite mais on n'a rien trouvé, même son
pace maker délivrait toujours ses impulsions, son cœur était trop usé!
Il est mort sur le toit de son immeuble au côté de son ami qui n'a rien
pu faire. L'inspecteur
avait blêmi, il n'avait donc pas rêvé la scène de son cauchemar.
Perplexe il continua sa journée. Cet étrange sentiment qui l'habitait
chaque fois qu'il était à l'orée de démasquer un crime s'était ancré
en lui. Le soir il rentra chez lui noyé dans ses pensées.
Dans la rue il croisa madame Pichonneau à laquelle il ne desservit même
pas d'un salut. -Quel
impoli celui là! S’offusqua-t-elle. Arrivé
dans sa chambre, il regarda en direction du lieu du décès. -Cette
mort me semble bien suspecte! Grommela-t-il. Il
se remémora donc la scène qu'il avait considérée comme un mauvais rêve,
essayant de comprendre tous les détails qu'il avait observés. Mais rien
d'évident n'apparaissait dans son esprit, qui, de plus en plus torturé
par la nécessité de comprendre, surchauffait tel un moteur mal huilé.
Mais comme toujours, l'étincelle de génie s'entremêla à sa réflexion. -Pourquoi
n'y avais-je pas songé plus tôt ! C'était si simple, sans trace, un
crime qui aurait pu être parfait. Mais malheureusement pour vous mes
tourtereaux, votre idylle arrive à sa fin... -------------------------------------------- Puppa
avait parfaitement compris la technique du crime, mais comment prouver un
meurtre si brillamment préparé. La complicité de son ami l'inspecteur
Hector Purbon lui était nécessaire. Il se retrouva, le matin arrivé,
dans le bureau de son collègue. -Hector,
je suis certain de pouvoir démontrer que la mort de Monsieur Périque
n'est pas naturelle! Son
ami le regarda avec de grands yeux étonnés. -Mais,
de quoi parles-tu, il est mort à la suite d'un arrêt cardiaque! Puppa
dont l'excitation accédait à son comble, se planta devant Hector, le
regarda droit dans les yeux et dit : -S'il te plait, écoute-moi attentivement, voici ce qu'il s'est passé... Pour la solution de cette énigme cliquez ici
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